alternative éducative : une école différente
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Et si nous reparlions de l'école ?
 par Bruno Mattéi

Bruno Mattéi est professeur de philosophie à l'institut universitaire de formation des maîtres (iufm) de Lille.

Depuis une bonne dizaine d'années, nous sentons bien que le système scolaire ne répond pas, ou très mal, aux défis qu'il doit affronter.
Défi de la démocratisation d'abord : différentes enquêtes publiées ces trois dernières années font apparaître de façon convergente que, non seulement les inégalités scolaires n'ont pas régressé, mais qu'elles se sont aggravées concernant les enfants les plus pauvres.
Défi du "vivre ensemble" à l'école, sur fond de violences et d'incivilités grandissantes, symptômes à tout le moins d'un désarroi, voire d'une impuissance de la relation éducative.
Défi d'une culture scolaire commune qui parvient d'autant moins à se définir et à faire sens que l'esprit le plus libéral souffle maintenant à peu près partout dans l'école et transforme au fil des années le service public d'éducation en une aimable fiction.
Défi, enfin, d'avoir à renouveler en dix ans près de la moitié du corps enseignant quand la formation dans les IUFM n'est pas en mesure, ou si peu, de répondre aux enjeux du métier, ainsi qu'en témoignent l'inquiétude et le mécontentement grandissant des étudiants en formation.
Aujourd'hui, les bas bruits et les vives souffrances d'un mal-être d'enseigner comme d'aller à l'école deviennent hautement perceptibles, tout au long du parcours scolaire.

 Le sentiment s'installe que "la réforme" n'a plus de démocratique que la rhétorique et l'intention, tant elle a révélé son peu de prise sur la réalité des problèmes et leurs causes profondes.
Une enquête parlementaire récente s'est bien penchée sur les prisons, et les enfants, eux, que l'on sache, sont toujours présumés innocents. Craindrait-on d'avoir à regarder en face la part d'inhumanité du système éducatif ? Il y a un an et demi, le gouvernement annonçait la tenue de soixante forums et débats citoyens dans toute la France sur la question des OGM : les 12 millions de jeunes pousses et leurs tuteurs qui fréquentent les écoles mériteraient-ils moins de sollicitude que des plants de maïs ?
Il est vrai qu'il se trouve à l'occasion quelques représentants de la classe politique pour s'étonner du peu de zèle à débattre publiquement de l'école : "Les parlementaires ne s'intéressent à l'éducation que pendant 2 h 30 par an, à l'occasion du budget national", remarquait récemment un député en soulignant que le dernier débat législatif sur l'éducation remontait à la loi de l'orientation de 1989... juste avant la décennie où tous les signes de la dégradation actuelle allaient devenir visibles.
Certes, en tendant bien l'oreille, on entend depuis peu tel ou tel parti politique susurrer quelques réflexions sur les questions de l'école, voire afficher l'intention d'ouvrir le débat à la faveur à la campagne présidentielle. Mais il est probable qu'il n'en sera rien pour deux raisons au moins :
- Un vrai débat politique ferait apparaître ce que les uns et les autres n'ont probablement pas envie de donner à entendre publiquement ; : ils n'ont pour l'instant pas grand-chose à dire, peu de réflexions et d'analyses globales, et en conséquence de propositions à hauteur des enjeux.
- Depuis le début des années 1980, les thèmes qui appartenaient à la droite ont été annexés par la gauche, et réciproquement.

Tout se passe comme si un pseudo-consensus un peu lâche et un pragmatisme à la petite semaine étaient préférables aux questions fondamentales qu'il faudrait nécessairement se poser alors. Qu'en est-il des missions de l'école, qui sont aujourd'hui si confuses, si peu cohérentes, voire contradictoires ? Et de la fameuse "égalité des chances", vieux mythe républicain au nom duquel s'avancent toutes les politiques de réforme, mais qui s'est aujourd'hui totalement recyclé dans l'idéologie libérale ?

Il appartiendrait à la société civile tout entière, du moins déjà à ses forces vives et conscientes, de s'emparer du débat sur l'école. Elle affirmerait qu'elle peut constituer une force déterminante et légitime pour infléchir et réorienter la décision politique. Mais l'observation de ce qui se passe dans ses différentes strates, enseignantes, associatives, pédagogiques ou syndicales, ne porte guère à l'optimisme. Certes, les unes et les autres dans leur diversité ne manquent pas de revendiquer, à l'occasion de colloques ou de rassemblements, un "grand débat national". Mais toutes les bonnes intentions sont restées pour l'heure sans lendemain. Elles témoignent de la difficulté politique de créer dans ce pays des espaces publics de débat et, concernant l'école, de sortir de la dépendance historique et culturelle par rapport à l'Etat éducateur.

Le problème que pose l'école et sa crise actuelle n'est pas de nature différente de celui qui est posé par une société en panne d'éthique et d'un projet "de civilisation de sa démocratie" (Edgar Morin). Péguy le disait déjà il y a tout juste un siècle : "Les crises de l'enseignement sont des crises de civilisation... mais quand une société ne peut pas s'enseigner, c'est qu'elle a honte, c'est qu'elle a peur de s'enseigner elle-même ; une société qui ne s'enseigne pas c'est une société qui ne s'aime pas, qui ne s'estime pas, et c'est précisément le cas de la société moderne." Sauf qu'il est peut-être même à redouter aujourd'hui que celle-ci n'ait même plus honte !
 

LE MONDE - 14.02.02
 


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