Quotidienne
De la misère en milieu étudiant mercredi 03 novembre 2004 - Libération - Pierre MARCELLE IL y eut, voici moins de six semaines, la découverte de ce spécimen qui nous sidéra : l'étudiant SDF, s'hébergeant comme il peut et plutôt mal que bien de foyer Sonacotra en centre Emmaüs (voir Libération du 22 septembre). Pas des milliers, non, mais déjà plusieurs centaines, à la fortune du pot de cette «mobilité» que le Medef et ses agents communicants tentent à toute force de nous rendre «sympa» : «sympas», la colocation des clapiers, les petits boulots déqualifiés-disqualifiants, les amphis-baraques de chantier, et «sympa», la précarité inscrite, en code-barres plutôt qu'en lettre écarlate, au front de toute une génération... Et soudain, tout frais de la semaine dernière, dans la même jungle, la mise au jour de la sous-espèce étudiant affamé ou «étudiant ventre vide», du nom qu'ont donné le Secours populaire et la Fage (Fédération des assemblées générales étudiantes) à leur opération de collecte de tickets restaurant. A l'origine de leur caritative initiative, le constat effarant que, dans un des pays les plus riches du monde (ne cherchez pas, c'est ici...) et selon des chiffres impeccablement officiels, sur quelque 2 millions d'étudiants, 107 000 sont «en situation de précarité», et 22 600 «en situation de pauvreté grave et durable». Entendre, dans cette bureaucratique expression,
que c'est tous les jours que plus de 20 000 gosses ne bouffent pas à
leur faim. Deuxième du nom, l'opération «Danger,
étudiant ventre vide» a du pain, si j'ose dire, sur la
planche, et du souci à se faire : l'an passé, en quinze jours,
elle n'avait récolté en tout et pour tout que 3 000 tickets.
Gageons que le discours public ne l'aidera pas. Le discours public, quand
il se penche sur l'étudiant, est plus enclin à déplorer,
sur le mode à la mode du scrogneugneu-tout fout le camp, l'analphabétisme
supposé de sa peu studieuse jeunesse ; c'est le syndrome, banalement
vieux con réac', du Pensionnat de Chavagnes, dont les gras producteurs
ne manquent pas d'appétit. Pour eux, l'appétit, ça
va.
Les étudiants obligés de travailler le font au détriment de leurs études 09/11/04 - Les étudiants obligés de travailler régulièrement pour financer leurs études le font au détriment de leur réussite universitaire, selon un rapport présenté mardi à la presse par l'Observatoire de la vie étudiante (OVE). Selon cette enquête triennale (portant sur les chiffres 2003), près de la moitié des étudiants (49%) exercent une activité salariée d'une durée et d'une intensité variables, parfois pour améliorer leur confort de vie, parfois pour subsister. Pour 7% d'entre eux, il s'agit de stages intégrés aux études mais pour 43%, ce sont des activités "concurrentes" à leur formation. De plus, pour 7% de ces étudiants (quelque 100.000 jeunes), le travail qu'ils exercent constitue plus d'un mi-temps et dure au moins pendant six mois de l'année. Ces étudiants sont pénalisés à plusieurs titres, souligne l'OVE. Leur taux de réussite aux examens est de 30% inférieur à celui de ceux qui ne travaillent pas. De plus, non seulement leur parcours universitaire est perturbé mais certaines filières, parmi les mieux considérées, leur sont fermées car incompatibles avec un long travail extérieur, comme médecine ou les Grandes écoles. L'OVE fait en effet remarquer que les élèves des classes prépa sont soumis à soixante heures d'étude par semaine (le double d'une formation universitaire). L'OVE, qui réalise de telles enquêtes triennales depuis 1994, signale toutefois que les chiffres ont très peu varié en dix ans. |