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Mylène Sauloy, l'amie des Tchétchènes 

Le Monde - 21.09.04

La documentariste française se rend souvent dans cette République du Caucase ravagée par six ans de guerre. Séduite par ce pays, elle en a rapporté des vidéos qui disent la terrible répression infligée par les Russes. 

Réalisatrice de documentaires, Mylène Sauloy se rend souvent en Tchétchénie, cette petite république caucasienne ravagée par six ans de guerre, mais se défend d'aller "à la chasse aux images". "J'ai l'impression d'y aller pour voir mes amis plutôt que pour tourner des sujets, raconte-t-elle. 
Comment vont-ils ? Est-ce que le petit dernier est né ? Comment s'organisent-ils dans ces conditions infra-humaines ? Leur sort m'obsède. A une époque, j'y allais tous les trois mois."

Chacun de ses périples est clandestin. Comment faire autrement ? Les autorités russes ont interdit aux journalistes de se rendre en Tchétchénie, sinon avec une autorisation du Kremlin et dans les fourgons des "fédéraux". "Il y a très peu d'images de là-bas. Et si les télés n'y vont pas, ce n'est pas un hasard, c'est parce que c'est vraiment dangereux", explique-t-elle.
En 1999, au moment du déclenchement de la guerre et malgré le déluge de feu sur les villes et les montagnes tchétchènes, de nombreux reporters de guerre avaient afflué. Cinq ans plus tard, le huis clos est total. Les bombardements intensifs ont cessé mais les arrestations, les tortures, les disparitions et les viols sont le lot commun des Tchétchènes, prisonniers de ce goulag à ciel ouvert quadrillé par 100 000 soldats russes.

"Dans cette guerre, les médias se sont montrés incapables de défendre les droits des acteurs de l'information, déplore-t-elle. Le droit d'informer, c'est bien sûr le droit de circuler librement pour le journaliste, mais c'est aussi le droit à la parole pour toutes les parties. Or les Tchétchènes n'ont pas le droit de s'exprimer."
Comment cette réalisatrice indépendante fait-elle pour passer les contrôles, éviter les patrouilles, filmer, ramener les bandes sans se faire prendre ? "A chacun sa recette", répond-elle. A la mi-août 2004, alors qu'elle tourne quelques images dans Grozny, elle est arrêtée et emmenée au poste, ses cassettes sont confisquées. Elle a tout juste le temps de cacher sur elle la vidéo contenant l'essentiel des images : elle laisse la police tchétchène s'emparer de bandes presque vierges.
"Je les ai baratinés comme j'ai pu, une fois de plus je suis passée entre les gouttes, raconte-t-elle. Evidemment c'est plus compliqué pour la cassette que pour le crayon." Ne comptez pas sur elle pour s'épancher, raconter comment elle se déguise en femme tchétchène, foulard et jupe longue, pour franchir les contrôles : "Ce sont les Tchétchènes qui prennent des risques, pas moi." Et toujours cette idée fixe : "Je me sens responsable de ceux que je filme. Sans cesse, je me demande si cela vaut le coup de les faire parler, sachant ce qu'ils encourent, eux et leurs proches."

Depuis près de dix ans qu'elle arpente la région, elle a multiplié les contacts. A l'automne 2000, elle passe un mois dans un immeuble dévasté de Grozny, la capitale - cette ville qui comptait 350 000 habitants a été rasée à l'hiver 1999-2000 par les forces russes -, et filme le quotidien de ses habitants. Dans un univers dévasté, elle décrit les ombres qui errent parmi les ruines et s'accrochent à la vie.
Son film, Le 51, un 26-minutes diffusé sur Arte en 2001, retrace la vie d'un immeuble à Grozny. Il donne à voir des ménagères occupées à trouver une canalisation d'eau ou de gaz pour préparer le repas, des jeunes garçons qui se terrent chez eux en attendant l'arrestation, de très jeunes filles qui vont à l'université sur leur trente et un, talons aiguilles et robes moulantes. Il se dégage d'eux une grande dignité, une incroyable volonté de résistance à cet environnement morbide, à la peur.
 

"À QUOI BON ? VOUS SAVEZ DÉJÀ..."
Parmi les locataires du 51 se trouvent des familles de policiers. Aucun n'ignore que la réalisatrice est là sans autorisation. "Tout l'immeuble s'est mis d'accord pour me protéger. Tant que j'y étais, je ne risquais rien", raconte-t-elle. Désormais, à chacun de ses périples, elle retourne voir ceux du 51, comme elle rend visite aux petits danseurs de Grozny, ces enfants de la troupe Marcho Doryla (en tchétchène : "Que la liberté soit avec toi") venus en tournée en Europe à l'invitation de plusieurs théâtres parisiens qui les ont aidés.
Avec l'argent gagné, beaucoup ont pu reconstruire leurs maisons bombardées. "Il fallait voir la joie de ces gamins, tellement contents d'être appréciés pour leur talent, de ne plus être vus comme des "terroristes"", se réjouit-elle. Son film Danse avec les ruines, un 52-minutes tourné en 2002, retrace le parcours du chorégraphe de la troupe, qui rentre en Tchétchénie après des mois d'exil en Turquie et décide de rebâtir sa maison pulvérisée par les bombardements.

Mylène Sauloy a beaucoup filmé dans le quartier où vit la troupe à Grozny. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Pourquoi ? "Les gens ont peur. Il y a des tireurs d'élite sur les toits. La situation s'est dégradée, estime-t-elle. Jusqu'en 2002, tout le monde parlait. A présent plus rien. La phrase qui revient sans cesse, c'est : "A quoi bon ? Tout ce que je vais vous raconter, vous le savez déjà, le monde entier le sait. Qu'est-ce que cela change ?"

Depuis l'instauration d'un pouvoir local choisi par le Kremlin, de nombreuses milices tchétchènes ont été créées. Partagés entre la perspective d'être un jour arrêtés par les forces russes comme "terroristes" ou celle de rejoindre les rangs des insurgés dans les montagnes, les jeunes trouvent une échappatoire en s'enrôlant dans ces milices, l'une des rares activités rémunérées dans un endroit où 80 % de la population n'a pas de travail. "En civil, en uniforme, il y a des gens armés partout, on ne sait plus qui est qui, explique Mylène Sauloy. Cela a changé la donne. Aujourd'hui, les représailles sont beaucoup plus ciblées."

Et les femmes ? Elles étaient au centre de son premier film, Le Loup et l'Amazone, un 52-minutes tourné entre 1996 et 2000 pour la chaîne de télévision La 5. La légende de ces cavalières intrépides avait bercé l'enfance de Mylène Sauloy, élevée au Maroc, à Marrakech, entre un père marocain et une mère mi-russe, mi-hongroise : "J'ai été séduite tout de suite par la présence, la faconde, l'humour des femmes tchéchènes. Aujourd'hui, elles sont laminées. Toutes ont des problèmes psychiques, physiologiques. L'une a recours aux voyantes, l'autre parle en rêve avec ses disparus..."
Il y a un an, une "maison des femmes" s'est ouverte à Grozny. On y vient pour un cours de chant ou de couture, pour une consultation médicale. Certaines, victimes de viols ne peuvent en parler. Le code de l'honneur les contraint à garder le silence pour épargner au clan la pire chose qui soit : la honte. Celle de Mylène Sauloy, c'est de se laisser aller à penser que "le droit de savoir est sans doute un luxe de pays riche".
Marie Jégo

Biographie
2001
"Kurdistan, musiques pour mémoire", avec Antoine Cuche.
"Grozny. Le 51".
2002
"Les Petits Danseurs des ruines".
"Danse avec les ruines".
2003
"Le drôle de pays des Kurdes d'Irak".

Des vidéos qui accusent
Voilà plusieurs mois, à l'occasion d'un séjour en Tchétchénie, Mylène Sauloy se fait remettre deux vidéos tournées par des soldats russes le 5 mars 2000, lors de la reprise du village de Komsomolskoïe, dans le piémont tchétchène. Présentée par la TV russe comme un succès militaire assorti de la capture de "76 bandits", l'opération telle qu'elle est rapportée dans cette vidéo amateur a une tout autre tournure.
Acculés, 200 Tchétchènes qui faisaient le coup de feu à Komsomolskoïe se rendent, moyennant la promesse d'une amnistie proclamée par le Kremlin. La reddition a beau avoir lieu sous le patronage du général russe Mikhaïl Labounets, elle se solde par l'extermination de la plupart des maquisards. Les combattants tchétchènes encore valides doivent creuser des fosses. Les blessés, qui avaient reçu l'assurance d'être soignés, sont achevés. Une autre vidéo amateur montre les tortures infligées aux quelques survivants de Komsomolskoïe. L'un a l'oreille à moitié arrachée, un blessé est achevé à terre, sous les rires de dizaines de militaires russes. La violence n'a pas épargné les 5 000 villageois qui, cinq jours durant, vont servir de boucliers, parqués dans un champ, sous le feu des canons russes. Une femme raconte : "A la fin, on a dû payer pour chercher les cadavres des nôtres, et payer encore quand on les trouvait."
A partir de ces vidéos, Mylène Sauloy reconstitue le fil de ce qui s'est passé, retrouve des survivants, des civils aujourd'hui réfugiés en France ou en Belgique. Son film de 34 minutes, Tchétchénie, la vidéo qui accuse, récemment diffusé sur Canal+, a été projeté au Parlement européen à Strasbourg, mercredi 15 septembre, à l'initiative du groupe des Verts.

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