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Pour limiter les fugues dans les établissements pour mineurs,
il faut renforcer le rôle des éducateurs.
Centres éducatifs
ou centres fermés?
Par Jean-Pierre ROSENCZVEIG
Libération - mardi 15 juillet 2003
 

Jean Pierre Rosenczveig est président du tribunal pour enfants de Bobigny, président de Défense des enfants international (DEI)-France. Dernier ouvrage paru : «Justice ta mère !», A. Carrière, 2002
 

La multiplication des fugues depuis les trois centres éducatifs fermés créés jusqu'ici sur la base de la loi du 9 septembre 2002 n'étonnera que ceux qui ont méconnu, le temps d'une campagne électorale, l'histoire de l'action sociale et de la justice des mineurs. Comment être surpris que des adolescents en butte au monde adulte n'acceptent pas tous, les doigts sur la couture du pantalon, la contrainte éducative dans un milieu artificiel, fût-ce dans une ancienne demeure de maître ? De longue date, les éducateurs et les magistrats savent qu'il leur faut du temps pour amadouer, créer un lien de confiance, jouer sur l'affectif et sur la raison, afin de convaincre certains de ces jeunes à renoncer à leur quête impossible, quand quelque chose les mobilise.
En attendant que se concrétise, vers 2005-2006, son programme phare de huit «prisons-écoles», le gouvernement Raffarin a fait le choix, en 2002, de nouvelles structures éducatives qui ­ à juste titre ­ ne devaient pas rappeler les maisons de correction de jadis et, donc, ne seraient pas retranchées derrière des hauts murs. Pourtant, prisonnier de ses engagements électoraux de créer des établissements fermés afin de juguler la délinquance juvénile, il les a qualifiés de «centres éducatifs fermés», tout en expliquant qu'ils ne le seraient pas. Ce faisant, il a créé la confusion dans l'esprit de nombre d'observateurs et d'une partie de l'opinion. On sait que dans ces structures, la dissuasion de la fugue sur les mineurs sous contrôle judiciaire ou en liberté conditionnelle tient dans la menace d'une incarcération. Certains ont pu contester l'usage pour les 13-16 ans d'une méthode déjà pratiquée de longue date pour les 16-18 ans. Pourtant, utilisée à bon escient et avec beaucoup de prudence, elle peut contribuer à faire entrer tel jeune dans un rang éducatif. On ne peut pas en faire une arme généralisée tant il est évident que certains jeunes sont dans la provocation ou dans un univers irréel.
En tout état de cause, dès lors qu'on s'inscrivait dans un registre éducatif, il ne fallait pas s'étonner que la démarche ne fonctionne pas pour tous les jeunes.
Aujourd'hui, on nous annonce le retour des hauts murs, sinon des serrures et des dispositifs électroniques. Le côté «fermé» l'emportera sur le côté «éducatif» quand, au contraire, il eut fallu assumer politiquement le choix initial qui avait sa cohérence : une démarche éducative par principe et, quand nécessaire ­ le souci de punir, le désir de mettre à l'écart, la volonté de prévenir la récidive d'un acte grave, etc. ­ une démarche carcérale.
N'insistons pas sur le fait que jamais ces hauts murs, qui vont coûter une fortune, ne garantiront les centres contre la fugue du jeune qui voudra partir. Sans compter qu'on s'engage, en outre, dans une logique dangereuse : devant la difficulté à tenir la promesse initiale ­ un centre par département ­ rapidement rabaissée à 60 centres, on veut aujourd'hui en augmenter la capacité d'accueil (15 mineurs pour 10 initialement) et diminuer le nombre de personnels mobilisés (20 pour 27) afin de réduire le coût par jeune pris en charge.
En tout cas, on passe à côté de la question essentielle concernant ces structures. Il s'agit, ici encore plus qu'ailleurs, de trouver les hommes et les femmes capables de nouer la relation avec ces jeunes, de leur offrir de l'espoir, de les faire mesurer combien la voie suivie jusqu'alors est négative et dangereuse pour eux et pour autrui. Il s'agit encore plus de les réconcilier avec eux-mêmes, avec leur passé et leur avenir, de leur donner à croire dans la vie et dans le monde adulte, par-delà leurs limites et ce qui peut leur être dit par les «amis». Il s'agit aussi de leur faire prendre du recul avec leur milieu et, dans le même temps, de leur permettre de l'assumer, pour y revenir avec la capacité de renoncer aux sollicitations. Tout cela exige un travail social auprès du jeune et de sa famille. L'expérience de ces derniers mois sur les trois premiers centres démontre qu'il ne suffit pas de payer de 600 à 900 euros par jour et par mineur pour trouver les adultes capables de nouer cette relation et de vivre un temps avec les jeunes, en sachant s'affirmer face à eux sans pour autant les violenter ; et il ne suffit pas de faire appel à des proches pour garantir la réunion de la compétence et la rigueur ­ les difficultés rencontrées dans la Loire l'ont rapidement montré.
Quand il aurait fallu prendre le temps de réunir des équipes motivées et solides, on a précipité la cristallisation d'une réponse politique mal énoncée. Au final, personne n'y aura gagné quand on voit les pistes aujourd'hui avancées, qui nous rapprochent plus que jamais des maisons de correction de jadis.
Les hauts murs sont bien le signe de l'échec d'une approche éducative. Pourtant il est, dans ce pays, des démarches qui devraient servir de référence, comme celles développées dans la région de Salon-de-Provence où, depuis un an maintenant, à travers le Centre éducatif renforcé animé par l'association l'Escale, une cinquantaine de jeunes ont été pris en charge via une douzaine de petits cirques et leurs familles, avec un encadrement éducatif professionnel léger, sans que plus de deux d'entre eux ne fuguent.
La morale de l'histoire : les mots ont un sens ! Comme le disait, en juin 2002, le Conseil d'Etat au gouvernement, un établissement doit être ouvert ou fermé. On ne peut pas jouer sur les mots sans payer un jour le prix des contradictions.
Plus que jamais, il faut préférer des hommes aux murs. A oublier les leçons de l'Histoire, on recommence les mêmes erreurs. Doit-on rappeler que les maisons de correction, supprimées en 1979 par Alain Peyrefitte, étaient la honte de ce pays ?
En faisant, par médias interposés, des jeunes qui fuguent de ces centres de petits ennemis numéros «1», recherchés par toutes les polices de France, on s'est engagé dans une autre voie dangereuse, qui peut pousser tel ou tel dans une fuite éperdue dont la sanction pourrait un jour rappeler l'épilogue de Thelma et Louise.
Il est grand temps de calmer le feu allumé pendant la campagne électorale pour retrouver la sérénité qui s'impose et traiter la question fondamentale, totalement délaissée, derrière cette réponse institutionnelle : la prévention de la délinquance initiale. Là, il ne s'agit plus d'aligner et de monter des murs, mais de mener une vraie politique d'intégration.



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