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Des enfants sages sur ordonnance
Le Monde -  22.11.05 


Aux Etats-Unis, elle a envahi les cours de récréation en quelques années ; en France, elle fait une percée discrète mais réelle dans les pharmacies des écoliers. Commercialisé sous le nom de Ritaline et de Concerta, le méthylphénidate, molécule indiquée dans le traitement de l'hyperactivité de l'enfant, a vu sa consommation tripler en quatre ans, en dépit de conditions de prescription censées restreindre son administration aux cas les plus sévères.

Selon les chiffres de l'assurance-maladie, que Le Monde s'est procurés, 171 276 boîtes de Ritaline et de Concerta ont été remboursées en 2004, contre 107 095 en 2002 et 53 488 en 2000. Au total, on estime entre 7 500 et 9 000 le nombre d'enfants qui prennent du méthylphénidate en 2005. Cinq ans auparavant, ils étaient environ 2 500. Année après année, la Ritaline sort de la confidentialité, signe d'une médicalisation croissante de la souffrance psychique des enfants.

Dérivé amphétaminique classé au tableau des stupéfiants, le méthylphénidate est un psychostimulant agissant sur le système nerveux central. Indiqué dans le traitement du trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez l'enfant de plus de 6 ans, il a pour propriété d'aider les jeunes patients à mieux fixer leur attention, ce qui lui a valu le surnom de "pilule de l'obéissance".

En France, son autorisation de mise sur le marché, en 1995, s'est accompagnée de précautions visant à empêcher sa surconsommation. Ainsi, la première ordonnance ne peut être faite que par un pédopsychiatre ou un neuropédiatre hospitalier, qui passe ensuite le relais à un médecin de ville, pour un an.

Efficace dans 70 % des cas, généralement bien tolérée par les jeunes patients, la Ritaline a d'abord été réservée aux cas d'hyperactivité les plus invalidants. Mais, peu à peu, la molécule s'est popularisée, notamment par la multiplication d'articles de presse et d'émissions de télévision consacrés au TDAH.

"Dans les jours qui suivent une émission de télé, on a toujours un pic d'appels, explique Christine Gétin, présidente d'Hyper/Super TDAH France, principale association de parents d'enfants hyperactifs. Nous faisons systématiquement preuve de grandes précautions en les informant que le diagnostic est fondé sur des critères précis et en les orientant vers des professionnels de santé."

La demande s'organise et les parents qui cherchent de la Ritaline s'échangent les adresses des prescripteurs dans des forums de discussion, sur Internet. "On a enfin des journées sans crise ni dispute et le bonheur de voir notre fils heureux", explique une maman en recommandant le prescripteur "génial" qu'elle a rencontré.

Preuve que le médicament se banalise, les deux laboratoires qui commercialisent le méthylphénidate, Novartis pour la Ritaline et Janssen-Cilag pour le Concerta, longtemps discrets sur la molécule, ont commencé à en faire la promotion auprès des médecins en 2003, lors de l'apparition de comprimés à libération prolongée, qui en facilitent la prise. Mais c'est moins sous l'influence des laboratoires que sous la pression des parents et des enseignants que le cadre de la prescription s'élargit.

Désormais, la Ritaline est administrée à des enfants présentant des troubles de l'apprentissage dans le cas de l'autisme ou d'une maladie génétique, comme le syndrome de l'X fragile, mais aussi à bon nombre d'enfants dont le comportement agité ou dispersé n'est plus toléré par les enseignants.

"Les parents nous contactent en état d'urgence, avec leur enfant qui est menacé de déscolarisation, explique Mme Gétin. Dans ce cas, il faut un diagnostic fait par un spécialiste, qui peut conduire à la prescription d'un traitement médicamenteux adapté, éventuellement associé à d'autres approches thérapeutiques. Cela peut aider les enfants à reprendre le contrôle et à éviter le rejet et la désocialisation."

En France, les médecins qui prescrivent du méthylphénidate pratiquent les "fenêtres thérapeutiques", en arrêtant le traitement en dehors des périodes scolaires : pendant les vacances, voire les mercredis et les week-ends. "On ne peut pas nier que cette molécule soit très liée à la scolarisation, confirme Marie-France Le Heuzey, pédopsychiatre et chef de service à l'hôpital Robert-Debré, à Paris, établissement pionner dans la prescription de Ritaline. Mais je ne crois pas qu'il y ait surprescription : pour ma part, je n'en donne que si la vie de famille est entravée par les troubles."

"La Ritaline sert à traiter le déficit de l'attention, elle permet aux enfants de mieux écouter la maîtresse, renchérit Eric Konofal, neuropédiatre à l'hôpital Debré, spécialiste de l'hyperactivité. Elle n'est donnée qu'à des enfants qui sont en grande souffrance, et elle permet souvent d'arrêter des traitements psychotropes plus lourds et plus dangereux. Avec le méthylphénidate, on est dans une optique de prévention des troubles du comportement. Il faut bien voir que le TDAH, quand il n'est pas bien traité et diagnostiqué, peut aboutir à des catastrophes pour les enfants, comme des prises de substances ou des troubles de conduite." D'autres spécialistes s'inquiètent au contraire de l'augmentation de la prescription de psychostimulants et de ce qu'ils nomment "une approche réductionniste, centrée sur les symptômes". Le neuropédiatre Louis Vallée, chef du service de neuropédiatrie du centre hospitalier universitaire de Lille, estime ainsi que seuls 10 % des enfants dits hyperactifs ont besoin de Ritaline. "Les 90 % autres relèvent de problèmes éducatifs et sociologiques, leur comportement est une réaction à leur environnement", affirme-t-il.

"Le problème, c'est de n'avoir comme seule réponse qu'un médicament, alors que des thérapies individuelles ou de groupe sont la première indication, explique Claude Bursztejn, chef de service aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. La Ritaline est en train de se banaliser parce qu'elle est présentée comme l'insuline pour les diabétiques." "Quand on prescrit de la Ritaline, le mystère reste entier, renchérit Bernard Golse, pédopsychiatre et chef de service à l'hôpital Necker-Enfants-malades, à Paris. Il reste à éclaircir le sens des troubles dans l'histoire de chaque enfant."

Pour le professeur Golse, "on demande aujourd'hui à la psychiatrie un truc très simpliste, de rabotage des comportements". Et si la plupart des pédopsychiatres français continuent de privilégier une approche relationnelle des troubles du comportement de l'enfant, "le chemin vers la médicalisation des troubles psychiques est désormais entamé, c'est un mouvement mondial", analyse le professeur Bursztejn.

D'autres molécules devraient ainsi prochainement faire leur apparition sur le marché français : déjà commercialisée dans plusieurs pays européens sous le nom de Strattera, l'atomoxetine, qui n'est pas un psychostimulant, pourrait, en échappant aux conditions restreintes de prescription, faire s'envoler les chiffres en matière de médication de l'hyperactivité.

Cécile Prieur

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