![]() Comment une audacieuse opération de communication a tourné à la foire d'empoigne judiciaire. La France n'en a rien su : les dirigeants socialistes ont soigneusement gardé le secret sur un drame qui a frappé leur parti, et a mobilisé le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine puis la cour d'appel de Versailles. Après quelques hésitations, "Le Canard" s'est résolu à rompre le silence, et à lever le voile sur cet aspect des dessous de la politique. Voici l'authentique histoire des caleçons socialistes. Tout commence en octobre 2000. En prévision de son congrès de Grenoble, le PS décide d'innover en matière de communication et d'image. La direction du parti commande à une société spécialisée dans le gadget publicitaire un millier de caleçons décorés de la "rose au poing". Nul doute que le port d'un tel sous-vêtement aura pour effet de fouetter les ardeurs militantes et d'affermir les intimes convictions. Les machos qui dirigent le parti ont-ils oublié les femmes ? La commande des mille caleçons est donc passée le 23 octobre 2000, et un acompte de 17205 F, représentant 30% de la facture à venir est versé par le PS. Le 9 novembre suivant, la marchandise est livrée. Et là, horreur : les dirigeants socialistes constatent que les caleçons ne répondent pas à leur attente. Ils souffrent même de graves vices. D'abord, la bande élastique de la ceinture n'est surpiquée qu'une seule fois, au lieu de trois, comme prévu au cahier des charges. Ensuite la braguette ne comporte que deux boutons, contre trois annoncés. Et surtout, malfaçon inadmissible pour les éléphants du PS, la braguette est beaucoup trop petite. C'est presque un outrage ! Sac de noeuds juridique
C'est le fabricant qui dégaine le premier. Après deux mois d'attente et de réclamations, il saisit le tribunal d'instance de Neuilly sur Seine où il est domicilié, pour exiger le paiement de la marchandise qui a bel et bien été livrée au siège du PS, rue de Solférino. Contre-attaque immédiate des socialistes, qui demandent le remboursement des 17 205 F déjà versés. Et y ajoutent des dommages et intérêts. Car les fameux caleçons devaient être vendus durant le congrès 100 F pièce aux militants désireux d'afficher, en privé, leur attachement au parti. Le manque à gagner estimé est important. Dans un jugement rendu le 13 février 2002, le juge note que le
PS avait passé commande de "1000 exemplaires de caleçons,
référence 192, avec braguette à trois boutons"
mais constate la non-conformité du produit livré sur deux
points : "Le nombre de boutons (deux au lieu de trois)" et surtout,
"l'ouverture
trop courte de l'entrejambe". La société est donc condamnée
à rendre l'avance versée par le PS, à charge pour
ce dernier de restituer "les caleçons défectueux déjà
livrés". En revanche, dans sa sagesse, le juge n'accorde que
765 euros de dommages et intérêts au PS, l'histoire de la
vente à 100 F pièce ne l'ayant pas convaincu.
Quelques jours auparavant, la directrice financière du parti,
Françoise Gastebois-Mazeline, avait convoqué, par lettre
recommandée, la représentante de la société
condamnée, lui demandant de venir, "accompagnée de [son]
huissier", pour récupérer les caleçons.
Cependant, rien n'enterdit de penser que les exemplaires disparus peuvent être portés, en secret, par quelques privilégiés. Le PS a sans doute réservé ces précieuses pièces aux plus éminents de ses membres. Louis-Marie Horeau
(Le Canard enchaîné - mercredi 30 mars 2005) |