alternative éducative : une école différente
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MANIFESTE
POUR UN DÉBAT PUBLIC SUR L'ÉCOLE

Note N° 4 - octobre 2003

Débattre, OUI ! Mais COMMENT ?

Résumé-sommaire

- Pour ce qui nous concerne, nous insistons sur trois points

- L ' Ecole en question

1. Certains disent : “On a trop sacrifié au culte de l’enfant-roi et au mythe du jeune au centre. Le maître doit affirmer son autorité.”

2. Certains disent : “Il faut revenir aux méthodes traditionnelles, qui ont fait leurs preuves. On a trop privilégié la créativité, l’invention. Il faut insister sur le respect des règles.”

3. Certains disent : “On a trop développé les activités interdisciplinaires. Il faut se recentrer sur les disciplines scolaires, qui représentent le savoir méthodique et   progressif.”

Et certains ajoutent : “On a voulu créer une École unique, par idéologie égalitariste. On confond tous les métiers (enseigner en maternelle et enseigner au lycée sont bien deux métiers différents). Et on poursuit le rêve impossible d’une culture commune de tous les élèves, en oubliant que tout le monde ne peut accéder à des savoirs abstraits, en renonçant à l’idéal de l’élitisme républicain. Il faut orienter vers d’autres voies les élèves qui ne sont pas faits pour l’enseignement général.”

4. Certains disent : “On a introduit à l’École des notions et des pratiques qui, objectivement, détruisent les savoirs et le service public, même si ce n’est pas la volonté de leurs promoteurs. Par exemple, le remplacement des savoirs par les compétences, l’introduction des projets d’établissement, l’accent mis sur l’autonomie de l’élève, l’ouverture sur le monde, etc. Tout cela ne peut que renforcer le libéralisme triomphant. L’École doit rester un lieu protégé, le lieu du savoir gratuit et non utilitaire. Ouvrir l’École, c’est l’ouvrir au marché, à la consommation. La notion d’usager de l’École est le masque de la  marchandisation.”

5. Certains disent : “Tout cela, c’est bien beau, mais il y a des préalables à tout changement : les moyens, la formation des enseignants.”

- Les moyens ?

- La formation ?

- QUELQUES ÉLÉMENTS DE CONCLUSION
L’École française serait dans un état catastrophique ? C’est encore une idée reçue.
 

Débattre, OUI ! Mais COMMENT ?

Certes il y a déjà eu, autour de l’École, des consultations, des journées, des assises. Mais nous acceptons volontiers la perspective d’une nouvelle forme de travail collectif : un débat. Il importe cependant de préciser au départ les conditions d’une telle entreprise. La durée a été annoncée, plusieurs mois, son ampleur aussi, avec plusieurs  milliers de sites. La responsabilité du dispositif a été confiée à Claude Thélot, dont la personnalité et les compétences donnent confiance. Mais d’autres questions sont en jeu : le débat pourra-t-il porter sur tous les sujets qui importeraient à celles et ceux qui vont prendre la parole ? Qui sera invité à débattre, quels corps constitués, quelles  instances, quelles assemblées, quelles personnes ? Qui sera garant de la liberté d’expression et qui  sera garant des comptes rendus de réunions ? Y aura-t-il sur chaque site une seule rencontre ou plusieurs ? Les discussions seront-elles enregistrées ? Qui fera les synthèses successives ? Suivant quelle grille ou quel schéma ? Seront - elles contrôlées par les participants ? Comment les divergences entre les participants seront-elles consignées ? La recherche de points de consensus sera-t-elle privilégiée ?

Le gouvernement a choisi de déposer une loi à l’automne 2004. Mais est-il prévu, avant la discussion à l’Assemblée nationale, des négociations avec les partenaires sociaux, sur le modèle des accords de 1970 qui ont précédé la grande loi de juillet 1971 sur la formation professionnelle continue et l’éducation permanente ? Les conditions d’une réussite, les conditions d’un débat général et loyal sont complexes, sans doute, mais elles doivent être clarifiées, quitte à ce que des groupes refusent de participer au débat si de telles conditions leur paraissent inacceptables.
 
 

Pour ce qui nous concerne, nous insistons sur trois points :

- D’une part, s’appuyer fortement sur les informations objectives, les faits, les résultats d’études et de recherches, afin que les opinions puissent être étayées par des raisonnements et des données et pas seulement par des impressions, par des généralisations hâtives. Il y a eu trop d’exemples, ces derniers temps de livres entiers bâtis autour de : “J’ai entendu dire que” ou de témoignages particuliers et orientés. L’exemple de la grand-mère qui ne faisait pas de fautes d’orthographe ou la description d’une séance folklorique en formation d’enseignants ne peuvent tenir lieu de références sérieuses ! D’autre part, que les débatteurs s’efforcent, et que les différents animateurs les y aident, de surmonter les dichotomies et les oppositions de surface ; en matière d’éducation, elles sont légion.

- Il n’y a de “vrai” débat que si les avis et les jugements des uns et des autres peuvent se modifier, se nuancer, pour atteindre une plus grande justesse. Le modèle ne doit pas être celui de la joute pour/contre qui fait les délices de lamentables émissions de société, ni dans celui du sondage d’opinion dont on connaît les limites. Le débat démocratique, toujours difficile et exigeant, est bien autre chose. Cet objectif fondamental ne peut être atteint si les réponses sont connues avant même les discussions, ou si une mauvaise organisation, qu’elle soit ou non volontaire, empêche l’expression de tous, ce qui ne pourrait qu’exaspérer les participants, convaincus alors d’avoir été manipulés.

- Un débat est une grande chose ; l’initiateur court de grands risques. C’est dire que l’on attend de lui une grande rigueur. Il y aura donc un grand débat public sur l'avenir de l’École. Le groupe du “Manifeste pour un débat public sur l’École”, qui s’est constitué avant l’élection présidentielle pour regretter l’absence d’un tel débat, ne peut que s’en réjouir. Encore faut-il interroger les conditions de ce débat et éviter que celui-ci s'enferre dans le piège des “idées trop simples” d'autant plus néfastes qu'elles sont affirmées comme des évidences. Tels sont les objectifs de cette note de conjoncture, présentée lors de la conférence de presse du 1er octobre 2003.
 
 

L' Ecole en question

Pour que le débat permette d’avancer, il ne faut pas qu’il parte d’idées trop simples, faussement simples, comme celles que nous pointons ci-dessous en montrant leur inanité : elles bloqueraient la réflexion en réduisant le débat à une séance de café du commerce. Alors que les questions éducatives sont d’une grande complexité, on devrait s’interdire le recours à un soi-disant “bon sens” qui ne signifie rien.

Certaines de ces idées sont peut-être réputées de droite, d’autres, peut-être, ont une étiquette de gauche, mais on sait que le clivage droite-gauche ne fonctionne pas de la même façon sur les questions d’enseignement que sur les questions politiques.

1. Certains disent : “On a trop sacrifié au culte de l’enfant-roi et au mythe du jeune au centre. Le maître doit affirmer son autorité.”
Des règles de fonctionnement et une autorité dans un cadre démocratique sont effectivement indispensables dans l’École. Mais, dans la société d’aujourd’hui, l’autorité ne peut s’établir à travers le mythique “retour” à l’ordre du passé. Ce serait irréaliste et inopérant. Il n’y aura pas de respect des règles nécessaires à tout apprentissage sans une implication et une responsabilisation des élèves : c’est en exerçant des libertés qu’on apprend à être libre et c’est en exerçant des responsabilités qu’on apprend à être responsable. C’est une erreur profonde que de penser que toute obtention de droits se ferait au détriment des “devoirs”. Le rapport à la loi, au droit, se construit. Et l’article 12 de la Convention Internationale des Droits de l'enfants, signée par la France, reconnaît à l’enfant le droit de “donner son avis sur les sujets qui le concernent”. Et, si les écoliers et les collégiens ne sont pas encore des citoyens, ils sont déjà des sujets de droit ; nombre de lycéens sont déjà majeurs. Le débat démocratique, la citoyenneté s’apprennent à travers des dispositifs qui peuvent et doivent être institués très tôt, comme le conseil ou l’heure de vie de classe ; il ne s’agit nullement, comme certains affectent de le croire, de déballage verbal sans contenu. C’est la condition aujourd’hui  pour que la Loi soit davantage respectée. Il s’agit bien de mettre les valeurs de référence de la vie de la classe et de l’établissement en cohérence avec les objectifs éducatifs et pédagogiques que l’on poursuit. Comment, en effet, peut-on former des citoyens solidaires si la valeur de référence de la classe et de l’École demeure le “chacun pour soi”, si l’École continue à fonctionner en valorisant le travail jalousement individuel, l’esprit de compétition et le seul mérite personnel, autant de références qui justifient la sélection et qui renvoient la réussite ou l’échec de chaque apprenant à sa seule volonté, à sa propre responsabilité. "Tu dois aider ton prochain, excepté

dans cette École où nous ne cessons de t'interdire de l'aider", écrivait Cousinet en 1969. Pour construire une société humaine et solidaire, la coopération et l’entraide doivent être au coeur d’une École dans laquelle la réussite de quelques-uns ne s’effectue pas au détriment des autres, mais contribue à la promotion de tous.

2. Certains disent : “Il faut revenir aux méthodes traditionnelles, qui ont fait leurs preuves. On a trop privilégié la créativité, l’invention. Il faut insister sur le respect des règles.”
Rappelons que ces méthodes traditionnelles, qui ne sont d’ailleurs pas définies de la même façon par tous, s’appliquaient à une population scolaire très différente de celle d‘aujourd’hui. Elles ne marchaient au mieux qu’en laissant de côté le grand nombre des élèves : on oublie trop qu’au début du dernier siècle un élève sur deux n’avait pas le certificat d’études, qu’il y a encore cinquante ans seule une petite minorité avait le baccalauréat, que l’illettrisme existe depuis longtemps, mais qu’il était masqué, etc. L’expression recouvre, en fait, une conception de l’enseignement par transmission ou, plutôt, par déversement. Apprendre serait réalisé au bout d’un processus gradué qui remplirait les esprits vides avec des portions d’un savoir achevé, proportionnellement au temps passé sur les bancs de l’École. Dans cette logique,  l’échec ne provient que d’une trop faible attention de l’élève ou de son incapacité à suivre les cours à cause d’un niveau initial trop bas. Plus que la compréhension, la simple mémorisation (qui se fait essentiellement à la maison, avec toutes les inégalités que cela entraîne) et la répétition sont au cœur de cette conception descendante de l’enseignement. Cela explique la difficulté des élèves français à transférer et à réutiliser, dans des situations plus complexes et non scolaires, ce qui a été vu en cours, comme le montrent nombre d’études internationales.

En fait, si rendre l’élève actif ne suffit pas pour qu’il apprenne, c’est néanmoins une condition indispensable. Pour apprendre, les élèves doivent prendre des risques, oser décrire leurs représentations, les confronter à celles des autres, faire des essais et des erreurs, explorer, recommencer. Ils doivent également être confrontés à des tâches complexes qui mobilisent l’intelligence autant que la mémoire. Pour cela, ils doivent se sentir en sécurité, en confiance, et avoir le temps de se tromper pour apprendre. Il faut développer une multiplicité d’approches (différenciation) avec l’évaluation formative qui conjugue la bienveillance et l’exigence. La qualité de l’apprentissage est à ce prix. A l’encontre d’une idée reçue, la créativité est, en fait, peu développée à l’École. Mais on voit souvent les élèves se motiver pour des projets, à l’occasion de TPE, d’IDD, de PPCP, ou de “la main à la pâte”. Il n’est pas question de spontanéisme : développer la créativité implique un travail rigoureux et organisé. Le problème est plutôt : comment relier les projets aux apprentissages fondamentaux au lieu de les en séparer et de les laisser en marge ?

Pour changer vraiment l’École, MÉFIONS-NOUS DES IDÉES TROP SIMPLES

Rappelons que l’audace, l’imagination, l’inventivité, le non-conformisme sont des attitudes appréciées des chercheurs et qu’elles ne sont pas en contradiction avec le souci de rigueur scientifique. Non, vraiment, l’imagination pédagogique est loin d’être au pouvoir.

3. Certains disent : “On a trop développé les activités interdisciplinaires. Il faut se recentrer sur les disciplines scolaires, qui représentent le savoir méthodique et   progressif.”
Et certains ajoutent : “On a voulu créer une École unique, par idéologie égalitariste. On confond tous les métiers (enseigner en maternelle et enseigner au lycée sont bien deux métiers différents). Et on poursuit le rêve impossible d’une culture commune de tous les élèves, en oubliant que tout le monde ne peut accéder à des savoirs abstraits, en renonçant à l’idéal de l’élitisme républicain. Il faut orienter vers d’autres voies les élèves qui ne sont pas faits pour l’enseignement général.”
La question tourne autour de l’organisation du savoir et de sa traduction en disciplines enseignées. La liste de ces disciplines n’a rien d’un absolu, elle a varié, elle s’est allongée, elle peine à suivre le développement scientifique. Mais il faut dépasser l’alternative disciplines-interdisciplinarité. Le monde est de plus en plus complexe. Pour ne prendre qu’un exemple, mais il est capital, les problèmes multiples et si importants pour l’avenir que pose l’environnement transcendent allègrement les frontières des disciplines, aussi bien les sciences dites exactes que les sciences humaines et sociales ; faut-il laisser à chaque élève le soin de faire seul la synthèse entre des savoirs qui lui sont présentés de façon parcellisée, en fonction des découpages traditionnels et des catégories parfois concurrentes de professeurs ?

Se poser la question de ce qui doit ou ne doit pas être enseigné amène à définir le socle de connaissances de base qui doivent être acquises à l’issue de la scolarité obligatoire. Au début du troisième millénaire, cette question ne peut plus se poser dans les mêmes termes qu’au XIXème siècle ou lors de la création du collège unique. D’une part, en effet, l’École ne représente plus, et il s’en faut de beaucoup, l’unique source et le seul moment d’éducation et de formation de la majorité des citoyens ; si elle veut être à même de s’opposer efficacement à ce que présentent les grands médias de façon déformée, manipulée ou édulcorée pour cause d’audimat, elle doit s’y prendre autrement. D’autre part, les évolutions scientifiques, technologiques et sociales obligent à admettre que ce socle ne peut plus être défini comme un ensemble d’éléments nécessaires et suffisants, évaluables au travers d’un certificat de fin d’études. Toutes les études prospectives mettent en évidence que les citoyens de demain devront consacrer de nombreux moments de leur vie à des retours en formation de plus en plus longs. Les questions concernant les connaissances de base sont donc à insérer dans la  problématique beaucoup  plus large de l’éducation tout au long de la vie. Il y a certainement une quantité définie et limitée de connaissances indispensables pour le développement de l’autonomie intellectuelle et la construction de connaissances ultérieures, et cela s’impose à l’École. Mais l’École obligatoire du XXIème siècle doit tout autant doter ses élèves des savoir-être, des savoir-faire et des compétences méthodologiques qui leur seront nécessaires dans la perspective d’une formation continue. Il n’y a pas à choisir entre ces deux nécessités, comme affectent de le croire certains, il faut les assumer toutes les deux. Mais tous les élèves ne sont pas semblables, qu’il s’agisse de leurs capacités ou de leurs aspirations. Faut-il alors les réunir dans une institution unique ?

En fait, le collège pour tous n’a jamais vraiment fonctionné. Mais décréter trop vite que certains élèves doivent être précocement orientés, c’est refuser d’étudier toutes les solutions possibles pour les aider à résoudre leurs difficultés. Et c’est surtout vouloir garder le système tel qu’il est. Le collège doit, à la fois, achever la construction du socle culturel dont les fondations ont été posées à l’École primaire, et être un lieu de construction d’un projet de réussite pour chaque élève. Pour cela, il n’est certainement pas indispensable de rentrer, dès la sixième, dans des enseignements disciplinaires cloisonnés qui juxtaposent des connaissances plus qu’ils ne les articulent. Il est certainement préférable, au contraire, de rester, durant les deux ou trois premières années du collège, dans une logique pluridisciplinaire ou supradisciplinaire qui ancre les disciplines dans des projets qui leur donnent du sens. Rien n’oblige à ce que la structure des enseignements au collège soit la même en sixième et en troisième. Il est aussi nécessaire de proposer l’enseignement technologique à tous les élèves. Pour qu’il y ait égale dignité entre les divers enseignements, il ne faut pas que certains de ces enseignements soient de fait réservés aux élèves en échec scolaire. Identifier, valoriser les potentialités des élèves en partant du principe “Tous différents mais tous capables”, organiser le collège pour que ces différences ne se traduisent pas en inégalités définitives, voilà ce que doit être l’objectif de l’École de la République. Il ne suffit pas que chaque élève “réussisse quelque chose” dans sa scolarité, ce qui est une bien pâle ambition, mais que tous parviennent au minimum acceptable pour vivre en citoyen éclairé, ce qui implique souvent de partir des réussites partielles, mais comme tremplin, vers des objectifs plus ambitieux. Se poser la question de ce qui doit ou ne doit pas être enseigné amène à définir le socle de connaissances de base qui doivent être acquises à l’issue de la scolarité obligatoire.

4. Certains disent : “On a introduit à l’École des notions et des pratiques qui, objectivement, détruisent les savoirs et le service public, même si ce n’est pas la volonté de leurs promoteurs. Par exemple, le remplacement des savoirs par les compétences, l’introduction des projets d’établissement, l’accent mis sur l’autonomie de l’élève, l’ouverture sur le monde, etc. Tout cela ne peut que renforcer le libéralisme triomphant. L’École doit rester un lieu protégé, le lieu du savoir gratuit et non utilitaire. Ouvrir l’École, c’est l’ouvrir au marché, à la consommation. La notion d’usager de l’École est le masque de la  marchandisation.”
Ces objections sont fréquentes, mais le discours idéologique qui les sous-tend est délirant : la meilleure façon de résister à la soumission au marché serait donc la soumission à l’École et dans l’École ! Sérieusement, développer l’autonomie et l’esprit critique, inviter les élèves à réfléchir par eux-mêmes, leur apprendre à analyser le monde dans lequel ils vivent seraient des actions au service du libéralisme ? Au contraire celui-ci ne triomphe-t-il pas d’autant plus facilement que les futurs citoyens et travailleurs n’auront pas appris à le regarder de façon solidement critique ? Pour que ce regard ne soit pas superficiel et que les slogans ne se substituent pas aux idées, il faut consacrer le temps nécessaire pour aiguiser ce regard et clarifier les idées. Les futurs citoyens ont besoin à l’École d’un vrai travail de démontage du fonctionnement de la publicité, de démystification d’Internet (la meilleure et la pire des choses) et de décryptage des médias. Le leur refuser est accroître les fractures culturelles et sociales.

Plus largement, si on veut développer l’implication des citoyens, comment écarter ceux-ci de l’École ? Sous prétexte de combattre le consumérisme, on refuse la participation des parents. Sous prétexte d’écarter les marchands du temple, on ferme l’École et on empêche ainsi les élèves de s’intéresser au monde qui les entoure, de résister au monde qui les formate. L’alternative n’est assurément pas entre des pubs pour Microsoft sur les ordinateurs de l’École et la fermeture complète de l’École. Mais si on veut que l’École contribue à former des citoyens à la fois décidés à agir et armés intellectuellement pour ne pas se contenter de ressasser des illusions, il faut en prendre les moyens, quitte à réviser s’il le faut, les structures et les habitudes de l’École.
 
 

5. Certains disent : “Tout cela, c’est bien beau, mais il y a des préalables à tout changement : les moyens, la formation des enseignants.”

Les moyens ?
Oui, l’École ne peut pas ne pas coûter cher à la collectivité, c’est-à-dire à chaque contribuable (et celui-ci a donc son mot à dire). Il faut sans doute augmenter les moyens, mais là où c’est nécessaire. En réfléchissant à leur utilisation, leur concentration (ZEP), leur optimisation (faut-il réduire les effectifs par classe partout ou seulement sur les secteurs sensibles ?), et en s’attaquant à beaucoup de gaspillages, voire de privilèges. Mais n’évacuons pas la question : ne peut-on rien changer tant que les moyens ne seront pas augmentés ? Ou bien, si l’on en fait un préalable, la  revendication justifiée de moyens accrus ne fonctionne-t-elle pas parfois (souvent ?) comme un providentiel alibi pour ne rien faire tout en ayant bonne conscience ?

La formation ?
La formation des enseignants dans le domaine disciplinaire est, bien entendu,  fondamentale, personne ne le met en doute. Elle doit sans doute être adaptée aux besoins de chaque niveau scolaire et être orientée plus vers son rapport avec ces besoins que vers son approfondissement. Mais on ne peut plus aujourd’hui faire comme si toute la formation se réduisait à cette dimension. On ne peut pas davantage, si utiles et nécessaires que soient les conseils des professeurs expérimentés à leurs jeunes collègues, réduire la formation à un compagnonnage. Il s’agit de préparer les jeunes enseignants à faire face aux problèmes. Enseigner est peut-être un art, mais cet art, comme les autres, s’apprend et se perfectionne. Tout cela pose évidemment la question des concours de recrutement des enseignants, qui restent massivement polarisés par l‘accumulation des savoirs disciplinaires, dont pourtant les diplômes universitaires requis pour s’y présenter attestent déjà. De même doit-on envisager, dès l’université, une formation progressivement professionnalisante pour les futurs enseignants.
 
 

QUELQUES ÉLÉMENTS DE CONCLUSION

L’École française serait dans un état catastrophique ? C’est encore une idée reçue.
Mais elle est loin d’assurer les ambitieuses missions qui sont les siennes. Si elle ne peut pas résoudre tous les problèmes qui se posent à notre pays, et si son action n’est visible qu’à moyen terme, elle peut améliorer son fonctionnement et prendre sa place dans la lutte pour la démocratisation et contre les inégalités.

Donc débattons, sans nous attarder aux idées toutes faites qui empêchent de penser… Ce texte ne pouvait aborder toutes les transformations nécessaires. On trouvera un développement de celles-ci dans le “Manifeste pour un débat public sur l’École”, que notre groupe a publié en 2001 aux éditions de La Découverte.
 
 

Contacts :
Jean-François Vincent jf.vincent@occe.net  -  01 44 14 93 30
Maurice Charrier franck.tornicelli@vaulx.sitiv.fr -  04 72 04 80 80


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