A l'approche des grandes
vacances, Réseau
éducation sans frontières appelle à la vigilance.
"si plusieurs préfectures
ont autorisé les élèves à finir leur année
scolaire,
le
temps des grandes vacances est aussi souvent le temps des expulsions,
lorsque les élèves
ne peuvent plus compter sur le soutien de leur établissement scolaire"
.
Les parents d'élèves en
pôles de résistance
Des centaines d'entre eux se mobilisent,
partout en France,
contre
les expulsions d'enfants.
Éducation sans frontière
appelle à la régularisation des élèves sans-papiers
29/06/04 - "Éducation sans frontière", un collectif créé récemment pour la défense des élèves étrangers sans papiers et menacés d'expulsion, a rendu public mardi un appel à la mobilisation de tous en leur faveur. "Nous appelons au développement d'un réseau de solidarité avec les jeunes sans papiers scolarisés", indique le collectif. "Nous appelons jeunes, enseignants, parents, juristes et avocats, partis, syndicats et associations attachés à combattre l'injustice à s'associer à cet appel et à peser de tout leur poids pour mettre fin à des situations insupportables," ajoute-il. Il évoque "quelques cas résolus et des milliers d'autres qui ne le sont pas" et affirme qu'"il est du devoir de tous d'agir, pour ces jeunes déjà souvent malmenés par des existences chaotiques et pour faire la démonstration que les discours sur les «valeurs» ne sont pas des mots creux". L'appel a été signé notamment par les syndicats enseignants FSU, SUD, CNT-Éducation et CGT, les parents FCPE, puis par Attac, la Cimade, la Fédération de solidarité avec les travailleurs immigrés (Fasti), le Gisti (groupe d'information et de soutien des immigrés), droit-devant, le Mrap, la LCR, la LDH. |
Manifestation à Nantes
contre l'expulsion de familles demandeuses d'asile 24/06/04 - Deux cents personnes selon la police, 500 selon les organisateurs, ont manifesté jeudi à Nantes "pour un droit d'asile effectif" et contre l'expulsion de familles demandeuses d'asile, à l'appel notamment d'un Collectif de parents d'élèves et de la Ligue des droits de l'homme. Une délégation de six parents et deux enseignants a été reçue à la préfecture, a indiqué Françoise Salmon, une porte-parole du Collectif enfants étrangers citoyens solidaires qui organise depuis deux semaines des actions dans les écoles contre l'expulsion de ces familles. Dans l'immédiat, une vingtaine d'entre elles au moins, déboutées du droit d'asile, sont menacées d'être expulsées de leur logement au 30 juin, à la fin de l'année scolaire, a-t-elle ajouté soulignant les incertitudes qui pèsent sur le sort de leurs enfants scolarisés à Nantes. Les familles déboutées sont expulsées des hôtels et des centres où elles sont logées en attendant la réponse à leur demande d'asile, avant de tomber dans la clandestinité et d'être expulsées du pays si elles sont arrêtées. La Ligue des droits de l'homme a rappelé dans un communiqué que la Convention internationale des droits de l'enfant affirme que "dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". |
La famille tchétchène
ne sera pas expulsée
SOULAGEMENT pour la famille tchétchène du XII e arrondissement de Paris et toutes les familles de l'école maternelle Charles-Baudelaire (XII e ) qui l'ont soutenue depuis le mois d'avril. La procédure d'expulsion vers l'Autriche a été annulée, a annoncé hier après-midi la préfecture de police de Paris à la famille Akhmadov et aux parents d'élèves qui l'accompagnaient. « Tout repart à zéro : ils sont considérés comme nouveaux arrivants sur le sol français et vont pouvoir faire une demande d'asile politique. La France se considère apte à étudier une demande d'asile politique. C'est une bonne nouvelle, on craignait que la préfecture de police ne leur délivre qu'une autorisation de séjour d'un an et que la menace d'expulsion ne soit que reportée d'une année », explique Bertrand Lechat, représentant (FCPE) des parents d'élèves. La famille a rendez-vous mardi prochain au centre d'accueil et de réception des demandeurs d'asile de la rue d'Aubervilliers (XIX e ). Une autorisation de séjour provisoire lui sera délivrée en attendant la constitution de son dossier qui sera étudié par l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Même en vacances à l'autre bout de la France, des familles du XII e ont téléphoné hier après-midi pour connaître le sort réservé à ces parents tchétchènes dont les enfants sont scolarisés dans le XII e . F.H. - Le Parisien , samedi 24 juillet 2004
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Droit d’asile
Baudelaire et ses enfants tchétchènes
Une école de Paris se mobilise pour que la France ne renvoie pas vers la mort deux familles réfugiées de guerre." Et puis Ramza a disparu ", raconte Cécile Prigent. Elle anime un groupe de langue à l’école maternelle Baudelaire où sont inscrits ses deux enfants. Tout comme, depuis septembre, Ramza, quatre ans, débarqué tout droit de Tchétchènie. Et avec lui, deux autres minots, chassés du même pays par les mêmes horreurs, débarqués dans ce quartier de Paris, coincé entre la gare de Lyon et la porte Dorée. Elisa, Fatima et Ramza apprenaient tous les trois le français. " Ils assimilaient vite, c’était impressionnant ", raconte la maman enseignante. Son débit est rapide, ses yeux bleus, grands ouverts.
Peu avant les vacances de Pâques, le train-train qu’elle avait installé avec les enfants a déraillé. " Ramza a disparu ", reprend Cécile Prigent. Menacée d’expulsion, sa famille a préféré " prendre le maquis ". Celles d’Elisa et de Fatima sont restées. Mais se voient, pareillement, commander de repartir. Vers leurs ruines, ou n’importe où, d’ailleurs, l’administration n’a pas ce genre de soucis. Forte de la convention de Dublin, ratifiée par l’Union européenne, elle est autorisée à renvoyer un sans-papiers dans le premier pays de l’Union européenne qu’il a officiellement traversé après avoir quitté le sien. L’Autriche, par exemple, et ses camps insalubres, où sont parqués les réfugiés en transit. Pour 40 euros par mois, ils y vivent sans eau ni électricité. Une heure de queue pour obtenir un fruit, quelques minutes pour contracter la varicelle, qui prospère.
À moins qu’ils n’arrivent en Russie, où, considérés comme traîtres, donc terroristes, ces déserteurs risquent gros. C’est le cas de M. Keleov, père d’Elisa et de deux petits garçons. Grand, maigre, cheveux noirs, joues creusées et orbites saillantes, il est le dernier homme de sa famille. Les autres ont été tués. Lui aussi est menacé, il est parti en France - " parce que je connaissais la langue " - où il est arrivé en août. Il vit dans un hôtel, avec 280 euros par mois pour toute sa famille. " Elle devait être expulsée en avril. L’action engagée dans le quartier a permis de stopper la procédure. " Rien n’est encore gagné, la préfecture a seulement accepté de rouvrir le dossier.
L’oeil gris et la barbe blonde, M. Adakhev, le père de Fatima a, lui, reçu deux balles dans le bras. " Pendant une opération de nettoyage. " Ses deux frères ont été tués. Sa femme et lui se sont sauvés avec leurs trois enfants. Ils ne parlent pas français, ont choisi le pays pour ce qu’ils en savaient : " la liberté, la démocratie. " Un quatrième minot y est né. Tous les six vivent avec 92 euros par mois. Fin juillet, ils seront peut-être entassés dans l’un des trois camps autrichiens. Un retour vers l’horreur qu’ils n’avaient pas prévu, même en cauchemar. Et une réalité que le quartier ignorait, il y a encore trois mois.
Mais Ramza a disparu, et tout s’est agité. Apprenant la situation des familles, l’école s’est organisée (1). Emmené par l’association des P’tits Baudelaire, par la FCPE et les bonnes volontés, le quartier se met à exiger l’arrêt des procédures. On trouve un avocat, on collecte pour le payer. On contacte le GISTI (2), le Comité Tchétchénie (3) et la presse. Des articles paraissent et des radios en parlent. On cherche à informer. Comme ce soir de mai où se tenait une rencontre dans le préau jaune de l’école. Il y avait des réfugiés tchétchènes, témoignant que la guerre, là-bas, est loin d’être finie. Des reporters de France Télévision, de retour des camps autrichiens. Une pédopsychiatre parlant des traumatismes que les enfants conservent. Il y avait également un juge, qui rappelait que " ces gens sont des réfugiés de guerre, au sens propre de la convention de Genève " et que la France leur a promis l’asile.
Il y avait, enfin, pléthore de parents qui collectaient des sous, et des élus parisiens de tous bords. Mardi dernier, ceux du 12e arrondissement et le groupe communiste du Conseil de Paris formulaient un voeu, exigeant que les procédures d’expulsion soient annulées et que l’OFPRA accorde l’asile politique aux deux familles. Lien de cause à effet ? Jeudi, la préfecture a annoncé que la famille Adakhev n’était plus sous mandat d’expulsion. L’école Baudelaire attendait, vendredi, la confirmation écrite que la France tiendra la parole qu’elle a prise il y a cinquante ans. Peu après avoir, elle-même, connu la guerre.Marie-Noëlle BertrandDAYMOKH, les "enfants danseurs des ruines" sont repartis à GROZNY
mais L'ÉCOLE N° 2 EST TOUJOURS "FERMÉE" ...
(1) Action-tchetchenie@laposte.net
(2) http://www.gisti.org
(3) http://www.comite-tchetchenie.org
mercredi 23 juin 2004 - ouest-france
Famille Bashota : 3 enfants expulsables
« Dire à nos enfants qu'un de leurs camarades
peut disparaître »Dans l'agglomération nantaise, plus de 80 familles étrangères seraient sur le point d'être expulsées. Leurs enfants, scolarisés depuis leur arrivée en France, sont eux aussi menacés. Un collectif de parents d'élèves les soutient.
Pas facile de naître prématuré en pleine guerre albano-serbe, dans la région de Presevo. «Notre fils Albert est né avant terme, à huit mois, expliquent ses parents, Florije et Latif Bashota, couturière et carreleur venus du Kossovo. Notre maison avait brûlé dans les combats entre les séparatistes albanais et les Serbes. Nous étions sans argent, sans travail. Tout le monde nous a alors dit qu'il valait mieux venir en France. Nous pourrions mieux soigner notre fils.»
Terre d'asile
On leur avait parlé de la France, terre d'asile. C'était en 2000. La famille Bashota prenait son balluchon et décidait de demander asile politique à la France. Il sera refusé, tout comme l'asile territorial, dont la famille Bashota est également déboutée. Depuis leur arrivée à Nantes, deux autres enfants sont nés : la cadette Pranvera, 3 ans, et Florentina, 3 mois. Un recours gracieux a été refusé et l'avis d'expulsion est tombé le 5 avril 2004. «Nous n'avons plus rien au Kossovo, et nous sommes expulsés de France», résume Latif. Ce matin, les Bashota ne sont pourtant pas seuls. Depuis le 18 juin, une cinquantaine de parents d'élèves nantais occupent chaque matin une école de l'agglomération. Ces écoles accueillent des enfants dont les parents sont expulsables. Quatre-vingt-deux familles et 130 enfants sont concernés. «C'est révoltant, au moment où l'Europe s'élargit, s'indigne Philippe Mallet, parent, de voir expulser des familles entières. C'est, au mieux, la misère qui les attend.»«Dans le cas des Tchétchènes, vont-ils rentrer dans un pays en guerre ? Il n'y a plus réellement de droit d'asile en France», affirment les membres du collectif «Enfants étrangers-citoyens solidaires», présents ce matin à l'école de la Beaujoire. Nous ne pourrons pas voir l'aîné de la famille, Albert : le rectorat a en effet donné la consigne de ne pas laisser les manifestants occuper l'école. «Concrètement, nous aimerions savoir comment on fait pour expulser un enfant : est-ce qu'on l'attache, est-ce qu'on le bourre de médicaments ? Et comment expliquer à nos enfants qu'un de leurs camarades peut disparaître du jour au lendemain ?» demande Aurélie Legoux.
Si le dossier est « clos » pour la préfecture, le collectif entend continuer à se battre. «J'avais trouvé un contrat à durée indéterminée dans le bâtiment», déplore Latif Bashota. Il peut du moins compter sur le soutien des parents d'élèves français qui entendent poursuivre leur mouvement, en prenant pour référence les 500 sans-papiers régularisés de Lille, le 17 juin dernier.
Daniel MORVAN.
Des parents d'élèves nantais révoltés
par l'expulsion de familles étrangères17/06/04 - "C'est proprement inadmissible": comme Muriel, 37 ans, des parents d'élèves se mobilisent dans plusieurs écoles de Nantes contre l'expulsion de familles déboutées du droit d'asile.
En moins d'une semaine, trois établissements de la ville ont successivement été "occupés", sans perturbation des cours, à l'initiative du Collectif "Enfants étrangers, citoyens solidaires", qui regroupe surtout des parents d'élèves et des enseignants.
Selon eux, quelques 80 familles en fin de procédure de demande d'asile sont menacées d'expulsion. Environ 130 enfants scolarisés souvent depuis plusieurs années à Nantes sont concernés, selon le collectif.
A la préfecture, qui dit "appliquer la loi républicaine" (recours inclus) prévue pour les déboutés du droit d'asile, "avec humanité" (en laissant les enfants terminer l'année scolaire), il est question d'une "dizaine" de familles invitées à quitter le territoire.
Jeudi, c'est à l'école Louise-Michel que rendez-vous était donné. Devant les banderoles "SOS enfants en danger", "Non aux expulsions", accrochées sur les grilles, une pétition était proposée aux parents. Résultat, selon le collectif: 200 signatures.
Dans la cour, des tableaux expliquant les étapes de la procédure de demande d'asile circulent. Trois familles arménienne, guinéenne et togolaise sont "menacées" dans l'immédiat à Louise-Michel, selon le Collectif.
Le cas de Manouk (CE1) et Arpine (maternelle) suscitent particulièrement l'inquiétude et l'indignation.
Les parents des deux petits Arméniens arrivés il y a plus de quatre ans et à qui il est demandé de quitter le pays le 30 juin, sont là. "Nous avons la preuve que la police est venue me chercher chez moi en Arménie. Ma vie est en jeu", assure le père.
"durcissement"
"On propose aux parents de laisser leurs enfants (qui souvent ne connaissent pas leur pays d'origine) à la DDASS", s'indigne Anne-Laure, une mère d'élève de 32 ans.
"On héberge les demandeurs d'asile pendant des années, les enfants jouent entre eux sans qu'on puisse distinguer les nationalités, et puis du jour au lendemain on leur dit 'dehors'... On n'a plus de frontière pour les marchandises, mais pour les hommes si", déplore Ahmed, français et marocain.
A quelques pas de lui sur un panneau d'information, on lit: "janvier 2004, le gouvernement promet de réduire à moins de trois mois au lieu de trois ou quatre ans" les procédures.
Dans l'immédiat, les familles risquent surtout de se retrouver à la rue dans la clandestinité et sans un sou puisque à partir du moment où elles sont déboutées, l'Etat ne verse plus ni loyer ni allocation.
C'est le cas notamment depuis lundi d'une famille algérienne de bientôt quatre enfants. La famille de l'ancien policier, qui dit avoir été menacé dans son pays, a trouvé refuge dans un local associatif.
Au-delà, en cas de contrôle, c'est la reconduite à la frontière. Le gouvernement affirme vouloir doubler le nombre d'expulsions à 20.000 en 2004.
"On assiste vraiment à un durcissement depuis début 2004" dans l'attribution des droits d'asile. "Auparavant avec une promesse d'embauche, ou si un enfant était malade, ça pouvait marcher. Maintenant ce n'est plus le cas", note l'adjointe au maire PS à la solidarité Michelle Meunier, jointe par téléphone.
Selon la préfecture, environ 90% des demandes sont refusées.
Mobilisation écolière contre des expulsionsEnfants, parents et enseignants créent un collectif à Nantes pour défendre des étrangers.
Par CASINIERE Nicolas de LA - jeudi 17 juin 2004 - Liberation
Nantes correspondance
Les enfants ont alerté leur classe. «Une petite Arménienne de 7 ans a dit qu'elle devait quitter l'hôtel, que la famille allait dormir dans une voiture. Pour les enfants et les enseignants, ç'a fait un choc», explique Nadège, institutrice à Sainte-Luce (Loire-Atlantique), près de Nantes. Enfants, enseignants et parents se sont mobilisés autour de ces déboutés du droit d'asile expulsés de leur logement provisoire et menacés d'expulsion, découvrant chaque jour de nouvelles familles étrangères menacées.
«Ces enfants, on les côtoie au quotidien. Ils sont sur les photos de classe dans nos cuisines et aux anniversaires de nos enfants. Hier soir, au conseil d'école, deux familles péruvienne et africaine ont annoncé leur expulsion possible. On ne le savait pas ! Ça prend aux tripes», dit Frédéric Cherki, parent d'élève à l'école Louise-Michel à Nantes. Un établissement occupé ce matin, comme bien d'autres depuis vendredi. «Les enfants ont justement travaillé sur la fraternité dans bien des projets d'école, ajoute un autre enseignant. L'école primaire, c'est un lieu d'intégration évident qui marche. Casser ça, quel gâchis !» Les enfants ont spontanément proposé un duvet et un canapé pour leurs camarades, «qui n'ont rien fait de mal». «Et un copain juif, en 42, on aurait fait quoi ?» demande un père.
Un collectif, Enfants étrangers-citoyens solidaires, s'est formé en urgence, élargi à de nouvelles écoles chaque jour. Il estime que 80 familles étrangères et 130 écoliers sont menacés d'ici à la fin de l'année scolaire. Le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault (PS), parle de prise en compte humanitaire au cas par cas, soulignant que bien des refus d'asile sont justifiés. Mais quid de cette famille algérienne de trois enfants avec une mère enceinte de près de neuf mois, mise à la rue mardi ?
La mobilisation s'accroît pour la défense des sans-papiers scolarisés.
Le baccalauréat, pas la valisePar Nathalie CASTETZ et Charlotte ROTMAN - 02 juillet 2004 (Liberation)
Au début, ils ont pensé à l'école buissonnière. Et puis, il a bien fallu se rendre à l'évidence : si X. ne venait plus en classe, c'est qu'il avait été mis dans l'avion : renvoyé à Bamako.
«Je me souviens de la première fois qu'un de mes élèves m'a dit qu'il était sans-papiers, le choc», se rappelle Richard Moyon, enseignant à Châtenay-Malabry. «Je ne peux plus faire cours normalement avec K. en face de moi, qui risque de partir au Maroc», confie un professeur d'histoire-géo, en poste près de Paris. Toute l'année, des enseignants sonnés et des parents d'élèves de primaire ou de maternelle révoltés, se sont mobilisés sans relâche. Avec la fin de l'année scolaire, les menaces se précisent. Tous craignent de voir partir ces élèves et de ne garder d'eux que leur visage sur une photo de classe. Il y a plusieurs années des professeurs du Val-de-Marne venus au tribunal de Nanterre pour soutenir un collègue étranger, étaient tombés sur l'un de leurs élèves, Simon, menotté, sous le coup d'une mesure d'expulsion. Pour éviter d'en arriver là, un appel a été lancé, cette semaine pour «régulariser les sans-papiers scolarisés».
Pudeur. Mais pour aider ces élèves, encore faut-il connaître leur situation. Thierry vient de passer son bac à Créteil. Sa mère, ses frères et soeurs sont ici : depuis ses dix-huit ans, il a basculé dans l'illégalité. «Je ne voulais pas en parler. A l'école, c'est un sujet de moqueries ou une insulte. On dit : "espèce de sans-papiers."» Les enseignants doivent vaincre cette pudeur. Monique, professeure dans un lycée à Massy : «Des élèves viennent me voir parce qu'ils ont appris que je suis à la Ligue des droits de l'homme. Mais il faut parler tout bas. Ils me demandent de ne pas le dire aux autres.» Dans son établissement, trois élèves se sont manifestés : un Turc, une Camerounaise et un Malien. A Saint-Denis, au lycée Suger, on a comptabilisé quatre cas.«L'une est béninoise, explique Marisa une enseignante, elle vit en France depuis quatre ans, et veut être infirmière. Elle n'a pas de papiers, c'était mon élève et je ne le savais pas.»
Quand les adolescents souvent sans parents en France osent se faire connaître, ils ne restent pas seuls longtemps. La solidarité s'installe vite. A Châtenay-Malabry, le lycée Jean-Jaurès s'est mis en branle pour Gladys, haïtienne et Sandrina, angolaise. Et a obtenu pour elles deux titres de séjour étudiant. Dans le Val-de-Marne, une pétition pour Ramata, lycéenne malienne à Charenton et Leopoldo, un Chilien scolarisé à Choisy-le-Roi, a rassemblé 1 500 signatures. Des cartes postales avec la photo des deux sans-papiers ont été éditées par le lycée. Tous les deux ont finalement arraché un titre de séjour. Le collectif Education sans frontières constitué cette semaine incite les jeunes à sortir de l'ombre et les enseignants à organiser des veilles. «Il faut qu'à la rentrée dans chaque établissement, une équipe d'enseignants se dise prête à aider», insiste Richard Moyon.
Cette année, la mobilisation a gagné les écoles maternelles et primaires. Un matin, à Paris, Ramzan n'est pas venu à l'école. Ni le lendemain. Ni le jour d'après. Ses parents, convoqués à la préfecture ont préféré disparaître. Dans le même groupe scolaire du XIIe arrondissement, les instituteurs ont alors découvert que d'autres enfants, eux aussi tchétchènes, risquaient également d'être renvoyés de France avec leur famille. Depuis, les parents ont organisé un débat sur la Tchétchénie , tenu des réunions hebdomadaires, correspondu par mail, envoyé des courriers officiels. Ils ont créé un site web, et rassemblé 1 700 euros en un mois pour payer un avocat.
Education civique. Ce n'est pas un cas isolé. A Nantes, des parents ont occupé plusieurs écoles primaires, et comptabilisé 135 écoliers menacés. Au Havre, la mobilisation est partie samedi dernier de l'école élémentaire où sont scolarisés trois enfants angolais, à l'annonce de l'arrêté de reconduite à la frontière délivré à l'encontre du père. «J'enseigne aux enfants l'éducation civique et les droits de l'homme, alors ils ne comprennent pas», dit l'instituteur Marc Girard. Personne ne connaissait la situation de la famille. Depuis, des banderoles de protestation ont été étalées sur les murs de l'école, et des messages de soutien écrits par les enfants, punaisés sur des panneaux.