SÉCURITÉ - Le ministre de l'Éducation annule la
décision controversée du collège Édouard-Manet
de Villeneuve-la-Garenne d'accepter un policier à demeure
Luc Ferry dit non aux forces de l'ordre à l'école Marielle Court - Le Figaro - 30 janvier 2004
Luc Ferry prend le mors ! Le ministre de l'Éducation a décidé hier d'annuler purement et simplement la décision du conseil d'administration du collège Édouard-Manet de Villeneuve-la-Garenne prévoyant la présence d'un policier à demeure(nos éditions du 24 janvier). «Je mets un point final à cette affaire», déclare le ministre de l'Éducation. Et cela vaudra pour toute autre tentative du même type à une exception près : «Si la totalité de la communauté éducative, parents et enseignants, en fait la demande.» Fermez le ban ! Au ministère de l'Intérieur, on faisait mine hier de ne pas relever cette petite passe d'armes avec la rue de Grenelle. Il faut dire qu'entre temps la situation a sérieusement évolué. Au sein du conseil d'administration du collège Édouard-Manet, les enseignants qui ont voté unanimement contre la décision d'avoir un représentant des forces de l'ordre sont en effet retournés voir Nicolas Sarkozy mercredi soir. Des professeurs très largement soutenus par leurs instances syndicales au niveau national. «Au moment où l'encadrement éducatif subit des coupes claires, affirmait mardi la FSU, la principale fédération de l'éducation nationale, ce type de mesures relève d'une gesticulation sécuritaire qui ne réglera en rien le fond du problème et masque l'absence d'une politique concertée de lutte contre la violence.» La rencontre place Beauvau a abouti à un report du protocole. «Il est évident que nous nous opposons à ce statut d'un policier référent à plein temps dans le collège, a expliqué Jocelyn Royé, l'un des professeurs, à la sortie du ministère. Cette proposition était disproportionnée par rapport aux problèmes rencontrés dans le collège.» Une position que les enseignants du collège développent dans une lettre adressée à Nicolas Sarkozy où ils regrettent la précipitation avec laquelle s'est déroulée toute cette affaire. Le délai entre la proposition du ministre de l'Intérieur de placer un «policier référent» au sein du collège Édouard-Manet et le vote par le conseil d'administration est apparu insuffisant «pour permettre une véritable consultation des parents et des élèves de l'établissement, alors que le vote au CA de leurs représentants a été déterminant», précise le courrier. Les enseignants proposent donc à Nicolas Sarkozy de «réfléchir ensemble, avec notamment les parents et les élèves, et sous des modalités à définir, à une autre forme de partenariat avec le commissariat de Villeneuve-la-Garenne». Ils évoquent un renforcement de la prévention et «une meilleure couverture du secteur du collège par les effectifs de la police nationale». Des suggestions fort éloignées de la présence permanente d'un policier au sein de l'établissement... Que va-t-il se passer maintenant ? Compte tenu de la prise de position très ferme de Luc Ferry, mais également des déclarations des enseignants, il paraît désormais certain qu'il n'y aura pas de policier dans l'enceinte d'Édouard-Manet. On souligne dans l'entourage de Nicolas Sarkozy que l'idée d'un policier à demeure n'était qu'une proposition. Et on s'employait surtout à banaliser ce que certains ne manqueront pas d'interpréter comme un recul pour le ministre de l'Intérieur. «Le fait d'avoir un représentant des forces de l'ordre, connu de la communauté éducative, c'est tout à fait autre chose que de faire appel à un commissariat où l'on ne connaît personne», rappelle un conseiller. Côté Éducation nationale, on se réjouit de l'abandon de ce projet. «Le problème de l'autorité, c'est un problème d'éducation, pas de sécurité. Il faut arrêter de traiter les effets, il faut traiter les causes», commente un haut fonctionnaire du ministère : «Des profs, cela ne se gère pas comme des flics.» --------------------------------
Que pensez-vous de la proposition du ministre de l'Intérieur de placer de policiers au sein des établissements scolaires ? Sébastian ROCHÉ. – Moralement, une telle décision
est acceptable. Au même titre qu'il y a des policiers à l'extérieur
des établissements, il peut y en avoir à l'intérieur.
Un policier n'entre pas en concurrence avec les enseignants.
À défaut de policiers, quelle serait alors la bonne solution ? Il faut que les équipes éducatives fassent un énorme travail de cohérence. L'idée de communauté éducative n'existe que trop rarement dans les collèges : le chef d'établissement travaille d'un côté, l'infirmière de l'autre... On a compris dans les hôpitaux qu'il fallait se pencher sur l'accueil des patients si on voulait éviter des tensions. Il faut des démarches équivalentes dans les établissements scolaires. Il ne faut plus – comme je l'ai vu – que des professeurs s'adressent à un principal en lui disant : «Tu as des élèves qui se battent dans la cour.» Tout le monde doit se sentir concerné. C'est un travail très compliqué. Définir clairement
quels sont les droits et devoirs n'est pas une tâche aisée
pour toute une communauté éducative. Cela prend beaucoup
de temps, mais c'est ce qui marche le mieux.
|
Report du projet d'installation d'un policier
dans le collège de Villeneuve 28/01/04 - Le projet de mettre un policier en permanence dans un collège de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) afin d'améliorer la sécurité a été reporté par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy après une rencontre mercredi soir avec une délégation de professeurs. L'arrivée d'un "policier référent" dans le collège le 9 février a été annulée, a expliqué Jocelyn Royé, l'un des professeurs membres de la délégation, à l'issue de cette réunion au ministère. Une nouvelle convention va être mise en discussion avec tous les partenaires éducatifs et les parents d'élèves, en vue d'établir un autre protocole. "Il est évident que nous nous opposons à ce statut d'un policier référent à plein temps dans le collège (...) Cette proposition était disproportionnée par rapport aux problèmes rencontrés dans le collège Edouard Manet", a expliqué M. Royé. "L'arrivée d'un policier dans l'équipe éducative
était difficilement concevable et cela méritait un large
débat d'opinion car c'est un problème qui dépasse
les problèmes que nous rencontrons au collège", a ajouté
un autre enseignant.
|
Le flic à l'école ne rassure pas les profs
Polémique sur l'arrivée d'un policier dans un collège des Hauts-de-Seine.
Par Emmanuel DAVIDENKOFF Libération - 28 janvier 2004«Il n'est pas absurde d'avoir un policier à demeure, auquel les élèves s'habituent, plutôt que d'en voir débarquer brutalement dix, qui ne connaissent pas l'établissement, dans une situation de crise.» C'était il y a un an. De retour de Londres où il avait visité une école abritant un bobby, Xavier Darcos, le ministre délégué à l'Enseignement scolaire, avouait que l'idée d'implanter des policiers en uniforme dans les établissements ne le choquait pas (lire ci-contre). Il précisait néanmoins : «Ce n'est certainement pas à moi d'en décider, mais aux équipes éducatives, dans les établissements, en liaison avec leurs quartiers» (Libération d'hier).
Un an plus tard, Nicolas Sarkozy n'a pas dit autre chose à la délégation d'enseignants et de parents du collège Edouard-Manet, de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), qui lui ont rendu visite voici dix jours. En leur proposant de leur rattacher un «policier-référent», attendu fin février, il a (re) lancé le débat.
Tension. Qui a voulu cette rencontre? La délégation du collège, selon les ministères de l'Intérieur et de l'Education nationale ; le hasard, selon un enseignant : «Nous avons écrit aux ministères de l'Education, de l'Intérieur et de la Ville pour les alerter sur la situation du collège [le jet d'une bombe artisanale dans la cour de récré (Libération du 15 janvier)]. Sarkozy nous a invités.» Qu'a-t-il dit ? «Qu'il était ministre de l'Intérieur et qu'il proposerait des réponses dans le cadre de ses attributions.»
Sarko n'a toutefois pas le pouvoir de créer des postes à l'Education nationale. Alors il rejoue une scène bien rodée, sur le mode «la peur est antinomique de la démocratie». Et propose le rattachement d'un «policier-référent» à ce collège de 750 élèves, déjà doté de deux conseillers principaux d'éducation, sept surveillants, deux emplois-jeunes et quatre médiateurs du conseil général. Il fixe deux conditions : que la communauté éducative, notamment les enseignants, se prononce pour, et que les modalités d'intervention du policier soient décidées au niveau local - toutes les options sont ouvertes : de l'îlotage aux abords du lycée, à une présence dans les murs. L'Education nationale donne son feu vert.
Huit jours plus tard, le conseil d'administration vote sur un projet de protocole qui précise qu'il revient au «policier-référent» «d'établir une collaboration étroite avec la communauté éducative (...), d'intervenir dans les meilleurs délais pour faciliter le travail d'enquête éventuel et d'organiser les rappels à la loi nécessaires». Après une formation qui commencerait le 9 février, il sera présent après les vacances de février trente-deux heures et demie par semaine dans l'établissement ou, «si aucune mission interne ne le retient au sein du collège, effectuera (...) des patrouilles pédestres aux alentours de l'établissement». A l'intérieur du collège, il «est placé auprès du chef d'établissement» et «agit à la requête et à la demande de celui-ci.» En revanche, «il agit d'initiative chaque fois qu'il constate une situation de nature à constituer un manquement à la loi pénale.» Enfin un «comité de suivi de l'expérimentation» est créé.
Sur les 27 membres du conseil d'administration (CA) présents, 18 votent pour et 9 contre... dont les 7 représentants des profs. Formellement, le texte est adopté. Mais la tension monte. Le Snes dénonce le déroulement du conseil - notamment «la présence inopinée à 18 heures du préfet et de l'IA (inspecteur d'académie) qui ne sont pas membres du CA». Le collectif Réseau des bahuts parle de «coup de force».
Velours. Au ministère de l'Intérieur, on calme le jeu : «Le ministre a dit qu'il voulait avoir le soutien des enseignants ; d'un autre côté le conseil d'administration a voté... Nous allons très vite revoir les enseignants.» En tout état de cause, «pas question de monter un bras de fer sur ce sujet». C'est mal parti : la communauté éducative est déjà montée au créneau au niveau national. Le Snes-FSU (majoritaire dans le secondaire) accuse Sarkozy de «vouloir installer la police à demeure dans certains établissements» et lance une pétition nationale. Le PS brocarde : «C'est le ministre de l'Intérieur qui, une fois de plus, se substitue à Ferry pour prendre des décisions concernant l'Education nationale». La FSU se dit «en complet désaccord avec une politique qui, après avoir supprimé 40 000 emplois de personnels d'éducation en deux ans, conduirait à affecter des policiers dans les établissements difficiles». Elle joue sur du velours : le gouvernement a bien supprimé 46 500 postes d'aides-éducateurs et de surveillants.
Dernier rebondissement : lundi soir, le collégien qui avait déclenché l'affaire en jetant une bouteille explosive dans la cour afin «d'embêter les profs» est passé en conseil de discipline. Il a été exclu définitivement du collège par quatre voix pour, deux contre et deux abstentions. Les enseignants n'ont pas voté pour l'exclusion.
------------------Hostilité syndicale au Royaume-Uni
Par Emmanuel DAVIDENKOFF - Libération - 28 janvier 2004
En janvier 2003, Xavier Darcos avait visité un collège londonien pour évaluer les effets de la politique antiviolence de Tony Blair qui a aussi fait débat. L'arrivée dans les établissements de policiers en tenue s'était heurtée à l'hostilité des syndicats. Eric Spear, de l'Association nationale des directeurs de collège, avait alors prévenu : «Je ne crois pas que les enseignants accueilleront favorablement l'arrivée de policiers, car c'est la preuve qu'ils ne contrôlent plus la situation.» Mais l'école Pimlico, que Darcos avait visitée, abritait aussi un système électronique de contrôle des absences ; un personnel d'encadrement restreint mais compensé par la présence des enseignants toute la journée ; un suivi individualisé des élèves ; des séances de «contrôle de la colère» ; et une incitation aux enseignants à être «plus positifs» avec les élèves : «Des recherches ont montré que les professeurs tiennent 80 % de propos négatifs et 20 % de propos positifs», expliquait alors le directeur adjoint. A l'arrivée, quasiment plus d'exclusions, et des élèves finalement rassurés.
Le SGP "scandalisé" par le projet de mettre un policier dans un collège
28/01/04 - Le syndicat général de la police (SFP-FO troisième syndicat) s'est dit mercredi "scandalisé" par le projet de mettre un "policier réfèrent" à titre expérimental dans un collège de Villeneuve-la-Garenne.
Dans un tract adressé à l'AFP, le SGP "rappelle" que le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy "est de ceux qui jugeaient indispensable la baisse du nombre de surveillants dans l'Education nationale".
Ironique, le SGP propose de mettre "des policiers dans les hôpitaux contre la légionellose et dans les boucheries-charcuteries contre la vache folle". "A force de vouloir tout faire et communiquer sur n'importe quoi, vous finissez par faire n'importe quoi et communiquer sur tout", dit le SGP au ministre.
"A Villeneuve-la Garenne, on n'est pas aux Etats-Unis, qu'ils embauchent des surveillants", a expliqué à l'AFP Laurent Forini, le délégué départemental du SGP dénonçant "une dérive à l'américaine". "Les pions font l'affaire, je ne vois pas ce qu'on va faire de plus", a-t-il ajouté.
Débat sur la présence d'un policier au collège de Villeneuve27/01/04 - Les professeurs du collège Edouard Manet de Villeneuve-la-Garenne ont débattu en assemblée générale lundi et mardi de l'éventuelle présence dans leurs locaux d'un "policier référent" pour lutter contre l'insécurité à l'intérieur de leur établissement.
Ils se réuniront de nouveau jeudi pour décider de leur attitude sur une "expérience" proposée jusque fin juin par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy et qu'il voudrait mettre en place rapidement s'il arrive à un consensus des parents, des cadres, des élèves et des professeurs.
"Il n'y a pas de remise en cause du protocole", explique-t-on au rectorat où l'on considère la date du 9 février, une semaine avant les vacances, comme acquise pour l'arrivée du gardien de la paix. Des "tractations" sont en cours sur ses missions, précise-t-on de même source. Il sera vêtu en civil et ses horaires, son emploi du temps, sa localisation, sont en train d'être examinés, ajoute-t-on.
Pourtant, dés leur première réunion la semaine dernière, une majorité de professeurs s'y étaient opposés. Depuis, le vote du conseil d'administration est intervenu au cours duquel les professeurs ont été rejoints par deux parents d'élèves dans leur refus de toute présence permanente.
Le conseil d'administration d'un établissement est composé approximativement pour un tiers de représentants des collectivités locales et de l'administration, pour un tiers du personnel, professeurs et assistants, et pour un tiers des usagers, élèves et parents. Le vote de vendredi a été acquis par 18 voix pour et 9 contre.
Mardi, le Syndicat national de l'enseignement secondaire (SNES), qui avait déja dénoncé ce projet, a décidé de lancer une campagne nationale de pétition pour fustiger une "dérive dangereuse". Une telle présence "ferait des établissement scolaires un lieu de répression", dénonce le SNES.
La Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL proche de l'opposition socialiste) y voit "une aberration". "La montée des phénomènes de violence dans les établissements scolaires n'est que la suite logique des suppressions de postes en encadrement et de la politique de rigueur imposée à l'Education nationale", a-t-elle affirmé dans un communiqué.
Du côté de la police nationale, qui depuis des années a mis dans les commissariats des officiers de prévention pour lutter contre les violences scolaires, on reste discret, discipline oblige, ou on s'inquiète des problèmes d'effectif que poserait la généralisation d'une telle expérience.
Le syndicat Alliance, majoritaire dans le département, n'y est pas non plus favorable. "On n'est pas des bonnes à tout faire, ce n'est pas à la police de faire la surveillance", explique-t-on en voyant dans l'école "un lieu de neutralité absolue".
Le collège de Villeneuve
accepte la présence permanente d'un policier24/01/04 Le conseil d'administration du collège Edouard Manet de
Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) réuni vendredi soir a accepté,
malgré l'opposition des enseignants, la présence permanente d'un
policier dans ses locaux, a-t-on appris samedi matin de source
administrative.Le "protocole de mise en place d'un dispositif expérimental destiné à
renforcer la sécurité du collège" a été adopté par 18 voix sur 27 à
l'issue d'un vote à bulletin secret, a affirmé à l'AFP un enseignant
qui a souhaité garder l'anonymat. Neuf personnes, dont la totalité des
enseignants présents, se sont prononcées contre cette présence.Cette décision fait suite au jet d'une bouteille d'acide qui avait
explosé dans la cour sans blesser personne le 9 janvier dernier. Les
professeurs avaient alors arrêté les cours pendant 2 jours, évoquant au
nom de la sécurité un "droit de retrait" qui leur a été refusé.Présentant vendredi soir ce protocole avant le vote, le préfet du
département, M. Michel Delpuech, avait rappelé que cette présence
policière avait été proposée par le ministre de l'Intérieur le 15
janvier dernier lorsqu'il avait recu à sa demande une délégation
d'enseignants, de parents d'élèves et le chef d'établissement."Il va de soi que rien ne sera imposé et que le consensus de la
communauté éducative et en particulier celui des enseignants est une
condition indispensable à la mise en oeuvre de la démarche proposée"
avait précisé le préfet.Lors du scrutin qui s'est déroulé vers 21H, les sept professeurs
membres du conseil d'administration se sont retirés après avoir voté
contre. Puis le débat à repris concernant les horaires de ce "policier
référent" qui devrait rester dans le collège jusque fin juin.