alternatives éducatives : des écoles, collèges et lycées différents
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I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! Appel pour des éts innovants et coopératifs |
 

Sainte Alliance du "Libéralisme" et de "La-Bible" réunis, versions Brutes de Brut made in u.s.a.
De petits groupes, clubs, associations, "collectif pour la liberté d'instruction"
(auxquels adhèrent ponctuellement quelques centaines de parents pratiquant, en France,
l'école, l'instruction, l'éducation, à la maison, à domicile, en famille, avec ou sans cours à distance,
bref soyons modernes et tendance, le homeschooling),
- et au nom de la "liberté d'instruction, de conscience", des "droits-de", et de la sainte-Famille -
ont réagi en choeur, avec cris d'orfraies et rifs d'harmoniums,
au vote de l'article 9 de la loi "prévention délinquance"
puis au rapport 2006 de la commission sur l'influence des sectes :
communiqué, pétition mytho-mégalo-parano, et questions alarmistes sur divers blogs.

Avec comme effet - quelle surprise -  le "soutien" affiché de mouvances ultra-conservatrices,
lobbies sectaires et cathos intégristes.
... et le non-vote du rapport "Fenech", par M. Vanneste, l'un des 30 membres de la commission.
Intéressant.
C.q.f.d. ?


L'illusoire tentation de
l'"école sanctuaire"
Le Monde - 14.02.04

L'école a peur de la société qui l'entoure. Convaincu d'être victime d'une multitude d'agressions - voile islamique, mais aussi violence scolaire, invasion des marques commerciales, intrusion des entreprises, concurrence de la télévision -, le monde éducatif est tenté par le modèle d'une "école sanctuaire" protégée du monde extérieur.

Dans l'adversité, le repli apparaît comme la solution idoine, la seule susceptible de répondre à l'ampleur des menaces.

Cette volonté de "sanctuarisation" se retrouve à plusieurs niveaux. Elle est évidente du côté du pouvoir politique actuel : les deux ministres chargés de l'éducation, Luc Ferry et Xavier Darcos, tiennent un discours très défensif sur la nécessité de préserver l'école d'une société dangereuse. C'est d'ailleurs là, bien plus que dans une approche libérale supposée - qui se traduirait par la volonté de démanteler le service public -, que s'exprime leur conception de l'école.

L'analyse philosophique de M. Ferry est la plus connue. Dans sa Lettre à tous ceux qui aiment l'école, qui constitue le canevas idéologique de son action, le ministre a souligné le mal causé par "l'individualisme" importé de la société vers l'éducation. Selon le philosophe, l'exacerbation de la place donnée à l'individu a "précipité l'école dans la crise" en privilégiant "l'innovation au détriment de la tradition", "l'authenticité aux dépens du mérite", "le divertissement contre le travail" et "la liberté illimitée en lieu et place de la liberté réglée par la loi".

Bref, l'école de la République, construite historiquement contre les familles et l'Eglise, subirait aujourd'hui la revanche de la société.

Chargé des questions de violence scolaire, son collègue, Xavier Darcos, s'est concentré sur la thématique de l'autorité perdue des enseignants.

Pour le ministre délégué à l'enseignement scolaire, qui était conseiller de François Bayrou, en 1993, au moment où celui-ci a popularisé la notion d'"école sanctuaire", l'éducation nationale doit se recentrer sur sa mission de transmission des savoirs, une fonction qui aurait été progressivement marginalisée.

Cette vision se traduit par des propositions portant sur le retour aux "enseignements fondamentaux", sur l'uniforme dans les établissements scolaires ou la "sécurisation" des locaux avec la mise en place de caméras ou de grilles. De symbolique, la fermeture en devient matérielle.

CETTE TONALITÉ NOSTALGIQUE

Si la plupart des enseignants doutent de l'intérêt de ces mesures, le principe de "sanctuarisation"n'en demeure pas moins largement accepté dans leur esprit. Bon nombre d'entre eux se sont ainsi saisis des quelque 15 000 réunions organisées dans le cadre du "débat national sur l'avenir de l'école" pour témoigner de leur crainte de voir les valeurs de l'école - travail, mérite, égalité, laïcité... - bousculées par celles de la société de consommation - séduction, immédiateté, facilité...

Sauf surprise, la synthèse du "débat national sur l'avenir de l'école" que doit rédiger la commission présidée par Claude Thélot, d'ici à mars, ne manquera pas de traduire cette tonalité nostalgique.

Cette inquiétude débouche sur l'exigence d'un plus grand cloisonnement du monde scolaire. Elle s'exprime, en premier lieu, à propos des revendications religieuses ou communautaires.

L'affichage de signes religieux, les demandes particularistes sur l'alimentation ou les dates d'examens, le refus de la mixité, la contestation de certains enseignements apparaissent comme des intrusions de la religion dans les établissements. Et appellent donc, aux yeux des enseignants, des réponses très fermes pour manifester la séparation entre l'espace scolaire - public - et le domaine privé.

De manière moins médiatique mais presque aussi fondamentale, la communauté éducative apparaît très sensible à la question de la "neutralité" du service public vis-à-vis du monde économique, comme le démontre le succès des thèses altermondialistes.

Confrontés à l'invasion des marques et au risque d'une "marchandisation" de l'enseignement, les professeurs réclament, là encore, d'ériger une stricte frontière. Les syndicats n'ont d'ailleurs jamais caché qu'une approche strictement laïque interdisant les seuls signes religieux était insuffisante. Dans leur conception, la neutralité doit aussi s'entendre des "influences patronales, religieuses et sectaires", comme l'écrit le SNES-FSU, principal syndicat des collèges et des lycées.

Le point commun de ces analyses est implicite : l'ampleur des menaces que fait porter la société - le communautarisme, l'entreprise, pour reprendre nos deux exemples - doit conduire à "fermer", "protéger" et "défendre" l'école. L'espoir placé dans cette exigence de "sanctuarisation" paraît pourtant bien illusoire. Deux facteurs limitent considérablement les effets attendus d'une telle politique.

Le premier tient à l'évolution du public scolaire : la notion d'"école sanctuaire" n'a tenu, dans le passé, que parce que l'éducation nationale se gardait bien d'accueillir tous les élèves ensemble - et notamment ceux des "classes dangereuses", relégués à l'école primaire et empêchés, de fait, de poursuivre leurs études au lycée. Cette période est évidemment révolue : avec 97 % des jeunes qui atteignent aujourd'hui le niveau de la troisième, contre 71 % en 1980, la société se retrouve presque intégralement dans l'école. Et, avec elle, mécaniquement, toutes les tensions qui traversent le pays.

LA TENTATION DU REPLI

Il en va ainsi de l'émergence du "communautarisme" dans les écoles : constitue-t-elle une véritable surprise quand on connaît l'ampleur de la ségrégation sociale, voire ethnique, dans les quartiers ? Qui en est le plus responsable, des individus ou de la République, qui permet de telles inégalités ? En quoi, enfin, la fermeture de l'école résoudra-t-elle ces tensions ?

La tentation du repli se heurte à une seconde limite : la focalisation sur les maux extérieurs de l'école tend à réduire au strict minimum la réflexion sur les facteurs internes de dysfonctionnement.

Et pourtant, les sujets ne manquent pas, dont beaucoup d'observateurs estiment qu'ils sont déterminants : en vrac, les faiblesses de la formation des enseignants, la nomination des professeurs les moins expérimentés sur les postes les plus difficiles, le refus de faire évoluer la définition du service des enseignants, le choix de privilégier, en termes de moyens, les lycées par rapport aux collèges, l'image désastreuse de l'enseignement professionnel...

Dans ce contexte, l'idée de "sanctuarisation" peut paraître séduisante, mais elle risque de ne constituer qu'un leurre.

Luc Bronner

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