Extraits
(chap. 6 - "La promotion de la démocratie chez nous")
/.../ Toujours mus
par la même volonté d'étatisme réactionnaire
pro-entreprises, les dirigeants républicains ont réorganisé
tant le Congrès que la Maison-Blanche en «systèmes
où tout vient d'en haut» : les décisions importantes
sont confiées à un «cercle étroit de loyalistes
de l'aile ouest *» dans l'exècutif, et le Congrès est
contrôlé par «quelques leaders [et] loyalistes conservateurs»
sur un mode proche de «l'organigramme d'une entreprise des 500 de
Fortune».
•
L'aile ouest de la Maison-Blanche est le centre des activités de
l'exécutif:
c'est là
que se trouvent, notamment, le «bureau ovale» du président,
et, en sous-sol,
la salle de gestion des crises, la Situation Room.
Structurellement, l'équivalent
politique de l'entreprise est l'État totalitaire. Les loyalistes
sont récompensés, et ceux qui «contrarient les dirigeants
du parti», promptement punis. L'offensive antidémocratique
a des précédents, bien sûr, mais elle est en train
d'atteindre de nouveaux sommets. Aucun bon connaisseur de l'histoire ne
sera surpris de la voir s'accompagner des plus augustes missions et visions
de démocratie (61).
Le système
d'éducation n'est pas encore une filiale à 100 % du complexe
État-entreprises, et il essuie donc, lui aussi, l'attaque des étatistes
réactionnaires, indignés par le «parti pris libéral»
qui traite de façon punitive les «étudiants conservateurs»
et distille des dogmes antiaméricains, propalestiniens et de gauche
- ces idées étant toujours accueillies avec transport et
enthousiasme par un corps enseignant libéral, nous signifie-t-on
implicitement. Comme s'y attendraient les lecteurs d'Orwell, l'offensive
pour imposer le contrôle de l'État sur les programmes, le
recrutement et l'enseignement se mène sous la bannière de
la «liberté académique», nouvel exemple de recours
sans vergogne à la technique «Au voleur, au voleur!».
Bizarrement, la
mainmise de la gauche antiaméricaine et propalestinienne sur le
système d'éducation ne se reflète pas dans les publications
universitaires, réalité ignorée avec soin par les
«défenseurs de la liberté académique»,
qui lui préfèrent des anecdotes éparses d'un intérêt
douteux. On remarque aussi l'absence d'un moyen pourtant évident
d'évaluer l'ampleur de l'extrémisme anti-israélien
qui s'est emparé, dit-on, des enseignants : l'organisation d'un
sondage pour voir combien d'entre eux estiment qu'Israël doit avoir
les mêmes droits que n'importe quel autre État dans le système
international. Facile, mais mieux vaut éviter, pour des raisons
que les organisateurs de la campagne comprennent fort bien.
«Le Congrès
est en train de prendre les premières mesures de pression sur les
universités pour qu'elles assurent le maintien de l'équilibre
idèologique pendant les cours, écrit la presse, initiative
dont les partisans soulignent la nécessité pour protéger
les étudiants conservateurs des mauvaises notes que leur mettent
les professeurs libéraux» - assertions qui n'amuseront pas
beaucoup ceux qui connaissent les réalités du monde universitaire.
En Pennsylvanie, la Chambre des représentants «a voté
une résolution créant un comité spécial chargé
d'enquêter - dans les universités publiques de l'État
- sur la façon dont sont recrutés et promus les membres
du corps enseignant, et de vérifier si les étudiants sont
évalués équitablement, et s'ils ont le droit d'exprimer
leurs idées sans crainte d'être punis pour l'avoir fait».
Ce vote est «une victoire considérable pour la liberté
académique», a déclaré David Horowitz, auteur
de la déclaration des droits académiques, qui a été
le fondement de ce texte de loi. L'opposition des milieux enseignants,
a-t-il dit, «a été féroce, et leur défaite
n'en est que plus amère». La «liberté académique»
remporte une nouvelle victoire sur la liberté académique.
Dans l'Ohio, s'inspirant
des mêmes courageux défenseurs de la liberté académique
contre l'assaut général de la gauche, le sénateur
Larry Mumper a déposé un projet de loi pour «limiter
ce que les professeurs d'université peuvent dire dans leurs cours».
Sa «"déclaration des droits académiques de l'enseignement
supérieur" interdirait aux enseignants des universités publiques
ou privées de traiter en classe "avec insistance" de questions controversées,
ou d'utiliser leurs cours pour promouvoir des idées politiques,
idéologiques, religieuses ou antireligieuses». De nombreux
professeurs, a précisé le sénateur Mumper, «ébranlent
les valeurs de leurs étudiants, parce que "80 % d'entre eux [les
professeurs] ou à peu près sont des démocrates, des
libéraux, des socialistes ou des communistes encartés" qui
tentent d'endoctriner les étudiants». On comprend pourquoi
leur résistance à la liberté académique est
si «féroce» et leur défaite si «amère»
(62).
Certes, le projet
a ses mérites : il permettrait d'épargner des sommes importantes
en supprimant les sections d'économie, de sciences politiques, d'histoire
et d'autres sciences humaines, qui, inévitablement, font la promotion
d'idées politiques et idéologiques et traitent avec insistance
de questions controversées - sauf si on les réduit, elles
aussi, à évaluer les compétences et les connaissances
de base.
Des projets de loi
semblables ont été déposés dans de nombreux
parlements d'État. Les sections d'études moyen-orientales
et les programmes d'éducation à la paix sont particulièrement
visés. L'État fédéral est aussi entré
dans la mêlée. En octobre 2003, la Chambre des représentants
«a voté à l'unanimité une loi qui pourrait mettre
les sections universitaires d'études internationales dans l'obligation
de manifester davantage de soutien à la politique étrangère
américaine ou de prendre le risque de perdre leur financement fédéral».
Ce texte visait particulièrement les études sur le Moyen-Orient:
«Le postulat inhérent à la loi est clair : si la plupart
des spécialistes reconnus estiment que la politique moyen-orientale
des États-Unis est mauvaise, ce sont les spécialistes qui
posent un problème et pas la politique», écrit Michelle
Goldberg. Les enseignants se sentent «menacés de voir les
centres [universitaires] punis s'ils n'adhèrent pas strictement
à la ligne officielle venue de Washington, ce qui constitue une
ingérence fédérale d'un niveau sans précédent
dans un programme universitaire d'études régionales»,
conclusion qui pourrait se discuter si l'on prenait en compte des formes
plus indirectes d'ingérence. Dans une importante analyse des scandaleuses
attaques contre les sections d'études moyen-orientales et les cours
d'éducation à la paix, l'éminent sociologue israélien
Baruch Kimmerling a mis en garde contre les effets désastreux de
«cet assaut contre la liberté académique mené
par une coalition de néoconservateurs et d'étudiants juifs
ardents, avec le soutien de certaines organisations juives "modérées"
», et inspiré par « la croisade de Horowitz».
Le titre de son texte était: « Des émeutiers "patriotiques"
peuvent-ils s'emparer des universités ?».
II a été
refusé par la revue Chronicle of Higher Education. Dans le
même esprit, Sara Roy, spécialiste du Moyen-Orient à
Harvard, cite la charge de Horowitz contre 250 programmes d'éducation
à la paix aux États-Unis, qui, assure-t-il, «apprennent
aux étudiants à s'identifier aux ennemis terroristes de l'Amérique
et à se représenter l'Amérique comme un Grand Satan
qui opprime les pauvres du monde et les réduit à la famine.
[ ... ] Combien de temps un pays en guerre contre des ennemis implacables
comme Ben Laden et Zarqaoui peut-il survivre si ses institutions d'enseignement
continuent à être poussées dans cette voie? C'est toute
la question» (63).
Des questions assez
différentes viennent à l'esprit, dont celles qui ont été
posées par Fritz Stern dans Foreign Affairs, ou, du point
de vue opposé, les mots du défenseur classique de l'autorité,
Thomas Hobbes: «Les universités ont été pour
cette nation ce que fut le cheval de bois pour les Troyens.»
Elles doivent être
« mieux disciplinées», poursuivait Hobbes: «Je
désespère qu'il y ait jamais une paix durable parmi nous
tant que les universités de notre pays n'inclinent et n'orientent
pas leurs études vers [...] l'enseignement de l'obéissance
absolue aux lois du roi.» II dénonçait les universités
parce qu'elles « ont enseigné la subversion », préconisé
la «souveraineté divisée», «loué
les théoriciens antiques de la démocratie» et le refus
religieux, écrit Corey Robin (64).
La campagne des
«patriotes» pour mettre sous contrôle encore plus étroit
le système d'éducation est particulièrement dangereuse
dans le contexte du large rejet de la science, phénomène
qui plonge de profondes racines dans l'histoire américaine et qu'on
exploite cyniquement depuis un quart de siècle pour de petits profits
politiques. Ce systéme de croyances est sans équivalent dans
les sociétés industrielles. Environ 40 % de la population
croit que «les êtres vivants existent sous leur forme actuelle
depuis le commencement des temps» et soutient l'idée d'interdire
l'enseignement de la théorie de l'évolution pour la remplacer
par le créationnisme. Les deux tiers veulent qu'on présente
dans les écoles à la fois l'évolution et le créationnisme,
parce qu'ils sont d'accord avec le président qui préconise
d'enseigner l'évolution en même temps que «le dessein
intelligent», «afin» - ce sont ses propres termes «que
chacun puisse comprendre sur quoi porte le débat»(65).
Ses mentors savent sûrement qu'il n'y a aucun «débat».
À la suite de toutes sortes de harcèlements ces dernières
années, les étudiants et les enseignants étrangers,
dont ceux de sciences et de technologie, ont de moins en moins envie de
venir étudier et travailler aux États-Unis. Ces événements
ont lieu sur fond d'hostilité de l'administration Bush à
l'égard de la science, une administration prête à réduire
la recherche des laboratoires universitaires sur laquelle repose l'économie
avancée, au risque de casser le «pipeline de l'innovation».
Un autre processus en cours est la mutation progressive des universités
en entreprises, qui tend à nourrir chez elles les projets à
court terme et le secret, entre autres. Les effets à long terme
pour la société pourraient être graves.
« Coudées
Fanches » pour les entreprises
Les conséquences
des politiques pro-entreprises et pro-État sont devenues impossibles
à dissimuler aprés la tragédie de l'ouragan Katrina.
La Federal Emergency Management Agency (FEMA) avait inscrit un gros
ouragan sur La Nouvelle-Orléans sur sa liste des trois catastrophes
naturelles les plus vraisemblables aux États-Unis. «La Nouvelle-Orléans
était le désastre numéro un dont nous parlions, a
confié un haut responsable. Nous étions obsédés
par La Nouvelle-Orléans, à cause du risque.» La FEMA
avait organisé des exercices et mis au point des plans élaborés,
mais ils n'ont pas été appliqués. Les forces de la
Garde nationale qui avaient été envoyées en Irak «avaient
emporté une bonne partie du matériel nécessaire, dont
des dizaines de véhicules amphibies, de Humvees, de camions-citernes
et de génératrices qui allaient manquer en cas de désastre
naturel majeur dans l'État», écrit le Wall Street Journal,
et «un haut responsable de l'armée de terre a expliqué
les réticences de celle-ci à engager, de Fort Polk, la 4e
brigade de la 10e division de montagne, parce que cette unité, qui
compte plusieurs milliers de soldats, était en pleins préparatifs
pour un déploiement en Afghanistan»(66).
Conformément
à l'ordre des priorités de l'administration Bush, la menace
de l'ouragan avait été déclassée, exactement
comme celle du terrorisme. Ce désintérêt a touché
de nombreux aspects du problème. Prenons la question des zones humides,
facteur important pouir réduire la puissance des ouragans et des
ondes de tempête. Les zones humides «étaient largement
absentes quand Katrina a frappé», écrit Sandra Postel,
l'une des raisons étant qu'«en 2003 l'administration Bush
avait en fait vidé de sa substance la politique "pas de perte nette
de zones humides", qui avait été inaugurée sous l'administration
Bush père». De plus, d'anciens responsables de la FEMA ont
expliqué que les capacités de l'agence avaient été
« marginalisées de fait» sous la présidence Bush,
quand elle avait été intégrée au département
de la Sécurité intérieure avec moins de moyens, des
couches bureaucratiques supplémentaires et une « fuite des
cerveaux», puisque des personnels démoralisés s'en
allaient, un peu comme à la CIA quand elle a été punie
pour désobéissance. Jusque-là «agence fédérale
de première catégorie», la FEMA, sous Bush, n'est même
pas sur le siége arriére, a dit un haut responsable: «Elle
est dans le coffre de la voiture du département de la Sécurité
intérieure.» D'où son incapacité à mettre
en œuvre réellement l'exercice que ses agents, un an avant Katrina,
avaient simulé avec succès contre un ouragan sur La Nouvelle-Orléans.
Les réductions de crédits de Bush avaient obligé le
corps du génie de l'année de terre à réduire
considérablement le travail anti-inondations, dont le renforcement
vraiment nécessaire des digues qui protégeaient la ville.
Dans son budget de février 2005, Bush prévoyait une nouvelle
réduction trés forte, «la plus forte jamais proposée»,
a écrit le Financial Times - c'est une spécialité
du timing de l'administration Bush, tout à fait comme la réduction
massive des crédits pour la sécurité des transports
publics juste avant les attentats de Londres de juillet 2005, qui ont pris
pour cibles les transports publics. En proportion de la dimension de l'économie,
le budget de la Ia FEMA avait baissé d'environ 9 % dans les trois
années précédentes, a signalé l'économiste
Dean Baker. Le taux de pauvreté, qui avait augmenté sous
Bush, atteignait 28 % à La Nouvelle-Orléans, et les dispositifs
d'aide sociale, déjà limités, s'étaient encore
affaiblis. Les effets ont été si épouvantables que
les médias, toutes tendances politiques confondues, ont été
atterrés par l'échelle de la dévastation et par sa
sélectivité en fonction de la classe et de la race. Face
à ce bilan lamentable, Paul Krugman a écrit que le programme
de Bush avait créé un «État impuissant»
pour la masse de la population, autre trait frappant des «États
manqués» (67).
Tandis que les médias
montraient des scènes saisissantes de malheur humain, les dirigeants
républicains ne perdaient pas une minute pour «mettre à
profit les mesures d'urgence sur la côte du golfe du Mexique frappée
par l'ouragan afin d'atteindre toute une gamme d'objectifs conservateurs
en matières économique et sociale». Citons parmi eux
: suspendre les régies exigeant des firmes sous contrat avec l'État
fédéral (celles qui joueront probablement les premiers rôles
dans le prochain scandale de corruption) qu'elles versent des salaires
normaux, une mesure de «réduction des coûts des entreprises»
; limiter le droit des victimes à porter plainte; donner des «bons
de financement scolaires» pour les enfants au lieu de financer
des écoles (ce qui constitue une prime aux écoles privées);
réduire le financement des bons alimentaires, des cantines scolaires
et des petits déjeuners à l'école (tout en publiant
les chiffres sur la montée de la faim dans le pays) ; lever certaines
contraintes environnementales; «renoncer à l'impôt sur
les successions pour les décès dans les États touchés
par la tempête» - quelle aubaine pour la population noire fuyant
les taudis de La Nouvelle-Orléans! -, bref, montrer clairement,
une fois de plus, que le cynisme est sans limite (68).
Bien que l'extrémisme
style Bush ait sans nul doute accéléré les évolutions
qui se sont révélées dans toute leur sauvagerie à
La Nouvelle-Orléans, leurs racines sont bien plus profondes : elles
sont à chercher dans le capitalisme d'État militarisé,
qui suppose de négliger les besoins des villes et les services à
la population en général, questions étudiées
en détail par Seymour Melman, en particulier, depuis des années.
«Une fois de plus, observe l'économiste Tom Reifer dans une
analyse du désastre Katrina, l'idéologie de la sécurité
nationale a joué un rôle crucial dans la lutte de classes
acharnée qui se mène non seulement contre le tiers-monde,
mais aussi contre la population intérieure, sur notre territoire
(69).
»
Parmi les réalisations
du premier mandat de George W. Bush, il y a eu d'énormes profits
pour les entreprises tandis que les salaires stagnaient ou baissaient,
et d'énormes réductions d'impôts pour les riches
afin de redistribuer vers le haut encore plus qu'avant. Ces politiques
comptaient au nombre des multiples mesures bénéficiant à
une infime minorité et susceptibles de provoquer à long terme
un «déraillement budgétaire», qui compromettra
les dépenses sociales à venir et transférera aux générations
futures les coûts du pillage auquel se livrent aujourd'hui les très
riches. (70)
Le second mandat
de Bush a rapidement justifié ce grand titre du Wall Street Journal
: «Bush commence à donner du concret au Big Business».
Son premier triomphe législatif a été une loi sur
les faillites, «élaborée avec l'aide de la profession
[les sociétés de crédit] et soutenue par le président
Bush», précisait le journal. Cette loi «s'en tient fermement
à l'idée: la faillite est le problème de l'emprunteur,
pas celui de la profession», et elle va donc «faire osciller
le pendule juridique en faveur des créanciers sur cette vieille
question». Elle cherche à régler les problèmes
que crée l'industrie des cartes de crédit par ses énormes
campagnes publicitaires pour stimuler un emprunt permanent chez les éléments
les plus vulnérables de la population: ceux-ci se retrouvent confrontés
à des dettes impossibles à rembourser et sont contraints,
pour survivre, de solliciter la faillite personnelle. Adoptant les priorités
des riches et des puissants, ce texte «ne fait pas grand-chose pour
rendre l'industrie des services financiers responsable du crédit
facile qu'elle offre aux consommateurs». Les parrains de la loi ont
même rejeté une tentative «pour y insérer une
limitation de la commercialisation auprès des étudiants de
moins de 18 ans et un plafonnement des taux d'intérêt de certaines
cartes de crédit». Les principes directeurs sont fondamentalement
les mêmes que pour les prêts internationaux. La Banque mondiale
et d'autres poussent à l'emprunt les riches et les puissants des
pays pauvres, ces prêts à risques rapportent de gros intérêts,
et, quand le système craque, des programmes d'ajustement structurel
transfèrent les coûts aux pauvres, qui n'avaient jamais emprunté
au départ et n'ont guère profité de l'argent, et aux
contribuables du Nord. Le FMI sert d'«agent de police à la
communauté des créanciers», selon la juste formule
de son directeur exécutif aux États-Unis. Les mécanismes
qui permettraient d'obliger les créanciers à supporter les
coûts de leurs prêts à risques et à haut rendement
sont bien connus, mais on fait comme s'ils n'existaient pas. (71)
Les problèmes
que cause l'avidité de l'industrie financière sont graves.
Le nombre des déclarations de faillite «a été
multiplié par huit depuis trente ans, il est passé de 200000
en 1978 à 1,6 million» en 2004. On s'attend qu'il atteindra
1,8 million en 2005. «L'écrasante majorité est constituée
de déclarations de faillite personnelle et non de dépôts
de bilan d'entreprise.» Elles sont dues à la montée
régulière de l'endettement des ménages, «qui
se trouve maintenant à un niveau record par rapport au revenu disponible».
Une cause première de cet endettement est l'inlassable pression
des industries financières, qu'il faut à présent protéger
des conséquences de leurs actes si lucratifs. Des études
révèlent que «les probabilités d'une déclaration
de faillite sont trois fois plus élevées pour les familles
avec enfants que pour celles qui n'en ont pas, [et] que plus de 80% d'entre
elles donnent comme raison la perte d'emploi, des problèmes de santé
ou la séparation ». Environ la moitié des déclarations
déposées en 2001 étaient dues au coût des soins
médicaux. « Même des familles assurées de la
classe moyenne connaissent souvent la catastrophe financière en
cas de maladie» (72).
«La limitation
de l'accès aux services de santé est une épreuve financière
qui menace la qualité de la vie des Américains plus directement
que toute autre» : c'est la conclusion d'une enquête Gallup.
À partir de janvier 2005, «les frais médicaux sont
en tête de liste lorsqu'on demande aux Américains de citer
le problème financier le plus important auquel est confrontée
leur famille». Voici la révélation que les directeurs
d'enquête considèrent comme la plus «ahurissante»
: seuls 6 % des Américains « se sont dits satisfaits du coût
total des soins médicaux aux États-Unis », tandis que
71 % ne l'étaient pas et 46 % «pas du tout». Un tiers
des personnes interrogées ont dit qu'elles avaient renoncé
à se soigner l'année précédente pour des raisons
financières; comme on pouvait s'y attendre, le pourcentage est beaucoup
plus élevé chez ceux qui ont de faibles revenus ou qui situent
leur santé entre «moyenne» et «mauvaise».
Plus de la moitié avaient arrêté un traitement pour
des affections très graves ou assez graves, chiffre qui passe à
69 % chez ceux dont les revenus sont inférieurs à 25 000
dollars. «Le revenu est devenu une sérieuse entrave à
l'accès aux services nécessaires», ce qui veut dire
que ceux qui ont le plus besoin de soins ne sont pas soignés, observe
Gallup.
/ ...
/
62) - Jim VandeHei,
Washington Post Weekly, 30 mai-5 juin 2005 Kaitlin Bell, Boston Globe,
8 août 2005. « A Win for "Academic Bill of Rights" »,
InsideHigherEd, 7 juillet 2005. Kathy Lynn Gray, Columbus Dispatch, 27
janvier 2005.
63) - Michelle
Goldberg, Salon.com, 6 novembre 2003. Baruch Kimmerling, www.dissidentvoice.org,
29 mars 2005. Sara Roy, London Review of Books, 17 février 2005.
64) -
Corey Robin, La Peur: histoire d'une idée politique, trad. fr. de
Christophe Jacquet, Paris, A. Colin, 2006, p. 55 (Fear : The History of
a Political Idea, Oxford, 2004, p. 40).
65) - Laurie
Goodstein, New York Times, 31 août 2005.
66) - Frank
James et Andrew Martin, Chicago Tribune, 3 septembre 2005. Thom Shanker
et al., New York Times, 2 septembre 2005. Robert Block et al., Wall Street
Journal, 6 septembre 2005.
67) - Sandra
Postel (spécialiste de la politique de l'eau et des écosystèmes),
Christian Science Monitor, 7 septembre 2005. Edward Alden, Financial Times,
4 septembre 2005; Edward Alden et al., Financial Times, 2 septembre 2005.
Dean Baker, Center for Economic and Policy Research, Economic Reporting
Review (en ligne), 12 septembre 2005. Paul Krugman, New York Times, 2 septembre
2005.
68) - John Wilke
et Brady Mullins, chronique « Marché », Wall Street
Journal, 15 septembre 2005. Dean Baker calcule que la prime à l'école
privée est proche de 50 % ; Center for Economic and Policy Research,
Economic Reporting Review (en ligne), 26 septembre 2005 ; voir aussi 12
septembre 2005. Aide alimentaire et faim: voir supra, p.287.
69) - Tom Reifer,
Focus on Trade, n° 113 (Focus on the Global South), septembre 2005.
Seymour Melman, Alter Capitalism, Knopf, 2001, qui résume et élargit
une grande partie de son travail antérieur, tout en traçant
les lignes directrices d'un avenir très différent et plus
démocratique.
70) - Voir supra,
p. 306.
71) Alan Murray,
Wall Street Journal, 3 août 2005. Michael Schroeder et Suein Hwang,
Wall Street Journal, 6 avril 2005. Pour une analyse et de nombreuses sources,
voir Robin Hahnel, La Panique aux commandes. Tout1ce que vous devez savoir
sur la mondialisation économique, trad. fr. de Mickey Gaboriaud,
Marseille, Agone, 2001 (Panic Rules 1, South End, 1999); et mon livre Rogue
States, chap. 8. Sur des solutions de remplacement, voir Robert Blecker,
Taming Global Finance, Economic Policy Institute, 1999.
72) Timothy
Egan, New York Times, 21 août 2005. David Himmelstein et al., Health
Affairs, 2 février 2005. Pour un résumé, voir Kayty
Himmclsteill, Dollars & Sense, juillet-août 2005. Voir aussi
David Himmelstein et Sterne Woolhandler, «Mayhem in the Medical Marketplace»,
Monthly Review, décembre 2004.