alternatives éducatives
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I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I
| Appel pour des éts innovants et coopératifs |
 

école autrement, école alternative, école différente, collège lycée innovant, expérimental ...
2018 ?              2118 ?
Une autre école est-elle possible ?
 

 
Colloque "assurance torgnole"
L'école débordée par la justice

17/02/04 -L'école, ses personnels et ses élèves, doit faire face à un phénomène croissant de "judiciarisation", parallèle à l'évolution de la société, qui provoque au quotidien réticences et revendications.

Augmentation de la violence et des délits, indiscipline, signalements de violence sur mineurs, mais aussi responsabilité pénale des éducateurs, contestation des choix d'orientation ou problèmes de relations avec les parents séparés: l'école, qui fonctionne selon ses propres codes depuis toujours, doit s'adapter tant bien que mal à l'entrée du droit en ses murs.

Le thème "école et justice: les nouveaux risques du métier" fait l'objet d'un colloque le 19 février à Paris, organisé à la Mutualité par la Fédération des autonomes de solidarité (FAS), qui procure assurances et assistance juridique aux enseignants.

"Les établissements ne sont pas des sanctuaires dans lesquels il n'y a pas de lien avec la société mais, aujourd'hui, le droit commun, c'est tout le temps, quelle que soit l'intervention que vous faites", explique Bernard Vieilledent, proviseur de la cité scolaire Cuvier à Montbéliard (Doubs). 

A l'académie de Paris, la directrice de cabinet du recteur Sylvie Zagnotto, magistrate de formation, reconnaît la judiciariation croissante de l'école. "Les Français ont de plus en plus souvent recours aux procédures de manière à mettre en cause les responsabilités. On le voit pour les maires, les médecins. La tendance est en train de toucher l'école tout simplement", dit-elle.

Si les délits sanctionnés par un passage devant le juge des enfants deviennent réguliers dans certains établissements, ce sont les "problèmes de respect" et de "comportement général" des élèves qui connaissent, d'après les proviseurs, un accroissement spectaculaire.

Les fautifs sont convoqués en conseils de discipline. Depuis un décret de juillet 2000, la décision du conseil peut être contestée à deux niveaux: devant la commission d'appel rectorale, puis devant le tribunal administratif.

"assurance torgnole"

"Il est normal qu'il y ait des recours, mais c'est quand même relativement négatif" que cela aille jusqu'au tribunal, estime Lucas Jourdain, ancien président du syndicat lycéen UNL (Union nationale lycéenne). "La négociation peut permettre de trouver une entente: le système juridique laisse toujours des traces et c'est toujours un aveu d'échec", fait-il valoir.

Mais l'insulte et les violences ne sont que l'infime partie visible de la judiciarisation de la vie scolaire.

L'organisation du planning de service des surveillants se dresse désormais souvent par écrit, après s'être faite des années par oral. "Si la personne prévue n'est pas là et qu'il y a un accident, il faut que ce soit écrit", sans quoi l'établissement peut être poursuivi, assure Jean-Daniel Roque, proviseur du lycée Hoche à Versailles.

Echaudés par les multiples affaires propulsant des éducateurs devant les tribunaux, pour défaut de surveillance dans les escaliers par exemple, enseignants et principaux s'appliquent à limiter les situations où leur responsabilité pourrait être impliquée.

"Il y a pas mal de sorties (de classe) qui ne se font pas du fait de la lourdeur des exigences, on sent une certaine peur" regrette Lucas Jourdain.

"Toutes les parties prenantes d'une vie en communauté ont une exigence zéro défaut", poursuit M. Roque. A tel point que la plupart des pédagogues souscrivent une assurance - surnommée "assurance torgnole" dans les salles de profs - pour garantir leur défense et, éventuellement, régler les indemnités.

On croise plus d'avocats
en conseil de discipline
dans les centre-villes
... et moins
dans les zones d'éducation prioritaire.

Assister des élèves en conseil de discipline:
deux exemples contradictoires

17/02/04 -  Pour le "gosse de riche" qui fumait un joint dans les
toilettes, le conseil de discipline s'est plutôt bien terminé. Pour le
jeune garçon à l'origine d'une bagarre, l'expérience n'a pas été
concluante. Leurs deux avocats témoignent.

Me Cécile Blot caractérise son client, élève d'un lycée du XVIe
arrondissement de Paris, comme un "gosse de riche". "Il avait été pris
en train de fumer un joint dans les toilettes du lycée, ça n'allait pas
plus loin", explique-t-elle.

"Je me suis présentée une semaine avant au proviseur pour lui dire que
j'assisterai cet élève. Ca l'a plutôt fait rire, il n'avait pas
l'intention de prendre de sanction contre cet enfant", raconte-t-elle.

"Il m'a dit: ça ne m'étonne pas" que ses parents aient eu recours à
un avocat. "Il avait raison, ce n'était pas vraiment justifié.
D'ailleurs je l'ai pris un peu à la légère, je n'étais pas en robe",
poursuit l'avocate.

"Le conseil en lui-même a duré une demi-heure: ils ont repris les faits
et ils l'ont engueulé copieusement. Il se taisait et baissait la tête
d'autant plus que ses parents étaient présents. J'ai expliqué que ce
garçon avait des problèmes familiaux et qu'il se réfugiait dans quelque
chose qui lui faisait du bien". Le résultat ? "Il a dû nettoyer les
toilettes pendant une semaine".

Pour Me Jean-Marie Salzard, avocat au barreau de Niort, en revanche,
les faits étaient plus graves et l'expérience lui est apparue pénible.
L'élève qu'il a représenté en conseil de discipline avait donné un coup
de pied à l'un de ses camarades et reçu en retour un coup de couteau de
la part de celui-ci.

Il le défendait donc au tribunal et l'a également assisté lors du
conseil de discipline.

"Ca s'est très mal passé: il y avait un dossier dont j'avais eu la
possibilité de prendre connaissance, mais, lors du conseil, il a été
évoqué d'autres choses que ce qu'il y avait dans le dossier. Au pénal,
on plaide sur un dossier pas sur autre chose. Il avait été convoqué sur
un fait très précis mais il était en fait jugé sur son comportement
depuis des années", déplore-t-il.

"J'ai eu affaire à un chef d'établissement - je ne prétends pas que ce
soit la règle - qui ne respectait pas la législation", ajoute Me
Salzard. Durant les deux heures d'"audience", selon lui, le proviseur
l'a interrompu à plusieurs reprises et finalement empêché de mener sa
plaidoirie. "Je me suis senti intrus dans le lycée", déclare-t-il.

Le jeune homme a été exclu définitivement de son lycée

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Les avocats entrent à l'école dans les conseils de discipline

17/02/04 - "Quand vous traduisez un élève en conseil de discipline, il
n'est pas rare aujourd'hui de le voir accompagné d'un avocat", témoigne
un chef d'établissement, obligé de constater que les hommes en robe
sont entrés à l'école, qui obéissait jusqu'ici à ses règles propres.

Depuis un décret de juillet 2000, qui introduit dans l'enceinte
scolaire les grands principes du droit commun, comme
l'individualisation de la peine, le débat contradictoire ou la
possibilité de faire assurer sa défense, les élèves peuvent se faire
assister de la personne de leur choix, y compris un professionnel.

Si cette "tendance" existe de l'avis général, la présence d'un avocat
met encore mal à l'aise les deux institutions qui peinent à s'adapter
l'une à l'autre.

"Trouble", "confusion", "impressionnant", "désarçonnant", "solennel":
proviseurs, parents, professeurs insistent sur le sentiment de décalage
produit par l'irruption des conseils dans l'enceinte scolaire.

"On n'est pas dans un tribunal, le conseil de discipline a une mission
éducative", estime Francis Berguin, responsable de la section juridique
du Snes, principal syndicat enseignant du second degré.
"Quand un élève passe devant un conseil de discipline, il faut que ça se fasse selon des règles très précises (...) pour, surtout, qu'on ne lui apprenne pas
l'arbitraire", répond Me Jean-Marie Salzard, avocat au barreau de Niort.

Coût

Souvent, les familles ont recours à un avocat parce que leur enfant
fait l'objet de poursuites pénales. Dans ce cadre, il assiste son
client lors du conseil de discipline. Le recours à un avocat dans une
procédure disciplinaire est également très fréquent dans les affaires
de voile.

"Je ne suis pas sûre de l'utilité d'un avocat, les élèves qui passent
en conseil de discipline ont besoin de sentir l'effet de la loi. Ils
ont un peu peur et c'est l'effet recherché. Quand ça peut marcher, je
crains que la présence d'un avocat enlève cet effet", déclare pour sa
part Me Cécile Blot, avocate à Paris et qui a assisté une fois un élève
dans l'enceinte scolaire.

Tout en se gardant bien de contester le droit des élèves à une défense
en bonne et due forme, les proviseurs expriment surtout leur difficulté
à affronter un "homme de l'art", alors qu'eux-mêmes n'ont reçu aucune
formation juridique.

"Nous n'avons pas les moyens d'être au niveau de prestation d'un
avocat", explique Pascal Boloré, proviseur du collège Courbet à
Pierrefitte (Seine-Saint-Denis), qui réclame "une réelle assistance".

La Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP)
nuance pourtant ce sentiment, en assurant que les conseils de
discipline en présence d'un défenseur professionnel se passent "dans un
climat serein" car ceux-ci ne font pas d'"effets de manches".

Pour autant, les associations de parents d'élèves déconseillent
fortement à leurs membres de faire appel à un avocat. D'autant plus que
la prestation a évidemment un coût et n'est pas encore comprise dans
les prérogatives de l'aide juridictionnelle.
On croise plus d'avocats
en conseil de discipline dans les centre-villes et moins dans les zones
d'éducation prioritaire.



Conseils de discipline à l'école de la justice

Les élèves fautifs sont de plus en plus souvent défendus par un avocat.
Une évolution qui a du mal à passer.

Par Marie-Joëlle GROS

mardi 15 juin 2004 - Liberation
 

Quand l'avocat Didier Liger a revêtu sa robe pour plaider devant le conseil de discipline d'un lycée des Yvelines, l'atmosphère est devenue glaciale. Puis des membres du conseil ont levé les yeux au ciel, d'autres dessinaient. Manière de montrer qu'ils ne se laisseraient pas impressionner. Et que les deux jeunes, destinés à l'exclusion définitive pour une bagarre dans les couloirs de l'établissement, ne s'en tireraient pas comme ça. Crispation dans les deux camps. A l'évidence, l'arrivée des hommes de loi dans les instances disciplinaires des écoles fait monter la tension d'un cran.

Tendance. Pourtant, depuis qu'un décret de 1985 autorise les élèves à demander l'assistance d'un avocat, les cas se multiplient. Et davantage encore ces dernières années. Une tendance que les chefs d'établissements ne manquent pas de noter, avec angoisse. Pour eux, il s'agit d'une «dérive sociétale, la preuve d'une judiciarisation grandissante, d'une américanisation des règles sociales entre les individus». Les juristes constatent, eux, que l'école s'est longtemps crue à l'écart de cette judiciarisation. Et n'y est pas préparée. «Des gens de milieux très variés ont maintenant le réflexe de demander la protection du droit», soulignent les auteurs du Droit de la vie scolaire, un précieux guide juridique (1). Une mère célibataire, aux revenus modestes, confirme : «C'est l'arbitraire de la décision du conseil de discipline, qui a exclu définitivement ma fille en l'accusant, sans aucune preuve, de dealer du cannabis dans son collège, qui m'a poussée à me battre sur le terrain juridique.» Pour sa fille, le conseil de discipline était une première expérience de justice. Aux yeux des élèves, il équivaut à un tribunal. De fait, le dispositif et son vocabulaire y ressemblent beaucoup. Sauf qu'il répond rarement aux canons du droit commun. Des failles que les avocats ne manquent jamais d'exploiter. Ils interviennent dans des affaires de stupéfiants, de violences, de foulard islamique. Et constatent immanquablement un «déni de droit» dans les écoles. Pour preuve, les décisions des conseils de discipline sont souvent annulées par les tribunaux administratifs. Mais dans l'intervalle, des mois se sont écoulés. Et, pour les élèves, «la casse est faite», souligne l'avocat Gilles Devers.

«Nous sommes des éducateurs obligés de faire du droit. Mais ce n'est ni notre métier, ni notre culture», reconnaît Pascal Boloré, principal d'un collège en Seine-Saint-Denis. De fait, les chefs d'établissement ne reçoivent aucune formation en droit. Cela leur fait cruellement défaut aujourd'hui. D'autant que les services juridiques des rectorats, censés les épauler, ont d'autres chats à fouetter. «On se sent souvent seuls», souligne encore Pascal Bolloré. Ce chef d'établissement garde un souvenir désagréable de sa dernière confrontation avec un avocat. «Le conseil de discipline a duré le double du temps normal. Tout devenait extrêmement procédural, je n'étais pas du tout à l'aise.»

Assistance médusée. Avocat dans l'Ain, Gilles Devers s'est senti perçu «comme un martien». Les parents d'une collégienne portant le foulard islamique l'avaient appelé à la rescousse. L'avocat citait un article de la Convention européenne des droits de l'homme devant une assistance médusée, qui brandissait en réponse des circulaires ministérielles. Choc des cultures. «L'audience pour moi est une rencontre. Là, il ne se passait rien, se souvient l'avocat. C'était une rencontre ratée. Le principal du collège était pétrifié par l'enjeu. Présider une juridiction est un métier. Pourquoi ne pas envisager qu'un juge professionnel soit présent pour l'occasion ?» Gérard Tcholakian, l'avocat qui a défendu les soeurs Lévy mises à la porte de leur lycée d'Aubervilliers en raison de leur foulard, est sorti profondément choqué de l'instance disciplinaire. Il énumère : «Le président du conseil de discipline cumule les casquettes. Il représente l'autorité de poursuites et celle de jugement. C'est impensable en droit. Il n'y avait aucun débat contradictoire possible. Et le principe d'un procès équitable était totalement nié.»

Souvent, les élèves ont le sentiment que les jeux sont faits avant même d'être entendus par le conseil. Ce qui n'est pas faux. Matériellement, la convocation d'une telle instance est «lourde et contraignante», convient Philippe Guittet, à la tête du SNPDEN, syndicat majoritaire chez les chefs d'établissement. Une quinzaine de membres sont invités à siéger (direction de l'établissement, inspection académique, enseignants, parents d'élèves, élèves...). Du coup, les conseils de discipline se tiennent surtout en vue d'une exclusion définitive. «Convoquer un conseil pour décerner un simple blâme serait du masochisme administratif», disent les chefs d'établissement. En conséquence, «les conseils de discipline deviennent des machines à exclure», commente Georges Dupon-Lahitte, président de la fédération de parents d'élèves FCPE. Principaux et proviseurs démentent, avançant la «dimension pédagogique de la sanction». Mais «quand elle se solde par une exclusion, où est sa vertu éducative ?» interroge une mère.

L'avocat Thierry Lévy a défendu devant le tribunal administratif les deux élèves exclus du lycée Montaigne, à Paris, après l'agression d'un élève juif. Il donne une explication au malentendu qui oppose hommes de loi et pédagogues. «Les avocats viennent gripper les rouages d'une justice interne, qui fonctionne un peu comme on juge en famille. Et personne n'apprécie qu'un tiers vienne mettre son nez dans des affaires qu'on considère privées.» Pourtant, rappellent les avocats, le droit ne s'arrête pas aux portails des écoles.

Silence. La transparence n'est pas le seul problème. Tout en reconnaissant la solennité d'un conseil de discipline, «les chefs d'établissement ne veulent pas admettre qu'un jeune puisse se défendre», souligne l'avocat Didier Liger. «L'élève n'a que le droit de se soumettre, poursuit son confrère Gérard Tcholakian. Dans le monde de l'école, un jeune qui répond est un insolent.» Difficile, dans ces conditions, de concéder des droits à la défense.

Autre motif de crispation, la robe des avocats. Jean-Michel Salzard ne s'est pas privé de mettre la sienne pour défendre un élève qui s'était battu au couteau, à Niort. «Ma robe symbolise ma fonction d'auxiliaire de justice et rappelle que je ne raconte pas n'importe quoi.» Pour calmer le jeu, d'autres préfèrent y renoncer. «Nous sommes devenus la bête noire des conseils de discipline, explique Cécile Plot, avocate à Paris. Il faut éviter de prendre les équipes éducatives de haut. Elles ne connaissent rien au droit pénal et se sentent coincées.» Pour l'avocate, quantité de conflits pourraient se régler par la médiation des hommes de loi. «Convoquer un conseil de discipline est souvent une hérésie», estime-t-elle. Ou une impasse.

Pour arriver à se comprendre, «avocats et chefs d'établissement devraient chacun faire un pas. Les avocats, en trouvant le ton juste», poursuit Cécile Plot. «On ne transformera jamais les chefs d'établissement en juristes, rappelle un proviseur. Même si un minimum de formation est indispensable.» Pour les auteurs du Droit de la vie scolaire, «les conseils de discipline doivent respecter les règles légales. Sans omettre que la fonction de l'école est avant tout d'éduquer». Mater des fortes têtes n'est pas sa finalité. «La rencontre du droit et de l'éducation doit se faire.»

(1) Dalloz


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