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 Tandis que Marine Le Pen (FN) a rappelé que l'instauration de l'apprentissage à 14 ans était une "proposition phare de la campagne du Front national aux dernières élections régionales de 2004"... 

Avec Villepin, on apprend moins, mais on est apprenti
Le Conseil supérieur de l'éducation devrait rendre aujourd'hui un avis négatif sur un projet de loi qui enterre la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans et le collège unique. 

Emmanuel DAVIDENKOFF - Libération, jeudi 08 décembre 2005

 

Rarement politique éducative aura été aussi confuse. En témoigne l'exégèse que livre l'Education nationale des articles du projet de loi sur "l'égalité des chances" consacrés à l'apprentissage à 14 ans, qui sont soumis aujourd'hui pour avis au Conseil supérieur de l'éducation.

    Le texte supprime d'abord, de facto, l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans puisqu'il généralise la possibilité de signer un contrat d'apprentissage (donc un contrat de travail) dès l'âge de 15 ans. Il précise néanmoins que les jeunes "doivent pouvoir, à tout moment, s'ils ont le sentiment de faire fausse route, réintégrer un établissement scolaire". Explication de Dominique de Villepin, lors de la présentation du projet de loi : "Il s'agit, sans remettre en cause l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans - qui est un droit -, de donner la possibilité à des jeunes qui ne s'épanouissent pas à l'école de s'engager dans des parcours différents." Le glissement est subtil mais explicite : aller à l'école jusqu'à 16 ans devient un "droit", non plus un "devoir" comme c'était le cas depuis 1959. L'Association des régions de France, parmi d'autres, l'a relevé, exprimant son "opposition à cette idée de l'apprentissage à 14 ou 15 ans qui remet en cause le principe de la scolarité obligatoire à 16 ans". La France rejoint ainsi les quelques pays européens qui n'imposent pas d'obligation scolaire jusqu'à 16 ans : Serbie et Autriche (14 ans), Macédoine, Grèce et Portugal (15 ans). Et va à contre-courant des recommandations des organisations internationales (Commission européenne ou OCDE), comme de la tendance générale à l'allongement des études dans les pays développés (aux Etats-Unis, une vingtaine d'Etats poussent jusqu'à 18 ans).

    Déroute. Ce faisant, cette mesure enterre aussi le principe du "collège unique" dont la loi Fillon, qui vient pourtant d'être votée par la même majorité, prévoyait le maintien. Et annonce la probable déroute du Haut Conseil de l'éducation, que la même loi a institué afin d'élaborer le "socle commun de connaissances" que tout élève devra maîtriser à l'issue de la scolarité obligatoire. Le texte sur l'apprentissage à 14 ans et les explications de Villepin comme de Robien, le ministre de l'Education, sont clairs : l'entrée précoce en apprentissage ne dispensera pas de l'acquisition du "socle" (elle sera "absolument obligatoire", dit Villepin). Dès lors, concède un haut responsable du ministère, ledit socle "ne pourra pas, à l'évidence, fixer les mêmes exigences académiques que l'actuel brevet des collèges", terme théorique de la scolarité obligatoire aujourd'hui. Et pour cause : annoncé par le Premier ministre le 7 novembre, au paroxysme de la crise dans les banlieues, l'apprentissage à 14 ans cible explicitement "les 15 000 jeunes déscolarisés et les 150 000 autres sortants sans qualification du système". Pour autant, poursuit ce même cadre du ministère, "on ne pourra pas s'en tenir au "lire, écrire, compter"". Résultat : le Haut Conseil de l'éducation est implicitement prié de mitonner un socle à géométrie variable, sorte de "Smic culturel" accessible à 90 % des élèves dans la vraie vie, mais aux contours suffisamment flous pour que les défenseurs de hautes exigences en termes de niveau y trouvent leur compte. Ce Haut Conseil étant indépendant, il pourra aussi n'en faire qu'à sa tête : la loi renvoie de toute façon le choix définitif au ministre, qui fera ce que bon lui semble des propositions des sages.

    "Définitivement compromis". Le Conseil supérieur de l'éducation, dont l'avis est également consultatif, devrait aujourd'hui voter contre ce texte. Il est composé d'organisations d'enseignants, de parents ou d'élèves, qui ont déjà dit tout le mal qu'elles en pensaient. "Les mesures proposées ne répondront en rien à la discrimination dont sont victimes nos élèves. Au contraire, elles vont l'aggraver par l'exclusion du système éducatif des élèves les plus en difficulté" (Snes Créteil). "Si une pédagogie de l'alternance peut être utilisée, elle doit se faire en collège, afin de permettre le vivre ensemble et de garantir à chacun l'acquisition du socle commun de connaissances" (CFDT). "L'apprentissage à 14 ans ne résoudra pas l'échec scolaire, car c'est au contraire une forme d'exclusion prématurée et précipitée" (Union nationale lycéenne). "[Villepin] a définitivement compromis la perspective d'un collège pour tous" (FCPE). Seul le Snalc-CSEN, classé à droite, s'est réjoui d'"une mesure de bon sens".

    Mêmes clivages, côté politique. La gauche, très remontée, évoque "une vieille idée de la bourgeoise de droite coupée de la réalité du monde" (Jack Lang), "une régression éducative sans précédent" (Jean-Luc Mélenchon), un "renoncement coupable à transformer l'école afin qu'elle permette à tous d'acquérir une culture commune et une qualification reconnue" (PCF). La droite se défend : Patrick Ollier (UMP), président de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, a d'ailleurs compris que l'école n'était plus obligatoire jusqu'à 16 ans, puisqu'il s'est félicité d'une mesure qui rompt avec "le dogme de vouloir maintenir une scolarité fictive jusqu'à 16 ans qui est porteur d'exclusion et d'échec scolaire". Tandis que Marine Le Pen (FN) a rappelé que l'instauration de l'apprentissage à 14 ans était une "proposition phare de la campagne du Front national aux dernières élections régionales de 2004".

    Aux orties. Pour autant, le gouvernement conserve le sentiment d'être massivement soutenu par l'opinion. Un sondage du Parisien affichait voici trois semaines plus de 80 % d'adhésion au projet, contredisant une enquête menée en 2003 par le ministère des Finances dans laquelle une majorité de parents et de jeunes décrivaient l'apprentissage comme "la voie de l'échec scolaire", débouchant sur des choix professionnels "limités à des métiers manuels, pénibles, peu rémunérés et socialement dépréciés". L'esprit - à défaut de la lettre - de la loi Fillon sera jeté aux orties, et avec lui un processus qui aura mobilisé l'Education nationale et la majorité pendant près de deux ans (grand débat + rédaction et vote de la loi + un mouvement lycéen contre la loi). Donnant quelque vraisemblance à la saillie de Patrick Gonthier, patron de l'Unsa Education : "Le Premier ministre découvre aujourd'hui l'éducation, mais il semble que son propos soit plus politique qu'éducatif, destiné à une reprise en main dans son propre camp, entre l'inexistence de son ministre de l'Education nationale et l'interventionnisme du ministre de l'Intérieur."

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

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