alternatives éducatives
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Les deux principaux syndicats appellent à défiler demain. 
Mais après les violences du 8 mars à Paris, nombre de jeunes hésitent.
La manifestation à reculons des lycéens franciliens

Par Marie-Joëlle GROS

lundi 14 mars 2005  - Liberation 

Un amphi de Jussieu, à Paris, samedi après-midi. La coordination nationale des lycéens, assemblée bruyante, fait le point sur sept semaines de mobilisation. Les défilés de la semaine dernière ont rassemblé 165 000 jeunes opposés à la réforme du ministre de l'Education, dans 150 villes. Mais quelque chose cloche : Paris. Avec les incidents violents (agressions, vols) qui ont émaillé le défilé parisien du mardi 8 mars, et entraîné son interruption.

Ce gros grain de sable occupe toutes les conversations. Durant l'AG, on ne parle presque que de cela. Les deux grandes organisations lycéennes, la Fidl (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) et l'UNL (Union nationale lycéenne), ont appelé à une nouvelle journée d'action demain, jour de l'examen de la loi au Sénat. Mais les lycéens parisiens doutent. Un garçon s'énerve : «Si on ne règle pas les questions de sécurité maintenant, on ne pourra plus appeler nos bahuts à manifester à Paris.» «On ne peut pas tout focaliser sur les casseurs à Paris, tente de répondre une fille à la tribune. Les villes de province ne connaissent pas ces problèmes, les manifestations s'y passent normalement.» Le traumatisme est là. De mauvais souvenirs hantent les manifestants.

Balafrée. Mardi, un millier de jeunes a «semé la terreur» dans un cortège comprenant à peine 8 000 lycéens. Agissant en bande, tombant à dix sur un ou deux adolescents, ils ont tabassé et dépouillé à tour de bras, souvent au nez des CRS. «Dans mon établissement de Rambouillet, tout le monde est terrorisé, plus personne ne veut manifester», raconte une lycéenne des Yvelines. La passivité de la police a alimenté les spéculations. «Le gouvernement a payé les casseurs pour détruire notre mouvement ! lance un lycéen. Comment expliquer qu'ils aient été aussi nombreux et qu'ils aient agi en toute impunité ?» Interrogée, la préfecture de police assure que charger les fauteurs de troubles entraîne surtout des dégâts collatéraux, et évoque le syndrome Malik Oussekine (1).

A l'évidence, les bandes n'ont pas craint les forces de l'ordre. Jeudi, alors que les lycéens rejoignaient les cortèges du public et du privé, encadrés par des services d'ordre expérimentés des grandes centrales syndicales, une cinquantaine de petits caïds n'a pas hésité à défier cette présence d'adultes. «Nous devons organiser nous-mêmes notre sécurité», lâche Hassen, lycéen à Drancy (Seine-Saint-Denis). D'autres misent sur le renfort des services d'ordre des enseignants : la FSU a appelé à se joindre aux lycéens demain. Mais ce soutien annoncé en laisse plus d'un dubitatif. Lors des précédentes manifs lycéennes, la CGT avait mobilisé des dizaines d'armoires à glace. L'Unsa aussi. Sans décourager les bandes.

Les lycéens racontent les mouvements de panique, la confusion. «Quand les services d'ordre se sont décidés à intervenir, ils ont frappé sans distinction tous ceux qui portaient une casquette ou une capuche ! On ne peut pas laisser faire ça», hurle l'un d'eux. A la tribune, Cannelle, lycéenne parisienne, exhibe une joue balafrée et violette : «Le service d'ordre de SOS Racisme a chargé et j'étais au milieu.» Deux étudiants trotskistes font circuler un tract, à la prose sans équivoque : «Il faut apprendre l'organisation d'un groupe de défense, à marcher en ligne et en rangs.» Ses auteurs tentent de prendre la parole, sous les huées. «Hors de question de créer des milices», lance un jeune de Seine-et-Marne. Ces mecs qui foutent la merde sont des victimes du système, des exclus. En réalité, ils sont de notre côté !» Un des rédacteurs du tract menace : «Quand ils t'auront cassé la gueule, tu verras de quel côté ils sont vraiment.»

Puis les lycéens s'empoignent sur la manière de qualifier les bandes. Des voix dénoncent «la racaille des cités», les «casseurs de mouvement», les «lascars». Khaled, lycéen d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), trépigne. Tape du poing sur la table. Il ne supporte pas qu'on stigmatise la banlieue. «Ces petits-bourgeois ne comprennent rien à ce qu'on vit dans une cité, confie-t-il. Ils n'ont jamais mis les pieds à Evry ou à Grigny. Il faut aller parler avec les bahuts de banlieue. Là-bas, on ne sait même pas qui est Fillon, ni pourquoi on descend dans la rue.»

«Racaille». Khaled, qui a rallié la Fidl, tente de dire, maladroitement, sa solidarité avec ceux qui sont montrés du doigt. «Moi aussi je suis un mec des cités, une racaille.» Incompréhensions, divisions. Pour lui, les «casseurs de mouvement» ne croient plus à l'école. «Quand des profs passent leur temps à te dire que ta vie vaut rien, ça fout la haine», explique-t-il en aparté, refusant d'en dire plus: «Trop les boules.»

Du fond de la salle, un étudiant de la Fédération syndicale étudiante (FSE) lance un appel : «Sans renfort des services d'ordre de profs et de salariés, pas moyens de protéger les lycéens. Appelons à la grève unitaire et illimitée dès lundi.» Des lycéens redoutent des tentatives de récupération. Ils votent l'occupation des lycées demain matin. Et la manifestation l'après-midi. A Paris, le cortège partira à 14 heures de la place de la République.

(1) Etudiant battu à mort par la police lors d'une manifestation à Paris en 1986. 

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

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