alternatives éducatives : des écoles, collèges et lycées différents
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Éducation:
le grand débat tombe à plat
Fin de la consultation fort contestée et qui a peu mobilisé.
Par Emmanuel DAVIDENKOFF -  17 janvier 2004 - Libération

Les Français ne sont pas d'accord sur leur école. Et ils ne s'y intéressent guère. Il aura fallu 15 000 débats dans les établissements scolaires et les arrondissements pour parvenir à cette conclusion. Elle est partiellement contestée par Claude Thélot, grand ordonnateur du «débat national sur l'avenir de l'école» lancé par le gouvernement (lire ci-contre), dont la première phase ­ celle du débat citoyen ­ s'achève ce week-end. Mais elle suinte de tous les témoignages recueillis par e-mail, courrier, voie de presse (1) ou de visu.

Collège Georges-Brassens du Rheu (Ille-et-Vilaine) ? Dix personnes dans un amphi de 230 places. Collège Boris-Vian (Lille) ? Quatre, les enseignants ayant organisé un «contre-débat». Collège Antoine-Delafont de Montmoreau (Charente) ? Vingt. Collège Risso (Nice) ? Vingt-cinq. Le reste est à l'avenant. Les réunions dans les arrondissements ont un peu plus mobilisé. La norme : une petite centaine de participants. Luc Ferry s'en est réjoui vendredi, lors de la cérémonie des voeux à la presse : «Ce furent de petites réunions, ce qui a permis à chacun de délivrer son message.»

Dogmes. Lequel ? Dans bien des cas, le pire est advenu : les spécialistes de la spécialité ont défendu leurs dogmes respectifs, tandis que les non-spécialistes étaient renvoyés dans les cordes par les pros ou enfilaient les perles nostalgiques : il fut beaucoup question du «bon vieux temps». Quand les passes d'armes à fleurets à peine mouchetés ne dégénéraient pas en affrontement parents-enseignants... La synthèse des réunions, présentée sur le site Internet du débat (2), lisse considérablement la teneur des échanges : la patte des auteurs de synthèse (chefs d'établissement, inspecteurs...) a atténué la violence des échanges sur des ados forcément «manquant de respect», des parents évidemment «démissionnaires», des enseignants fatalement «loin du réel». En version synthétisée, ça donne que «l'école doit mieux s'adapter aux élèves», que l'orientation vers l'enseignement professionnel «ne doit pas se faire par défaut», qu'il faut «faire connaître les métiers dès la maternelle» (en crèche, on leur fiche la paix), «favoriser le travail d'équipe», «rétablir le sens des valeurs pour donner des repères»...

Méfiance. Le débat a par ailleurs été fortement marqué par les conditions de son lancement ­ les braises du mouvement social du printemps rougeoyaient encore. Des centaines d'établissements ont signifié leur méfiance vis-à-vis d'un débat «déjà joué», de questions «orientées», de décisions «déjà prises». Les enseignants du collège La Reynerie (Toulouse) ont ainsi refusé le débat pour ne pas «cautionner un simulacre de démocratie» ; idem au lycée Turgot (Paris IIIe), pour protester contre «la procédure choisie [qui] ignore le vrai dialogue social et tourne le dos à ce que doit être un débat citoyen». De fait, la machine Education nationale, petit doigt sur la couture du pantalon, a parfois dérapé pour faire du chiffre : des enseignants signalent avoir été menacés d'être considérés comme grévistes s'ils ne venaient pas au débat, qui se déroulait durant leurs heures de service...

Luc Ferry a beau promettre qu'aucune «officine» ne travaille secrètement à rédiger la loi d'orientation qui sortira de cette consultation, la confiance est rompue. A moins que la commission Thélot ne transmute en or un exercice pour l'instant plombé par les coupes budgétaires et le peu de crédit d'une opération certes inédite, mais menée à la hussarde.

(1) Notamment dans Ouest-France, la Charente libre, le Courrier de l'Ouest, la Presse de la Manche, la Nouvelle République du Centre-Ouest, Midi libre, les Dernières Nouvelles d'Alsace, Nice-Matin, Presse Océan, etc.
(2) www.debatnational .education.fr
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Claude Thélot, président de la commission du débat national:
«Un recentrage des missions de l'école»

Par Emmanuel DAVIDENKOFF -  17 janvier 2004

Ouverte le 17 novembre, la phase de réunions publiques consacrées au «débat national sur l'avenir de l'école» s'achève ce week-end. Président de la commission du débat, Claude Thélot en tire les premières conclusions.

Quel bilan faites-vous des 15 000 débats organisés ?
Très positif. Plus de 1 million de personnes y ont participé, dont 45 % d'enseignants, 35 % de parents d'élèves ­ dont un tiers n'étaient pas membres d'associations de parents ­, 10 % d'élèves. En moyenne, 66 personnes ont participé à chaque débat.

Mais c'est très faible ! Un collège de taille moyenne, par exemple, concerne une cinquantaine d'enseignants, une trentaine d'adultes, 500 élèves, et donc près d'un millier de parents...
Personne n'a jamais prétendu que 60 millions de Français allaient débattre dans ce cadre ! Ce qui m'importe, c'est qu'on a débordé les frontières habituelles. Et, quand on restait dans ces frontières ­ les enseignants et les parents engagés ­, les modalités d'expression furent novatrices.

Ce n'était pas un débat entre spécialistes ?
Pas au sens où on l'entend. Même quand les parents étaient membres d'associations, la confrontation a été très innovante, très productive. Et n'oubliez pas les 40 000 contributions adressées via le site Internet. J'ai été affolé, parfois, par la vivacité des échanges. Nous avons dû réguler les forums toutes les nuits.

Quelles lignes se dégagent ?
Le thème le plus choisi a été «comment motiver et faire travailler efficacement les élèves». Juste derrière viennent «les élèves en grande difficulté», «les violences et les incivilités», «le socle commun de connaissances et la diversité des élèves».

Le débat a donc mis l'élève au centre ?
Pas exactement. Il a mis au coeur la question du sens des savoirs, de leur maîtrise par l'élève.

On ne va pas faire une loi pour dire que les élèves doivent apprendre des choses à l'école !
Pourquoi pas ? Pas sous cette forme, évidemment. Mais si l'on pense que ce qui compte, plus qu'avant, c'est que l'école se mette au service des progrès des élèves, cela pourrait apparaître. Par exemple en axant les modalités de formation et de recrutement des enseignants sur cet aspect. N'oubliez pas que 50 % des forces vives de l'Education nationale partent à la retraite dans les dix ans à venir. Peut-être que l'enseignant du XXIe siècle sera différent de celui du XXe. N'est-ce pas l'occasion de repenser les missions ?

Quelles sont les prochaines étapes du débat ?
Synthétiser les réunions publiques est une tâche lourde mais pas compliquée. Une trentaine d'inspecteurs, d'enseignants et d'administrateurs sont en train de lire les synthèses, certaines exhaustivement, d'autres de manière cursive. En parallèle, des unités de recherches universitaires analysent ces mêmes synthèses.

Quand la synthèse sera-t-elle disponible ?
Fin mars sur le site Internet, en mai sous forme de livre. Il ne s'agira pas des propositions de la commission mais bien de ce que les Français ont dit. Cette synthèse ne sera pas consensuelle, pour la simple raison que les opinions ne le sont pas. L'avis de la commission ne viendra qu'en septembre. Il sera également nourri par les auditions que nous menons.

Percevez-vous déjà une philosophie générale ?
J'ai l'impression que, face à la difficulté d'éduquer, les parents et les enseignants demandent que l'on aide chacun à faire son travail plutôt que d'étendre à l'infini les missions de l'école. L'idée, en somme, que l'école n'a pas à se substituer à toutes les instances de socialisation. En tout cas, les premiers éléments qui ressortent du débat incitent à un recentrage : l'école doit certes éduquer à vivre ensemble, à la citoyenneté, mais cette mission ne lui revient pas seule.



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