Bien qu'insuffisants, les indicateurs permettent un diagnostic inquiétant
Troubles psychiatriques : Cyrille Louis - Le Figaro - 04 février
2005
Que sait-on vraiment sur l'état de santé mentale de
la population française ? Dans leur volonté de réformer
la psychiatrie en profondeur, les pouvoirs publics buttent sur cette question
simple en apparence – et pourtant non résolue. «Il faut reconnaître
que l'importance de ce sujet, absolument majeur, a longtemps été
sous-évaluée, confie le directeur de l'Institut national
de veille sanitaire, Gilles Brucker. Au point que nous sommes encore à
la recherche d'instruments de mesure pertinents pour mesurer la prévalence
et l'évolution des troubles psychiatriques en France.»
Faute de mieux, on s'est longtemps référé à
l'augmentation constante, chez les adolescents, du nombre de tentatives
de suicide – par ailleurs première cause de mortalité chez
les 35-45 ans –, à l'importante consommation de psychotropes ou
encore à la montée en puissance de la maladie psychiatrique
en milieu carcéral.
Afin de combler ce vide relatif, le centre collaborateur à l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) de Lille a récemment publié
la première enquête d'ampleur réalisée sur ce
thème au sein de la population générale française
(1). Un travail qui, tiré d'un interrogatoire appliqué à
quelque 18 000 personnes entre 1999 et 2003, livre de précieux enseignements.
On y apprend en effet que 11% des personnes interrogées (soit 9%
des hommes et 13% des femmes) avaient connu un épisode dépressif
au cours des deux semaines précédant l'entretien. Par ailleurs,
13% des sujets affirmaient avoir connu un trouble anxieux au cours des
six derniers mois. Une personne sur dix mentionnait un risque suicidaire.
Et 3% environ de l'échantillon ainsi sondé présentaient
«un syndrome d'allure psychotique.»
Plus récemment encore (2), la Commission européenne a
publié un rapport qui, visant à comparer l'état de
santé mentale prévalant dans les pays membres, assigne à
l'Hexagone une piètre situation. Selon ce travail, les Français
afficheraient en effet deux fois plus de troubles psychiatriques que leurs
voisins. Mais attention : «lorsqu'on cherche à comprendre
l'évolution de la pathologie mentale au cours des dernières
décennies, il faut d'abord se rappeler que l'offre de soins s'est
considérablement développée depuis les années
70, tempère le professeur François Caroli, chef de service
à l'hôpital Sainte-Anne (Paris). En effet, la psychiatrie
prend aujourd'hui en compte toute une population – exclus, toxicomanes,
détenus – qui, à l'époque, n'avait pas accès
aux soins.»
Dans le même temps, certains troubles psychiatriques comme la dépression sont devenus mieux acceptés par la société. Une évolution enregistrée parallèlement à la montée en puissance de problèmes sociaux tels le chômage ou le mal-logement qui, selon les psychiatres sont de plus en plus fréquemment associés aux problèmes de santé mentale. (1) Nos éditions du 25 octobre
2004.
(2) Nos éditions du 17 janvier 2005. |