alternatives éducatives : des écoles, collèges et lycées différents
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A Paris, Ferry invente
les cours sans profs
Le ministère supprime drastiquement des postes, mais maintient les enseignements. Fronde des proviseurs.
Par Emmanuel DAVIDENKOFF - Libération - jeudi 29 janvier 2004

Le gouvernement tranche dans le vif ? Madame la proviseure manie la métaphore bouchère. Pour décrire les réductions de moyens «drastiques» auxquels seront confrontés collèges et lycées parisiens à la rentrée prochaine, Marie-Ange Henry résume : «Jusque-là, on pouvait tailler dans le gras. Maintenant, on nous demande d'attaquer le muscle... voire l'os.» Proviseure du lycée Jules-Ferry et responsable du SNPDEN-Paris (syndicat qui fédère 250 des 320 chefs d'établissements parisiens), elle devait sonner l'alerte ce matin devant la presse. Après avoir éliminé le «gras», c'est-à-dire les enseignements optionnels, proviseurs et principaux doivent désormais attaquer le «muscle», à savoir les enseignements obligatoires. C'est la conséquence des 200 suppressions de postes d'enseignants prévues dans la capitale pour 2004-2005, soit 4 000 heures d'enseignement en moins. Une partie de ces suppressions est liée à la politique nationale de rééquilibrage des moyens ­ or Paris est nettement «surdoté» en enseignants par rapport à des académies comme Créteil ou Versailles. L'autre est liée au «plan de retour à l'équilibre budgétaire» imposé à l'Education nationale par le ministère des Finances. Toutes les académies étant peu ou prou confrontées aux mêmes restrictions, le mécontentement pourrait faire tâche d'huile.

Aberrations. La grogne des chefs d'établissements parisiens désigne deux aberrations de la politique actuelle. D'une part, l'Etat leur demande, comme fonctionnaires, d'organiser un certain nombre d'enseignements obligatoires, mais sans leur en donner les moyens. «On nous oblige à nous placer dans une situation illégale, puisque nous ne pourrons pas offrir aux élèves ce qui leur est garanti par les circulaires du ministère», souligne Marie-Ange Henry. D'autre part, les enseignements qui vont souffrir sont, pour la plupart, destinés aux élèves en difficulté. «On voudrait une école à deux vitesses qu'on ne s'y prendrait pas autrement : si vous supprimez les enseignements en demi-groupes, en classe de seconde, dans les lycées situés en zone d'éducation prioritaire, vous condamnez nombre d'élèves à ne pas suivre.» Ces enseignements (dits «modulaires») portant sur le français, les maths, l'histoire-géo et la première langue vivante, ce sont bien les «savoirs fondamentaux» qui sont visés. Cela n'empêche pas Luc Ferry de clamer que, sans préjuger des résultats du «grand débat sur l'école», il lui semble évident qu'il faut «recentrer» les enseignements sur ces «savoirs fondamentaux» ­ il l'a redit la semaine dernière devant les députés.

Autre effet des réductions prévues : elles risquent de décimer les nouveaux dispositifs pédagogiques mis en place depuis cinq ans ­ les travaux personnels encadrés (TPE) au lycée, les itinéraires de découverte (IDD) au collège ou encore l'éducation civique, juridique et sociale (ECJS). De fait, il est plus gérable pour un chef d'établissement de supprimer tout ou partie de ces enseignements qui, lorsqu'ils avaient été instaurés, s'étaient heurtés à une vive opposition syndicale. Ou comment, au passage, faire un trait sur les réformes «Allègre-Lang», tout en s'assurant de la neutralité des syndicats enseignants qui défilaient en 2000 contre l'instauration desdits TPE et IDD ­ au premier rang desquels le Snes-FSU (majoritaire).

«On rationalise». A l'académie de Paris, on assure entendre les inquiétudes des chefs d'établissements, qui ont été reçus hier par le recteur Maurice Quenet. Mais on insiste sur la cohérence de la démarche. «On resserre les groupes de langues vivantes, on regroupe les options, mais pas question de toucher aux enseignements obligatoires.» L'enseignement professionnel est également en ligne de mire, avec des regroupements de lycées professionnels. «On rationalise ; rien de plus», plaide l'académie, qui pointe aussi «220 places vacantes dans les BTS industriels de la capitale».

Pour autant, le pire reste probablement à venir : non seulement le «plan de retour à l'équilibre budgétaire» doit se poursuivre l'an prochain, mais pour 16 000 enseignants du secondaire qui partiront à la retraite en 2005, l'Education nationale prévoit de n'en recruter que 12 500 ­ soit, à l'arrivée, environ 11 000 compte tenu de «l'évaporation» naturelle, «fuite» vers l'enseignement supérieur, doubles admissions au Capes et à l'agrégation, etc.

Décisions «catastrophiques». Même le Snalc-CSEN, syndicat classé à droite, sonne la charge contre des décisions «catastrophiques» et constate que Ferry prend d'une main ce qu'il annonce donner de l'autre. «Suppression de postes en arts plastiques quand on multiplie les déclarations en faveur d'une ambitieuse politique des arts à l'école ; suppression de postes en langues vivantes au moment où on fait l'éloge des échanges européens ; suppressions inquiétantes dans les disciplines fondamentales (­ 25 % en moyenne), alors que les rectorats font appel désespérément à d'introuvables remplaçants qualifiés ; réductions dans les enseignements technologiques et professionnels, qu'on présente pourtant comme de nouvelles voies d'excellence.» Le Snes-FSU s'inquiète, en outre, de l'explosion de la précarité (lire ci-contre).

Les tensions de la rentrée 2004 annoncent donc celles de 2005. A moins que le gouvernement ne puisse continuer à tailler dans le vif sans susciter de réaction collective. Il retirerait là les dividendes d'une des décisions les plus lourdes de conséquences qui aient été prises dans l'Education nationale : avoir tapé au portefeuille après le mouvement social du printemps dernier ­ pour la première fois après une grève de longue durée, les salaires avaient été effectivement prélevés.


LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES
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