alternatives éducatives : des écoles, collèges et lycées différents
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Les enseignants abordent le "grand débat"
sur l'école sans illusions

Le Monde - 15.11.03

Le "débat national" sur l'école s'ouvre, lundi 17 novembre, avec une visite du ministre de l'éducation nationale, Luc Ferry, à Lille. Durant deux mois, quelque 15 000 réunions publiques vont rassembler dans les établissements enseignants, élèves, parents, chefs d'entreprise, élus, pour échanger leurs points de vue sur l'"avenir de l'école". Une commission, présidée par Claude Thélot, doit synthétiser ces travaux en vue d'une révision de la loi de juillet 1989. Dans un entretien, M. Thélot précise la philosophie et les modalités de ces échanges : "Imaginez que le débat prenne, que le pays s'en empare, les enseignants, s'ils le refusaient, prendraient le risque que l'on parle pour eux." La principale inconnue de ce débat est en effet la mobilisation des enseignants, qui veulent parler de l'école mais sont perplexes sur l'issue des discussions.
Tours, Rennes, Savigny-sur-Orge de nos envoyés spéciaux

Le "débat national" sur l'école prend son envol. A partir de lundi 17 novembre et jusqu'au 17 janvier, quelque 15 000 réunions publiques vont être organisées en France. Enseignants, élèves, parents, chefs d'entreprise, élus, citoyens sont invités à donner leur point de vue sur l'"avenir de l'école". Dans les établissements scolaires, deux demi-journées sont prévues pour les discussions qui seront synthétisées par la commission présidée par Claude Thélot. La principale inconnue réside dans la participation des enseignants. Après le conflit du printemps, les personnels vont-ils s'investir ? Si oui, quels seront pour eux les sujets à aborder en priorité ?

Ecole élémentaire Jules-Renard à Tours : sceptiques sur le débat, contre le libéralisme.

Vendredi 14 novembre, la directrice de Jules-Renard prépare la note qu'elle enverra aux parents pour leur expliquer qu'il n'y aura pas école l'après-midi du vendredi 28 novembre et la matinée du samedi 29 novembre en raison du "grand débat national" sur l'école. Un débat auquel elle les convie. Et des parents, Marie-Pierre Agrapart en attend beaucoup : sans doute une centaine de familles, sur les 130 de l'école.

La participation des enseignants est beaucoup moins évidente. L'école n'a pas été à la pointe du mouvement du printemps contre la réforme des retraites et la décentralisation. Mais les personnels en gardent une forte amertume. Pour eux, le "grand débat", c'est de la "démagogie", de la "poudre aux yeux". Beaucoup estiment que le gouvernement a déjà son opinion sur l'école. Notamment à propos de ses missions, de ses valeurs. "La vraie question, c'est de savoir si l'école doit former des citoyens critiques ou produire de futurs salariés pour les entreprises", relève Dominique Camize, enseignante en CE1, persuadée, comme ses collègues, que le gouvernement penche, avec le Medef, pour la deuxième solution.

Dans la "salle des maîtres", deux enseignants refuseront de participer, pour ne pas servir de "caution". Deux hésitent. "Il faut peut-être qu'on vienne voir ce qui s'y dit", remarque Béatrice Guichard, qui s'occupe d'une classe pour handicapés. Et même si les intentions du gouvernement étaient désintéressées, les enseignants doutent de la pertinence du débat. "Les problèmes de l'école sont ceux de la société. Regardez les exemples que donne la télévision : on peut y gagner beaucoup d'argent en ne faisant rien. C'est le contraire de l'école", s'indigne Dominique Dussaud, enseignante au CE2. Le "consumérisme" des parents, le "zapping" des élèves, la "compétition" omniprésente, la recherche de la "rentabilité" sont autant de menaces pour l'école. Et cela, personne n'envisage que le seul débat puisse le résoudre.

Collège des Hautes-Ourmes à Rennes : pour la mixité sociale.

Au collège des Hautes-Ourmes, situé dans un quartier populaire de la périphérie de Rennes, la mixité sociale est revendiquée comme une valeur positive. "Il faut ouvrir nos portes et montrer qu'il n'y a pas de danger à venir ici mais des avantages", explique Annick Teyssedre, 52 ans, la principale de cet établissement où cohabitent harmonieusement élèves issus des classes moyennes et de familles défavorisées. Pour elle comme pour les responsables des parents d'élèves, préserver cette mixité est un défi majeur. "Il faut être très vigilants sur le découpage de la carte scolaire, insiste Denis Ploquin, de la FCPE. La préservation d'un équilibre est bonne aussi pour les élèves privilégiés."

La date du débat dans l'établissement n'est pas fixée, mais Annick Teyssedre prévoit qu'il sera animé par un représentant des parents et un élu du conseil général. Elle préconise de "rester simple" dans sa conduite et qualifie de "complexes" les 22 questions élaborées par la commission.

Les enseignants, quant à eux, ont envie de débattre, mais ne se font guère "d'illusions". "Des débats, on en a connu d'autres, dit Michèle Piclet, 54 ans, professeur de maths. Ils n'ont été suivis d'aucun effet." "Je doute de l'efficacité d'un débat qui pose des questions pour lesquelles les ministres ont déjà apporté des réponses, comme sur le développement des classes en alternance", ajoute Stéphane Piquet, 35 ans, professeur de sciences de la vie et de la terre.

L'échec scolaire préoccupe beaucoup les enseignants. "Les enfants qui arrivent au collège devraient savoir lire correctement, remarque Isabelle Touimi, 36 ans, professeure de sciences physiques. Leurs lacunes nous handicapent dans notre enseignement." "Ceux qui ont des problèmes de compréhension ont du mal à suivre, constate Eric Le Gall, 30 ans, professeur de maths. On n'a pas le temps de s'occuper d'eux. Ils décrochent et on les perd." Comment traiter cet échec ? "Intervenir au collège, n'est-il pas trop tard ?, s'interroge Stéphane Piquet. Il faut bénéficier d'une aide dès le primaire." "Pourquoi ne pas faire quinze heures d'enseignement et consacrer trois heures au soutien en petits groupes ?", suggère Pascale Even, professeure d'anglais, 43 ans.

"Le débat devrait ménager des discussions entre les enseignants des collèges et des lycées, poursuit-elle. Nous formons des élèves pour entrer en seconde mais les exigences sont parfois trop élevées." Certains préconisent une révision des programmes. D'autres que les devoirs soient faits au collège, et non à la maison, pour mettre les élèves à égalité.

"Le collège unique est-il une solution adaptée aux élèves en difficulté ?", s'interroge Françoise Guillemot, professeure d'anglais, 41 ans. "On peut avoir un lieu unique et des parcours différents", estime Michel Ramage, directeur de la Segpa, une section destinée aux élèves en grande difficulté, qui conduit à l'enseignement professionnel. "Quand j'étais jeune, l'école jouait le rôle d'ascenseur social, mais maintenant elle creuse les inégalités", regrette Michèle Piclet.

Lycée Corot à Savigny-sur-Orge (Essonne) : pour la laïcité.

"On aimerait y croire mais on n'y croit pas."

En une formule, l'enseignante d'espagnol a résumé l'opinion des professeurs du lycée Corot. Trop de consultations n'ont débouché "sur rien". Trop de doutes quant à la volonté du gouvernement de tenir compte de leur point de vue. Pourtant, les sujets ne manquent pas. La laïcité, d'abord, apparaît comme la première préoccupation même si l'établissement ne connaît pas de difficultés particulières. "C'est peut-être déjà trop tard mais il faut, d'urgence, une loi qui interdise les signes religieux à l'école", affirme Cécile Delozier, 33 ans, professeure de lettres. "L'école doit être un lieu de neutralité par rapport aux opinions religieuses ou politiques. Ce doit être un lieu de pur idéal, complètement protégé de la société", insiste Pascal Vasseur, 37 ans, professeur de lettres classiques.

En outre, l'école, surtout le lycée, ne peut se permettre d'être "light". L'objectif des 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac, pourtant fixé par la gauche en 1989, est condamné. "Aujourd'hui, on survole tout", s'indigne Isabelle Michel, 37 ans, professeure de maths. "On n'instruit plus, les élèves savent peu de choses", confirme son collègue, Christian Garat. La vieille thématique de la baisse du niveau des élèves est volontiers reprise, perçue comme une illustration de la "marchandisation" d'une école qui ne servirait qu'à fournir de la "chair à canon" pour les entreprises. "On allège les programmes, on fait des examens de plus en plus simplistes", souligne une professeure de lettres, qui préfère rester anonyme.

Le proviseur, lui-même, est sceptique. Bien sûr, en tant que fonctionnaire discipliné, il organisera le débat - la semaine du 8 décembre - en faisant appel, si possible, à un animateur extérieur pour mieux "faire accoucher les idées". Mais, sur le fond, Hélias Privat doute : "Je crains les discussions du genre café du commerce. Je ne pense pas qu'on puisse mettre à égalité les réflexions des professionnels et l'avis de citoyens qui, parce qu'ils ont été à l'école ou ont des enfants scolarisés, ont une opinion."

Des paroles appréciées par nombre d'enseignants, indignés, à l'avance, par les critiques que les parents d'élèves oseraient formuler.

Luc Bronner et Martine Laronche
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Vingt-deux questions servent de base aux discussions
 

1. Quelles sont les valeurs de l'école républicaine et comment faire en sorte que la société les reconnaisse ?

2. Quelles doivent être les missions de l'école, à l'heure de l'Europe et pour les décennies à venir ?

3. Vers quel type d'égalité l'école doit-elle tendre ?

4. Faut-il partager autrement l'éducation entre jeunesse et âge adulte et impliquer davantage le monde du travail ?

5. Quel socle commun de connaissances, de compétences et de règles de comportement les élèves doivent-ils prioritairement maîtriser (...) ?

6. Comment l'école doit-elle s'adapter à la diversité des élèves ?

7. Comment améliorer la reconnaissance et l'organisation de la voie professionnelle ?

8. Comment motiver et faire travailler efficacement les élèves ?

9. Quelles doivent être les fonctions et les modalités de l'évaluation des élèves (...) ?

10 . Comment organiser et améliorer l'orientation des élèves ?

11. Comment préparer et organiser l'entrée dans le supérieur ?

12. Comment les parents et les partenaires extérieurs de l'école peuvent-ils favoriser la réussite scolaire des élèves ?

13. Comment prendre en charge les élèves en grande difficulté ?

14. Comment scolariser les élèves handicapés ou atteints de maladie grave ?

15. Comment lutter efficacement contre la violence et les incivilités ?

16. Quelles relations établir entre les membres de la communauté éducative (...) ?

17. Comment améliorer la qualité de la vie des élèves à l'école ?

18. Comment (...) répartir les rôles et les responsabilités respectifs de l'Etat et des collectivités territoriales ?

19. Faut-il donner davantage d'autonomie aux établissements (...) ?

20. Comment l'école doit-elle utiliser au mieux les moyens dont elle dispose ?

21. Faut-il redéfinir les métiers de l'école ?

22. Comment former, recruter, évaluer les enseignants et mieux organiser leur carrière ?
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M. Chirac définira jeudi les "grands enjeux"
 

Jacques Chirac réunira, jeudi 20 novembre, "les principaux responsables du système éducatif français" et définira les "grands enjeux" du débat national sur l'école. Le chef de l'Etat "prononcera une allocution sur les grands enjeux de ce débat et sur les objectifs qu'il lui fixe pour renouveler le pacte qui lie les Français à leur école et mieux préparer l'avenir de nos enfants et de notre pays", a précisé l'Elysée vendredi 14 novembre. Le ministre de l'éducation nationale, Luc Ferry, se rendra à Lille, lundi 17 novembre, pour présenter les modalités du débat qui doit déboucher fin 2004 sur une loi d'orientation modifiant la loi de juillet 1989.


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