"Concentré de magnésium au bon goût de chocolat" pour les 4-12 ans, "capsules d'oméga 3 à la fraise" pour les 6-15 ans, les mères et les pères de famille n'ont plus à s'inquiéter : si leurs enfants ne mangent pas assez de poisson ou de céréales complètes, ils pourront toujours leur donner ces nouveaux comprimés qui débarquent sur le marché ! Non seulement ils compenseront les éventuels déficits nutritionnels mais, en plus, assurent ses concepteurs, ils amélioreront le comportement et les performances scolaires.

"OM3 junior est un moyen simple d'apporter aux enfants qui ne consomment pas assez de poisson les éléments nécessaires à la bonne pratique de leurs activités intellectuelles et à leur équilibre émotionnel" , vante le laboratoire Isodisnatura qui présentait, jeudi 26 mai, son nouveau produit. Quant à "Mag2 junior, il répond aux problèmes d'excitation, de baisse de concentration ou de fatigue passagère" , assure le laboratoire Cooper.

"INACCEPTABLE" 

"Je suis consterné, on entre dans une médicalisation préoccupante de l'alimentation, s'inquiète le professeur Arnaud Basdevant, chef du service de nutrition de l'Hôtel-Dieu à Paris. Ce n'est pas en donnant des pilules que l'on va améliorer les habitudes alimentaires." "On vend de la facilité, du rêve, on est à la limite de la tromperie" , souligne Serge Hercberg, vice-président du comité stratégique du Programme national nutrition santé (PNNS). Pour ce chercheur de l'Inserm, les "bienfaits supposés" de ces produits ne reposent sur "aucune base scientifique" et peuvent avoir "des effets délétères sur les comportements" .

Même son de cloche du côté des pédiatres. Trouvant "inacceptable" l'allégation selon laquelle les oméga 3 amélioreraient les capacités d'apprentissage scolaire des enfants, le professeur de pédiatrie Dominique Turck, président du comité d'experts en nutrition humaine de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), estime, lui aussi, qu'il y a "tromperie du consommateur" .

"Ces compléments alimentaires sont une affaire commerciale qui ne répond pas à une demande nutritionnelle des professionnels" , résume Alain Bocquet, président de l'Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).

Mais le psychiatre David Servan-Schreiber, actionnaire de la société commercialisant l'OM3 junior, n'en démord pas : "Le besoin en acides gras oméga 3 est encore plus important chez les enfants que chez les adultes." Pour appuyer sa thèse, l'auteur du livre à succès Guérir le stress (Robert Laffont), évoque quatre "études cliniques" , notamment celles du docteur Alex Richardson de l'université d'Oxford, "qui montrent les effets remarquables de la supplémentation en oméga 3 chez les enfants présentant des difficultés scolaires et comportementales" . L'un des essais randomisés (par tirage au sort) porte sur 41 enfants de 8 à 11 ans qui ont tous des difficultés de lecture. "Lors de tests préliminaires de l'OM3 junior, c'était émouvant d'avoir des parents témoignant que, pour la première fois, leur fils avait eu 17 en histoire" , raconte le psychiatre.

"Bien sûr, il vaut mieux manger du poisson que de prendre une gélule" , concède la pédiatre Edwige Antier, qui a accepté de participer à la conférence de presse du laboratoire Isodisnatura. Mais, ajoute-t-elle, "face à l'alimentation déséquilibrée de l'enfant occidental, l'idée d'une supplémentation n'est pas à bannir" .

Le professeur Turck assure que les autorités sanitaires vont "réagir auprès de la direction générale de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)".

Sandrine Blanchard