La
"Plateforme" des équipes Freinet
Le gouvernement a bien manoeuvré !
Quelles seront les réponses des mouvements pédagogiques et d’éducation populaire ? par Catherine Chabrun, Présidente de l’ICEM-Pédagogie Freinet 15 11 05 - Depuis les premières révoltes suite à la mort de deux jeunes poursuivis par la police, l’émotion hypnotique de l’image a été présente à chaque journal télévisé tel un film d’horreur surfant sans états d’âme sur les angoisses et les fantasmes individuels. Chacun allumant son poste pour découvrir le prochain épisode ! Pour répondre aux premiers incendiaires, le ministre de l’intérieur, sous le feu des projecteurs, tel un acteur d’une série policière, a vociféré dans un registre vulgaire et irrespectueux des personnes. Le résultat ne s’est pas fait attendre, des centaines de voitures, des symboles « républicains » comme des écoles ont brûlé chaque nuit, la révolte s’irradiant sur toute la France. L’on parle alors de guerre urbaine et l’on mobilise une véritable armée de CRS, de policiers et de gendarmes. Les spectateurs de ce drame, les Français,
sont émus, ils tremblent, ils ont peur.
Puis dans un deuxième temps, les politiques,
les journalistes amorcent une explication : quartiers ghettoïsés,
chômage, désespérance des jeunes, laxisme des professeurs
et des familles ...On plaint, on s’indigne, on écrit, on débat...
Le lundi 7 novembre à la télévision
puis le lendemain devant l’Assemblée nationale, Dominique de Villepin,
premier Ministre, annonce son intention de revenir sur la scolarisation
jusqu’à 16 ans et de proposer aux jeunes dès 14 ans l’apprentissage
pour ceux qui n’ont plus le goût et l’envie d’étudier et pour
ceux qui ont décroché de l’école. Un nouveau label
est trouvé celui d'«apprenti junior».
Après ces quelques propositions «
éducatives », la répression n’est pas en reste,
le gouvernement déclare l’Etat d’urgence et ressort la loi du 3
avril 1955, message symbolique désastreux avec la référence
inévitable à la guerre d’Algérie. Cette loi n’est
pas simplement un « couvre-feu », elle restreint fortement
les libertés individuelles, en effet sans contrôle de justice
sur simple décision administrative, elle peut interdire la circulation
des personnes, mineures et majeures, elle peut assigner à résidence,
à perquisitionner à n’importe quelle heure, à fermer
les lieux de réunion, à contrôler les médias.
Certes ces propositions vont entraîner un retour
au calme, une pacification des quartiers. Des remèdes bien superficiels
qui n’éradiqueront pas ce mal profond qu’est la désespérance.
Que des jeunes, des très jeunes brûlent
leurs écoles, leurs lieux de vie et tout ce qui incarne l’autorité
et les valeurs de ceux qui les rejettent semblent incompréhensibles
pour la plupart des acteurs éducatifs.
Et pourtant depuis plus d’un siècle, de nombreux
militants de l’éducation nouvelle et populaire ont observé
et critiqué cette école de Jules Ferry qui sépare,
qui favorise la petite partie de la jeunesse héritière des
biens matériels et culturels au détriment de l’autre jeunesse
qu’on exclut des savoirs et de la promotion sociale. Ils sont persuadés
depuis longtemps qu’il faut transformer radicalement le système
éducatif. Ils savent que les demandes de moyens supplémentaires,
d’aménagements du système sont insuffisantes et permettent
seulement de survivre de crise en crise. Et pourtant ces militants pédagogiques,
pour la plupart, ont participé au « Grand débat
» sur l’école et quelques mois après se sont indignés
de la loi d’orientation sans ambition et passéiste du ministre de
l’éducation François Fillon. Quelques réactions parcellaires
se sont fait entendre mais la réflexion de fond s’est endormie.
Bien au-delà des quartiers sous les feux de
l’actualité, c’est d’abord de perspectives et de reconnaissance
dont les jeunes ont besoin aujourd’hui. Et l’école a bien sûr
son rôle à jouer en la matière. Non pas, comme elle
le fait encore beaucoup trop, en valorisant une compétition dévastatrice,
génératrice d’individualisme et d’exclusion et où
les dés, pour l’essentiel, sont jetés d’avance entre catégories
sociales. C’est une école de la coopération dont nous avons
besoin au plus haut point, valorisant en actes la fraternité, exigeante
bien sûr, avec le souci premier de l’émancipation, éveillant
les jeunes contre toutes les manipulations. Et on ne voit que trop bien
le poids médiatique de celles-ci au sein de l’opinion, avec les
évènements actuels.
Depuis longtemps, les militants pédagogiques
et d’éducation populaire savent que cette transformation indispensable
du système éducatif ne peut s'abstraire d'une transformation
politique radicale.
Aujourd’hui, les mouvements pédagogiques et d’éducation populaire sont-ils capables de faire entendre leur voix, pour la mise en place d’une école populaire et émancipatrice ? Aujourd’hui, les mouvements pédagogiques et d’éducation populaire sont-ils capables de proposer et de défendre un système éducatif radicalement différent, pour porter cette école populaire et émancipatrice ? Si oui, il est temps de s’y mettre, ensemble !
Catherine Chabrun, Présidente de l’ICEM-Pédagogie
Freinet
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