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La barbarie naît de la civilisation :
de la certitude d'être le civilisé face au barbare.

L'éditorial du "Monde 2" par Edwy Plenel
Au vif - Le Monde du  07.05.04
 

D'ALGÉRIE EN IRAK

C'est une photographie anonyme, prise en 1960, en Algérie, dans la région de Constantine, en pleine campagne, face à un mur de pierres sèches. Elle montre deux appelés français, aux mines de gamins fiers de leur bêtise, mais un peu empotés dans leurs battle-dress froissés, qui, leurs armes en bandoulière, tiennent chacun d'une main les bras d'une jeune Algérienne totalement dévêtue et dont l'une des nattes pend le long de son épaule gauche.  On ne sait s'il y eut viol, encore moins s'il a précédé ou suivi la séance photo, mais on le suppose. Ou plutôt, en regardant cette femme présentée comme un trophée de chasse, en devenant spectateur de cette mise à nu, en contemplant cette prise bestiale où le corps n'est plus qu'un objet mort, on se dit que le viol est déjà dans cette mise en scène qui, pour ses auteurs, ne fut sans doute qu'un jeu.

"Il n'y a pas, ou très peu, d'images de la torture pratiquée en Algérie", rappellent Laurent Gervereau et Benjamin Stora dans leur présentation de Photographier la guerre d'Algérie (Marval, 2004). Mais cette photo posée, qui y est reproduite page 84, dit à elle seule le contexte banal, ordinaire et quotidien, qui permit l'usage systématique de la torture durant la guerre d'Algérie, simples sévices ou brutalités systématiques, interrogatoires musclés ou passage à la question, supplice de l'eau ou de l'électricité, corvées de bois et exécutions sommaires, etc., dont furent victimes aussi bien des ennemis avérés que des suspects supposés, des combattants que des civils. Dans ce cliché se laisse voir la culture, les préjugés, l'idéologie qui amènent des hommes semblables à tous les autres hommes, ni plus sadiques ni plus pervers, à accepter la torture, à la pratiquer eux-mêmes ou à la tolérer autour d'eux : cette supériorité affichée, ce sentiment d'impunité, cette indifférence à l'humanité de l'autre, cette conviction non pas d'être au-dessus du Bien et du Mal, mais, tout au contraire, d'être dans le Bien, dans le bon camp, dans le camp qui combat le Mal. La barbarie naît de la civilisation : de la certitude d'être le civilisé face au barbare.

UNE PHOTO ET UN FILM

Comparée à ces autres photos qui, aux Etats-Unis, viennent de lancer le scandale de la torture dans l'actuelle guerre d'Irak, cette image jaunie du drame franco-algérien semble presque pudique. C'est pourtant son souvenir qui nous est revenu au spectacle de ces clichés grossiers, d'autant plus violents que leurs auteurs y ont ajouté une vulgarité pornographique qui, elle aussi, dit notre époque. Mêmes corps dénudés et exposés, ces détenus humiliés et déshumanisés, cette soldatesque déchaînée, rigolarde et inconsciente, cette armée d'occupation protégée par une législation d'exception, cette guerre impériale du Bien contre le Mal... Spontanée, cette résonance n'est pourtant pas de notre fait. Car il nous est également revenu en mémoire qu'en août 2003, la direction des opérations spéciales du Pentagone, chargée d'organiser ce qu'il y a cinquante ans nos états-majors nommaient la guerre contre-révolutionnaire, cette guerre qui s'émancipe du droit en général et de celui de la guerre en particulier, que cette direction donc qui est au cœur du champ de bataille irakien avait organisé pour ses officiers une projection du film de Gillo Pontecorvo, La Bataille d'Alger, dont la torture est un acteur essentiel.

LA TORTURE, LA QUESTION, LA GANGRÈNE

A Alger, une bataille fut gagnée par l'armée et une guerre fut perdue par la démocratie. La victoire militaire fut une défaite morale. Or, dans son âme, une nation souffre bien plus longtemps de l'une qu'elle ne jouit de l'autre. La France n'a pas seulement perdu l'Algérie et l'Empire colonial qui allait avec, elle y a aussi perdu une partie de l'image qu'elle avait d'elle-même. C'est aujourd'hui ce qui menace les Etats-Unis d'Amérique par la faute de l'administration Bush. Nous sommes bien placés, par notre histoire, pour le savoir : dans une telle guerre, l'irruption de la torture n'est pas une anecdote, une sorte de fait divers que l'on pourrait minimiser. Elle dit l'essence du conflit, dévoile son injustice, révèle son illégitimité - et c'est cette question que l'Amérique devra affronter. Car la première condition de la banalisation de la torture est l'absence totale de respect du droit, aussi bien national qu'international, et l'actuelle guerre américaine contre le terrorisme la remplit au-delà du nécessaire, du Patriot Act, législation d'exception, à Guantanamo, trou noir juridique, en passant par toutes ces détentions secrètes laissées, de par le monde, à la discrétion des services de renseignement américains depuis 2001.

La torture est une gangrène. Les dictatures et les fascismes n'en ont cure puisque ces régimes sont le stade d'après, quand il est trop tard. Tout juste atteinte, une démocratie est en péril, menacée dans sa chair, mais il est encore temps. En l'espèce, un temps compté : et si Bush était réélu ?


ED. 2008 DU GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES
| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? Chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
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