alternatives éducatives : des écoles différentes
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ZEP: le bide scolaire
De fait, l'Etat dépense plus pour les collèges ou les lycées privilégiés
qui attirent les enseignants en milieu et fin de carrière.

"Il y a de l'argent dans les ZEP, le financement n'est pas le fond du problème"

Un rapport met en évidence l'augmentation des inégalités entre élèves

Grogne à Paris d'enseignants de ZEP
ayant perdu leur priorité dans les mutations

Sarkozy: "il faut déposer le bilan des ZEP"

Georges Dupon-Lahitte (FCPE) "ne savait pas que M. Sarkozy était ministre de l'Education nationale"...
"Il est dramatique pour l'Ecole que les combats pour qui sera candidat à la présidentielle aboutissent à rendre illisibles les débats sur la question essentielle qu'est l'avenir de la jeunesse"
Quand les pauvres
vont à l'école privée

Certains établissements privés, longtemps soupçonnés de ségrégation sociale, obtiennent aujourd'hui leur classement en ZEP (zone d'éducation prioritaire). Un intérêt pour les enfants en difficulté qui ravive la concurrence privé-public.

Emmanuel Saint-Martin - le point 03/03/00 - N°1433
 

Ségolène Royal aurait-elle d'un souffle ranimé les braises de la guerre scolaire ? Aux yeux de bien des partisans de l'enseignement public, elle a en tout cas commis une gaffe. Tout commence en septembre 1999.

D'une lettre, la ministre déléguée à l'Enseignement scolaire annonce une bonne nouvelle aux responsables de l'enseignement catholique. Comme ils le demandent depuis de nombreuses années, plusieurs établissements catholiques vont être classés en ZEP (zone d'éducation prioritaire).
La missive ministérielle précise même que cette décision « marque la part de l'enseignement sous contrat dans l'accueil des élèves en difficulté ».

Trois collèges de Seine-Saint-Denis, sept écoles et collèges de Marseille et une école de Perpignan, tous situés dans des quartiers en difficulté, vont donc bénéficier du même traitement que leurs homologues du public - qui, eux, sont 6 000 en ZEP. Du personnel supplémentaire (surveillants, notamment), sous la forme d'une majoration du forfait d'externat (c'est le nom donné aux subventions versées par les collectivités territoriales et l'Etat pour la rémunération des personnels non enseignants), et une prime spéciale pour les enseignants.

Dans les mois qui suivent, les établissements concernés préparent avec les rectorats l'entrée en vigueur de cette mesure pour la prochaine rentrée. Ils obtiennent même la garantie que la prime sera versée aux enseignants avec effet rétroactif à la rentrée 1999.

Mais Ségolène Royal et son cabinet avaient négligé ce qui n'était pas un détail. Un des établissements classés en Seine-Saint-Denis, Saint-Benoît-de-l'Europe, est situé à Bagnolet.
Pas de chance : cette commune héberge aussi le collège Travail, un établissement public particulièrement combatif. En pointe lors de la longue grève qui avait agité la plupart des établissements du département au printemps 1998, il demande son classement depuis des années. Sans jamais l'obtenir.
Résultat, quand, la semaine dernière, six mois après la lettre de Ségolène Royal, les enseignants de Travail apprennent, par une indiscrétion municipale, que le privé voisin passe en ZEP, ils se mettent immédiatement en grève. Laquelle durait encore une semaine plus tard.

Pas de nouvelle guerre scolaire !
Au ministère, où l'on vient à peine d'éteindre l'incendie de la carte scolaire qui s'était déclaré dans l'Hérault, on ne veut pas d'un nouveau conflit. Et encore moins d'une nouvelle guerre scolaire ! On fait donc marche arrière, sur fond - désormais habituel - de dissonances entre les deux ministres, Allègre et Royal. Le premier semble découvrir la décision de sa ministre déléguée. C'est fort du soutien de Claude Allègre que le recteur de Créteil, Jean-Pierre Dedonder, dément Ségolène Royal. Et explique aux directeurs des trois collèges de Seine-Saint-Denis comme aux autorités diocésaines que, tout compte fait, ils ne méritent pas d'être classés en ZEP...

Même si les établissements de Marseille et l'école de Perpignan restent classés en ZEP, le coup est rude pour l'enseignement catholique. « Pour nous, ce classement était le symbole de l'ouverture à tous de l'enseignement catholique », explique Paul Malartre, secrétaire général de l'Enseignement catholique. Une façon, surtout, de se débarrasser de l'image d'école de riches qui colle à la peau de l'enseignement privé (qui est à 95 % catholique). A propos du tollé provoqué dans l'enseignement public par ce classement en ZEP, Eric de Labarre, président de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (Unapel), a beau jeu de s'étonner qu'après « nous avoir fait un procès en ségrégation sociale on nous reproche de nous intéresser aux enfants en difficulté ».

Les « primo-arrivants »
La nouvelle est d'autant plus difficile à avaler pour l'enseignement catholique qu'elle intervient à un moment où l'école privée est, sociologiquement, sortie de la marginalité. Les travaux de deux chercheurs, Gabriel Langoët et Alain Léger, jamais démentis, le montrent : si le privé représente toujours 15 % du primaire et 20 % du secondaire, le nombre d'enfants qui passent, à un moment ou un autre de leur scolarité, dans le privé ne cesse d'augmenter. Il dépasse désormais largement 40 % de la population totale. Certes, les familles les plus modestes continuent de moins fréquenter l'école privée que celles des catégories socio-professionnelles les plus élevées. Mais la concurrence entre public et privé ne se cantonne plus à une élite sociale et scolaire.

Les écoles et collèges catholiques de Marseille feraient presque figure d'appartements témoins de ce nouveau terrain de concurrence. Dans son petit collège Saint-Mauront (cent élèves seulement), Joël Chamoux, le directeur, recense « 100 % d'élèves d'origine étrangère et au moins 90 % de musulmans ». A l'orée des quartiers Nord de la ville, la cité Bellevue est le lieu de transit de familles arrivant en France. Au fil du temps, Saint-Mauront s'est donc fait une spécialité de ceux qu'on appelle en langage Education nationale les « primo-arrivants », pour lesquels le français est une langue étrangère.

Paris, 11e arrondissement, lycée professionnel Saint-Joseph. L'entrée des cours ressemble à n'importe quelle entrée de n'importe quel lycée professionnel, tendance banlieue. « Les lycées privés choisissent leurs élèves. Nous, par vocation, nous choisissons les plus en difficulté. Il m'arrive même d'en refuser de trop bons ! » assure le directeur, Jean-Claude Picard. Les 300 élèves sont là pour se former à la comptabilité, au secrétariat ou encore passer un CAP de livreur. Ils viennent de toute l'Ile-de-France, souvent après avoir erré partout. Ils ont entre 14 et 27 ans, sont « paumés à tout point de vue ». De choix des familles, il n'est ici guère question. De religion, un peu. Mais, dans ce lycée adossé à la mosquée du quartier, le projet de la Compagnie des filles de la charité (soeurs de Saint-Vincent-de-Paul), qui exercent leur tutelle sur l'établissement, a subi des modifications. « Dans le projet fondateur, explique Jean-Claude Picard, il est écrit : "Essayer de montrer aux jeunes que Dieu les aime". Nous, pour le lycée, nous avons écrit : "Essayer de montrer aux jeunes que Dieu, Yahvé, Allah les aime". »

Mais, à Saint-Joseph, comme à Saint-Mauront à Marseille, on est loin de la mixité sociale. La concentration en un même lieu d'enfants en difficulté pose les mêmes problèmes que dans le public. Et, si la violence est peut-être moins prononcée que dans certains gros établissements publics, le conseil de discipline de Saint-Joseph a tout de même exclu cette année deux élèves pour faits de violence contre des adultes.

Au collège Saint-Joseph de Pantin, le directeur, Guy-Victor Lambert, ne connaît guère ces problèmes. Pourtant, lui aussi revendique l'accueil d'enfants de familles en difficulté. Mais il veut, dit-il, « tout faire ». Aussi bien l'enseignement spécialisé que le collège classique, qui mène au lycée. N'empêche, dans les collèges publics voisins, on ne se départit pas du soupçon de favoritisme. En clair, même s'il accueille des enfants de familles modestes, celles-ci seraient, en général, plus impliquées dans la scolarité de leurs enfants. Guy-Victor Lambert l'admet d'ailleurs : « Nous avons sans doute plus facilement accès aux familles que nos collègues du public. » Mais c'est aussi pour faire entendre que l'enseignement catholique fait peut-être plus d'efforts dans ce sens : « Ce qui fait que la situation reste gérable malgré les difficultés, c'est qu'on cherche à voir beaucoup les familles. On essaie de ne rien laisser passer. »

Un encadrement plus serré
Car, dans la volonté de l'enseignement catholique de manifester son intérêt pour les banlieues, il y a aussi le souci de montrer son « avantage comparatif ». La taille des établissements, d'abord, qui permet un encadrement beaucoup plus serré, auquel les parents sont très sensibles. Et puis la stabilité des équipes, aussi bien des chefs d'établissement que des enseignants, qui contraste avec le jeu de chaises musicales de la plupart des collèges publics de ZEP. Sans doute faut-il ajouter une différence d'approche des enseignants.

Selon une enquête d'un syndicat d'enseignants, la FEP-CFDT, les profs du privé se distinguent par une plus grande motivation pour la pédagogie, tandis que ceux du public marqueraient un attachement plus fort aux disciplines, aux contenus. Le président du Syndicat national des directeurs de collèges privés (Synadic) revendique même pour l'enseignement catholique la paternité de « beaucoup des réformes lancées dans le public pour prendre en compte l'intérêt des élèves. L'idée de communauté éducative, celle de professeurs coordinateurs, mais aussi l'attribution d'une salle de cours par classe, tout cela vient de l'enseignement catholique ».

Reste que ce déplacement de la concurrence public-privé, qui quitterait l'élite pour arriver sur le terrain des élèves en difficulté, a ses limites. Géographiques, d'abord : les établissements privés sont presque tous d'implantation ancienne, et donc peu présents dans les banlieues. Une étude conjointe de l'Insee et de l'Ined, publiée en 1992, montrait ainsi le lien très étroit entre la forte implantation de l'école privée et la diversité sociale des familles qu'elle accueille. En clair, dans l'Ouest, où le privé scolarise jusqu'à 40 % des élèves, les familles modestes y sont en nombre, d'autant plus que les droits de scolarité, au collège, excèdent rarement 150 francs par mois, souvent beaucoup moins. En revanche, Paris, qui cumule à la fois un faible taux de scolarisation en privé et une forte présence d'établissements catholiques prestigieux, contribue grandement à l'image d'écoles de riches.

Mais il faut aussi compter avec les réticences des parents d'élèves du privé devant la diversification des origines sociales des enfants accueillis. « Certains des parents voudraient effectivement être socialement protégés », admet Paul Malartre. A Pantin, par exemple, il n'est pas rare que la « clientèle » traditionnelle de l'école privée préfère aller rejoindre les collèges plus huppés de Paris intra-muros.

Reste que ce comportement n'est pas une exclusivité du privé. L'Insee et l'Ined ont montré qu'à l'intérieur même de l'enseignement public certains parents, mieux informés que les autres, ont les moyens de choisir l'établissement de leur enfant. Bref, font un usage privé, consumériste, du système public.

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Allègre contre le classement des lycées
Claude Allègre n'aime pas l'idée que les familles puissent choisir un lycée. « Convictions républicaines » obligent, il est très strictement attaché aux carte scolaire. Du coup, l'habitude prise par le ministère de l'Education nationale, depuis plusieurs années, de publier les résultats au baccalauréat de chaque lycée ne lui plaît guère. D'autant qu'elle donne lieu en général à la publication dans la presse de classements et de palmarès de nature à nourrir le « consumérisme scolaire ».

Jusqu'à il y a deux ans, le ministère vendait - pour 50 000 francs - aux journaux les résultats collectés par la Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP). Depuis, ils étaient distribués gratuitement. Un moment tenté par la suppression pure et simple de cette publication, Claude Allègre a finalement renoncé. Fin mars, la presse publiera donc les indicateurs officiels et les traditionnels palmarès. Avec toutefois une contrepartie : il leur faudra également publier un encart concocté Rue de Grenelle. Une sorte d'avertissement au lecteur sur la façon de lire et d'interpréter les indicateurs.

Si Allègre a renoncé à faire de la résistance, c'est qu'elle est apparue rapidement vaine. D'abord, des classements étaient publiés avant que le ministère communique ses chiffres officiels. Surtout, la demande publique en la matière est très forte. Pas seulement chez les tenants de l'enseignement privé, car le public a également son lot de lycées prestigieux qui tirent argument de leurs bons résultats, aussi bien dans leur concurrence avec le privé que dans celle qu'ils se livrent parfois avec des établissements publics.

La publication récente, au Seuil, d'un « Guide des lycées d'Ile-de-France » prouve en tout cas qu'une offre est toute prête à répondre à cette demande. L'historien Jacques Marseille, reconverti dans l'édition, qui est à l'origine de cette publication, assure qu'il n'est « pas question d'établir un palmarès des lycées ».
N'empêche, il s'agit bien de distinguer les bons lycées.
Donc d'écarter les mauvais.

E. S.-M.



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