alternatives éducatives : des écoles différentes
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Une autre école est-elle possible?
 

Ecole: des sanctions sans appel à la pelle
Pierre Merle, sociologue, regrette que les classes soient souvent des zones de non-droit.

«Humilier, une forme d'autorité très usitée»
Il est fréquent que les élèves se sentent humiliés.
Une enquête statistique avait montré que
50 % des collégiens estimaient avoir été humiliés par un enseignant.
 
 

Le seul apprentissage commun
à tous les élèves
est celui de l'impuissance sociale.
Devant une impuissance
aussi absolue,
il ne reste que la violence.

L'école,
fabrique d'élitisme

Par PATRICE RANJARD
Patrice Ranjard est docteur ès sciences de l'éducation.
dernier livre paru : «l'Individualisme, un suicide culturel: les enjeux de l'éducation» (l'Harmattan, 1997).

                   Le jeudi 3 juin 1999 - Libération

 Beaucoup  d'enseignants  souffrent
 parce que  leurs élèves  n'apprennent  rien,
ils le  vivent  comme un  échec
dont ils  se sentent  coupables.
 Mais, en  vérité, ils ne  sont pas  payés
pour  que les élèves  apprennent.
 

              L 'école française a malheureusement oublié les grands principes définis par
              Montesquieu. La loi doit être la même pour tous? Chaque prof définit ses
              propres lois. Un élève en retard est puni, un prof régulièrement en retard ne l'est
              pas. Nul ne peut se faire justice soi-même? Dans notre école, c'est le même qui
              définit la faute, juge de la culpabilité, choisit la sanction et condamne. Nul ne peut
              être juge et partie? Sauf à l'école, où c'est l'enseignant lui-même qui juge les
              résultats de son enseignement («Tous les élèves avaient en dessous de dix, le
              prof nous a donc tous collés deux heures», raconte ainsi un élève de Bernard
              Defrance). Lorsque ces trois principes ne sont pas respectés, on est dans un
              univers totalitaire.

              A partir du collège, tout élève rencontre une dizaine de profs chaque semaine. J'ai
              constaté que chaque élève est témoin, au moins une fois par semaine, d'une
              injustice dont un autre élève est victime. Il peut s'agir d'une punition ou d'une note
              injuste, mais l'injustice la plus fréquente est l'expression du mépris d'un professeur
              pour un ou des élèves. Que l'on relise les Lycéens de F. Dubet, on sera étonné
              de la prégnance du thème du mépris dans le discours des élèves. Plus destructeur
              encore que l'injustice fréquente, c'est le fait que le pouvoir d'y réagir est nul.
              Absolument nul. Les élèves n'ont aucun moyen de se défendre contre une
              injustice ou contre les expressions de mépris. Leurs délégués ne peuvent pas se
              permettre de dénoncer l'injustice, grave ou fréquente, venant d'un adulte de
              l'établissement. Et aucun enseignant ne peut se permettre de dénoncer les
              comportements injustes de l'un de ses collègue à l'égard d'un élève.

              Du point de vue de la socialisation, le seul apprentissage commun à tous les
              élèves est celui de l'impuissance sociale. «On n'y peut rien», est la phrase qui
              résume le vécu «social» des élèves. Devant une impuissance aussi absolue, il ne
              reste que la violence. Autrefois, lorsque les élèves savaient ce qu'ils faisaient à
              l'école, la violence s'exprimait collectivement (toute une classe chahutait un prof
              qui payait pour les autres) ou individuellement (l'élève révolté était renvoyé).
              Aujourd'hui, avec l'injustice économique du libéralisme totalitaire, la vie n'a plus
              guère de sens. La violence s'exprime anarchiquement à l'école et hors l'école.

              Modifiez le fonctionnement de l'école afin que les élèves, collectivement, aient du
              pouvoir sur leur vie d'élèves, et vous verrez la violence diminuer très vite. Mais ce
              mot de «pouvoir», on refuse de l'entendre, faisant semblant de croire que, si le
              pouvoir des élèves n'était pas nul, ce serait le désordre le plus total. Pourtant,
              depuis plus de vingt ans, des conseillers d'orientation expérimentent avec succès
              dans des centaines d'établissements - et avec l'accord des professeurs - le
              dispositif d'apprentissage de l'expression collective inventé par le groupe
              Desgenettes et Mendel. Mais cela n'intéresse pas le ministère.

              Les enseignants eux aussi sont dé-socialisés. Une fois passés de l'autre côté de la
              barrière, ils jouissent de leur pouvoir individuel. Pouvoir sur leurs actes: c'est la
              fameuse «liberté pédagogique», comparable à la liberté de l'automobiliste
              embouteillé de choisir ses cassettes. Et pouvoir sur leurs élèves: pouvoir d'exiger,
              d'imposer, de dominer, de maîtriser, pouvoir de s'imposer. Pouvoir dont
              l'exercice devient de plus en plus difficile et épuisant, mais qui était naguère inscrit
              comme un «droit» dans le métier de professeur.

              Pouvoir individuel, parce que, collectivement, les enseignants refusent absolument
              de prendre du pouvoir sur leur métier. Pas question pour les professeurs d'une
              même classe ou d'un même groupe d'élèves de réfléchir ensemble et de se
              demander comment faire pour que nos élèves apprennent davantage.
                Depuis 1989, la loi oblige tous les établissements à avoir un projet collectif, mais les
              enseignants ont un moyen imparable de stériliser toute réunion: il suffit que
              quelques-uns n'y viennent pas et aucune décision prise par le groupe ne saurait
              s'imposer aux absents. Et lorsqu'un groupe d'enseignants se réunit pour inventer
              ensemble un fonctionnement différent, ce sont les anciens professeurs passés dans
              la hiérarchie administrative (inspecteurs d'académie, recteurs sont tous d'anciens
              profs) qui s'y opposent.

              Dans cette conception obligatoirement individualiste du métier, beaucoup
              d'enseignants souffrent profondément parce que leurs élèves n'apprennent rien, ils
              le vivent comme un échec personnel dont ils se sentent coupables. Mais, en
              vérité, ils ne sont pas payés pour que les élèves apprennent: il est des enseignants
              avec qui les élèves, année après année, n'apprennent rien et qu'on n'a jamais
              cessé de payer pour cette raison.

              Enfin, la société française a utilisé son système éducatif pour limiter la mobilité
              sociale verticale et rendre la réussite presque impossible aux enfants du peuple.
              L'école française fabrique donc des vrais Français: individualistes, dépourvus de
              sens civique, incapables de coopérer (sauf dans l'union sacrée contre un ennemi),
              élitistes.


Livre. Essai de Patrick Fauconnier, grand reporter au «Nouvel Observateur».
L'éducation au service des élites

La fabrique des «meilleurs» Patrick Fauconnier (Seuil, 2005).

Par Emmanuel DAVIDENKOFF - Libération - vendredi 29 juillet 2005


Et d'où viennent-elles, ces élites tant vilipendées par la supposée «France d'en bas», comme semblent en témoigner, une fois de plus, études et analyses d'après référendum ? Et pourquoi se perpétuent-elles envers et contre tout, avec leur arrogance, leur impunité, leurs réseaux ?

Patrick Fauconnier, grand reporter au Nouvel Observateur, consacre un essai convaincant à ces questions dont tout laisse penser qu'elles seront demain oubliées, comme elles l'ont été au lendemain de tous les séismes électoraux ou autres (du Crédit Lyonnais à l'affaire Messier) qui ont bousculé le pays depuis dix ans.

L'originalité de l'essai tient à ce que Fauconnier ne s'attache pas à dénoncer une fois de plus vices et magouilles de la nomenklatura française ; il met à jour la trame délétère qui, de la maternelle à la formation pour adultes en passant par l'enseignement supérieur, corsette l'ensemble de notre système d'éducation et de formation.

Honte. Son ouvrage s'ouvre sur deux chiffres «qui font honte à la France». Le premier, ce sont les 37 % d'une génération qui accèdent aujourd'hui à l'enseignement supérieur alors que la moyenne dans les pays de l'OCDE est de 51 % (dont USA : 64 %, Suède : 75 %, Australie : 77%). Le second, ce sont les 150 000 jeunes qui quittent chaque année le système éducatif sans diplôme ni qualification.

Le lien ? «Il est inique de prétendre que ces 150 000 jeunes ­ et ces 27 % d'étudiants qui manquent à l'appel par rapport aux facs américaines ­ sont des imbéciles et que l'on ne peut rien pour eux. Simplement, l'école de la République dépense beaucoup trop pour sélectionner des élites, et pas assez pour encourager les jeunes en difficulté.»

Raffinerie. Elle dépense trop, et elle évacue, telle une gigantesque raffinerie, ceux qui ne se soumettent pas aux trois critères d'excellence de «la culture française» : l'abstraction, l'élitisme («Autant la France a investi dans ses grandes écoles, autant elle a bradé son université.»), et une fâcheuse tendance à «imprimer très précocement dans les petites cervelles des gosses une névrose de la course individuelle et du classement».

Or, «une école où l'objectif de rang prime l'objectif de savoir véhicule (...) une redoutable philosophie qui veut que l'autre soit une menace».


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