école
autrement, école alternative, école innovante, école
différente ...
2018 ?
... 2118 ?
Une
autre
école est-elle possible?
Ecole:
des sanctions sans appel à la pelle
Pierre Merle, sociologue,
regrette que les classes soient souvent des zones de non-droit.
«Humilier,
une forme d'autorité très usitée»
Il est fréquent
que les élèves se sentent humiliés.
Une enquête statistique
avait montré que
50 % des collégiens
estimaient avoir été humiliés par un enseignant.
Le seul apprentissage commun
à tous les élèves
est celui de l'impuissance sociale.
Devant une impuissance
aussi absolue,
il ne reste que la violence.
L'école,
fabrique d'élitisme
Par PATRICE RANJARD
Patrice Ranjard est docteur ès sciences de l'éducation.
dernier livre paru : «l'Individualisme, un suicide culturel:
les enjeux de l'éducation» (l'Harmattan, 1997).
Le jeudi 3 juin 1999 - Libération
Beaucoup d'enseignants souffrent
parce que leurs élèves n'apprennent
rien,
ils le vivent comme un échec
dont ils se sentent coupables.
Mais, en vérité, ils ne sont
pas payés
pour que les élèves apprennent.
L 'école française a malheureusement oublié les grands principes définis par
Montesquieu. La loi doit être la même pour tous? Chaque prof définit ses
propres lois. Un élève en retard est puni, un prof régulièrement en retard ne l'est
pas. Nul ne peut se faire justice soi-même? Dans notre école, c'est le même qui
définit la faute, juge de la culpabilité, choisit la sanction et condamne. Nul ne peut
être juge et partie? Sauf à l'école, où c'est l'enseignant lui-même qui juge les
résultats de son enseignement («Tous les élèves avaient en dessous de dix, le
prof nous a donc tous collés deux heures», raconte ainsi un élève de Bernard
Defrance). Lorsque ces trois principes ne sont pas respectés, on est dans un
univers totalitaire.A partir du collège, tout élève rencontre une dizaine de profs chaque semaine. J'ai
constaté que chaque élève est témoin, au moins une fois par semaine, d'une
injustice dont un autre élève est victime. Il peut s'agir d'une punition ou d'une note
injuste, mais l'injustice la plus fréquente est l'expression du mépris d'un professeur
pour un ou des élèves. Que l'on relise les Lycéens de F. Dubet, on sera étonné
de la prégnance du thème du mépris dans le discours des élèves. Plus destructeur
encore que l'injustice fréquente, c'est le fait que le pouvoir d'y réagir est nul.
Absolument nul. Les élèves n'ont aucun moyen de se défendre contre une
injustice ou contre les expressions de mépris. Leurs délégués ne peuvent pas se
permettre de dénoncer l'injustice, grave ou fréquente, venant d'un adulte de
l'établissement. Et aucun enseignant ne peut se permettre de dénoncer les
comportements injustes de l'un de ses collègue à l'égard d'un élève.Du point de vue de la socialisation, le seul apprentissage commun à tous les
élèves est celui de l'impuissance sociale. «On n'y peut rien», est la phrase qui
résume le vécu «social» des élèves. Devant une impuissance aussi absolue, il ne
reste que la violence. Autrefois, lorsque les élèves savaient ce qu'ils faisaient à
l'école, la violence s'exprimait collectivement (toute une classe chahutait un prof
qui payait pour les autres) ou individuellement (l'élève révolté était renvoyé).
Aujourd'hui, avec l'injustice économique du libéralisme totalitaire, la vie n'a plus
guère de sens. La violence s'exprime anarchiquement à l'école et hors l'école.Modifiez le fonctionnement de l'école afin que les élèves, collectivement, aient du
pouvoir sur leur vie d'élèves, et vous verrez la violence diminuer très vite. Mais ce
mot de «pouvoir», on refuse de l'entendre, faisant semblant de croire que, si le
pouvoir des élèves n'était pas nul, ce serait le désordre le plus total. Pourtant,
depuis plus de vingt ans, des conseillers d'orientation expérimentent avec succès
dans des centaines d'établissements - et avec l'accord des professeurs - le
dispositif d'apprentissage de l'expression collective inventé par le groupe
Desgenettes et Mendel. Mais cela n'intéresse pas le ministère.Les enseignants eux aussi sont dé-socialisés. Une fois passés de l'autre côté de la
barrière, ils jouissent de leur pouvoir individuel. Pouvoir sur leurs actes: c'est la
fameuse «liberté pédagogique», comparable à la liberté de l'automobiliste
embouteillé de choisir ses cassettes. Et pouvoir sur leurs élèves: pouvoir d'exiger,
d'imposer, de dominer, de maîtriser, pouvoir de s'imposer. Pouvoir dont
l'exercice devient de plus en plus difficile et épuisant, mais qui était naguère inscrit
comme un «droit» dans le métier de professeur.Pouvoir individuel, parce que, collectivement, les enseignants refusent absolument
de prendre du pouvoir sur leur métier. Pas question pour les professeurs d'une
même classe ou d'un même groupe d'élèves de réfléchir ensemble et de se
demander comment faire pour que nos élèves apprennent davantage.
Depuis 1989, la loi oblige tous les établissements à avoir un projet collectif, mais les
enseignants ont un moyen imparable de stériliser toute réunion: il suffit que
quelques-uns n'y viennent pas et aucune décision prise par le groupe ne saurait
s'imposer aux absents. Et lorsqu'un groupe d'enseignants se réunit pour inventer
ensemble un fonctionnement différent, ce sont les anciens professeurs passés dans
la hiérarchie administrative (inspecteurs d'académie, recteurs sont tous d'anciens
profs) qui s'y opposent.Dans cette conception obligatoirement individualiste du métier, beaucoup
d'enseignants souffrent profondément parce que leurs élèves n'apprennent rien, ils
le vivent comme un échec personnel dont ils se sentent coupables. Mais, en
vérité, ils ne sont pas payés pour que les élèves apprennent: il est des enseignants
avec qui les élèves, année après année, n'apprennent rien et qu'on n'a jamais
cessé de payer pour cette raison.Enfin, la société française a utilisé son système éducatif pour limiter la mobilité
sociale verticale et rendre la réussite presque impossible aux enfants du peuple.
L'école française fabrique donc des vrais Français: individualistes, dépourvus de
sens civique, incapables de coopérer (sauf dans l'union sacrée contre un ennemi),
élitistes.
Livre. Essai de Patrick Fauconnier, grand reporter au «Nouvel Observateur».
L'éducation au service des élitesLa fabrique des «meilleurs» Patrick Fauconnier (Seuil, 2005).
Par Emmanuel DAVIDENKOFF - Libération - vendredi 29 juillet 2005
Et d'où viennent-elles, ces élites tant vilipendées par la supposée «France d'en bas», comme semblent en témoigner, une fois de plus, études et analyses d'après référendum ? Et pourquoi se perpétuent-elles envers et contre tout, avec leur arrogance, leur impunité, leurs réseaux ?Patrick Fauconnier, grand reporter au Nouvel Observateur, consacre un essai convaincant à ces questions dont tout laisse penser qu'elles seront demain oubliées, comme elles l'ont été au lendemain de tous les séismes électoraux ou autres (du Crédit Lyonnais à l'affaire Messier) qui ont bousculé le pays depuis dix ans.
L'originalité de l'essai tient à ce que Fauconnier ne s'attache pas à dénoncer une fois de plus vices et magouilles de la nomenklatura française ; il met à jour la trame délétère qui, de la maternelle à la formation pour adultes en passant par l'enseignement supérieur, corsette l'ensemble de notre système d'éducation et de formation.
Honte. Son ouvrage s'ouvre sur deux chiffres «qui font honte à la France». Le premier, ce sont les 37 % d'une génération qui accèdent aujourd'hui à l'enseignement supérieur alors que la moyenne dans les pays de l'OCDE est de 51 % (dont USA : 64 %, Suède : 75 %, Australie : 77%). Le second, ce sont les 150 000 jeunes qui quittent chaque année le système éducatif sans diplôme ni qualification.
Le lien ? «Il est inique de prétendre que ces 150 000 jeunes et ces 27 % d'étudiants qui manquent à l'appel par rapport aux facs américaines sont des imbéciles et que l'on ne peut rien pour eux. Simplement, l'école de la République dépense beaucoup trop pour sélectionner des élites, et pas assez pour encourager les jeunes en difficulté.»
Raffinerie. Elle dépense trop, et elle évacue, telle une gigantesque raffinerie, ceux qui ne se soumettent pas aux trois critères d'excellence de «la culture française» : l'abstraction, l'élitisme («Autant la France a investi dans ses grandes écoles, autant elle a bradé son université.»), et une fâcheuse tendance à «imprimer très précocement dans les petites cervelles des gosses une névrose de la course individuelle et du classement».
Or, «une école où l'objectif de rang prime l'objectif de savoir véhicule (...) une redoutable philosophie qui veut que l'autre soit une menace».
| LE
GUIDE-ANNUAIRE | Présentation
| SOMMAIRE
|
| Le
nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation
? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme
scolaire et "éducation alternative" | Jaune
devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le
lycée "expérimental" de Saint-Nazaire |
Le
collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure
de la... It's time for ... Re-creation | Freinet
dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer
l'école | Des
écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !|
L'école
Vitruve |
| Colloque
Freinet à ... Londres | Des
écoles publiques "expérimentales" |