alternatives éducatives : des écoles, collèges et lycées différents
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I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! Appel pour des éts innovants et coopératifs |

2018
école autrement, école alternative, école différente ...
Une autre école est-elle possible ?

TOUS COLLÉS !
Fillon rétablit la punition collective à l'école
La dernière circulaire de l'Éducation nationale, parue hier au Bulletin officiel du ministère, fait bondir les syndicats de parents d'élèves.
Le texte que dénoncent les deux principales fédérations, la FCPE et la PEEP,
remet en selle la «sanction collective» officiellement bannie des principes de l'Éducation depuis plusieurs années.

 Pierre Merle, sociologue, regrette que les classes soient souvent des zones de non-droit:
«Humilier, une forme d'autorité très usitée»
Il est fréquent que les élèves se sentent humiliés.
Une enquête statistique avait montré que
50 % des collégiens estimaient avoir été humiliés par un enseignant.

Élèves décrocheurs, décrochés, découragés, révoltés...
120.000 collègiens casqués,
150.000 appareillés,
330.000 humiliés publiquement...
...1.890.000 mastiqueurs-ruminants...
(sur une population d'environ 3 millions de "collègiens")

L'humiliation des élèves, reflet des carences pédagogiques françaises
L'humiliation des élèves va souvent de pair avec une méconnaissance de leurs droits,
pourtant renforcés par un décret de juillet 2000.
Et les règlements intérieurs des établissements scolaires se déclinent surtout en termes d'obligations, constate Pierre Merle.
 
 

Californie : Près d'un lycéen sur 4 "décroche" entre 15 et 18 ans

(rapport du State Department of Education - 7 juillet 2008)

Académie de Créteil - Rentrée 2008-2009
Pour les décrocheurs- ou déjà "décrochés" - de plus de 16 ans :
une annexe (3 classes d'une douzaine d'élèves)
au lycée polyvalent Jean Macé de Vitry sur Seine 

Education
A savoir
lundi 20 juin 2005 - Liberation 
Conseil de discipline

Une quinzaine de membres sont invités à y siéger : la direction et le gestionnaire de l'établissement, l'Inspection académique, le conseiller principal d'éducation, cinq représentants des personnels, dont quatre représentants des enseignants, trois représentants des parents d'élève dans les collèges et deux dans les lycées, deux représentants des élèves dans les collèges et trois dans les lycées.

Avocats

Un décret de 1985 autorise les élèves à demander l'assistance d'un avocat. Celui-ci intervient aussi bien dans des affaires de stupéfiants, de violences que de foulard islamique. Souvent, ces avocats constatent un «déni de droit» dans les écoles. Pour preuve, lorsqu'elles font l'objet d'un recours, les décisions des conseils de discipline sont souvent annulées par les tribunaux administratifs.

Prévention

En 2000, une circulaire impose aux établissements de modifier leur règlement intérieur dans un sens plus préventif que répressif. Elle prétend notamment distinguer les sanctions des punitions : les premières s'appliquent au comportement social, les secondes au comportement scolaire. Elle est appliquée de manière très aléatoire.
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Education
Ecole: des sanctions sans appel à la pelle

Deux études font état d'une explosion des exclusions définitives, notamment en collège, souvent au détriment de réponses alternatives.

Par Marie-Joëlle GROS - lundi 20 juin 2005 - Liberation 
 Des conseils de discipline plus nombreux et qui se soldent quasi systématiquement par des exclusions définitives. Cette tendance, mise en lumière par deux études, l'une menée dans l'académie de Caen, l'autre dans celle de Créteil, reste difficile à admettre par les communautés éducatives, qui s'opposent sur leurs inter- prétations. Le fait est que les conseils de discipline, sujet plus épineux que réellement tabou, encombrent le monde de l'enseignement.

«Explosion». Les chiffres sont pourtant sans appel. Dans la vaste académie de Créteil, entre 1er septembre 1996 et le 1er septembre 2004, les conseils de discipline ont augmenté de 60 %, souligne une étude interne. Et pour l'année 2003-2004, «les exclusions définitives représentent 88 %» des sanctions. Les services du recteur tempèrent : «Ça se tasse depuis la rentrée 2004.» N'empêche. D'après l'étude, les collèges sont plus concernés que les lycées. Logique, car la loi oblige à rescolariser les élèves de moins de 16 ans dans un autre établissement. Du coup, les directions des collèges n'hésitent pas à exclure définitivement sachant qu'une place sera forcément trouvée ailleurs. En outre, les garçons représentent 90 % des exclus. Et, conclut l'étude, la pratique du «sursis» (une seconde chance est laissée à l'élève) «reste très limitée», ce qui «confirme que les conseils de discipline n'utilisent pas toute l'échelle des sanctions mises à leur disposition» et que «l'objectif du conseil de discipline est bien d'exclure définitivement». Un constat que les chefs d'établissement admettent aisément : un conseil de discipline est tellement lourd à organiser qu'on évite d'en organiser pour de petites sanctions.

Autre lieu, même constat. En Basse-Normandie, le Sgen-CFDT s'inquiète de l'explosion du nombre de conseils de discipline : + 50 % entre les années 2002-2003 et 2003-2004. Le syndicat tente une explication : l'académie de Caen subit une «cure d'amaigrissement» depuis trois ans, qui se traduit non seulement par une diminution du nombre d'enseignants, mais également de pions, d'infirmières, d'assistantes sociales, de conseillers d'orientation psychologues... Autant de professionnels en mesure d'assurer le dialogue avec les élèves, de connaître leurs difficultés (même périscolaires), et donc de prévenir des comportements pouvant mener au conseil de discipline. Guy Vauchel, secrétaire général du Sgen-CFDT en Basse-Normandie, note d'ailleurs que les zones rurales, comme le pays d'Auge, n'échappent plus à la règle : «Les établissements n'ont plus les moyens palliatifs d'éviter les affrontements forts.» Pour lui, les aides-éducateurs jouaient un rôle essentiel dans le déminage des conflits, «mais l'Education nationale n'a pas voulu voir l'efficacité de ces nouveaux métiers». Le rectorat de Caen réfute cette analyse, bataille de chiffres à l'appui. Selon le recteur, l'«explosion» supposée du nombre des conseils de discipline s'explique par une année creuse ­ 2003 Ñ, l'année du grand conflit social qui a conduit les enseignants davantage dans la rue que dans leurs écoles. S'il admet malgré tout une augmentation depuis quelques années, elle est selon lui «davantage liée à la restauration de l'autorité de l'adulte qu'à une baisse des taux d'encadrement».

Durcissement. Autour de cette question de l'autorité, un constat s'impose. En dehors des conseils de discipline, d'autres formules, «plus légères, moins formelles», existent, rappelle le rectorat de Créteil. Des «mesures alternatives» prévues par des textes de juillet 2000. Les «commissions de la vie lycéenne» en font notamment partie. «Elles officialisent un moment fort, donner lieu à un avertissement solennel, tout en étant saisies pour les mêmes motifs qu'un conseil de discipline.» Leur objectif : «ramener l'élève dans l'école», logique opposée à l'exclusion. Bizarrement, pourtant, ces formules alternatives semblent peu utilisées. «Peut-être parce que ces textes, récents, ne sont pas encore réellement passés dans les moeurs», avance le rectorat de Créteil. D'autres estiment plutôt que «le climat général est davantage au durcissement de ton et à la sévérité». Pour l'expliquer, beaucoup rappellent la formule fameuse du «retour à l'autorité», prônée sous le ministère de François Fillon. Et officialisée par la circulaire du 11 juillet 2004 «relative à l'organisation des procédures disciplinaires». Ce texte contredit totalement l'esprit de juillet 2000. Adressé aux recteurs d'académie, inspecteurs et chefs d'établissement, il encourage sans ambiguïté la sévérité. Certains y voient la confirmation d'une tendance.



Education. Editorial
Impasses
Par Antoine de GAUDEMAR - lundi 20 juin 2005 - Liberation
La question de la sanction à l'école est aussi vieille que l'école elle-même. Mais la massification de l'enseignement secondaire confronte désormais l'institution à des comportements sur lesquels le système d'autorité traditionnel a peu de prise. Déjà difficile, la relation entre professeurs et élèves subit des tensions supplémentaires non seulement dans l'espace scolaire en général mais au coeur même de la salle de classe.

Peu préparés au phénomène pendant leur formation, les enseignants se retrouvent souvent désarmés, voire dépassés. D'où la tentation autoritariste d'un certain nombre d'entre eux, pour qui seule une sévérité accrue est à même d'enrayer des conduites qui leur échappent. Présentée comme la panacée par de nombreux hommes politiques, dont l'ex-ministre de l'Education François Fillon, cette sévérité a son revers : elle est souvent vécue par les élèves comme un abus de pouvoir et même un arbitraire, ce qui génère de nouvelles provocations, incivilités ou refus d'autorité. Un cercle vicieux, qui contribue à ce qu'on appelle la violence à l'école. Dans ce contexte, et si l'on en croit d'impressionnants chiffres officiels, les conseils de discipline tournent à plein, avec pour objectif quasi avoué de se séparer des éléments les plus incontrôlables, quitte à les remplacer par d'autres, par un système d'échange plus ou moins tacite entre établissements. Ce parti répressif révèle les impasses de l'école d'aujourd'hui, sa difficulté à trouver les modes de régulation et de médiation capables d'enrayer le phénomène. La suppression en cours de milliers de postes d'aides-éducateurs n'arrange rien. Tous ces jeunes qu'on a voulu intégrer dans le système scolaire et qui s'en trouvent aujourd'hui rejetés seront confortés dans leur révolte contre une société dont l'école leur apparaîtra non seulement comme un vieux machin coupé de leur réalité mais comme une machine à exclure de plus.



Education. 
Pierre Merle, sociologue, regrette que les classes soient souvent des zones de non droit.
«Humilier, une forme d'autorité très usitée»
Par Emmanuel DAVIDENKOFF - lundi 20 juin 2005 - Liberation
Pour Pierre Merle, sociologue et professeur d'université à Rennes, «le régime politique de l'institution scolaire» n'est pas conforme aux principes généraux du droit ­ lesquels prévalent aussi bien dans la société que dans les discours sur l'école. Au coeur du malentendu : le sentiment d'humiliation que ressentent parfois les élèves, auquel il vient de consacrer une longue recherche qui donnera lieu à un livre : l'Elève humilié (1).

A la question : «L'école, zone de non-droit ?» posée en sous-titre de votre livre, que répondez-vous ?

Je réponds par l'affirmative, sachant que cette absence de droit se manifeste essentiellement dans la classe. Elle est vécue la plupart du temps comme un espace quasi privé, et le droit s'arrête bien souvent dès que la porte se ferme.

Pourquoi ?

Les enseignants, majoritairement, ont le sentiment que ce qui s'y passe ne regarde qu'eux. Et les élèves ont le sentiment qu'il n'existe aucun recours contre les anomalies dont la classe peut être le théâtre.

Il y a pourtant d'autres adultes ?

Oui. Mais un conseiller principal d'éducation n'interviendra que rarissimement pour mettre en cause un enseignant. Quant au chef d'établissement, il est dans une situation délicate : non seulement son pouvoir sur les enseignants est réduit, mais il doit surtout préserver sa relation avec eux ­ comme il n'a quasiment aucun moyen de coercition, il doit compter sur leur collaboration.

Et les parents ?

Ils interviennent peu, par crainte de retombées sur leurs enfants. Et ils n'ont pas tort...

En 2000, une circulaire de l'Education nationale avait pourtant tenté de faire entrer le droit à l'école, notamment en créant des dispositifs de dialogue.

Le destin de ce texte est au coeur du sujet. Il prévoyait effectivement des modifications des règlements intérieurs afin de mettre en application quelques principes généraux du droit. Par exemple la proportionnalité des sanctions, ou l'égalité de tous (adultes et élèves) face à certaines règles ­ la ponctualité, par exemple. Or le règlement intérieur est voté en conseil d'administration dans chaque établissement. Et beaucoup ont choisi de n'introduire que des modifications marginales et de laisser de côté le corps du texte.

Comment est-ce possible ?

Très simplement : l'absence de culture juridique est telle que les membres des conseils d'administration se vivent comme étant au-dessus du ministre ; ils s'arrogent le droit de décider de ce qui leur convient ou pas dans la loi commune. C'est un usage abusif de l'autonomie des établissements et de la liberté qui leur est reconnue.

C'est le fait du Prince ?

Exactement. Et c'est là que tout peut déraper. Quand un enseignant n'a pas de problème pour «tenir» sa classe, il n'est pas tenté de recourir à des méthodes limites. S'il est mis en difficulté, l'autoritarisme devient tentant, et une de ses formes les plus efficaces consiste à humilier les élèves. Il peut le faire bien souvent en toute impunité.

Est-ce fréquent ?

Il est fréquent que les élèves se sentent humiliés. Une enquête statistique avait montré que 50 % des collégiens estimaient avoir été humiliés par un enseignant. Mais cela ne signifie pas du tout que les enseignants se comportent, en tout cas sciemment, de manière humiliante. Un exemple typique de ce que j'ai recueilli dans mon enquête est celui du professeur qui rend une copie en disant publiquement : «Ce n'est pas digne de toi.» L'élève peut se sentir atteint ­ après tout, la notion de dignité renvoie bien à ce qu'il est. Alors que le message est probablement plus proche du : «Tu es passé à côté cette fois-ci, je sais que tu peux faire mieux.» L'enjeu scolaire est tellement fort aujourd'hui que les élèves ont sans doute tendance à prendre plus à coeur ce genre de remarque que par le passé.

Y a-t-il un ressort dominant de l'humiliation ?

Oui : toucher à la vie privée des enfants. Là encore ça peut se faire sans volonté de nuire de la part de l'enseignant. Mais beaucoup ne se rendent pas compte qu'enfants et adolescents n'ont pas envie que leur vie soit étalée sur la place publique ­ parce qu'ils cachent des choses, qu'ils ont honte, que leur rapport au regard des pairs est très sensible. Ces dérapages ne sont pas acceptables : les enseignants n'ont aucune autorité pour exposer la vie privée des élèves.

Certains élèves se sentent-ils plus humiliés ?

Comme souvent, les phénomènes négatifs sont cumulatifs. On s'autorise plus facilement à humilier les faibles. Ceux qui ont de mauvaises notes, ceux dont les parents n'oseront pas venir se plaindre...

Un enseignant qui devient humiliant n'est-il pas confronté à la solitude ?

A la solitude, et aussi au manque de sollicitude de l'administration. Même les enseignants débutants rechignent à parler des difficultés qu'ils rencontrent, et ça ne s'arrange pas par la suite. A l'Education nationale, le discours officiel veut que tout aille bien, qu'on s'en sorte toujours. On est dans une logique de silence et de dénégation, y compris quand les enseignants sont eux-mêmes ­ ou se sentent ­ humiliés, ce qui arrive aussi.

Les débutants sont plus fragiles ?

A l'évidence. Ils ne sont pas préparés à devoir faire leurs preuves comme personnes devant les élèves. Même quand on les prévient, ils pensent confusément qu'avoir fait la preuve de leur compétence en passant les concours sera suffisant pour instaurer leur autorité. L'humiliation peut poindre quand un enseignant ne se sent pas capable d'affronter les élèves. Faut-il qu'il le reconnaisse...

Les enseignants sont-ils conscients du rapport de domination qui se joue ?

S'ils le sont, ils ne le sont pas assez. Je pense qu'ils ne raisonnent que rarement en termes d'organisation politique de la classe, laquelle est une petite société. Instaurez un régime où un seul détient toute l'autorité, sans recours pour ses sujets, et vous vous obtiendrez probablement l'ordre ­ la terreur, ça marche. Mais ne vous étonnez pas que les élèves finissent par se révolter, par tout casser ou par crever des pneus sur les parkings.

(1) Publié en septembre aux PUF.



Education
Conseil de discipline, avocat et garde à vue pour Alison, 14 ans

En conflit avec sa prof de maths, elle l'a menacée de mort. Et a été exclue.

Par Emmanuel DAVIDENKOFF - lundi 20 juin 2005 - Liberation
 Quatre mois plus tard, la plaie est toujours à vif. Et l'on voit mal comment elle cautérisera, tant l'incompréhension, l'amertume et la rancoeur habitent les acteurs du petit drame qui s'est joué au collège Pierre-de-Coubertin de Chevreuse (Yvelines) en janvier dernier et qui a abouti à l'exclusion d'Alison (1), tombée au champ d'honneur d'une guerre d'adultes et d'institutions qui semblent tout ignorer des vertiges autodestructeurs de l'adolescence.

Alison, 14 ans, est élève de troisième. Bonne dans les matières qu'elle aime, le français par exemple. D'ailleurs, elle écrit des «bouts d'histoires». Elle dessine aussi. Une maman sophrologue et lectrice de la pédiatre Françoise Dolto l'incite depuis qu'elle est petite «à ne pas garder les mauvaises choses en elle», à prendre papier et crayon quand les mots ne viennent pas à la bouche. Ça va lui jouer un sale tour.

D'autant que, depuis décembre 2004, un psychothérapeute lui conseille la même chose. Alison le consulte sur les conseils de son pédiatre. Deux mois déjà qu'elle ne dort quasiment plus, cauchemarde quand elle trouve le sommeil, refuse de s'alimenter, fait des syncopes. Pour elle, l'origine du mal est identifié : depuis la rentrée, Alison accumule les mauvaises notes en maths, dans le cours de Mme N., par ailleurs sa prof principale. Pas nouveau, les difficultés en maths. Les parents d'Alison lui offrent des cours de soutien depuis un an. Mais cette fois ça se gâte. Car Mme N. note sec et met la pression à coups de petites piques qui font mal.

«Cabale». Ici les récits divergent. Mme Terris, principale du collège, prévient : «Mme N. est victime d'une cabale de certains parents d'élèves.» Elle évoque des «rumeurs persistantes», où les clans se forment et autoalimentent leurs rancoeurs. De fait, les récits d'une dizaine de parents d'élève convergent. Ils ont constaté les mêmes comportements de la part de Mme N., de visu ou via les récits de leurs enfants. Ils parlent de «sadisme», d'«injustice», d'«humiliation», d'absence de soutien psychologique dans le collège, de refus de dialoguer, de «remarques humiliantes», d'enfants qui pleurent devant toute la classe, de «remarques très désobligeantes, voire insultantes, dans tous les cas très décourageantes». Il y a des «boucs émissaires», disent-ils, et ça tourne.

En ce mardi 4 janvier, ça tombe sur Alison. Le ton monte. Alison répond. «Vos cours me bourrent et j'en ai marre de vos méthodes, de vos critiques.» Mme N. exige des excuses, convoque les parents. La maman se cabre, refuse que sa fille s'excuse, demande à voir la principale. Le lendemain, Mme N. réitère sa demande d'excuses. Alison refuse. Mme N. l'envoie en permanence et lui enjoint d'«écrire ce qu'elle a à lui dire».

En trois pages et demie Alison assassine symboliquement Mme N. D'abord l'explosion de douleur : «J'en ai marre ! Marre de vous et de vos méthodes qui ne me servent à rien, juste à me faire couler à pic dans les maths.» Puis l'insulte ­ «Vieille conne» ­ immédiatement rattrapée ­ «Excusez-moi, j'ai dérapé.» Peine perdue : «Il m'arrive même d'avoir envie de vous tuer.» Elle s'enfonce. «Vous et votre sale gueule de rat, toujours à l'affût d'une moindre faiblesse pour ensuite critiquer, critiquer, critiquer, CRITIQUER !» Envisage les conséquences : «Vous me dites que je suis incapable de vous tuer, eh bien si. Le seul petit problème, c'est que je serai arrêtée pour un crime. Mais poussez-moi encore à bout et je n'hésiterai pas. Le seul moyen jusqu'ici de me défouler était d'écrire pour me contenir dans la rage.» Ça reflue un peu : «Vous devez être bien malheureuse pour vouloir avoir toujours raison.» Avant de remonter d'un cran : ça se fera à coups de batte de base-ball, le cadavre sera brûlé, et la meurtrière regardera «une dernière fois ses petits yeux de rat exploser». Alison conclut sans rire : «Voilà ce que j'ai à vous dire dans un langage correct.» Aujourd'hui, elle dit : «Je croyais vraiment qu'en lui écrivant ce qui n'allait pas elle se rendrait compte du mal qu'elle me faisait, qu'elle accepterait de parler avec moi, de m'écouter.»

Acharnement. Le lendemain, Alison est exclue à titre conservatoire, en attendant le conseil de discipline. Le surlendemain, elle passe la journée en garde à vue à la gendarmerie. Mme N. a porté plainte. Le lundi, un avocat entre en lice, contacté par les parents d'Alison. Les gendarmes se contentent d'une admonestation et l'un d'eux aurait pris à part la maman d'Alison : «Votre fille ne tuera personne. Mais elle est en train de se faire du mal et elle risque de continuer.» William Bourdon, l'avocat de la famille, écrit au collège pour dire que le souhait des parents «a toujours été et est encore aujourd'hui, dans l'intérêt d'Alison évidemment, de favoriser un apaisement et un retour à une scolarité paisible». Mais Mme Terris, pour qui l'affaire renvoie à «un conflit comme il peut y en avoir entre profs et élèves», juge le courrier «pas apaisant du tout». Le conseil de discipline est convoqué. Comme souvent, le choc des cultures est frontal entre l'univers du droit et celui de l'Education nationale. L'exclusion est confirmée par la commission académique d'appel. Et il a fallu, comme toujours, plusieurs semaines avant qu'Alison ne retrouve un collège où elle vient de terminer l'année et a été admise en seconde.

Depuis, la famille a introduit un recours à fin d'annulation concernant la décision de la commission académique. La principale ne comprend pas l'acharnement des parents. Qui ne comprennent pas l'attitude de la principale vis-à-vis de Mme N. Qui se tait (2). Alison, elle, regrette les menaces de mort, n'a rien oublié de ses souffrances, et espère que les six semaines de cours qu'elle a manqués ne lui feront pas défaut l'an prochain.

(1) Le prénom a été changé. (2) Mme N. n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien.

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