I Obligation
scolaire & liberté I Des
écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! Appel
pour des éts innovants et coopératifs |
| Une
école différente ? Pour une société
différente
? Qui n'en veut ?! I L'heure
de la... It's time for ... Re-creation |
LES CHÈQUES
"ÉDUCATION" :
L'ÉCHEC.
Depuis une bonne vingtaine
d'années - ici aussi dans certains milieux favorables au "marché
de l'éducation"! -
le "chèque éducation"
(ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" - fait partie
d'un blabla yakaiste
au sujet des indispensables
réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du
système scolaire.
USA
2008 - "dans
le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern) : L'un
des plus fervents promoteurs du
chèque-éducation aux
USA vient de faire brusquement volte-face en affirmant, constats à
l'appui, que le voucher n’avait pas du tout amélioré
le système public.
«
Main basse sur l'école publique »
L'Éducation
Nationale est accusée de « fabriquer des crétins
» et d'entretenir le « chaos pédagogique »,
l'insécurité et le chômage.
Eddy
Khaldi et Muriel Fitoussi dévoilent la signification de ces mesures
:
des
associations de libéraux et de catholiques conservateurs proches
du Front national et de l'Opus Dei sont à l'origine
de ces propositions.
Au
nom de la liberté de choix, on prépare une privatisation
de l'Éducation.
«Vous
êtes décidément une classe peu intéressante,
dit-elle, continuons. Citez-moi une fable de La Fontaine.»
Alain, sauveur des cancres
Libération - 18 octobre 2004 - Par Philippe
LANÇON
Les écrits du philosophe apportent une bouffée d'air salutaire dans le débat ranci sur l'école. Dans cet interminable «grand débat» sur l'école
- il n'y a que des «grands débats», aujourd'hui en France
; aucun sujet ne semble mériter les petits -, bien des choses étonnent
et d'abord celle-ci : la difficulté d'éviter Charybde, l'enflure
de la démagogie, et Scylla, le suint de la nostalgie. La plupart
des adultes qui «grand-débattent» sont de deux espèces.
Pourtant, comme tant d'entre nous, beaucoup ont subi naguère
le pire de cette école : les cases mortes qu'elle imposait, la grisaille
qu'elle engendrait, la violence sociale et les humiliations qu'elle provoquait,
la dureté de tant de professeurs.
Le philosophe Emile Chartier, dit Alain, était un républicain
; il fut aussi un grand pédagogue. Fils d'un vétérinaire
normand et devenu philosophe, il n'oublia pas d'où il venait, ni
ce qu'il avait vu : il se racontait assez peu d'histoires sur cette école
de la République qu'il incarna, et peut-être pour cette raison,
mieux que personne. Il forma à la philosophie des générations
Alain vante la lenteur de la pensée, la discipline de soi, l'effort
nécessaire, sa séparation d'avec le jeu, le fait qu'il faut
«mériter ses plaisirs» ; il exige beaucoup, car il aime
beaucoup : ce n'est pas un démagogue. Il rappelle aussi que l'école
n'est pas la société, ni même une société
: c'est un lieu d'expérience propre, où l'enfant apprend
et devrait libérer ses forces. Alain
Dans un propos du 21 septembre 1909, il évoque son enfance scolaire
: «Combien en ai-je entendu, de ces ânes à bonnet de
docteur, qui semblaient ne chercher que l'occasion d'humilier le disciple,
et, en le rejetant d'un coup de pied d'âne dans les régions
inférieures, de s'élever eux-mêmes le plus haut qu'ils
pourraient ?» Il ajoute : «Mais les plus haïssables étaient
Beaucoup ne l'avouent pas, ou le déguisent en bons sentiments,
mais ils paraissent regretter ce temps des bonnets d'âne et des rires
d'esclaves. Ils existent encore : on peut les voir chaque jour à
l'oeuvre, dans la télévision, au noeud d'émissions
éliminatoires de toute espèce. Le pensionnat de Chavagnes,
sur M6, opère une jonction kitsch entre les deux univers : l'école
Cette morale, Alain en parle également, le 13 novembre 1909 (2).
Le propos s'intitule : «La morale, c'est bon pour les riches !»
Il débute ainsi : «Une vie pauvre est serrée par les
événements ; je n'y vois ni arbitraire ni choix ni délibération.
Certaines vertus sont imposées ; d'autres sont impossibles. Aussi
je hais ces bons conseils que le bienfaiteur donne aux misérables.»
Aujourd'hui, les misérables se multiplient, de chômage en
RMI, et avec eux, les bienfaiteurs. Que prétendent faire les seconds
? La morale aux enfants de pauvres. Se laver, bien se tenir, entrer sans
casquette sur la tête, etc. Très bien. Mais, comme le dit
Alain, il y a un siècle, «comment voulez-vous que la sagesse
se soutienne quand elle se bat tous les jours avec des soucis qui renaissent
tous les jours comme la tête de l'hydre ?»
Alain pense qu'il ne faut pas prêcher aux pauvres : ses sermons,
«il faut les garder pour les riches, et d'abord pour soi-même».
Aux autres, mieux vaut enseigner à lire, écrire, compter,
et surtout, leur parler d'autre chose : de «ce qui est à tout
le monde, du soleil, de la lune, des étoiles, des saisons, des nombres,
du fleuve, de la montagne, de façon que celui qui n'a point de
Alain ne s'étonne pas que ce qu'on nomme aujourd'hui les défavorisés
ne soient pas de bons citoyens : «Dans les vies harcelées,
l'avenir est déjà présent.» Il conclut, pour
ses lecteurs : «Osez dire qu'à leur place vous n'en feriez
pas autant.» C'est une phrase qu'on adresserait volontiers à
la plupart des «grand-débatteurs» du jour. La déroute
scolaire contemporaine a besoin
(1) Deux tomes de Propos sont disponibles
dans La Pléiade.
(2) Propos impertinents (1906-1914). Mille et une nuits, 104 pp., 2,50 a. Philippe Lançon, journaliste à «Libération» |