alternatives éducatives
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I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I
| Appel pour des éts innovants et coopératifs |

2018 ?                                       ... 2118 ?
Une autre école est-elle possible?
 
Le mouvement Freinet : passé et présent
Gerald SCHLEMMINGER - History of Freinet Pedagogy
Liliane MAURY – Freinet and Wallon : on the Part Played by Psychology in School

La coopération à l’école : des questions pratiques…donc théoriques
Marine BARO – A l’école choisissons le plaisir d’apprendre avec les autres, de vivre ensemble et de se construire, dans la classe coopérative
Samia CHARMI – L’Auto-ECOLE de Saint-Denis
John SIVELL – Freinet on Practical Classrom Organization

Éducation, civilité, citoyenneté
Hugh STARKEY – Freinet and Citizenship Education
Jacques PAIN -  Des initiatives dans la classe pour réduire la violence à l’école : la pédagogie institutionnelle

La dimension internationale : présence et absence de Freinet
Nicholas BEATTIE – Freinet and the Anglo-Saxons
William B. LEE – The Ecole Moderne, an International Movement. What are the Ingredients for Successful Export ?
Tsunéo FURUSAWA – Pourquoi les enseignants du Japon ont-ils accueilli la pédagogie Freinet ?

De l’école primaire à l’université
Roger AUFFRAND – Freinet dans (?) le système « éducatif » ( ?) français
David CLANFIELD – Using Freinet Pedagogy in a University Environment : Challenges, Frustrations and Happy Outcomes
 
 

Actes du Séminaire International Freinet de Londres

BIBLIOGRAPHIE INTERNATIONALE SUR LA PEDAGOGIE FREINET
INTERNATIONAL BIBLIOGRAPHY OF FREINET PEDAGOGY


 
 

 
LA COOPÉRATION
À L'ÉCOLE

A L’ÉCOLE, CHOISISSONS LE PLAISIR D’APPRENDRE AVEC LES AUTRES, DE VIVRE ENSEMBLE, ET DE SE CONSTRUIRE DANS LA CLASSE COOPERATIVE

Le choix de la pédagogie Freinet

Marine BARO - École B, Paris
 
 
 
 
 

Célestin Freinet fut un des premiers instituteurs-coopérateurs. Sa classe est une coopérative d’enfants avec président, secrétaire et trésorier. Ses élèves, il veut les faire vivre en République dans l’école. La classe est une petite société d’apprenants capable de se gérer seule et de créer ses lois. Les élèves y font l’apprentissage de leur liberté et de la démocratie à travers la communication avec les autres.

Célestin Freinet a ouvert de nouvelles perspectives en éducation. Les conceptions et les pratiques qu’il a initiées continuent à se développer et influencent l’évolution des idées pédagogiques en France et dans le monde.

La pédagogie Freinet appliquée à l’enfant quel que soit son âge ou à l’adulte en formation, (on pourrait dire à n’importe quelle personne en formation), s’appuie sur des invariants pédagogiques.
 

Tout d’abord, l’enfant est de même nature que l’adulte : on lui doit la considération et le respect de son expression.

En classe, les projets ne sont pas la priorité du professeur, mais ils viennent de la parole, de la pensée exprimée, du désir des élèves. Pour permettre cette expression, des moments de parole sont prévus dans la classe Freinet, à heure fixe. Ils sont aussi des repères dans l’organisation du travail et le choix des méthodes de travail.

Dans ma classe, la journée commence par l’entretien du matin, temps de libre parole de 30 mn où chacun peut venir parler librement au groupe, présenter quelque chose ou raconter un évènement de sa vie.
 

La démocratie de demain se prépare par la démocratie à l’école : l’enfant, comme tout être humain, est un être social.

Il se construit et apprend dans le milieu social et par le milieu social. La classe est une coopération d’élèves réglementée par les décisions prises dans les conseils hebdomadaires. La classe Freinet, c’est la citoyenneté au quotidien par la concertation coopérative, par les projets qu’il faut mener au bout, par la gestion de l’argent (la plupart du temps, la gestion de l’argent échappe aux enfants) : d’où l’importance des conseils de classe.

Dans ma classe, le conseil a lieu tous les lundis. C’est une réunion où la petite communauté-classe tente de s’administrer pour continuer à produire ensemble, à travers les projets qu’elle s’est choisis, pour se responsabiliser dans les engagements qu’elle s’est donnés (ex. : respecter les dates-échéances pour l’envoi du courrier à la classe de nos correspondants, regarder l’avancement des enquêtes en cours qui leur sont destinées et répondre à leurs questions, avancer la fabrication du journal et sa pré-maquette, répondre dans des délais normaux aux classes qui nous écrivent...)

Les enfants assurent leurs responsabilités avec sérieux et savoir-faire et utilisent pour eux-mêmes cet outil de communication qu’est le conseil. Par exemple, mes élèves ont coopéré ensemble pour organiser le classement et le rangement de la bibliothèque documentaire de la classe afin de faciliter les recherches documentaires, les préparations d’exposés et les petites conférences destinées à nos correspondants, ou encore ils ont organisé des revues de presse dans le cadre de nos échanges de journaux avec d’autres classes.

Progressivement, les élèves maîtrisent les objets de lecture. Les tables des matières, sommaires, index des Atlas, répertoires des dictionnaires et bibliographies leur sont d’un emploi familier parce qu’ils doivent y avoir souvent recours dans le cadre de leurs travaux.

Dans la classe Freinet, le conseil de coopérative aboutit à la mise en place de règles de vie qui participent au renforcement du lien social. Il ne s’agit pas pour mes élèves d’obéir à une personne qui serait le professeur, mais à des règles ou des lois, décidées ensemble au cours des conseils. Ces règles sont définies en termes de droits et de devoirs. Elles sont affinées, précisées, écrites et c’est l’ensemble du groupe-classe qui décide des petits « métiers » de chacun et des responsabilités : les rangements, l’organisation du goûter de 10h, la vérification du stock de papier, l’entretien des ateliers, le choix de rester en classe sans surveillance aux inter-classes, la façon de parler et de se déplacer en cours sans gêner les autres, le respect du travail des autres... Le conseil est un lieu qui sert à gérer la vie de la classe, un lieu de règlement des conflits, un lieu de félicitations.
 

Les enfants apprennent à lire et à écrire dans des situations de communication et de production réelles.

Il y a des contraintes nécessaires à ces productions coopératives : savoir s’organiser pour produire, savoir s’organiser pour travailler à deux ou à plus, gérer ses déplacements dans la classe, trouver ses méthodes de travail et gérer son temps. Je rappellerai ici que maîtrise du temps et choix de ses propres méthodes s’installent entre six et huit ans et qu’au collège il est déjà trop tard ! Grâce à l’utilisation du plan de travail qui est un vrai contrat, l’élève s’engage seul ou avec d’autres dans la gestion de son travail scolaire. A l’aide de ce plan de travail, l’élève évalue son rythme d’apprentissage, projette des activités à l’avance, s’engage à produire un certain nombre de travaux, sait avec quelle aide il va travailler.

Dans ma classe, à chaque fin de journée, six enfants, chacun leur tour, font le bilan de leur journée de travail à voix haute. Face au groupe attentif : ils lisent sur leur plan de travail individuel ce qui est terminé et ce qui reste à faire. Le groupe qui écoute peut faire des remarques, féliciter ou critiquer mais aussi donner des conseils ou des idées.
 

C’est en communiquant dans la classe et avec l’extérieur que l’enfant ou l’adolescent existe réellement : d’où l’importance des activités d’expression et de communication dans les classes Freinet, avec des techniques qui les rendent possibles.

Ce sont des activités créatrices comme le dessin, le bricolage, les activités manuelles pour fabriquer, et l’écrit libre que Freinet appelait le texte libre. Il disait : « Le texte libre opère la liaison fonctionnelle et affective entre la vie et l’école ». Les textes libres des élèves sont écrits par tâtonnements répétés, sous un réseau d’influences diverses et nécessaires : la richesse culturelle en classe, les projets, les échanges indispensables avec l’extérieur, les apports des textes d’adultes, les envois des correspondants... Par la pratique du texte libre, l’apprentissage du code écrit se fait dans une dynamique d’expression et de communication : chaque enfant écrit régulièrement.

Le texte libre est quotidien et c’est sa seule contrainte, mais il peut être remplacé par d’autres types d’écrits selon l’avancement des projets en cours et les engagements qu’on a pris. Et chaque enfant va lire son texte à la classe.

Chaque enfant corrige son texte individuellement avec mon aide ou à l’aide d’outils prévus pour cela (codes de correction, dictionnaires, affiches de références...). Un texte peut être choisi et écrit au tableau. Un travail collectif commence : chacun réfléchit, propose des modifications pour le rendre plus compréhensible tout en respectant la pensée de son auteur. Les élèves s’interrogent sur des remarques orthographiques, sur des découvertes grammaticales. Le même travail se fait aussi sur des textes d’adultes.

L’ensemble de ces observations, hypothèses et remarques se concrétise par des annotations, des traces écrites sur des affiches : des phrases qui se ressemblent seront classées ensemble, les mêmes phénomènes orthographiques seront regroupés... L’enfant qui lit son texte aux autres le fait dans un climat de confiance et d’écoute. L’écrit de chacun est respecté par les autres et le travail sur le texte choisi n’apparaît pas comme une leçon : il répond au souci de mieux dire la pensée de celui qui a écrit. Puisque dans nos classes les élèves écrivent beaucoup il leur faut des lecteurs, et c’est pour cela que nos élèves produisent un journal.

Le journal scolaire est le véritable reflet du vécu de la classe. Il circule dans un réseau d’échange de journaux où les élèves sont responsabilisés : certains se chargent du courrier, d’autres font partie du « comité de lecture » et inventorient ce que d’autres classes écrivent dans leurs journaux. Le journal symbolise le groupe et sa parole car il est fait des dires de chacun.

Dans ma classe, nous produisons cinq numéros par an. Notre journal s’appelle « Histoire de Dire ». Son contenu est varié : des textes libres, les comptes rendus des recherches qu’on a faites, des free.frrmations sur nos correspondants, le courrier des lecteurs, des récits d’enquêtes, des dessins, des photos, des bandes dessinées... Il est imprimé en classe par les élèves qui utilisent un traitement de texte. Il est diffusé dans le quartier : à la bibliothèque municipale, dans les familles, mais aussi dans l’école, dans d’autres classes lectrices et chez nos correspondants.

Autre activité de communication dont nous nous servons : la correspondance scolaire de classe à classe, d’élève à élève ; où on s’écrit et on échange. Par exemple, on compare nos travaux, on fait des recherches dont les résultats sont envoyés aux correspondants, on prépare des questions, on leur soumet des problèmes mathématiques pour avoir leur avis. C’est un des principaux supports du travail coopératif : la correspondance avec d’autres élèves d’une autre classe rassemble le groupe autour d’un même projet. Elle ouvre la classe sur son environnement car il faut satisfaire la curiosité de nos correspondants. C’est un moyen motivant qui permet aux élèves d’entreprendre avec enthousiasme l’étude de leur milieu, et qui donne un sens à leurs écrits.

Dans ma classe, nous aimons avoir des correspondants dans les classes de français implantées dans un pays étranger, pour nous ouvrir à d’autres cultures, à d’autres modes de vie, à d’autres modes de pensée. Mais aussi pour rêver, quand nous sommes surpris par leurs traditions, leur cuisine, leurs fêtes et les légendes de leur pays. Pour découvrir d’autres langues et d’autres écritures.

On peut imaginer la formidable motivation que représente un projet comme la correspondance. Quand nous décidons de travailler sur un centre d’intérêt, la finalité est toujours d’échanger des connaissances avec nos correspondants. Réciproquement, les comptes rendus d’enquêtes que nous recevons nous entraînent à approfondir d’autres recherches. Et puis, à partir d’une correspondance, les élèves abordent toutes les activités d’apprentissage nécessaires à une classe d’âge donnée.

En voici quelques exemples :

- lire et écrire des lettres, des récits, des modes d’emploi ou de fabrication, des recettes, des comptes rendus, des poésies...
- faire des mathématiques : lecture de l’heure et les décalages horaires dans le pays de nos correspondants, kilométrages et distances, les monnaies et les échanges...
- se repérer sur les cartes du monde, les planisphères, la mappemonde et situer géographiquement les pays,
- faire des sciences en découvrant des graines inconnues sous nos climats, des plantes ou des animaux ; situer dans le temps et dans sa propre histoire généalogique des évènements remarquables ou des personnages qui ont compté...

Il faut redire ici le faible rendement de l’enseignement traditionnel « frontal ». Chaque enfant est différent et un élève ne peut apprendre de la même manière et en même temps les mêmes savoirs qu’un autre élève. Dans la classe coopérative, chacun peut apprendre à son rythme. Cependant, il ne s’agit pas d’être dans l’attentisme, car un élève lent peut se faire aider pour acquérir plus de rapidité, un élève plus rapide pourra expliquer sa façon de s’organiser, et on pourra comparer les méthodes d’organisation du travail. C’est pourquoi nous privilégions le tâtonnement expérimental comme la démarche d’apprentissage fondamentale.

Le tâtonnement expérimental nous free.frrme sur l’état de savoir de l’élève : c’est un va-et-vient entre les représentations et l’expérience.

Chaque enfant est engagé à réfléchir sur la démarche qu’il utilise. Le droit à l’erreur permet à chacun une réflexion-recherche individuelle, cela crée une situation problème pour le groupe, une situation d’apprentissage, une « énigme à résoudre ». Les élèves peuvent émettre des hypothèses face au groupe, proposer des solutions, les vérifier avec l’aide des autres, ou à l’aide d’outils qui sont des aides matérielles souvent fabriquées, au fur et à mesure des découvertes, par les élèves eux-mêmes.

Pour conclure

Cette pédagogie coopérative n’est pas une pédagogie facile. Elle impose des règles strictes à la distribution de la parole, elle impose de la rigueur dans l’organisation des travaux.

Cette pédagogie est ouverte sur la vie, donc sur le quartier. Il s’agit de créer un partenariat en considérant les autres - habitants ou parents - non pas comme des problèmes mais comme des atouts.
 

Référence (Vidéogramme) :

BLAZERE J-C. et MIRA J. (1996) : Une journée en classe Freinet. Sèvres. CIEP.
Tél.: 01 45 07 60 00. Fax : 01 45 07 60 01
 
 
 
 

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ED. 2008 DU GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

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