alternatives éducatives : des écoles, collèges & lycées différents
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Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable, l'état des toilettes, le créationnisme...
 

17/11/2009
Les «enfances perdues» de l’Australie et de la Réunion. Entretien avec Ivan Jablonka
Debré incite la DDASS de la Réunion à transférer en métropole des mineurs –orphelins, enfants abandonnés, enfants retirés à leur famille par décision de justice.
Pour faire du chiffre, la DDASS envoie ses assistantes sociales en tournée dans l’île pour ramasser un maximum d’enfants.
D’un côté, elle s’assure de la collaboration des juges; de l’autre, elle berne les parents en leur faisant croire que leur enfant va devenir avocat ou médecin.
Elle immatricule à tout va, après quoi, elle a les mains libres pour envoyer les pupilles là où elle le souhaite.
 
 
"DEPORTATION" 

Des Réunionnais poursuivent la France

18 08 2005 - Les Réunionnais de la Creuse attaquent l'Etat pour faire reconnaître la "déportation" dont ont été victimes des jeunes réunionnais dans les années 60.

 L'Association des Réunionnais de la Creuse assigne l'Etat français devant le tribunal administratif de Limoges pour faire reconnaître la "déportation" dont ont été victimes 1.630 enfants de la Réunion, dans les années 60, rapporte le quotidien Le Monde dans son édition de jeudi 18 août. Me Gilbert Collard et Simon A-Poi, président de l'association, poursuivent l'Etat pour "violation des lois sur la famille et sur la protection de l'enfance, violations des conventions internationales, non-respect des droits de l'enfant", précise le journal.

Repeuplement

Entre 1963 et 1980, selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), publié en 2002, 1.630 enfants et adolescents réunionnais, âgés de 7 à 14 ans, ont été envoyés en métropole, plus particulièrement dans des départements touchés par l'exode rural. L'objectif était double rappelle Le Monde : aider les familles pauvres à assurer une formation à leurs enfants et contribuer au repeuplement de la Corrèze, du Gers et de la Lozère.
Simon A-Poi avait été arraché avec ses 17 frères et cousins à sa grand-mère en 1966 alors qu'il avait 12 ans."Je suis arrivé dans la Creuse le 6 septembre 1966", a-t-il dit. "C'est une date qui ne s'oublie pas".


  

Les enfants volés de la Réunion

Dans les années 1960, Michel Debré voulait repeupler la Creuse.
Quarante ans plus tard, le scandale éclate.
Plus de mille enfants issus de milieux pauvres ont été enlevés illégalement à leurs parents et ont servi d’esclaves à des paysans français.
Aujourd’hui adultes, colère et espoir mêlés, ils veulent renouer les fils de leur destin

Jean-Philippe Jean-Marie, 9 ans en 1964. Son père est en prison. Sa mère fait des ménages loin de leur case créole dans les hauts de Saint-Denis de la Réunion. Lui va chercher l’eau à 800 mètres de là et garde ses quatre petites sœurs. L’école passe après. «Le premier Prisunic venait d’ouvrir dans l’île, se souvient l’homme qui, après une odyssée de trois décennies, a fini par retrouver sa ville natale où il tient un restaurant, le Soleil des Manguiers. On se promenait au milieu d’étalages de marchandises. "Donne-moi ce petit collier", me demande ma petite sœur. Difficile de résister.» Pris sur le fait, il est catalogué «enfant à risques» et emmené au foyer de l’Apep à Hell-Bourg, dans le cirque volcanique de Salazie. «Hell, c’était bien l’enfer. Rackets, passages à tabac, abus sexuels. J’étais devenu le roi de l’évasion. Je voulais rentrer chez moi. On me reprenait chaque fois.»

Jean-Pierre Gosse, 12 ans en 1964. Il vit dans le bidonville de Sainte-Clotilde. Pour aider sa mère célibataire, il récupère le cuivre et le verre dans la grande décharge de la capitale. Un jeudi, deux assistantes sociales de la Ddass l’accostent, un paquet sous le bras. Deux camions en plastique et quatre sucres d’orge pour lui et son petit frère. «A quelle heure rentre ta maman? Que fait ton père? Fais voir où tu dors.» Dans la case: une lampe à pétrole, un réchaud à alcool, deux lits. «Ce n’était pas un quatre étoiles», dit cet artisan plâtrier qui vit aujourd’hui à Ahun, dans la Creuse. Les «faiseuses de miracles» reviennent peu après et proposent à la mère d’emmener l’aîné en colonie de vacances. «Colo», «colon», le mot résonne comme «vraies vacances de petit Blanc» aux oreilles de la femme de couleur. Et le voilà embarqué en 2CV camionnette au foyer de Hell-Bourg, lui aussi. «Quel était donc notre profil pour avoir mérité cela?», s’interroge Michel Calteau, aujourd’hui agent technique à Limoges, enlevé à sa mère au Port dès 1958 pour connaître, onze années durant, ces «bagnes d’enfants» qu’étaient les foyers. «Nous n’étions ni des voyous ni des délinquants. Seulement des gamins que l’administration avait décidé de soustraire à l’affection des nôtres.»

Jean-Jacques Martial, 7 ans en 1966. Chez la nourrice de Saint-André, tous les petits détalent chaque fois qu’ils entendent le bruit de «la 2CV camionnette bleue qui vient chercher les enfants». Le va-et-vient des assistantes sociales se fait incessant. Les fiches de signalement se multiplient. Tenue de l’enfant: «douteuse». Alimentation: «mieux équilibrée, mais pour combien de temps»? Père: «dépourvu du sens des responsabilités». Mère: «peu intéressante». «Un jour, on nous a raflés», raconte le «petit créole mi-sombre» devenu, après son adoption sous le nom de Barbey et après une vie de galères, cuisinier dans un collège à Coursan, près de Narbonne. Direction de la redoutée camionnette: le foyer des Pupilles de Saint-Denis. Même destination pour Marie-Thérèse Gasp, confiée par sa mère, après son baptême en 1963, à une pouponnière tenue par des religieuses au Tampon. «En attendant qu’elle aille mieux.» Puis transférée sans préavis à Saint-Denis. «Abandonnée morale», d’après l’enquête sociale. «Le jour où ma mère s’est adressée à la mairie de Saint-Leu pour me reprendre, dit cette femme qui réside aujourd’hui au Mans sous son nom d’adoption, Dominique Foucher, on lui a dit que j’étais en France.»

Terrain de chasse favori des services de la Ddass du département de l’océan Indien: l’indigence et l’ignorance. On ratisse les quartiers déshérités. Une fois l’enfant sous contrôle dans un foyer, on fait pression sur les parents pour qu’ils l’autorisent à partir en métropole. Promesses d’un bel avenir, d’études poussées, de métiers valorisants, médecin, architecte, avocat. Et, bien entendu, de retour en famille tous les ans pour les grandes vacances. «Mon père m’a parlé d’une chance qui ferait de moi un être à part», se souvient José Cotché, retraité à la Réunion après vingt-six années sous les drapeaux. Il avait 11ans en 1966 à Sainte-Marie quand sa mère est morte, laissant son père, homme à la vie mouvementée, en charge d’une nombreuse progéniture. «Ma mère me voyait déjà poser pour la photo de l’école avec une petite cravate, comme dans les magazines, et revenir à la Réunion en aviateur», dit Jean-Philippe. «La mienne disait: "Mon petit bonhomme va devenir un grand bonhomme. On fera de lui un monsieur", raconte Jean-Pierre. On a abusé de sa précarité et de sa crédulité. Elle ne pouvait pas se douter de ce qui allait suivre.» Illettrés pour la plupart, sous pression de la toute-puissante administration, savent-ils vraiment ce qu’ils font, ces parents qui apposent une croix ou un pouce trempé dans l’encrier au bas des documents? Inutile de leur forcer la main, puisque c’est «dans l’intérêt de l’enfant».

Le plan est conçu par les hautes instances de l’Etat. Maître à penser: Michel Debré, élu en 1963 député de la Réunion, où il est parachuté sur ordre du Général, et où il règnera jusqu’en 1974. Son obsession: la démographie affolante de l’île. Que faire quand «les morts ne remplacent plus les vivants» comme autrefois, lorsque sévissaient choléra et malaria, guerres mondiales et grippe espagnole? Simple. Y a-t-il surnatalité dans l’île et dénatalité en métropole? Graine de chômeurs là-bas et manque de jeunes bras ici? On fera d’une pierre deux coups. La politique de migration massive du Bumidom se chargera de niveler le trop-plein et de colmater les vides. Six à huit mille départs d’adultes, chaque année durant une décennie, à qui on promettra monts et merveilles et qui déchanteront, une fois franchi l’océan. Une centaine d’enfants dans le lot qu’on enverra 10000 kilomètres plus loin repeupler la Creuse. Mais aussi le Gers, l’Aveyron, le Tarn, la Lozère, le Cantal et autres départements en voie de dépeuplement. Entre 1963 et 1973, selon les statistiques de la Ddass du département d’outre-mer, 1136 «pupilles» réunionnais feront le grand voyage. Les plus jeunes ont 6mois, les plus âgés 18ans. Des fonctionnaires zélés s’emploient à appliquer de façon expéditive et semi-clandestine, dans le «fait noir» comme on dit en créole, le froid calcul de «Papa Debré». «Un trafic d’enfants déguisé», affirme Jean-Philippe. Jean-Roland Barthes, à la tête de la Ddass Réunion, est muté en 1965 dans la Creuse pour activer l’opération. Il crée, au tout nouveau foyer de l’enfance de Guéret, un poste pour sa compagne, Jacqueline Payet, une assistante sociale réunionnaise qu’il épouse en métropole.

Le pont aérien d’enfants est inauguré. «On avait tous le même costume bleu, la même valise avec le même contenu, se souvient José. Dans l’avion, à part les membres de l’équipage et des prétendues familles, qui n’étaient autres que des assistantes sociales, il n’y avait que des enfants.»

A l’arrivée, après cinq jours de vol et de longues escales, la plupart prennent le train pour le foyer de Guéret, qui sert de centre de tri. Le choc est rude. Arrivés le soir, les petits créoles se retrouvent le lendemain, non pas sur les bancs de l’école, mais placés dans les fermes isolées du plateau de Millevaches. La morsure du froid est cruelle pour ces enfants des tropiques. Compte tenu de l’inversion des saisons, l’hiver, ils passent de +35 °C à -10 °C.

«Ça m’a fusillé, raconte Jean-Pierre. Je dormais dans les granges, sur la paille. Je cassais la glace dans l’abreuvoir pour me débarbouiller. Quand je coupais les choux ou les ronces, mes doigts étaient raides. Une fois on m’a emmené à l’hôpital, les mains et les pieds gelés. Chez le quatrième agriculteur où on m’a placé, je pouvais enfin me réchauffer les mains sur une ampoule électrique.» Et José: «Pas de chaussettes dans mes sabots pour marcher dans la neige. Une simple chemise et des culottes courtes.»

La rudesse du climat du Massif central va de pair avec celle de bon nombre de familles d’accueil. «Des nègres, ils n’en avaient jamais vu en vrai, dit Jean-Jacques. Les gosses du coin venaient nous toucher la peau pour voir si ça déteignait.» «Jamais de baignoire, jamais de serviette pour moi, des fois que ça tacherait», se rappelle Jean-Charles Serdagne, 13ans en 1966, et aujourd’hui chauffeur routier à Limoges. «Quand on vit dans un monde métissé, aucun terme n’est péjoratif, note Michel. A la Réunion, on pouvait dire: "Tiens, le chinois! Oh té, le cafre (africain), le malabar (indien)!" Il n’y avait aucun problème.» Dans la Creuse, ils comprennent vite le sens de «noiraud», «négro», «petit singe», «cocotier», «chocolat», «Blanche-Neige». «A Hell-Bourg, j’aurais voulu être un petit "cafre". Avec leurs cheveux enroulés, ils craignaient moins les coups, se souvient Jean-Philippe. A Guéret, je voulais être un petit Blanc. Mais pour eux, mon créole c’était du petit nègre.» «Je n’ai jamais aimé mon regard noir, avoue Marie-Thérèse, née de mère «cafrine » et de père «malabar». Encore aujourd’hui, je fais un gros blocage avec les Réunionnais. Mes amis me le reprochent: "Tu renies tes racines."»

Les familles d’accueil, qui touchent une subvention de la Ddass pour recevoir ces petits «orphelins» dont les parents attendent en vain le retour, trouvent normal de leur faire garder les moutons, nettoyer la porcherie, nourrir les bêtes, soulever le foin, couper le bois, manier la faux, la serpe et le râteau, et ce, sans un sou d’argent de poche. Tandis que leurs propres enfants vont à l’école en ville, ils exploitent à la ferme une main-d’œuvre gratuite et corvéable à merci. Déracinés, largués, sans soutiens ni repères, les petits exilés dépérissent. «Arrachez un bananier à la Réunion et essayez de le faire pousser dans la Creuse!», s’insurge Jean-Philippe. Loin de leurs familles, de leur langue, de leur nourriture, de leur soleil, certains perdent la boule. Ils parlent aux arbres en créole, aux moutons, aux photos dans les cimetières. Ou bien ils s’enfuient dans les bois jusqu’à ce que la faim les ramène, ou les gendarmes. L’exil forcé fait des ravages. Séjours en hôpital psychiatrique, tentatives de suicide. Jean-Pierre essaie de se pendre à une branche avec une chaîne de vache, puis de s’ouvrir les veines. Il est sauvé in extremis. D’autres ne se rateront pas.

En 1969, la révolte couve au foyer de Guéret. Pour arrondir les angles, on nomme à sa tête un Réunionnais, Alix Hoair. Cet enseignant de Saint-Benoît est venu soigner sa tuberculose dans un sanatorium de la Creuse et a épousé l’infirmière qui l’a guéri. «Le premier jour, raconte-t-il, je vois arriver un paysan qui me dit: "Je veux un petit Noir. Ça bosse, ça prend un repas par jour, ça couche dans la paille et ça se chausse de sabots."» Le nouveau directeur prend vite la mesure de la situation. Enfants en âge scolaire non scolarisés. Petits commis fermiers et apprentis non payés. «Je le dis à haute et intelligible voix, témoigne aujourd’hui ce fonctionnaire de 75ans à la retraite. Ils étaient tous à la même enseigne, qui était celle de l’esclavage.» Il découvre que la plupart sont là depuis bientôt cinq ans, et qu’ils ne sont jamais retournés à la Réunion. Il écrit à Michel Debré, alors ministre de la Défense et toujours député de l’île, pour lui demander d’affréter un avion militaire. Fin de non-recevoir. Il flaire la supercherie: il n’y aura jamais de billet de retour.

«S’ils ne peuvent pas aller à la Réunion, la Réunion viendra à eux», décide-t-il. Le dimanche, il leur prépare du cari de volaille, avec riz, grains et rougail. Leur passe des disques de séga et de maloya. Monte un petit orchestre, recrée une ambiance créole. La nouvelle se répand dans les campagnes avoisinantes. Il n’y aura jamais autant de fugues. Les enfants se retrouvent au foyer et ne veulent plus retourner à la ferme. «J’ai dû mettre des matelas partout.» Le directeur écrit à la préfecture, à la Ddass, au député de la Creuse pour dénoncer les carences de l’administration. Réponse: Alix Hoair est limogé au bout de deux ans. Et les enfants, qui s’étaient accrochés à lui, se retrouvent une fois de plus livrés à eux-mêmes.

Quelques-uns seront adoptés au bout de quelques années. Du vivant de leurs parents, sans qu’il y ait eu d’abandon formel. C’est le cas de Jean-Jacques Martial. Il a la chance, lui, de passer ses quatre premières années à La Chapelle-Taillefer, dans une famille d’accueil qui l’envoie à l’école. Jusqu’au jour où un couple se présente pour l’emmener aux sports d’hiver. Il se retrouvera à Saint-Vaast-la-Hougue, dans la Manche, avec un nom inconnu collé sur ses cahiers, celui de son père adoptif, Barbey. «Ils m’ont tous menti.» C’est aussi le cas de Marie-Thérèse Gasp, qui, après trois années chez une nourrice à Guéret, deviendra Dominique Foucherau Mans. «J’ai été baptisée trois fois. Par ma mère biologique. Par les religieuses du foyer de la Réunion. Et par ma mère adoptive. J’aurais dû être bien protégée.» Mais à quel saint se vouer quand on est ballottée depuis sa naissance?

Difficile de se construire sur une somme de mensonges. Années d’errances, de galères, de dérives. Seuls les plus costauds s’en sortent. Ils s’enrôlent dans l’armée, comme José. Ils sillonnent toutes les mers du monde, comme Jean-Philippe. Ou, comme Jean-Pierre Moutoulatchimi, animateur aujourd’hui du Cercle des Amitiés créoles dans la Creuse, par le déni, en «tirant un trait sur tout ça». «Bien sûr, on n’a pas su toute la vérité, le suivi a été mal fait, les promesses n’ont pas été tenues. On était les premiers bronzés ici et il a fallu tout apprendre à zéro. Mais, aujourd’hui, je me dis : quelle chance! Trop facile de se plaindre la bouche pleine»... Une voix discordante, que d’aucuns jugent «opportuniste », dans la longue plainte des «enfants de la Creuse», lesquels, parvenus à l’âge mûr, réclament justice. Il a fallu qu’ils brisent le silence, qu’ils retrouvent leurs dossiers, qu’ils comprennent qu’ils se sont fait berner et qu’ils découvrent, effarés, l’ampleur du phénomène.

«C’est un des plus grands scandales de l’émigration réunionnaise, s’insurge Paul Vergès, président du conseil régional de la Réunion. Un scandale longtemps caché. On imagine mal comment on a pu enlever autant d’enfants réunionnais, les tromper et les placer dans une région aussi difficile que la Creuse. C’est une période de honte.» Dans les archives, peu de traces de l’opération. Difficile pour chacun de reconstituer son puzzle personnel, dont les pièces sont égarées ou envolées en fumée lors d’un incendie en 1966. Ici, il manque une date, là une signature. Pas évident de renouer avec la Réunion après tant d’années. Marie-José Guinet, dont les souvenirs se brouillent, et dont la mère serait morte avant son départ du foyer de la plaine des Cafres à l’âge de 8ans, ne trouve aucune trace de son décès. José, lui, a découvert au bout de trente années une partie seulement de ses frères et sœurs dispersés lors de leur arrivée en métropole. Sur le sol réunionnais, l’émotion des retrouvailles, quand celles-ci sont encore possibles, est indicible.

«J’ai prononcé le mot "maman" pour la première fois, s’extasie Jean-Jacques. Ce jour-là, c’est un bébé de 42 ans qui est né. J’ai eu l’impression que ma vie repartait à l’envers.» «En réentendant mon vrai prénom, dit Marie-Thérèse, mes souvenirs remontent. Des odeurs oubliées, des bruits enfuis. Ma mère m’a dit qu’elle a prié pour moi tous les jours. Elle a fini par être exaucée.» L’émotion résorbée, vient l’heure des comptes. Les blessures leur font dénoncer en des termes extrêmes le préjudice subi: «enlèvement et séquestration de mineurs», «rafle et déportation», «traite d’enfants», «crimes contre l’enfance». Ceux qui ont été adoptés décèlent les irrégularités dans les procédures. Jean-Jacques dépose le 30 janvier dernier un recours au tribunal administratif de Montpellier et réclame 1 milliard d’euros de dommages et intérêts. «La vie n’a pas de prix. L’Etat français m’a volé la mienne.»

Marie-Thérèse, qui n’était pas davantage adoptable, porte plainte à son tour le 8mars dernier. «Au-delà des anomalies formelles, déclare Me Bernard Saumade, l’avocat de Jean-Jacques Barbey, nous recherchons les éléments pour démontrer la volonté délibérée de l’Etat français de mettre en place un transfert d’enfants, coûte que coûte, pour repeupler les départements vides.» Certains en appellent à la Ligue des Droits de l’Homme, à Amnesty International. D’autres, à la Réunion, créent une association, Racines en l’air. Pour que la France rende enfin, par un geste officiel, leur dignité et leur honneur à Jean-Philippe, Jean-Jacques, Jean-Charles, Jean-Pierre, Michel, José, Marie-Josée, Marie-Thérèse et à un millier d’autres.

Mariella Righini
Le Nouvel Observateur - jeudi 6 juin 2002 - n°1961



L'Unicef publie (avec j'ai lu) le roman de Brigitte Peskine,
"l'Ile de mon père"
traitant du déracinement d'enfants réunionnais envoyés de force en métropole.

Cf aussi le rôle du BUMIDOM : Enquête sur l’immigration antillo-guyanaise dans l’hexagone : le BUMIDOM.
Le terme BUMIDOM signifie : BUreau pour le développement des MIgrations dans les Départements d’Outre-Mer. Ce bureau était chargé de l’émigration des habitants d’outre-mer (notamment la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane) vers l’hexagone.

Créée en 1962 par Michel Debré, alors Premier ministre, cette Société d’Etat avait pour mission officielle de prévenir la surpopulation qui menaçait le marché de l’emploi, d’améliorer la situation économique ainsi que le pouvoir d’achat dans les départements d’outre-mer.

La raison officieuse était que la France avait besoin de main d’oeuvre en métrople dans certains secteurs spécifiques. La principale critique qui lui a été fait est d’avoir organisé une déportation, et certains parlent même de génocide par substitution.

Le BUMIDOM a été remplacé en 1983 par l’Agence Nationale pour l’insertion et la promotion des Travailleurs d’outre-mer (ANT), qui ne gère plus le phénomène migratoire.

Un documentaire (mars 2007) du réalisateur Antoine-Léonard MAESTRATI raconte cette histoire : L'avenir est ailleurs.

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