alternatives éducatives : des écoles différentes
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I Une école différente ? Pour une société différente ? Qui n'en veut ?! I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop |
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Appel pour des éts innovants et coopératifs |
I Obligation scolaire et liberté I | Une école différente ? Pour une société différente ? Qui n'en veut ?! I

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable, l'état des toilettes, le créationnisme...

Mesurer, tester, calibrer, étiqueter, évaluer, trier, sélectionner, dresser, jeter, enfermer, éliminer...

«former des gens à l'esprit éveillé et critique» ?
Manquerait plus que ça !
 
 
Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école
proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

 
 
Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 

 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires 
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville 
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 
 

Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» 
par Jules Chancel

Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 

Face à face, l'enfant et l'adulte 

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants ! (Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? Non, une reproduction du système scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs (Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique ! 
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ? (Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère)



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...

Endix ans, le nombre d’enseignants en Angleterre a augmenté de 10% tandis que celui des assistants (non qualifiés, et 3 fois moins payés) a triplé .

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde : FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.  «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.



AMERICAN WAY OF LIFE...

   "Je t'aime, Alex" : 4 mois de redressement.

Lourde peine pour une écolière amoureuse.
Une jeune fille de 12 ans ayant écrit «Je t’aime Alex» sur les murs d’une école, a été envoyée pour 4 mois dans un établissement "accueillant" des élèves "en difficulté". Parmi de nombreuses autres jolies colonies de vacances du même type : Tranquillity bay". gérée par la WWASP (patronnée par le professeur Skinner, le père de la psychologie comportementaliste).

Pour 3000 dollars par mois, il promet de transformer ces récalcitrants en citoyens dociles et travailleurs.



Les écoles publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
LES CHÈQUES "ÉDUCATION" : L'ÉCHEC.
Depuis une bonne vingtaine d'années, ici aussi, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du système scolaire...
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait "pas du tout amélioré le système public".
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools, Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee, première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme "chèque éducation".



«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70, une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

Des écoles différentes
Des collèges et des lycées différents ?
Oui, mais ... pas trop !
Statiques universitaires-fonctionnaires ou camelots très agités ont en commun, depuis deux bonnes décennies radoteuses sur l’échec scolaire, l’art et la pratique du piratage et de son exploitation en produits dérivés et contre-faits.
NON, les écoles différentes ne sont pas les écoles parallèles (à quoi ?), souvent mortes-nées, dont tout le monde parle depuis 30 ans sans jamais (vouloir) savoir de quoi il s’agit/s’agissait : alternativement synonymes de "dernière chance", de "pas mal, ... pourles autres", le terme étant souvent affublé de "post-soixanthuitardes" par tous ceux parvenus, et  qui en sont revenus sans y être jamais allés; précédé de «ça marginalise un peu, quelque part, au niveau de la socialisation, quand même, non ?» ou suivi de «qu’est-ce que ça serait bien si qu'on en ferait une».

« Main basse sur l'école publique »
L'Éducation Nationale est accusée de « fabriquer des crétins » et d'entretenir le « chaos pédagogique », l'insécurité et le chômage. Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi dévoilent la signification de ces mesures : des associations de libéraux et de catholiques conservateurs proches du Front national et de l'Opus Dei sont à l'origine de ces propositions.
Au nom de la liberté de choix, on prépare une privatisation de l'Éducation.

Archives (1985)

LE RETOUR À L'ORDRE 
 

Le Nouvel Observateur - vendredi 4 janvier 1985
NOTRE EPOQUE 
ENSEIGNEMENT 
Sa consigne - instruire d'abord - a fait l'effet d'une déclaration de guerre. 

Applaudi à droite, contesté à gauche, Jean-Pierre Chevènement sauvera-t-il, comme il le croit, l'école de la République ou ruinera-t-il quarante ans d'innovation pédagogique? 
L'enjeu est de taille: l'avenir de douze millions d'enfants 
 

Depuis plus de vingt ans, Guy Bayet, président - à vie? - de la vénérable Société des Agrégés, tire à vue, depuis son petit bureau encombré d'archives, sur tout ce qui bouge dans les écoles, les collèges et les lycées. Depuis que Jean-Pierre Chevènement a pris les rênes du ministère de l'Éducation nationale, il ne se sent plus de joie. « Le plus beau virage depuis 1968 »; s'exclame-t-il. 

Edmond Maire, lui, déclare sans ambages que les thèses de Jean-Pierre Chevènement « lui font froid dans le dos ». « Le discours qui consiste à dire: "Que les meilleurs gagnent !" est l'illustration d'une attitude conservatrice », écrivait il y a un mois le secrétaire général de la C.F.D.T. Et il enfonçait le clou : « Comment peut-on aujour­d'hui prôner la barbarie d'une sélection naturelle à des jeunes placés depuis leur naissance dans des situations complètement différentes, dues à leur origine, à leur environnement, à leurs conditions de vie? » 

A gauche encore? Laurent Schwartz. Chevènement le ravit. Ils s'étaient rencontrés lorsque le leader du C.E.R.E.S. était ministre de la Recherche et de l'Industrie. Ils se sont souvent vus depuis. 

Pas du tout à gauche? Le S.N.A.L.C. ­syndicat archi-conservateur de l'enseignement secondaire, proche de la C.G.C. Qui était le beau valet de coeur d'une des dernières couvertures de son bulletin? 
Jean-Pierre Chevènement, bien sûr. Un proche d'Alain Savary, le précédent ministre: « Je pense que l'histoire retiendra que le programme sur l'éducation le plus réactionnaire qu'on ait connu depuis quarante ans vient de la gauche de la gauche. Voyez ceux qui s'occupent de ce secteur au R.P.R. ou à l'U.D.F. Ils tiennent un discours beaucoup plus ouvert que celui de Chevènement ... » Encore qu'à écouter d'une oreille distraite Chirac ou le ministre de l'Éducation nationale, on pourrait confondre. 
L'un parle de « sélection des meilleurs », l'autre d' « élitisme républicain »; l'un condamne les « choix hasardeux et pernicieux » des dernières années; l'autre se proclame le « conservateur des valeurs qui ont fait la force de l'école » : goût de la connaissance, curiosité intellectuelle, effort et travail ... 

Plus personne, à droite comme à gauche, n'y reconnaît ses petits. Certains s'en inquiètent. Il y a quelque temps, Laurent Fabius aborde Jean-Pierre Chevènement qui discute avec une dizaine de recteurs : « Comment expliquez-vous, monsieur le Ministre, que votre politique soit soutenue par nos ennemis et combattue par nos amis? » Un ange est passé. Et repassé car Fabius, quelques jours plus tard, a repris le même thème lors d'une réunion où le ministre était face à tous les recteurs d'académie de France. 

Inquiet, Fabius? Il aurait tort, du moins si son inquiétude est celle d'un homme qui devra conduire les prochains combats électoraux. La « restauration des valeurs de l'école », l'évocation de Jules Ferry, l'exhortation au travail, à l'effort, l'accent mis sur «l'élitisme républicain» - cette belle formule qu'on peut traduire par : sélection des meilleurs -, l'insistance mise sur la transmission des connaissances, tout cela marche formidablement. Il suffit de se rendre dans une réunion de parents d'élèves, toutes fédérations confondues, pour se rendre compte de l'écho que rencontre ce genre de discours. 

« Chevènement, c'est d'abord un politique. Il joue l'opinion publique. Ce qu'il dit correspond à l'attente des parents qui voient bien que l'école, ça ne marche pas, dit Jean-Claude Guérin du S.G.E.N.-C.F.D.T., un opposant farouche à la nouvelle mode éducative. On exalte le passé, on ranime l'instruction civique, on annonce pour bientôt une école primaire dans laquelle tous les parents vont reconnaître leur enfance. C'est attendrissant. Et en plus, ça caresse dans le sens du poil une bonne partie des enseignants. Probablement la majorité ... C'est ce que j'appellerais, au bout du compte, un discours sécuritaire sur l'éducation. » 

Et le discours a de l'écho. Courageux, Chevènement? Assurément. Même si son courage le conduit à suivre le courant de l'opinion publique alors que tous ses prédécesseurs, depuis vingt ans, avaient ramé à contre-courant dans leur souci de comprendre pourquoi le collège répond si mal aux goûts, aux capacités: aux possibilités de 70 % des adolescents. Encore un membre de l'ancien cabinet Savary: « On assiste depuis deux ans à une forte pulsion conservatrice tous les pays - Etats-Unis, Angleterre, Allemagne - qui ont voulu démocratiser leur enseignement au lendemain de la Seconde mondiale. Chevènement suit ce courant. Et il répond, ce faisant, aux inquiétudes d'une grande majorité des professeurs. Plus le langage qu'on leur tiendra sera simple, plus on leur dira de  répéter en classe ce qu'ils ont appris en fac, et plus ils seront contents. Le ministre actuel et son entourage laissent entendre que le monde enseignant dans son ensemble était saisi ces dernières années d'une fièvre pédagogique désordonnée. Mais c'est faux. Combien y a-t-il de professeurs innovateurs dans nos écoles, nos collèges, nos lycées? Vingt-cinq pour cent peut-être ... Quant aux parents, ils sont si inquiets de la scolarité de leurs enfants et peut-être, surtout, de leur adolescence ... Ils se réfugient volontiers dans les certitudes du passé. » 

Son seul véritable coup de poker politique depuis qu'il est ministre de l'Education nationale, Jean-Pierre Chevènement l'a joué le 22 novembre au matin dans un amphithéâtre de Villetaneuse, en banlieue parisienne, une université qui vote plutôt à gauche. Là, il parle devant les six cents étudiants de première année. Il est le premier depuis 1968 à tenter l'aventure. «Le matin même, raconte Philippe Barret, un des conseillers les plus proches du ministre, personne ne pouvait nous dire comment ça allait tourner. » Chevènement y teste ses thèmes favoris: patriotisme, effort, travail, mérite ... Et ça passe. Les étudiants applaudissent. 

Habile, Chevènement ? Non, sincère lorsqu'il parle d'école. Père instituteur et socialiste, mère institutrice et catholique ... Il croit à ce qu'il dit ; et ses références à Jules Ferry et à la IIIe République ne sont pas proclamées à la seule intention de la galerie. On l'a dit converti par Jean-Claude Milner, auteur d'un livre puissant dans lequel on retrouve beaucoup des thèmes des discours chocs du ministre. 
(Voir l'entretien de Jean-Claude Milner et de Jean Hébrard dans les pages suivantes.) Ce n'est pas absolument exact. Lorsque Chevènement lit le livre de Milner, il y a trois mois, ses convictions sont déjà bien établies. 

VIRAGE À 180 DEGRÉS 

En fait, son plan d'action est déjà prêt au début de mars 1984. Alain Savary est encore ministre mais le leader du C.E.R.E.S. piaffe déjà d'impatience lors d'une réunion de République moderne, son club de réflexion. « L'école, dit-il, est un thème à pousser en avant, un thème politique de masse pour les prochaines années. » Dans le petit groupe, il y a Milner que Jean-Pierre Chevènement ne connaît pas encore: ils se rencontrent pour la première fois. C'est Philippe Barret qui l'a fait venir. Les deux hommes se sont connus à Normale supérieure: tous deux étaient alors militants maoïstes au sein de la Gauche prolétarienne. Et sur l'école, tous deux vibrent vraiment au même rythme, mis à part, selon l'expression de Philippe Barret, « quelques thèmes ingérables ». Un homme politique en charge de l'éducation ne peut pas se mettre à dos le principal syndicat d'enseignants de France avec la désinvolture d'un Milner. 
Un homme important, ce Philippe Barret. C'est lui qui met en musique la politique éducative de Chevènement. Et ce n'est pas un homme de nuances. En décembre 1983, il écrivait dans « En jeu », la revue du C.E.R.E.S., un article intitulé: « Pour l'instruction publique », dans lequel on pouvait lire: «Une idéologie post-soixante-huitarde, ultralibérale, anarchisante a conduit à faire régner dans l'enseignement primaire une conception néorousseauiste de l'ensei­gnement, bannissant toute règle et tout effort instaurant le droit généralisé à la paresse et qui pourrait prendre comme devise: moins on ap­prend, mieux on se porte. » 
En décembre 1984, il confirme: «L'acquisition des connaissances, c'est un travail. On a trop abandonné cette idée-là et on a trompé la population. On a fait la démagogie. Je crois que c'est terminé. » 
Au fait, qui est « on » ? 

Au-delà des effets d'estrade, Chevènemement, en bon jacobin, a commencé par resserrer les boulons. 
Savary, pour dégripper la machine, pour tenter de diminuer l'échec scolaire, avait misé sur le volontariat (pour la rénovation des collèges), sur les associations de professeurs (pour réviser les programmes), sur le mouvement pédagogique. En résumé, il avait voulu privilégier la société plutôt que l'Etat. Jean-Pierre Chevènement, sur tous ces points, a pris un virage à 180 degrés. Adieu le volontariat: le ministre fixe des quotas et des calendriers pour la rénovation du collège (il n'a sans doute pas tort); Alain Savary avait créé des commissions pour étudier une réforme du contenu des grandes disciplines français, histoire, géo, maths, sciences naturelles, etc. Il les avait ouvertes aux associations de professeurs et en avait confié la responsabilité à des universitaires, au grand dam des inspecteurs généraux, beaucoup plus traditionalistes. Chevènement n'a pas supprimé les commissions question mais il a écrit aux présidents de chacune d'entre elles pour leur préciser que leur rôle se bornerait dorénavant à la réflexion. C'est l'inspection générale qui présentera les propositions et le ministre, bien sûr, qui tranchera. Les inspecteurs généraux sont ravis et suivent Chevènement au doigt et à l'œil. 

"C'est parti pour la restauration, déclare un responsable d'association d'enseignants qui s'était "mouillé" dans les commissions Savary. Nous alIons subir le retour du bâton. Nous allons nous faire sacquer ... » Le mouvement pédagogique commence sa traversée du désert, d'où l'indignation d'un homme comme Edmond Maire: «Quand un formateur refuse la pédagogie, il déverse son savoir sur les jeunes, comme on remplit une poubelle ... » Quant aux parents ... Les circulaires écrites par Savary et qui prévoyaient une participation réelle des parents aux conseils d'école, leur donnant le droit de s'intéresser à autre chose qu'à la couleur des tickets de cantine, ont été bloquées par son successeur. A la très vive satisfaction, d'ailleurs, du Syndicat national des Instituteurs, qui, en échange de cette bonne manière, garde un silence prudent face aux déclarations new-look de son ministre. 

Un silence qui ne pourra plus durer très longtemps car des décisions lourdes de conséquences vont être prises dans les six mois qui viennent. En février et mars vont paraître les nouveaux programmes Chevènement pour l'école primaire. « Ils porteront, a dit le ministre, sur les apprentissages de la langue française (lecture, écriture, orthographe, grammaire), le calcul, les sciences de la nature, la technologie, l'éducation civique, les éveils artistiques et corporels. » Une remarque s'impose: la pédagogie d'éveil, dans cette liste, ne s'applique qu'au dessin, à la musique et à la gym, alors qu'elle était au cœur de la commission «Ecole» créée par Savary. Lecture? Jean-Pierre Chevènement l'a dit à Grenoble: ce sera « le plus tôt possible ». L'idée d'une plage s'étendant de cinq à huit ans et permettant de tenir compte du rythme de chaque enfant semble écartée. Instruction civique? Là aussi, on sait où l'on va. Ce ne sera pas l'école « ouverte sur le grand large », comme dit le ministre. On va exalter le «patriotisme français», le «sentiment national». «L'ode à la différence?» On n'en parle plus. 

Pour le collège, les décisions seront annoncées en mai-juin. Pour l'instant, la réforme prévue tient en quelques points: groupes de niveaux suivant les matières, études surveillées le soir et rétablissement du B.E.P.C. Sans oublier une nuance importante: Alain Savary voulait construire un « collège démocratique ». Jean­Pierre Chevènement parle, lui, de «collège de la réussite ». Ce qui nous ramène à ce fameux «élitisme républicain» que l'on évoque avec tant d'insistance depuis quelques mois. Et de façon étrange. Car l'élitisme se porte fort bien dans notre système scolaire, qu'on croit submergé par la pression sociale. C'est vrai, les effectifs des lycées ont augmenté de façon spectaculaire . Entre 1952 et aujourd'hui, les effectifs des secondes, premières et terminales d'enseignement général ont été multipliés par cinq. Mais il y a des digues qui tiennent bon. Il n'y a pas plus d'élèves aujourd'hui en terminale C, la section reine, qu'il n'y avait d'élèves dans les vieilles math élém de 1963 ! Et à l'époque, on pouvait faire Médecine avec un bac de sciences expérimentales et Normale sup avec un bac de philosophie. Aujourd'hui, tous ces gens-là n'ont aucune chance s'ils ne sortent pas d'une section C, et l'élitisme - républicain ou pas - ne s'est jamais mieux porté! 

Comme ancien ministre de la Recherche et de l'Industrie, Jean-Pierre Chevènement sait parfaitement qu'il est vital pour le pays que soient atteints les objectifs fixés par le Plan: il faudrait que nous arrivions à ce que 80 % d'une génération termine un second cycle, long ou court. Alain Savary avait défini une politique pour tenir le pari. Jean-Pierre Chevènement en définit une autre aux antipodes de la première. L'objectif reste pourtant le même: régler en grande partie le problème de l'échec scolaire à l'école primaire et au collège. 
 
 

GÉRARD PETITJEAN

SONDAGE 
Les jeunes voient l'avenir en noir 
LE QUOTIDIEN DE PARIS - N° 2239 - lundi 2 février 1987
Les lycéens et les étudiants sont inquiets pour leur avenir professionnel et leurs parents le sont davantage. Cette constatation ressort d'un sondage effectué pour le mensuel l'Etudiant à l'occasion du premier Salon européen de l'étudiant organisé ce week-end à Toulouse, seconde ville universitaire de France. 

Réalisé par les étudiants d'une école commerciale de Montpellier, entre le 24 et le 30 novembre dernier, sur un échantillon représentatif de lycéens, étudiants, parents et enseignants toulousains, ce sondage révèle que 85 %  des parents interrogés se déclarent «inquiets» ou «très inquiets» pour l'avenir des jeunes, un avis suivi par 84 % des lycéens et 83 % des étudiants. Ce sont les enseignants les moins inquiets: 76%. 

Si tout le monde s'accorde à laisser aux jeunes la décision de leur orientation (90 % en moyenne des personnes interrogées), lycéens et étudiants ne sont pas d'accord sur la qualité de leurs professeurs: le corps enseignant est considéré comme bon par 61 %, des étudiants et 62 % des parents, alors que 57% des lycéens ont un avis contraire. Pour leur part, les enseignants se jugent eux-mêmes favorablement à 88 % ... 

La pédagogie fait l'unanimité contre elle: 70 % des lycéens et étudiants ainsi que 60 % des parents ne la jugent ni« moderne», ni « adaptée ». 
Un avis suivi par 53 % des enseignants. 

En ce qui concerne le choix des études, tous s'accordent à privilégier les formations longues (72 % des lycéens, 68 % des étudiants, 60 % des parents et 94 % des enseignants). En revanche, les avis divergent sur la sélection: les jeunes la refusent à 63 % pour les lycéens et 51 % pour les étudiants) alors que les adultes l'approuvent (à 53 % pour les parents et 56 % pour les enseignants). 

D'autre part, le critère le plus souvent retenu pour le choix d'une filière reste «la possibilité de faire des études qui plaisent»: 46 % des lycéens, 41 % des étudiants, 28 % des parents et 27 % des enseignants, le citent en premier lieu. Viennent ensuite la sécurité de remploi (28 % des parents), la vocation (26 % des enseignants), et, en dernier lieu, la rémunération future, citée par seulement 1 % des enseignants et 8 % des étudiants. 


2009
"l'obsession du classement scolaire, qui est à la base de l'élitisme républicain
la vision dichotomique de la réussite qui sépare les vainqueurs et les vaincus de la sélection scolaire, 
mais également la faillite de l'orientation, 

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

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