alternatives éducatives : des écoles différentes
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I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I


2016
école autrement, école nouvelle, école alternative, école différente, collège lycée expérimental ...
Une autre école est-elle possible?
Pour, dans, une autre société ?
... on peut tout de même très légitimement se demander si le ministre est bien vraiment toujours - et sera encore - celui de l'éducation, et ... «nationale» ?
Ou celui des multinationales ?
Et de quel type d'«éducation», d'«école», celles-ci ont-elles besoin: Pour quel type de «société» ?

«Possible» ?!      On peut aussi faire pire : c’est en cours.
Mais un jour, le paysage sera redessiné, le puzzle sera terminé et tout le monde n'y aura vu que du feu.



Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable  , l'état des toilettes, le créationnisme...
 

USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face
en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait pas du tout amélioré le système public.
Depuis une bonne vingtaine d'années, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du système scolaire.
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools,
Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee,
première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme chèque éducation.

Les écoles publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?
 

Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 
 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 
 
 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires 
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville 
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 
Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» 
Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 
par Jules Chancel
Face à face, l'enfant et l'adulte 

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants ! (Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? Non, une reproduction du système scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs (Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique ! 
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ? (Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère) 



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...
 

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde : FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.  «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.
 

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.



AMERICAN WAY OF LIFE...
Archives (1978)
Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux ... 

Liane Mozère 
Chercheur. Cerfi Enfance. 
Auteur avec G. Aubert « Babillages… Des crèches aux multiplicités d’enfants ».  Recherches, Paris, 1977. 
 
 

On ne peut être que séduite par le ton passionné, de parti pris, ouvert de Catherine Baker lorsqu'elle parle des écoles parallèles qu'elle définit fort heureusement comme lieux de vie. lorsqu'elle évoque les doutes, les difficultés et les succès. Première tentative d'un travail d'analyse politique, un peu à la marge de la bonne conscience idéologique de gauche et d'extrême-gauche, des certitudes « universelles » et des dogmes. Travail en pointillé, en devenir, qui en tant que tel mérite une attention faite de tendresse et d'échange. 

Une riche documentation, bien faite, intelligente, impertinente et irrespectueuse, mélange bien les genres et les approches et donne une bonne image des « problèmes tels qu'ils se posent ». Elle égratigne sérieusement les tenants d'une « bonne » pédagogie (opposée à celle qui se pratique dans la majorité des cas) de gauche, voire gauchiste (groupusculaire) compte du «social» dans la vie de l'enfant pour mieux préparer et promouvoir des formes nouvelles d'assujétissement et d'adaptation.
J'aimerais soulever tout d'abord quatre questions qui me paraissent essentielles.

- Le rapport passionnel aux enfants: 

Ce qui frappe d'emblée d'emblée dans ce texte c'est le ton pédophilique. «Nous aimons leur présence physique». Ce qui veut dire qu'on invente, qu'on expérimente d'autres relations entre adultes et enfants, d'autres relations qui traversent les adultes et les enfants, ce qui veut donc dire interrogation, essais, doutes. Catherine le rappelle : « L'école parallèle n'est qu'une potentialité ». Potentialité opposée aux savoirs spécialisés assénés de l'extérieur, aux définitions.

- L'agencement a-parental :

Les expériences parallèles ont pour la plupart, toutes cherché dès le départ à briser la logique d'appartenance et de familialisation des rapports entre adultes et enfants. Malheureusent, ce sont bien souvent les conditions économiques qui ont conduit dans certains cas à refamilialiser, c'est-à-dire à isoler et à poser la question de la participation parentale comme un objectif, quasiment comme un devoir.
Etant sensés s'intéresser à leurs enfants (contrairement à ceux qui «délèguent» leurs pouvoirs à l'Education nationale ...) il serait malvenu de ne pas s'en occuper. Renversement du devoir - «instinct maternel», ce nouveau devoir «intérêt parental» allait d'ailleurs connaître une fortune inespérée. Car c'est paradoxalement le courant anti-autoritaire, marginal, qui va renouveler complètement les pratiques parentales et adultes et donner naissance à une nouvelle forme de normalisation.
 
 

Contre le familialisme, des tentatives ... familiales 

Au départ, bien entendu, c'est la lutte contre une spécialisation à outrance qui a poussé les expériences allemandes (Kinderlaeden), hollandaises, canadiennes (S.O.S. garderies populaires) ou françaises (crèches et écoles sauvages) à faire participer massivement les parents aux tentatives d'éducation communautaires. Dès les années 1967-69. Il faut noter d'ailleurs à ce propos qu'on insistait parallèlement au moins autant sur la participation de non-parents
Au Québec, par exemple, c'est à l'initiative de groupes marginaux, proches de la sensibilité autonomiste que se créent les premières garderies populaires dans des maisons (S.O.S. garderies populaires) On y accueille un groupe de 8 à 10 enfants pris en charge par un groupe d'adultes - hommes et femmes - qui tentent une autre forme de vie, non familiale, avec les enfants. Ces groupes ont progressivement demandé des subventions qui ont été dans certains cas accordées. Mais, du même coup, la machine étatique réinvestissait pour son compte le processus ainsi créé : elle favorisait le développement de garderies familiales animées par des parents. 
Dans ces dernières tentatives, plus d'expérimentation de nouveaux rapports enfants/adultes, une simple organisation de dépannage familial, fort utile au demeurant dans un pays où n'existe pratiquement pas d'infrastructure de garde. 
En l'absence d'un travail micro-politique et d'un minimum de liaison entre elles, les tentatives marginales ont été ainsi coupées de la possibilité de se rebrancher sur l'ensemble des forces et des groupes qui investissaient - du fait de leur initiative inaugurale - ce champ particulier de la petite enfance. Elles perdaient du même coup une capacité d'intervention positive, et pour elles et pour l'ensemble du secteur. 
En France les tentatives de mise sur pied de crèches ou d'écoles parallèles ont été pareillement privées de liens subjectifs avec les luttes sur la vie quotidienne. Les liaisons idéologiques entre l'élevage des enfants et la lutte écologique (dans un sens large) ont certes toujours été affirmées, mais de fait cela ne transformait pas radicalement ni la façon d'élever les enfants - si ce n'est le fait de les élever à la campagne dans certains cas ou de «manger macro-biotique» -, ni les objectifs écologiques - si ce n'est d'un point de vue général « non au nucléaire pour nos enfants ». 
L'intérêt de « non-parents» pour les tentatives parallèles s'est donc tout naturellement émoussé. 
L'absence de liens entre ces expériences, la totale ignorance de ce qui se passe ailleurs dans le secteur de l'enfance, l'absence de liaisons avec des tentatives socio-culturelles locales ou d'autres groupes, transforment souvent ces expériences en isolats de groupes parentaux qui constituent, à l'instar d'équipements très fermés, des microcosmes. Ceux-ci reproduisent à leur manière des phénomènes d'appartenance de groupe qui recodent, en termes familialistes, des tentatives bien souvent créées sur des objectifs de lutte contre le Familialisme ! 
Le problème à ce niveau est encore de savoir comment traiter concrètement avec un groupe, l'investissement que chacun peut faire des fonctionnements familialistes et comment cela se répercute sur le fonctionnement.
 
 

Apprendre à lire, une des «figures imposées» 

Poser le problème de la participation parentale nous semble d'autant plus important qu'actuellement personne - quelle que soit sa teinture politique ou son parti - ne remet en cause la « justesse» de la ligne participation des usagers). Le problème est donc de savoir comment la faire fonctionner; pour les expériences marginales entre autres la seule référence à la participation de parents et de non-spécialistes ne suffit plus à spécifier leur type de fonctionnement. 
C'est ici que la notion de réseau est importante car elle permet d'envisager une évaluation collective branchée sur l'ensemble des forces et des groupes vivants dans ce secteur particulier de l'enfance, de saisir les rap· ports de force et donc les lignes de fuite possibles pour chacune des expériences, chacune à son niveau, selon sa spécificité d'intervention et son mode d'existence propre. Nous y reviendrons. 
Mais il semble bien que l'isolat - imposé le plus souvent par des conditions économiques et culturelles - ne puisse que produire des ratés et risque d'exposer les tentatives les plus intéressantes aux pièges d'un assujétissement aux nouveaux codes du pouvoir de plus en plus miniaturisés. Les nouvelles tendances de prévention sociale tendent, en effet, à multiplier les contrôles sur les enfants et leurs parents dans les domaines jusque-là réservés à la vie privée. Et dans cette optique, la «participation parentale» est non sollicitée mais parfois imposée (pour le bien de l'enfant). Il faut donc bien savoir comment faire fonctionner la présence de parents ou de tous autres adultes « non spécialistes » (c'est-à-dire non éducateurs) dans les lieux d'enfance . 

- La mise en jeu d'autres composantes d'expression: 

Les structures actuelles se fondent sur une prédominance absolutiste, impérialiste de la langue écrite et de ses codes. Catherine Baker rappelle bien à ce propos les ambivalences et les angoisses des parents y compris dans les écoles parallèles. Le «barrage» social de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture (qui ouvrent d'emblée à l'assujétissement et à l'acceptation de tous les codes sociaux de déplacement, de hiérarchie, d'attitude, de comportements selon l'âge, le sexe, la race etc.) existe aussi dans ces écoles « autres ». Et il serait en effet étonnant, voire anormal, qu'il en soit autrement. 
Ce qui est nouveau dans le récit de Catherine c'est la franchise et la liberté de ton qu'elle adopte. Elle relate les doutes, les inquiétudes, sans toutefois tomber dans une dénégation triomphaliste de la question. « On essaie de voir » dit-elle en substance. Certains ayant été trop inquiets, ou estimant que les enfants voulaient apprendre à lire, ont demandé à une ex- permanente de venir faire lire ceux qui le désiraient. Tentative ... 
Certains parents ne s'en inquiètent pas pour l'instant, mais il n'y a pas eu de choix dogmatique, surmoïque, uniforme. Pourtant les tentatives « autres» : peinture, danse, musique - ont du mal à se développer, en tout cas pas assez au gré de Catherine Baker. Et pourtant, il y a là une ligne de fuite possible, hors du cadre des « figures imposées » du système. A suivre, fil non rompu. A expérimenter. 

- Travail micro-politique des adultes sur leur implication. 

Pour reprendre les termes employés par Gilles Deleuze et Félix Guatttari (Travail du groupe sur lui-même, sur son fonctionnement: cartographie de groupe. frontières mouvantes, errances, lignes de fuite). Ce dossier a le mérite de dévoiler un pan de ce domaine généralement secret: il évoque l'évolution du groupe, ses moments forts, ses périodes d'intensité créa· rive, ses ratés aussi, ses basses tensions, au bord parfois du découragement et de la rupture. 
C'est en effet à partir d'un tel travail vivant - et constant - que peuvent émerger peu à peu les ouvertures possibles, les potentialités nouvelles d'un groupe, qui le font éclater, bouger, évoluer et lui permettront d'échapper à la reproduction familialiste ou scolaire qui peuvent surgir à tout instant, y compris au sein d'expériences très radicales. Travail de longue durée - lutte continue - qui fait précisément la valeur des exemples cités. On reste un peu sur sa faim quant à l'histoire de La Barque, seulement esquissée, mais ce travail viendra, peut-être? 
 
 

Dès la maternelle, un contrôle 

Le questionnement partait d'un tout autre point pour moi: celui de la découverte de lieux inventifs, détendus, vivants avec des tout petits dans des institutions réputées « publiques » donc supposées d'avance «répressives». Nous avons rendu compte de ce coup de foudre et du lent et passionnant chemin de l'ouverture et de la mise en contact de ces lieux, de ces expériences (2). 
Ce que nous découvrions là c'était l'impossibilité pour les adultes d'évacuer totalement - malgré les carcans médicaux et psychologiques - le rapport pulsionnel à la peau, à l'odeur, à la chaleur des enfants. Les « taties » (le personnel) de crèche ne peuvent guère éviter ces intensités-là, de même que le cri, la faim, l'angoisse que l'on ne peut simplement réduire à une réponse parlée, du sens; un bébé ça échappe pas mal au «sens». Pour y faire face il a fallu qu'elles tâtonnent, qu'elles apprennent à faire, à vivre avec, à traiter les problèmes au jour le jour. Les théoriques assurances et scientifiques certitudes n'apportent pas grand chose dans ce domaine-là : il faut bien expérimenter avec son corps, sa propre chaleur, inventer dans le chancellement, l'hésitation vivante. 
Ce qui ne veut pas dire que toutes les crèches fonctionnent ainsi, mais que celles qui essayaient de comprendre leur pourquoi là-dedans, dans ce grouillement chaud et humide des bébés, eh bien elles expérimentaient autre chose, en partant de ça, de cette chaleur, de cette proximité distante des tout petits, de ce grouillement, agencement de groupe, de meute, de paquets. 
La maternelle marque une rupture décisive dans ce système dans la mesure où elle manifeste le passage à un autre ordre, à une autre logique. Il s'agit moins d'une«pédagogisation» que de la fabrication, de la production - par l'assujétissement de l'enfant - d'attitudes, de comportements, de rôles. C'est l'apprentissage de la différenciation entre certains « sentiments », certains rapports de forces, entre les domaines du corps et de « l'esprit ». 
L'enfant apprend à se mouvoir, à parler dans certaines conditions, à effectuer des choix dans ses occupations en fonction de critères qui manifestent le contrôle (de plus en plus miniaturisé) des différentes formations de pouvoir (médical, psychologique, social en général) sur lui. Qu'il apprenne en fait à tenir sa place (la notion de «territoire» si importante dans les écoles maternelles). 
Différents types de techniques vont être utilisés: le regroupement (les W.C. des filles et ceux des garçons, par exemple) ; la séparation - différenciation (les groupes par classes d'âges, les enfants des parents qui travaillent et les autres etc.), ce qui entraîne des conséquences sur la mobilité et la circulation des enfants, sur le partage de pouvoirs entre les différentes sortes d'adultes (les instit. et les «service»), sur les rôles respectifs des enfants selon l'âge et le sexe (3). L'enfant n'est pas encore à l'Ecole malgré l'encadrement très strict de son emploi du temps et de ses loisirs (4). 
La maternelle est donc un équipement collectif très particulier qui cherche moins à transmettre des acquisitions au sens strict, scolaire du terme, qu'à imposer des rituels, des réponses stéréotypées à des formes de situations (qui vont se reproduire tout au long de la scolarité). La mise en rang pratiquée abondamment dans les maternelles parisiennes, la réponse à la «cloche» qui évite la parole et encore plus le contact corporel, le fait de ne pas accueillir l'enfant mais de le pousser dans l'arène de la cour forme ultime et sauvage de « socialisation ». 
C'est en fait au moment précis du passage à la primaire que l'on s'aperçoit de la nécessité de cette maternelle bien entendu beaucoup moins répressive au sens traditionnel du terme: mais cependant nécessaire pour que l'enfant saisisse immédiatement et directement quelle est sa place individualisée à l'école; le type de conduite autorisé, les attitudes stéréotypées qui lui permettront de passer dans l'anonymat. On passe alors au primaire aux grandes manœuvres de la disciplinarisation. 
Pour que l'enfant accepte la dominance du code écrit, il faut qu'il ait auparavant abandonné le laisser-aller corporel, le mouvement, la chaleur, etc. Ce qui est le rôle de l'équipement collectif spécifique qu'est la maternelle. Il faut que l'enfant accepte de devenir pure main qui écrit, qui écrit sa soumission aux codes dominants. 

Certains se demanderont pourquoi s'intéresser aux écoles parallèles, il faut inverser la question et se demander comment peut-on ne pas s'y intéresser? 
 
 

Une école primaire à Paris. Quelques images

Le trou des cabinets à la « turque» terrifie: «Je ne peux pas faire pipi à l'école», «il n'y a pas de porte », « le trou est dégueulasse », « ma fille a fait dans sa culotte plutôt que de faire dans les cabinets », « un petit garçon a fait pipi dans la cour, la directrice l'a engueulé très, très fort, il a pleuré toute la récréation »

« On est toujours assis à la même place ». Ils sont rangés par ordre alphabétique, à quand les matricules? De toutes façons, cet ordre-là s'imprime déjà dans la peau. Dans la posture, le geste, le déplacement. 
« Je n'ose pas parler à la maîtresse, elle crie tout le temps ». Elle n'a pu lui adresser la parole que pour dire «je m'en vais». Pas de contact, pas de monde extérieur; ici c'est le livre de lecture et les mathématiques, on laisse à la porte le reste du corps, le rêve, les relations sociales. On n'est pas là pour rigoler. «Madame, il le faut, c'est ça l'éducation. C'est l'ambiance qui les fait pleurer» (une directrice de maternelle). «On ne saura jamais ce qui se passe dans leurs têtes», dira-t-elle en empoignant le môme (2 ans 1/2) qui hurle. 
«P., il a été puni, il voulait pas apprendre à lire, la maîtresse l'a laissé dans la classe pendant la récréation». Bon début, continuons le combat. .. Encore un qu'aura pas d'aptitudes, tiens pardi! Et l'angoisse des petits matins, réveils brusques à 6 heures, « est-ce que j'ai tout dans mon cartable, il faut acheter telle colle », et le carnet de « correspondance ». Merveilleuse invention - réduire l'échange à des phrases violettes pâles qui disent ce qu'il faut, ce qu'il ne faut pas («veiller à ce que les éponges soient mouillées avant le départ à l'école et que les crayons soient taillés» - on avait pourtant prévu un taille-crayon sur la liste avec réservoir pour ne pas salir ...) Liste qui s'égrenne de choses intolérables. 
Et on se tait ou alors on fout une bombe ou enfin on cherche une autre école où un minimum de parole soit toléré. Ça va finir par arriver, les enfants y ont déjà goûté, car il faut comprendre c'est que tout le monde y est pris dans cet agencement tordu, les instit.' en premier lieu soumis à l'inspection, pressurés pour donner des rendements (faut qu'ils sachent lire en trois mois ...), triturés par la compétitivité, guettés par le primaire, le C.E.S., le lycée, Polytechnique. Et c'est bien au C.P. que ça s'est joué, il n'a pas appris à lire comme il faut.
Etonnez-vous après que les instituteurs soient angoissés, qu'ils arrivent à ne plus voir, sentir les gosses, piégés qu'ils sont. C'est l'agencement de l'assujétissement. Les parents c'est pas mieux: les uns demandent plus de devoirs: «Pensez, avec le chômage, faut qu'ils travaillent»; une mère «C'est très dur le C.P., il faut les aider sans cesse»; elle a l'œil terne d'avoir tant travaillé elle-même, ne parlons pas du gamin. 

Un réseau 

Et les mômes, ils ont beau inventer esquives, dérobades et systèmes microscopiques de défense  (on n'ose pas penser jouissance), alors là il vaut mieux pas trop y penser, parce qu'on se mettrait à hurler! Alors, certains pourront s'échapper vers les écoles privées, expérimentales (5), moins encombrées, plus détendues (parfois plus modernistes) ou entamer des expériences marginales, parallèles. Et tant mieux. 
Je pense que chaque môme qui échappe même partiellement à ce système disciplinaire, concentrationnaire de la chaîne scolaire, tant mieux. Mais les autres, les milliers, ceux qui ont des parents qui les poussent, même s'ils en souffrent? Et, eux, les instit.' mal dans leur peau, et les gamins? Il me semble que c'est là que la question des écoles dites parallèles se repose, disons politiquement ou plus précisément à un niveau micro­politique. 
Car la dernière et non la moindre question, c'est celle du réseau. 
Comment produire un tel réseau, une fois ces histoires écrites, travaillées ensemble, les rencontres effectuées? Car comme le rappelle René Schérer, il ne peut y avoir d'investissement, « d'intérêt » que passionnel. que désirant (René parle de « greffes passionnelles »). Un réseau devrait lui aussi ne s'ébaucher que par greffe passionnelle, de proche en proche, éclaté sans cesse, rhizomatique (6). Car cette passion ne peut qu'être a-parentale, a­spécialisée, sans « but », sans « objectif ». 
Le problème n'est pas que des enfants deviennent papillons, merde ou biques, ou courant d'air pour quelque chose, mais simplement parce que les flux passent là, à tel moment, créent des événements à partir desquels les enfants, les adultes vont perdre leur « conscience de soi », leur propriété corporelle, pour muer, se transfigurer, fuir le système éternellement reproduit de la discipline et de la normalisation familialiste. « Tu es parent, tu es responsable. Tu es éducateur. Tu es enfant »
Dans un tel voyage le réseau devrait permeure des haltes, des rencontres et là des distinctions formelles entre «public» et «privé», parallèle ou étatique peuvent tendre à disparaître au profit d'une nébuleuse intensive d'expérimentations. Le réseau à la limite c'est chaque microcosme, chaque micro-unité qui essaie de désenclaver les enfants et elle-même, qui ne cherche pas à les adapter, mais à favoriser leur expérimentation, leurs connections, leurs agencemems propres, qu'aucune science ne peut définir ou délimiter. Travail singulier, pas à pas, incertain, chaotique, zigzaguant. 
Car le réseau ce n'est pas un dogme de plus, ou une nécessité idéologique, c'est véritablement la seule manière d'éviter l'étouffement des expérimentations, l'isolement qui peu à peu mène au découragement et l'épuisement des initiatives courageuses qui avancent toutes seules. C'est donc la seule issue positive et le dossier de Catherine constitue un espoir parce qu'il ouvre à des possibles. 
Car il existe des multitudes de parents qui refusent le système scolaire dans ce qu'il les touche directement, ainsi que leurs gamins. Des tas d'instituteurs voudraient inventer les moyens pour refuser le rôle de chiens de garde qu'on tente par tous les bouts de leur inculquer (7). Il est temps maintenant que tous se retrouvent, non pour dénoncer uniquement et attaquer les gens qui sont là (encore qu'il faudrait l'écrire, la quotidienne histoire de l'école (8), mais pour faire ensemble d'autres choses, radicalement différentes. C'est une véritable lutte de désir à mener sur tous les fronts possibles pour sortir tous ceux qui sont coincés, piégés, englués dans la logique normalisatrice et familialiste des carcans scolaires. 
Créer des zones de vie, des aires transversales de fuite, d'échappées, des voyages, des rêves. Important ça de rêver avec des enfants, qui y pense ? Comme c'est important de bouger, de se déplacer, nouvelles intensités à expérimenter. Et il y a plein de gens partout - et quel que soit leur «statut» - femmes de service, instit', enfants, parents, non parents, pour le tenter entourés, débordés, noyés, par les grouillements chauds d'enfances de plus en plus présentes. 
Le travail de Catherine constitue une ouverture à saisir aussi, il fait gamberger non sur des dogmes, mais sur des issues positives possibles. J'en suis et vous? 
 

(1) A ce propos voir: C. Deleuze el F. Guattari, « Kafka. Pour une littérature mineure», Ed. de Minuit, 1975. G. Deleuze et F. Guattari, « Rhizome» Ed. de Minuit, 1976. F. Guattari, «La Révolution moléculaire»  Encres, Ed. Recherches, 1977, 49, rue Dalayrac - 94120 Fontenay-sous-Bois. (Notamment « Pour un micro politique du désir »)
(2) « Babillages .. Des crèches aux multiplicités d'enfants », par Liane Mozère et Geneviève Aubert, in Recherches n° 27, mai 1977,49, rue Dalayrac - 94120 Fontenay-sous-Bois. 
(3) Les femmes de service sont affectées aux besognes de «préparation» pour les activités de la classe - découpages, collages, etc., mais remplissent un rôle très spécifique notamment dans leur rapport au corps de l'enfant. Elles sont préposées au pipi-caca et aux manipulations corporelles (câlins dans un cas, répression corporelle dans l'autre). Le plus souvent, ce rapport au corps de l'enfant est très strictement lié au contrôle sphincterien - le pipi à l'école est cause de renvoi et on cite dans les écoles de nombreux cas de brimades: la tête sous la chasse d'eau pour une culotte mouillée. 
(4) La maîtresse est tenue de respecter un emploi du temps qui corresponde à des acquisitions prévues dans ce programme très souple: y compris les jeux sont organisés en fonction d'acquisitions très précises: le rapport à l'espace, le rapport aux autres dans un ordre défini. 
(5) Une petite fille ayant ainsi trouvé refuge dans une école dite expérimentale dira « là, on peut travailler. Le maître ne crie pas; il nous parle et on peut bouger.»
(6) G. Deleuze et F. Guattari: « Rhizome », Ed. de Minuit, 1976 
(7) De nombreux «antipédagogues» ont déjà réfléchi à cela: de Freinet à l'équipe de Fernand Oury; le problème actuel est semble-t-il de «déscolariser» la question afin que se rencontrent à ce propos - l'école - taties de crèches, concierges, parents, adolescents, adultes, enfants, institutrices et instituteurs, psychologues, passants. Afin de faire autre chose que de sauver (encore une fois) l'Education nationale. L'État y suffit à la sauver et à la sauvegarder. Fuyons ailleurs ensemble ! 
(8) Voir à ce propos la remarquable étude sur l'histoire de l'Ecole primaire réalisée par Anne Querrieu, L'Ensaignement

ED. 2008 DU GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |