Archives
(1978)
n°
13 - avril 1978 - 49 fr
Alors,
on n'a pas école aujourd'hui?
Faire
bouger Goliath,
par
Henry Dougier
Ces pratiques
alternatives: un modèle?
Des
« lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par
Catherine Baker, Jules Chancel
Cinq expériences,
cinq itinéraires
-
La Barque, comme le nom l'indique
-
Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs
-
Le Moulin des souvenirs
-
L'Ecole en Bateau à contre-courants
-
Le projet Jonas,
Jonas-en-Corrèze
: un réseau
D'autres lieux
Mais
qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par
Catherine Baker
-
La Roulotte
-
L'Ecole et la Ville
-
Le groupe de Houilles-Argenteuil
-
Terrevigne en Beaujolais
-
Belbezet
-
Le Har
-
La Commune
-
L'A.C.C.E.N.
Critiques et
réponses
Attaques
... et hésitations ...
Parades
... et auto-critiques
Deux
bilans :
«
Attention Ecole », 73-74
«
La Mosaïque », 75-76
Une «
théorie»
Où
il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ...
mais de politique!
par
Jules Chancel
Face
à face, l'enfant et l'adulte
Confrontations
Plusieurs
silences bien gênants !
(Guy
Avanzini)
Je
demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury)
Prendre
la tangente
(Fernand
Deligny)
Une
alternative?
Non,
une reproduction du système scolaire (Etienne Verne)
La
longue marche des innovateurs
(Louis
Legrand)
Vitruve,
une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue
Vitruve)
Le
lieu central de lutte, c'est l'école publique !
(Jacques
Guyard)
Comment
enclencher sur le milieu populaire ?
(Bernard
Defrance, Louis Caul-Futy)
«
L'initiation » plutôt que la pédagogie (René
Schérer)
Ecoles
parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux (Liane
Mazère)
BRITISH
WAY OF LIFE
Le "modèle"
anglo-saxon, libéral ... et blairo-socialiste...
ÉCOLES
ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit
compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre
par le gouvernement travailliste..
Royaume-Uni
: L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur
unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination
à l’encontre des élèves pauvres.
Directeur
d'école en Grande Bretagne :
« Le métier
a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression,
on nous demande plus de résultats. »
Deux
fois plus d’enseignants sont partis en retraite
anticipée au cours des sept dernières années.
35%
des élèves de 11 ans ne savent pas lire.
Un
ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.
Ecoles
publiques fermées aux pauvres. Un rapport émis
par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants
du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité
des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions
de "sélection" d’élèves sont organisées, durant
lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".
Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants
dans l’école de leur choix. En écartant les élèves
issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent
rehausser leur taux de réussite aux examens.
Selon
l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs
résultats au monde :
FAUX !
...
& Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.
Les
écoles anglaises pourront être gérées par des
"trusts".
L’école
britannique livrée au patronat. En mars 2000, le Conseil
européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif
à la politique de l’Union en matière d’éducation de
produire un capital humain rentable au service de la compétitivité
économique.
Le
créationnisme aux examens.
"BAGUE
DE VIRGINITE" : Une
adolescente anglaise, fille d'un pasteur
évangélique, perd son procès en Haute Cour.
Grande-Bretagne
:
l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire
Grande-Bretagne
:Les
sponsors au secours de l'école
Empreintes
digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni
réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création
d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.
Naître
et grandir pauvre en Grande-Bretagne est encore plus pénalisant
que dans d’autres pays développés.
Un demi-million de «sans-logement». A
Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.
Un
demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".
«tolérance
zéro» et conditions de détention intolérables.
Plus
de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.
«Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est
l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»
Les
frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent
les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.
De
plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie
du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.
Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour
jouir d'une vie meilleure
Les
jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs. Difficulté d'
acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence
des services publics, en particulier les transports et le système
de soins.
M.
Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français
:«
Je suis un socialiste britannique »
Londres,
paradis des milliardaires.
Selon
des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale : « Au Royaume-Uni,
les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes
du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria,
et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la
Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»
Grande Bretagne : premier
pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.
Les
Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.
De
plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool.
Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop
bu a augmenté de 20% en un an.
Beuark.
Ségolène
Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.
AMERICAN
WAY OF LIFE... |
Archives (1978)
La longue marche des innovateurs
Louis Legrand
Directeur de Recherches
à l'Institut National de Recherches Pédagogiques.
Il n'est plus personne pour nier
les défauts croissants de l'école officielle. C'est devenu
peu à peu un univers clos, lieu de la sélection intellectuelle,
mettant en œuvre de façon quasi exclusive des activités verbales
et formelles. Chemin faisant, et par le jeu naturel des critères
utilisés, elle est devenue un lieu de sélection el de reproduction
sociale, masquant sous les apparences de la démocratisation (une
même école pour tous) une ségrégation plus nocive
encore qu'autrefois puisqu'elle impose désormais par le jeu de tris
successifs ce qui se réalisait, spontanément et par la volonté
des parents eux-mêmes, par le choix volontaire d'écoles séparées.
Par ailleurs, et pour les mêmes
raisons, cette école évacue tous les objectifs éducatifs
généraux: l'activité artistique, la créativité,
l'épanouissement affectif personnel et socialisé, l'ouverture
à la réalité environnante, bref tout ce qui pourrait
et devrait être le substrat d'une formation globale équilibrée
préalable à tout progrès proprement intellectuel.
La barrière des contenus
Devant cette situation de nombreux
innovateurs ont depuis longtemps déjà essayé de réagir.
Nombreux est un terme probablement excessif, compte tenu du très
faible pourcentage que représentent ces pionniers par rapport à
la masse des enseignants. Ces innovateurs se sont constitués en
« mouvements » dont les plus connus sont, en France, le Mouvement
Freinet et le Groupe français d'Education nouvelle. Ces mouvements
agissent dans le cadre de l'école officielle qui les tolère
jusqu'à un certain point. Freinet lui-même a été
autrefois exclu de l'enseignement public et de loin en loin quelque scandale
rappelle qu'il n'est pas bon d'être trop déviant dans l'Education
nationale.
En réalité, l'exploration
de ces limites fait très nettement apparaître que le système
officiel, et les parents qui le confortent, acceptent la modification des
méthodes mais en aucun cas celui des contenus reconnus dans les
examens et a fortiori l'affirmation d'objectifs divergents. La barrière
des contenus est d'ailleurs un excellent révélateur des fonctions
de sélection sociale dont nous parlions plus haut.
Il convient d'ailleurs d'insister
sur le fait que ces mouvements sont des mouvements pédagogiques
qui se sont développés à l'intérieur de l'école
et qui n'associent les parents que de loin comme un peuple à éduquer
lui-même et, à la limite, qu'il convient dans une certaine
mesure de neutraliser ou de bousculer. Cette situation conflictuelle latente
résulte du fait que les fonctions sélectives de l'école
sont admises et même revendiquées par la plupart des parents
qui y voient un moyen de promotion sociale lorsqu'ils sont en mesure d'en
comprendre le mécanisme. Le plus démunis n'y comprennent
rien et subissent le système comme un fait naturel inéluctable.
Un certain nombre d'innovations
officielles ont systématisé ces orientations pédagogiques
en essayant de raffiner les méthodes et des dispositions institutionnelles,
en cherchant également à associer étroitement les
parents non seulement par la recherche d'une neutralité bienveillante
mais encore par l'association de certains d'entre eux à l'activité
pédagogique. Mais cette association reste encore marginale, l'essentiel
demeurant l'enseignement des contenus intellectuels reconnus par le système
ambiant. Par ailleurs les parents associés appartiennentsouvent
à la classe petite-bourgeoise et cette association porte précisément
sur ce que ce système et les enseignants minorent, c'est-à-dire
les activités physiques, manuelles, artistiques.
Enfin et surtout, les évaluations
qui ont pu être faites ont montré jus· qu'ici que ces
innovations améliorent grandement le climat de l'école mais
n'apportent aucun changement in fine au destin des plus démunis
qui se retrouvent pénalisés à la sortie du système
innové.
De telles constatations conduisent
à douter sérieusement des chances de l'innovation pédagogique
lorsqu'elle prétend mettre en cause les fonctions sociales d'une
école sécrétée par la société
qui l'environne et qui la porte. Une société fonement hiérarchisée,
dont le moteur est la compétition économique et l'ossature
une superstructure technique de plus en plus isolée et jalouse de
son pouvoir, ne saurait admettre une école qui cherche l'égalité
des citoyens et le bonheur immédiat de l'enfant.
Une contestation ... avec filet
Que valent, dans ce contexte, les
essais d'écoles parallèles?
Leur caractère spécifique
est manifestement dans leur origine. Alors que les innovations précédemment
décrites sont issues des enseignants, celles-ci sont d'origine parentale.
Comme telles, elles peuvent paraître échapper aux limitations
dont souffrent toutes les tentatives conduites dans le cadre de l'école
officielle et permettre le développement systématique des
objectifs généraux hors de toute contraintz institutionnelle
et offrir peut-être un modèle de généralisation.
Nous pensons quant à nous
que c'est là une illusion. Voici nos raisons.
Ces écoles sont créées
par des parents ayant acquis une conscience aiguë du décalage
entre d'une part leurs aspirations et leurs conceptions et d'autre part
les valeurs incarnées par le système officiel. Par ailleurs
ils ont les possibilités matérielles et les capacités
intellectuelles nécessaires à l'organisation de ces micro-institutions.
De là découlent des
biais qui rendent impossible toute généralisation.
Et tout d'abord il serait souhaitable
d'observer avec objectivité ce que deviennent les enfants ainsi
éduqués et dans quelles conditions ils parviennent à
s'insérer dans la société au terme de leur formation.
Nous pouvons émettre comme hypothèse qu'ils y parviennent,
mais finalement de la même façon qu'y parviennent tous les
enfants issus des classes favorisées malgré le régime
scolaire auquel ils sont soumis. La poursuite d'objectifs non strictement
scolaires, est toujours possible pour la classe bourgeoise, et ce, en dehors
de l'école.
L'école parallèle
systématise cette possibilité en éliminant le temps
perdu à l'école officielle dans des activités verbales
rituelles qui, pour les enfants considérés, peuvent être
finalement très facilement réduites, voire même supprimées.
Le temps ainsi récupéré est alors plus utilement consacré
à l'épanouissement personnel et à l'acquisition d'une
véritable culture.
Par ailleurs la situation sociale
de ces parents permet en tout état de cause de « travailler
avec filet ». Le refus du système ambiant est sans risque
dans la mesure où son acceptation de fait reste finalement sous-jacente
et efficace par l'appartenance à une c1asse sociale privilégiée
qui trouvera toujours les canaux d'une insertion sociale. La société
contestée est cependant acceptée en fait et vécue
comme telle, même avec mauvaise conscience.
Bref, l'école parallèle
de masse n'est pas pour demain. Les solutions aux problèmes d'une
école sélective et réduplicative sont étroitement
liées à la transformation politique du système social
et cette transformation, qu'on le veuille ou non, ne passe pas par l'école.
Nous admettrons cependant que ces essais peuvent être utiles dans
la mesure où ils explorent des voies nouvelles qui devraient inspirer
les politiques éducatives à venir et leur éviter la
persévération sous d'autres formes et dans d'autres contextes
politiques des erreurs persistantes d'une école impositive et bureaucratisée
.
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