alternatives éducatives : des écoles, collèges & lycées différents
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I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I
 

école autrement, école alternative, école différente, collège lycée innovant, expérimental ...
2018 ?                                       ... 2118 ?
Une autre école est-elle possible?

Pour, dans, une autre société ?
... on peut tout de même très légitimement se demander si le ministre est bien vraiment toujours - et sera encore - celui de l'éducation, et ... «nationale» ?
Ou celui des multinationales ?
Et de quel type d'«éducation», d'«école», celles-ci ont-elles besoin: Pour quel type de «société» ?

«Possible» ?!      On peut aussi faire pire : c’est en cours.
Mais un jour, le paysage sera redessiné, le puzzle sera terminé et tout le monde n'y aura vu que du feu.



Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable, l'état des toilettes, le créationnisme...
 

FRANCOISE DOLTO
& L'ÉCOLE DE
LA NEUVILLE

"montrer que prendre le risque de faire l'école autrement n'en n'est pas un.
C'est en effet, prendre un bien plus grand risque encore, parce qu'il s'agit d'enfants,
de continuer à appliquer des méthodes dont on connaît les limites et la nocivité."


Prochaine Journée Portes Ouvertes

La Neuville organise régulièrement des Journées portes ouvertes.

Ces journées sont destinées aux éducateurs, aux enseignants et aux professionnels de l'enfance qui souhaitent découvrir le projet neuvillois, rencontrer les enfants et les adultes pour échanger sur le travail que nous faisons ici.

La prochaine de ces journées aura lieu en Mai 
(un mercredi après-midi)

Pour connaître la date de cette journée et recevoir une invitation, 
merci d'écrire à :
Ecole de la Neuville - Mme Fabienne d'ORTOLI
1 rue du Château - Tachy - 77650 Chalmaison

Attention
Si vous êtes parent ou responsable d'un enfant, désireux d'envisager une inscription à la Neuville, cette journée ne vous est pas destinée ! 
Merci dans ce cas d'adresser un courrier à Mme Fabienne d'ORTOLI.

 

  L'ÉPI : ouverture en sept. 2004

 
LA PÉDAGOGIE INSTITUTIONNELLE
(Extraits du chapitre "Pédagogie Institutionnelle"
du Guide-annuaire des écoles différentes)
 

 En 1923, Célestin Freinet, instituteur et militant, veut changer les mentalités par l'école, et ouvrir l'école sur la vie. En fait, il a compris que les situations, autant que l'intelligence, permettent d'apprendre.
 Ses élèves correspondent, et échangent avec d'autres classes, pour s'informer, informer les correspondants, pour construire des compte-rendus; ils circulent et proposent, inventent et disposent, avec le maître, de l'expression libre au conseil. Ce sont des "techniques de vie" pour apprendre en groupe, nous dit Freinet.

 Fernand Oury, instituteur "des villes", rencontre Freinet en 1949, et comprend très vite la portée psychologique (mentale) et psycho-sociologique (groupale) des techniques de vie active en classe. Avec Jean Oury, psychiatre lui-même investi d'une certaine façon dans la pédagogie, mais cette fois-ci en hôpital, ils proposent de nommer "Pédagogie Institutionnelle" cet approfondissement de la pédagogie Freinet par l'éclairage des sciences humaines et des techniques de groupe.
Ainsi les techniques Freinet peuvent-elles être entendues comme des techniques "institutionnelles" restructurant le milieu-souche de vie, pour apprendre, mais aussi pour éduquer, voire pour soigner.
 Cette pensée qui ne sépare pas les structures, les méthodes, les personnes, peut être transposée, comme nous l'avons fait, en internat et maison d'enfants, dans l'animation de quartier, en réseaux éducatifs et ...en école de formation.
 

Jacques PAIN.
Directeur du Dpt Sciences de l'Éducation à l'Université Paris-X
 
 
 
L’ÉCOLE DE LA NEUVILLE
& LA PÉDAGOGIE INSTITUTIONNELLE


(Intervention de Fabienne d’Ortoli et Michel Amram, devant les invités de la « 1° Journée de la Pédagogie institutionnelle », organisée conjointement par les Éditions Matrice et l’association École de la Neuville au château de Tachy, en avril 1994).

Il arrive qu’un mouvement pédagogique, sans l’avoir vraiment souhaité, retrouve ses outils saisis pour une extension non prévue par ses fondateurs. Quand ce mouvement se prête aussi peu à l’improvisation que la Pédagogie Institutionnelle, le fait est - sans doute - plus rare.
C’est pourtant ce qui s’est produit lorsqu’en 1973, trois jeunes gens se sont installés à la Neuville-du-Bosc, en Normandie, avec un projet dans lequel les travaux de Fernand Oury occupaient une place signifiante.
Comment cette tentative allait-elle évoluer ?
Nous étions alors en plein dans le débat d’idées qui suivit Mai 68 et bien des initiatives tournaient autour de l’Education sinon de la Pédagogie.
On sait ce qu’il est advenu de la plupart de ces entreprises, elles ont fait trois petits tours et puis sen sont allés ou bien elles sont rentrées dans le rang et ont revu leurs ambitions à la baisse ou bien encore elles ont suivi une autre mode.
L’Ecole de la Neuville, elle, est encore là, après plus de vingt années de fonctionnement et s’est vu offrir l’honneur de recevoir dans ses murs, les invités de la Première Journée de la Pédagogie Institutionnelle.

La journée de la P.I.
Lorsque Jacques Pain nous a parlé pour la première fois de cette rencontre, il nous en a donné la date, le samedi 23 avril. Cela situait la manifestation durant les congés scolaires de Printemps. Nous n’avons pas réagi tout de suite. Pourtant, aujourd’hui, il nous paraît curieux que cette journée ait lieu sans la participation des enfants de la Neuville puisque c’est à eux qu’incombe, traditionnellement, la responsabilité de présenter l’école, de la faire visiter, de donner les explications pédagogiques aux visiteurs.
Ce sont les enfants inscrits à l’Atelier de cuisine qui auraient préparé le repas, ce matin, et nous l’auraient servi.
Dommage ! Cela aurait permis aussi d’alléger les commentaires que nous allons vous proposer car ce vous auriez vu, nous n’aurions pas eu à vous le dire.
En tout état de cause, comme il vous faut patienter encore un petit peu avant le repas, parlons du rôle des enfants à la Neuville.

La journée des enfants.
Les enfants auraient-ils pu s’organiser seuls pendant cette journée ? Il existe une journée particulière qui ressemble à un jeu de société et qu’on appelle « La journée d’Enfants ». Inventée pour fêter Mardi Gras, un peu comme au Carnaval, la journée des fous où les rôles sociaux étaient échangés. A cette différence qu’ici ce sont les enfants qui font l’école, pendant une journée, tout seuls.
Au fil des années, la formule a évolué. Au début, les adultes intervenaient plus ou moins souvent en faisant les pitres.
Paradoxalement, c’est sous l’influence des enfants que cette pratique pédagogique farfelue est devenue très sérieuse et particulièrement populaire. Comment faire l’école, durant une journée, le plus possible comme d’habitude et même en innovant dans le sens de l’institution ? Comme un défi.
Reprenons avec la répartition du matin où les adultes viennent annoncer qu’ils ne seront pas là aujourd’hui. Chacun sait qu’ils ne s’en vont pas réellement, et qu’en cas de nécessité, on pourra les trouver, en Réunion, dans un petit bâtiment à l’écart.
Les enfants les plus responsables ont déjà préparé l'événement et proposent une organisation de la journée à l’ensemble du groupe d’enfants.
Ils commencent par faire cours, entre élèves de la même classe. Sans autre support que l’organisation habituelle parce que chaque groupe est rôdé et qu’il a son fonctionnement quotidien pour référence. Dans un deuxième temps, après la récréation, ce sont d’autres élèves, plus grands qui interviennent. Ils racontent ce qu’ils ont appris depuis qu’ils ont quitté cette classe, proposent à partir de cet exposé, enquêtes, jeux, essaient d’intéresser les plus jeunes. Après la classe, c’est l’heure des sports, tandis qu’un groupe s’active pour préparer le repas. Il y a ce jour-là encore plus de monde en cuisine que d’habitude parce que ça fait fête. Les enfants mettent un point d’honneur à ce que ce soit particulièrement réussi. Ils font, bien sûr, un gâteau. La salle à manger est décorée, fleurie. Des menus imprimés.
Ils mangent, débarrassent, font la vaisselle, comme chaque jour. Puis, ils se dispersent dans les différents ateliers : cuisine, aménagements, imprimerie, informatique, théâtre, jeux, etc.

L'imprimerie à La Neuville.

Puis ce sera l’heure de l’épicerie, boutique autogérée où les enfants peuvent acheter toutes sortes de friandises, et enfin les postes où chacun exerce son « métier » : il y a ceux qui rangent, balaient, nettoient, ceux qui réparent, ceux qui aménagent. Ainsi l’école est entretenue par ses usagers.
La journée se termine par une Réunion permettant de faire le bilan, de dire ce qui s’est bien et moins bien passé. Les plus jeunes pourront râler car certains auront abusé et tout ne se sera pas passé comme prévu. Les plus Anciens, eux, pointeront, ce qu’il leur aura paru réussi par rapport aux éditions précédentes, les difficultés qu’ils ont rencontrées et feront des propositions pour que ça se passe mieux la prochaine fois.

La Journée d’Enfants se passe le plus souvent de façon optimale. Parce que les enfants, année après année, souhaitent reprendre à leur compte les traditions, se les approprier. Les plus anciens parmi eux, ceux qui dirigent la journée, en ont connu un certain nombre déjà. Ce qui les intéresse, cette fois-ci, c’est que c’est à eux qu’incombait la responsabilité d’en faire un événement. De façon générale, ça marche bien parce que chacun, soit par solidarité, soit par jeu, se comporte mieux qu’à son habitude.
Il faut prendre cet exemple seulement pour ce qu’il est. La Journée d’Enfants n’est qu’un jeu, un exercice de style. Même s’il est toujours aussi intéressant de constater, une fois de plus, que les possibilités des enfants et leurs capacités à se prendre en charge sont presque illimitées. Mais pas n’importe où, pas n’importe comment.
Il n’est pas question de faire occuper aux enfants, excepté ponctuellement, un statut autre que celui d’enfant qui est le leur et qui est bien assez difficile comme ça. De même, s’il est utile parfois que les plus costauds d’entre eux se rendent compte de ce qu’est le travail des adultes, il n’est pas nécessaire que cela se prolonge outre mesure. Ils finissent d’ailleurs la journée très fatigués, et voient avec plaisir les adultes reprendre leurs fonctions.
Précisons, enfin, qu’une telle activité ne peut se dérouler ailleurs que dans un groupe où les enfants sont déjà rodés à prendre toutes les responsabilités qu’implique une telle expérience. Diriger un cours, un atelier, une activité sportive, préparer un repas ou présider une réunion.

Organisation communautaire et rôle des enfants.
En dehors d’exemples extrêmes comme celui-ci, le fonctionnement quotidien de l’école laisse une très grande place à la participation des enfants tant aux niveaux des tâches matérielles quotidiennes à effectuer dans un internat qu’au niveau des responsabilités, des décisions, notamment en raison du nombre restreint des adultes.
Cela paraît simple, presque évident, ça fonctionne et c’est même très efficace ..
L’utilisation des espaces temps et lieux obéit à un schéma très souple mais dont les structures sont immuables. Les cours occupent les matinées. Les activités physiques, les ateliers, les réunions occupent le reste des journées. Une quarantaine d’enfants passent la semaine à la Neuville, encadrés par six adultes.
Tout au long des journées, dans les différentes activités, qu’ils soient seuls ou avec des adultes, les enfants occupent les lieux, circulent et investissent les différents terrains qui sont autant de chances de réussite pour chacun, l’occasion de se construire, de trouver sa place dans le groupe. Non pas au hasard mais suivant les règles du jeu que sont les lois de l’école, des lois dont ils sont responsables parce qu’ils les discutent, les comprennent et les votent eux-mêmes lors des réunions à partir des mots consignés dans le Carnet et que les jeunes appellent les râlages.
La place laissée aux enfants, par nécessité d’abord : nous n’étions que trois adultes; par conviction ensuite, ne cesse de s’accroître depuis les débuts de l’école, ainsi que les responsabilités qui leur sont confiées. Les enfants, quand on les aide à s’organiser sans être jaloux du pouvoir qu’on leur confie, peuvent devenir les alter ego des adultes. Ensemble, ils constituent une équipe pédagogique unique si l’on tient compte qu’il n’en existe pas moins une importante disparité de statut entre les enfants et les adultes. A chacun son rôle.
Par leur connaissance pratique et théorique de la pédagogie du lieu, les enfants ont celui d’être les principaux formateurs de ceux qui arrivent tous les ans à l’école y compris les adultes nouvellement intégrés à l’équipe pédagogique.

Qu’est-ce qu’un milieu éducatif ?
Mais alors, si les enfants sont des formateurs, que fait-on dans cette école ? Makarenko répondrait : « On soigne le milieu ». Et ce milieu éducatif, qu’est-ce que c’est ?
- Des institutions, c’est-à-dire des structures, lieux de parole et de décision mais aussi d’action.
- Des outils, des techniques donc des moyens mis au point dans le but de permettre l’apprentissage, la réflexion, l’évaluation.
- Et une ambiance qui est quelque chose qui tient de la tradition mais aussi de la transmission de ces us et coutumes et de ces savoir-faire. Ceci relève de ce que les Neuvillois appellent, entre eux, l’esprit de l’école.

LA REUNION A L'ECOLE DE LA NEUVILLE

La Réunion est l’une de ces institutions, la principale. Le Carnet est un outil. Le sablier est aussi un outil, mais il participe davantage de cette tradition dont nous venons de parler.
Tout comme les photos qui couvrent les murs et les couloirs de l’école. Celles qui sont dans la salle de Réunion évoquent une partie de son histoire mais aussi l’actualité, les projets immédiats. Le départ pour la classe de découverte est dans quinze jours et la comédie musicale est un spectacle que nous jouerons au mois de juin.
Nous sommes dans la salle de Réunion de l’Ecole de la Neuville..
Le vendredi après-midi, le président qui est toujours un enfant s'assoit où nous sommes. A côté de lui, l’arbitre, un adulte, l’aide à gérer notamment les questions de temps et le classement des mots par rubriques.
L’ensemble des enfants et des adultes a pris place dans la pièce formant un large cercle et va débattre pendant près de trois heures des événements de la semaine. Chacun pourra trouver une occasion de dire ce qui va et ce qui ne va pas à partir des mots consignés dans le carnet.
Mais avant que la Réunion ne commence, le président va aller chercher la clochette qu’il va faire tinter, puis il va dire : « Nous allons faire une minute de silence », et il va retourner le sablier.
Et toute la salle regarde le sablier, instrument dont la fonction à la Neuville a été trouvée en collaboration avec Françoise Dolto lors d’une des séances de travail pendant lesquelles nous abordions toutes sortes de sujets. Avec elle, nous racontions l’école.
Elle écoutait, évoquait des anecdotes, des cas, nous demandait des précisions. Nous décrivions avec beaucoup de détails ce qui avait été mis en place, parlions des difficultés que nous rencontrions avec certains enfants. Mais pour l’essentiel, nous étudiions avec elle, les discours qui se tiennent en Réunion, le pourquoi des comportements, le fonctionnement des institutions.
La nécessité de questionner et de verbaliser notre travail constituait le plus souvent comme on s’en doute, l’un des éléments essentiels, de la réponse à chercher.
Elle avait une manière bien à elle de pointer nos erreurs ou contradictions, en nous rappelant, souvent en nous apprenant, très finement, que nous n’étions pas forcément sur la bonne route.

Cette forme de travail ensemble, sorte de contrôle pédagogique, ni elle, ni nous, n’avions eu l’idée de la pratiquer de façon systématique avant les dernières années de notre collaboration. Nous poursuivîmes cette expérience aussi longtemps qu’il fut possible.
Plus tard, nous avons repris ce travail sous une forme différente, mais avec une réussite similaire avec un autre psychanalyste dont l’apport, dans un style différent et selon d’autres modalités, vint compléter et enrichir ce qui avait été révélé par cette façon de faire. Il ne nous paraîtrait plus pensable de nous passer d’un tel appui.

La minute de silence est finie et le président commence à lire les mots. On parle de ce que l’on a mangé, du ciné-club, des sports, on donne des informations, on fait le point sur les publications, les spectacles, on débat sur les propositions de la semaine et l’on vote, éventuellement, pour la ceinture d’un enfant. Puis on en vient aux infractions et aux conflits.
Le président donne la parole à celui qui a écrit, puis à celui ou ceux qui sont mis en cause, aux témoins, à ceux qui ont des commentaires ou des propositions à faire, des sanctions à proposer, des modifications de réglement à soumettre.
Ces réflexions individuelles mises en commun ont permis que s’élabore une communication d’autant plus fructueuse que ce sont forgés les mots et les expressions qui vont venir enrichir les moyens d’expression de chacun et constituer un langage propre au lieu et au groupe.
Avec en tout premier lieu ce que les enfants appellent le râlage et permet à chacun de dire vite et fort ce qu’il veut et ce qu’il n’accepte pas.
La force de ces mots inscrits dans le Carnet est telle qu’elle a donné à la Réunion sa raison d’être mais aussi le pouvoir d’instituer, de créer une loi communautaire. C’est le recours à la médiation, à la triangulation, moi, les autres et l’école.

Je râle contre ...
« Je râle contre ...» : c’est par ces mots que la plupart des enfants commencent à parler le neuvillois.
Je râle contre ... est l’un des symboles du droit à la parole des enfants à la Neuville.
C’est pourtant d’abord l’expression de la certitude de l’enfant qu’il sera écouté, entendu lorsqu’il portera l’incident, dont il veut faire part, au groupe en Réunion.
Je râle contre... est la manifestation par un individu qu’on a porté atteinte à sa dignité d’être humain. Et même s’il s’agit d’une petite chose. Les enfants manifestent ainsi que le manquement au respect de chacun commence avec la plus petite offense, même involontaire, que l’on laisserait passer sans manifester.
La Réunion, le Président, sont très vigilants à propos de cette infinité de petits râlages même si, très souvent, on rigole aux énoncés, aux intonations, aux exagérations parfois comiques de celui qui s’explique.

Il faudra du temps à un enfant pour comprendre que dans bien des cas, il pouvait laisser passer. S’apercevoir que l’agresseur n’est pas encore capable de discerner les dommages qu’il cause, est un long apprentissage. Pour bien des enfants, si ces râlages (écrits par lui ou contre lui, selon les cas), n’avaient pas eu lieu, ce second stade où se développe sa tolérance n’aurait jamais existé.
Car si « je râle » c’est se plaindre, c’est aussi s’opposer aux autres, au groupe, pour affirmer : j’existe. Et j’existe contre les autres,parce que je m’oppose à eux ou à certains d’entre eux. « Je râle », c’est l’apprentissage de la vie en Société. Je vais au Carnet. J’écris. Et j’attends. J’ai confiance dans le fait que ce qui est à dire sera dit.
J’écris, et souvent je dois apprendre à écrire pour cela. Au début, mon parrain me fera des modèles que je copierai et que je signerai de mon nom. En voilà une vraie motivation pour acquérir cette technique dont les bienfaits futurs sont encore incertains.
« Je râle », c’est aller au Carnet, et non vers un adulte. Ce n’est pas solliciter l’intervention des défenseurs de la loi. C’est recourir à une médiation et obtenir le droit légitime de s’exprimer devant une institution dont c’est la fonction.
Je râle, c’est poser la question : Quelle est la loi ? Qui fait la loi ? C’est évoquer le pouvoir, les droits et les devoirs de chacun.

A la proposition « Je râle », il n’existe pas de réponse simple. La réponse est complexe, comme la vie. Et l’enfant le comprend bien. Et s’il paraît se contenter d’une sanction ou d’une réparation à l’encontre de l’autre, ce sont d’abord et surtout les mots qui ont été dits, l’opinion de la Réunion qui restaure son individualité abîmée.
L’important est d’établir, dès la première fois, dès le plus jeune âge, l’idée qu’interpeller l’autre est un acte sérieux et même grave que l’on ne peut prendre à la légère.
Que celui qui a éventuellement tort, est respectable, estimable.
Que si l’acte dont il est question est contestable, cela ne ne fait pas de l’individu un agresseur, de celui qui a cassé, un casseur, de celui qui a volé, un voleur.
La critique du comportement nécessite une vigilance de la part de tous dont il sera d’autant plus aisé de comprendre la nécessité que tous en ont besoin, non pas un jour ou l’autre, mais chaque jour et à chaque moment. Car elle établit que chacun a son statut, sa place dans le groupe.
Chacun est le garant du respect dû aux autres membres du groupe parce que cette garantie est indispensable pour être là, lui-même, en toute sécurité.

Ecrire dans le carnet.
Ecrire le mot dans le Carnet, c’est porter à la connaissance du groupe qu’il s’est passé quelque chose dans l’école et que cela concerne tout le monde.
La médiation du Carnet a plusieurs effets : calmer celui qui est mécontent, relativiser ce qui vient d’arriver (car le Carnet dans lequel il écrit est rempli d’incidents de ce type : preuve que cela n’a rien d’extraordinaire), permettre d’attendre en toute confiance que l’on en parle.
D’où la nécessité d’un lieu de parole et de décisions relié à ce Carnet : le carnet ne pourrait exister dans un lieu où il n’y aurait pas de Réunion, car il est basé sur le fait que tout cela est possible, exprimable, évacuable aussi bien pour celui qui écrit le mot que pour celui ou ceux qui s’y trouvent mentionnés. Il est indispensable qu’avoir son nom dans le Carnet soit supportable.
Et cela ne peut l’être que si le mot inscrit n’est qu’une façon de prendre à témoin l’ensemble du groupe, lui permettre éventuellement de réfléchir en attendant que la Réunion fasse son travail. Elle examinera ce qui s’est passé à la lumière des lois mais aussi en fonction d’une évaluation collective des comportements individuels.
Il n’est là aucunement question de jurisprudence ou d’application d’un réglement. Il s’agit de réfléchir ensemble, de trouver des réponses à des actes qui interrogent.
La solution est parfois individuelle : sanctions sous forme de paroles dites à un enfant par d’autres enfants, par des adultes, ou sous forme de réparation symbolique, de travail.
Elle est parfois collective : changer des règlements, modifier des comportements de groupe vis-à-vis de tel individu, de telle activité, s’interroger sur la part de chacun sur ce manquement à ce que l’on appelle l’esprit de l’école (respect de l’individu et du lieu).
L’expérience nous a d’ailleurs montré que ce qui consolait le mieux l’enfant (séchait ses pleurs, faisait passer sa mauvaise humeur), c’était le fait d’écrire, l’exercice appliqué de l’écriture.
Un autre point important c’est d’éviter, autant que possible, de travailler sur des incidents à chaud. Quelques heures ou jours plus tard, le débat entre deux enfants n’en sera que plus productif, les torts réciproques plus faciles à faire entendre, l’arbitrage plus aisé.
Une autre fonction du Carnet est son caractère formateur civiquement. Le relire depuis le début de l’année ou de la semaine est une excellent façon de réfléchir à l’école, de préparer la Réunion, de constater l’évolution, les progrès de tel camarade (ou les siens). On peut dire que c’est l’un des passe-temps favori des enfants. Cela équivaut en quelque sorte à la lecture du journal par un citoyen.
La scolarité, une activité parmi d’autres.
Toute cette organisation d’école pour en arriver à donner à chacun un éventail aussi large que possible d’activités, des occasions de réussite, à partir desquels pour chaque enfant, rien ne sera plus pareil et notamment la possibilité de vivre les situations d’apprentissage et la classe autrement.
Donner à la classe, à l’apprentissage scolaire la place qui lui revient et qui est essentielle, fondamentale, ne doit pas consister à la surévaluer ou encore à sous-estimer les autres domaines qui sont également indispensables à la vie de l’école et à l’équilibre des individus.
« Remplacer la discipline de caserne par celle de chantier » dit Fernand Oury. Pour des classes où l’on produit autre chose que des textes qui restent enfermés dans des cahiers.
Imprimer des journaux, les échanger, correspondre avec d’autres classes, faire des enquêtes, s’organiser, discuter, voter, faire l’apprentissage de devenir autonome, responsable.
Les classes neuvilloises ne fonctionnent pas de façon isolée dans l’école. Cela permet qu’un certain nombre d’activités, d’institutions de l’école soient reprises dans la classe, de même que les activités de la classe ont souvent une influence sur le fonctionnement de l’école.
Il est possible ainsi de gagner du temps (la classe est plus facile à mettre en place, les acquisitions se complètent plus facilement d’une année sur l’autre parce que les séjours des enfants dans la classe, et dans l’école, se poursuivent sur plusieurs années). Ce mode de scolarisation autorise aussi un fonctionnement de la classe plus centré sur les apprentissages scolaires dans la mesure où l’emploi du temps du reste de la journée offre toutes sortes d’activités manuelles, sportives ou culturelles.
Les difficultés qu’un enfant pourra rencontrer dans la classe se trouveront relativisées. Du fait même qu’il saura par des réussites dans d’autres domaines que sa valeur n’est pas en cause,se s problèmes deviennent solubles.

Question d’organisation et de désir.
La Neuville, c’est une tentative de construire une école différente, mais aussi de prendre en compte ce qui existait et qui n’était pas nouveau : les techniques Freinet (qui ont soixante-dix ans), la Pédagogie Institutionnelle de Fernand Oury (qui en a plus de trente). les travaux de Françoise Dolto dont on ne peut pas dire qu’ils soient confidentiels. Et bien d’autres.
 

Ainsi furent posées les bases de cette école. Mais ce qui rendit le milieu vivant et la pédagogie efficace, c’est qu’on ne s’occupa guère de réaliser exactement le projet, l’école ne devint jamais champ d’application. On prit des idées à droite et à gauche, dans les livres, dans d’autres écoles, dans la vie de tous les jours. On emprunta beaucoup, notamment, aux différentes corporations, aux arts et techniques, aux sports, aux sciences humaines, car si le métier de faire l’école en est un, alors, il est une mosaïque des compétences nécessaires à une infinité de métiers.
Une nouvelle génération eut connaissance de « ce qu’il se passait là », car nous avions trouvé le temps pour communiquer des fragments de notre travail. Quelques personnes vinrent sur place pour aider et faire partager leur idée de ce que pourrait être une école comme la Neuville avec leurs préoccupations propres, pas forcément pour être membre de l’équipe et travailler quotidiennement. L’idée, tentante pour nous, que cette école appartenait, aussi, à ceux qui voulaient en être responsables commença de faire son chemin.
 

Allons-nous « Vers une autre manière d’être dans la Société, à l'école...» comme le disait Françoise Dolto ?
Car c’est bien de cette manière d’être à l’école qu’il est question. Faire l'école est une chose sérieuse, il ne faut pas pour autant gommer son aspect jeu. Ni omettre de laisser du jeu entre le projet et la vie quotidienne, la réalité de l'école.
A ses remarques de base, on peut ajouter le principe de nécessité. On ne fait semblant de rien. La part de travail confiée aux enfants est réelle, concrète; sans leur participation, le projet commun ne pourrait être mené à bien. Ils le savent. Ils savent aussi que c’est en participant qu’ils ont le plus de chance que l’école ressemble à ce qu’ils désirent.
S’ils peuvent prendre des initiatives, des décisions, ils ont aussi des comptes à rendre, tout comme les adultes. Par contre, on ne finit rien derrière leur dos, et c’est ce qu’ils ont préparé pour le dîner que l’on mangera. Les spectacles, les travaux, les matches, les repas sont faits suivant les règles de l’art avec du bon matériel et de vraies lois. Aucune pratique, excepté la Réunion, n’est en soi essentielle. La pédagogie est la préoccupation de tous et l’école affaire de gestion en commun.

L'ECOLE AVEC FRANCOISE DOLTO

Deux films inédits :
1° partie : Françoise Dolto et La Neuville.
Novembre 1973, Fabienne, Michel et Pascal viennent raconter à Françoise Dolto leur projet "d'une école accueillante à tout et à tous" (Fernand Oury).
Elle qui avait rêvé, enfant, de devenir médecin d'éducation, va se passionner durant ses dernières années pour cette Ecole de la Neuville, à laquelle elle va adresser des enfants qu'elle suit en psychothérapie et accorder, tour à tour, son attention, ses conseils, son soutien, jusqu'à en devenir - comme dans les contes de fées ? - la marraine.
Par la magie du cinéma, voici la chronique de cette école en train de se construire, la description minutieuse "d'une autre manière d'être en société à l'école" (Françoise Dolto).
C'est aussi, grâce à des images inédites et souvent bouleversantes, un témoignage sur Françoise Dolto au travail, avec sa générosité, sa lucidité, son génie. (97 mn).

2° parie : Les Règles du jeu.
Loin du style reportage, nous avons choisi de rejouer une semaine, du lundi au vendredi, avec son ambiance, ses rituels, ses temps forts, ses temps libres, ses désordres et   sbruits, sa réunion, et nous avons mis trois ans à la filmer avec le concours de techniciens professionnels, amis de l'école.
Les enfants en ont inventé les dialogues, et le scénario doit beaucoup à leur vie quotidienne même si chacun ne fait que jouer un personnage écrit par les autres.
Les Anciens élèves y ont ajouté leur témoignage.
Raconter ce qui se passe à la Neuville, a toujours été notre souci par goût, puis par nécessité, pour montrer que prendre le risque de faire l'école autrement n'en n'est pas un. C'est en effet, prendre un bien plus grand risque encore, parce qu'il s'agit d'enfants, de continuer à appliquer des méthodes dont on connaît les limites et la nocivité." (105 mn env.)

Disponibles en vidéo  (VHS SECAM HIFI STEREO COULEURS).
169 frs la cassette - 290 frs le coffret des 2 cassettes avec un livret d'accompagnement, frais de port inclus.
Ecrire à l'Ecole de la Neuville, 1 rue du Château, 77650 Chalmaison.
Egalement en vente dans les FNAC et librairies.
 
 

LE SITE DE L'ÉCOLE DE LA NEUVILLE


LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

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| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
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[ Contre la violence scolaire : la pédagogie institutionnelle ]