alternative éducative : une école différente
| LE GUIDE-ANNUAIRE | Présentation | SOMMAIRE |
| Une école différente ? Pour une société différente ? Qui n'en veut ?! I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop  | L'heure de la... It's time for ... Re-creation |

2018
école autrement, école alternative, école différente ...
Une autre école est-elle possible ?

Une école différente ?
Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable  , l'état des toilettes, le créationnisme...
 
 

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école
proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

1978 ...

Alors, on n'a pas école aujourd'hui ?
Quand on parle de l'école aujourd'hui, on ne trouve pas de mots assez durs pour stigmatiser ses faiblesses, ses carences.
Chacun a son histoire, ses anecdotes, plus péjoratives les unes que les autres, qui ne fleurent guère la nostalgie ...
...A vrai dire, les « écoles parallèles » souffrent de ne pas mener la réflexion politique jusqu'au bout...
 

1979 ...
L'école Decroly, menacée de fermeture, multiplie les manifs de protestation dans Paris :

photos © AIE-Possible
1982 ...


Dijon. Une trentaine d'écoles, publiques et privées, des différents courants pédagogiques présents en France, décident de la création du "guide-annuaire des écoles différentes" :






photos © AIE-Possible
Paris, juin 1982, l'une des réunions préparant l'ouverture du "lycée autogéré de Paris" :
photos © AIE-Possible
D'autres rencontres
en France, Allemagne, Suisse, Angleterre, U.S.A., Danemark, Norvège, Finlande ...
1986, 87, 90, 98 ... 2008 ...








































































© photos : D.R./D. Maunoury/Aie-Possible


2008 ...

Oh-so-british !
Nouveau conseiller pédagogique au Times,
un ancien banquier de la City, "journaliste" (Financial Times, the Far Eastern Economic Review...)
donne son opinion le jour de la rentrée :
"Les enfants sont mieux éduqués à la maison"



A partir du Lycée expérimental de Saint-Nazaire,
qui représente un courant de pensée (éducatif/pédagogique et…politique) et de ses élèves (ceux de 81 et ceux d’aujourd’hui), j'ai eu envie de comprendre, "ce qui avait bien pu changer entre ces deux époques…
Pourquoi ce retour à l'ordre et à l'autorité,
et pourquoi aujourd'hui (plus qu'hier?) dit-on que l'école est en crise? "
"Quelle École pour demain?"
 "l'école, un monde à construire"
un film de Patrick Le Ray


... cette étrange imposture nationale 
que constitue "l'élitisme républicain"
cette conception qui fonde l'Ecole en même temps qu'elle la tétanise, 
qui l'institue comme le premier creuset démocratique depuis Jules Ferry et reproduit pourtant - quand elle ne les aiguise pas - 
des inégalités scolaires étroitement liées à l'origine sociale des familles.
... une réforme improbable, pour Baudelot et Establet, tant que les gouvernements auront pour seule boussole la logique comptable de diminution des dépenses publiques 
et tant que les familles considéreront l'école comme une affaire privée, à la recherche du meilleur placement pour leurs enfants.


Des écoles différentes
Des collèges et des lycées différents ?
Oui, mais ... pas trop !
 

Statiques universitaires-fonctionnaires ou camelots très agités ont en commun, depuis deux bonnes décennies radoteuses sur l’échecscolaire, l’art et la pratique du piratage et de son exploitation en produits dérivés et contre-faits.

NON, les écoles différentes ne sont pas les écoles parallèles (à quoi ?), souvent mortes-nées, dont tout le monde parle depuis 30 ans sans jamais (vouloir) savoir de quoi il s’agit/s’agissait : alternativement synonymes de "dernière chance", de "pas mal, ... pourles autres", le terme étant souvent affublé de "post-soixanthuitardes" par tous ceux parvenus, et  qui en sont revenus sans y être jamais allés; précédé de «ça marginalise un peu, quelque part, au niveau de la socialisation, quand même, non ?» ou suivi de «qu’est-ce que ça serait bien si qu'on en ferait une».


 
CONFORMES. UNIFORMES. 
ET CHLOROFORME.
Mesurer, tester, calibrer, étiqueter, évaluer, trier, sélectionner, dresser, jeter, enfermer, éliminer...
«former des gens à l'esprit éveillé et critique» ?
Manquerait plus que ça !

2012, 2013 ...
Une "refondation" ?
Pour-de-vrai-sans-déc. ?
Bigre.
La petite « histoire » 
de ce « guide-annuaire des écoles différentes »…
 
 

NI CONFORMES NI UNIFORMES 

Inventé par les prussiens voici deux siècles, notre système scolaire ne répond même plus aujourd'hui aux attentes de ses commanditaires. 
Paradoxe coûteux dont il va bien falloir sortir. 

Pour sortir aussi de nos hypocrites guerres de religion entre le «tout-public» et le «tout-privé», il va falloir du courage : celui notamment de reconnaître qu'en l'état, la majorité des écoles ne sont plus que d'immenses garderies, avec ou sans miradors. 
Et de la volonté: celle de prendre le temps - et la liberté - de définir un nouveau projet de société dont fera naturellement partie celui de l'école. 
Hormis quelques factices d'exposition, c'est encore un article manquant sur les rayons électoraux. 
Sans doute faute de demande, puisque nous sommes en démocratie.
 

Ou, peut-être aussi, "faute de temps" pour y penser ? Puisque ...
Pourtant, des modèles existent, dans le public comme dans le privé. 
Des écoles fondées sur un solide projet pédagogique, où l'on apprend d'abord à élaborer une Société viable, plus qu'à monter - et couler - des sociétés. 
Ni bleu de prusse ou vert-de-gris, ni tricolores ou fleur-de-lys. 
Mais multicolores. 
Comme l'arc-en-ciel, comme la vie, comme les enfants. 
Ni conformes ni uniformes, mais différentes. Comme les enfants. 
 
 

ET MAINTENANT : DES ÉCOLES ? DIFFÉRENTES ?

Entre mémoire ... 
Fragiles îlots de résistance à la conformité et l'uniformité, les quelques centaines de classes ou d'écoles «différentes», publiques ou privées, de ce pays ne sont pas des forteresses invincibles. 
Beaucoup sont déjà détournées, clairières pédagogiques réservées aux fistons du gotha ou ateliers de réparation pour mioches du ghetto; 
d'autres ne sont plus que des alibis. 
Pour les consolider et surtout les multiplier, il faudra un sursaut de parents qui cessent d'être des consommateurs d'écoles et de diplômes, se souviennent qu'ils sont citoyens, et avant de déléguer-abandonner tous leurs pouvoirs à chaque élection, s'assurent que le candidat de leur choix n'est pas un vulgaire attaché commercial du Supermarché planétaire. 
Ils pourraient aussi utiliser les moyens de communication, anciens et nouveaux, pour rompre leur mortel isolement et combler leur manque d'information, au plan local autant qu'international. 
 
 

En France, près de Dijon, au printemps 1982,
avait lieu la première rencontre d'écoles se disant différentes.
Le label «parallèles» (*) étant, déjà à cette époque, usé et trop marqué par d'éphémères et fumeux bricolages des années 70, 
celui de «différentes» semblait alors mieux convenir à la trentaine d'écoles présentes, publiques et privées, appartenant à tous les composants de la mosaïque pédagogique et même au-delà 
(ou en dehors ... ). 

(*) Parallèle : c'est-à-dire allant dans la même direction ?.
A la même époque, 
dans les pays voisins, on parlait d'écoles "libres. alternatives, progressistes"
Archives (1978)

 

Différentes du modèle traditionnel, et différentes entre elles: cette double constatation-définition initiale parut tellement implicitement évidente, et suffisante, que les participants négligèrent de l'expliciter...

«Différentes» ne pouvait-elle dès lors que rester une formule vide et passe-partout, permettant d'esquiver réflexion et explications sur les différences, non seulement des pratiques, mais aussi et surtout des motivations et des objectifs (ou sur leur absence ... ) ? 
Au lieu de contribuer, les différences ayant été clairement motivées, argumentées, connues et reconnues, à l'émergence, l'affirmation et la consolidation de véritables et solides alternatives au marasme éducatif déploré ? 

Au grand étonnement ou désespoir des stratèges et autres dilettantes, les Rencontres organisées ensuite par l'A.I.E. n'eurent jamais - surtout pas ! - pour objectif la création de la moindre fédération fourre-tout et attrape-tout, mais tentèrent d'amorcer un préalable et indispensable échange d'informations entre les écoles présentes dans ce guide-annuaire (né entre-temps, au forceps, de la revue Possible).
Échange profitable non seulement aux écoles, mais à tous ceux qui s'y intéressent, soit pour leur confier leurs enfants, soit pour y travailler, soit pour en créer une. 

 Vingt-cinq ans plus tard, l'image de ces écoles est toujours assez floue. 
Et l'on emploie encore pour en parler au gré des médias les termes «parallèles», «alternatives», «nouvelles», «expérimentales», «innovantes» sans jamais - faute de pouvoir, ou vouloir ? - chercher à aller plus loin dans la définition, l'exposé des motifs et des pratiques. Flou entretenu parfois aussi par certaines de ces écoles, pas toujours très explicites sur le détail de leur projet pédagogique. 
Peut-être parce que les parents ne se montrent pas très curieux non plus ?

Une école alternative ?
Pour une société alternative ?!
Qui n’en veut ?
... Et  projet. 
Ayant depuis plusieurs décennies vu naître et mourir, grandir ou s'embourber, de nombreuses «expériences», et depuis 25 ans, relayant l'initiative originale de cette première rencontre, popularisé l'idée et le terme d'écoles différentes, par nos éditions successives, d'autres Rencontres, avec le soutien, la sympathie ou la collaboration d'ami-e-s journalistes, universitaires, enseignants et animateurs de ces écoles, françaises ou étrangères, nous apparaît aujourd'hui encore plus qu'hier la nécessité, non pas de définir arbitrairement ces écoles, encore bien moins de les fédérer ou les amalgamer, mais en incitant à remonter aux sources de leurs courants respectifs, d'en rappeler les origines, et d'en déceler les convergences. 
Nécessité aussi, en dépit du fatalisme morbide alternant avec une euphorie anesthésiante, d'en rappeler la toujours actuelle, et de plus en plus évidente pertinence. 

On trouvera donc dans les textes de ce "guide-annuaire des écoles différentes", comme à l'intérieur des projets pédagogiques, nombre d'éléments, repères, rappels et propositions pouvant permettre à ceux-celles qui en ressentent le besoin et veulent bien y consacrer un peu de temps, de prendre le recul nécessaire avant d'aller plus loin. Pour une meilleure appréciation des enjeux, des projets, une plus grande transparence, et certainement une «efficacité» accrue des écoles existantes ou à venir.

Différentes : si l'on ne prend soin de mieux définir ce que recouvre ce terme, ou d'en trouver un autre plus descriptif, il est certain que de plus en plus d'écoles pourront sembler, croire ou prétendre l'être. 

Et chaque fois qu'un commercial renifle le créneau, on n'échappe pas longtemps à un remake de «École Plus» : la copieuse liste des écoles où sévissent très ponctuellement des «Bonaldi» de la pédagogie-fluo-laser-qui-vient-de-sortir, des «Nicolas Hulot» de la pédagogie-du-saut-à-l'élastique au bout du monde, au fond des mers, en haut d'un pic et au bord d'un gouffre; bref de tous ces grands dadais qui veulent épater leurs copines et croient innover en manipulant des gadgets et des enfants. 

Ou des histrions s'essoufflant à rejouer le cercle des poètes disparus en grimpant sur une table, des agités fabricants de futiles P.A.E. et autres articles de saison sans suite, et de ces inlassables organisateurs de fugues touristiques pour adolescent-e-s à déniaiser, maquillées en «échanges internationaux», voire en raids initiatiques à la recherche - ou au secours!-  des vieilles civilisations. 

Ce "guide-annuaire" suscite parfois aussi, évidemment, des imitations assez fantaisistes et diverses contre-façons aux titres plus ou moins similaires : parasitaires... Tendance coucou "pousse-toi d'là qu'j'm'y mette!"



"Cousinet, Freinet, Montessori, Oury, Steiner ... 
C'est pas un peu dépassé tout ça ? 
Vous n'auriez pas quelque chose de plus moderne ?" 

Une véritable Éducation, qu'elle soit dite «nouvelle» ou «alternative» n'a rien à voir avec le pédagogisme de laboratoire ou de concours Lépine, ni avec l'émerveillement extatique de nunuches immatures récitant des formules sur l'épanouissement ou l'éveil d'une enfance désincarnée. Elle ne peut se contenter de «cercles de qualité», ni se réduire aux dernières techniques comportementales «modernes» (!) importées des USA. Il s'agit, et c'est plus difficile, exigeant et contraignant, sans doute moins gratifiant à court terme, mais indispensable et même «incontournable» au point où nous en sommes, de reparler d'Éducation

Et forcément d'alternatives : puisque tout système déjà très orienté et verrouillé au départ, a une naturelle tendance à la sclérose et au monopole de fait, sinon de droit. 

Et donc d'alternatives éducatives sérieuses, crédibles et cohérentes pour qu'elles soient non seulement viables mais reproductibles. 
Et en mesure d'éviter les détournements, les (auto-) mystifications, les réductions simplistes, les dérapages ou l'enlisement. 
 

Dès le siècle dernier, lors de l'institution des systèmes de « scolarité obligatoire » dans toute l'Europe, puis au début de ce siècle, suite aux massacres de la première guerre mondiale, des pédagogues ont élaboré et mis en pratique non seulement de nouvelles «méthodes» ou «techniques», mais une autre conception de l'école, c'est-à-dire de l'instruction, mais aussi et d'abord de l'éducation. Et c'est en ce sens seulement qu'on peut sérieusement parler d'alternative ou de différente à propos d'école ... au lieu de galvauder ces termes pour désigner des replâtrages officiels ou des bricolages parallèles et entretenir, volontairement ou pas, une funeste confusion.

En réunissant les conditions pour que dès leur plus jeune âge, des enfants apprennent à organiser leur vie quotidienne, à prendre, appliquer et contrôler des décisions concernant leur temps, leur espace, leur corps, leurs jeux, leurs études, leurs relations, leur présent, et donc leur avenir, ces pédagogies forment, c'est prouvé, des jeunes à l'aise dans leur tête et leurs baskets, éventuellement diplômés, sachant toujours s'adapter à continuer à apprendre (= comprendre, appréhender) le monde. 

Et devenant, c'est là que çà se gâte, des adultes-citoyens moins crédules, moins malléables, moins versatiles, moins consommateurs. Ce qui n'est du goût ni des professionnels assoiffés de pouvoir, ni des marchands d'illusions à crédit. Ce qui explique peut-être que ces pédagogues n'aient jamais été réellement encouragés ni par les ministres provisoirement chargés de rénover la façade de l'école, ni par les faiseurs d'opinion ne ratant jamais une occasion de prétendre - commanditaires et salaires obligent - que «les méthodes nouvelles (lesquelles ?!) ont échoué» ou que «les français veulent des profs à poigne»

D'où  cette double nécessité : 
- d'effectuer un retour aux sources de cette Éducation toujours «nouvelle» (de sa naissance à son développement en plusieurs courants), 
- d'en  dégager les convergences, celles d'origine comme celles qui se font jour actuellement autour de valeurs qui n'ont pas pris une ride - parce que souvent citées, rarement vécues - comme le prouvent tous les jours, a contrario et par l'absurde, leur mépris et les conséquences de ce mépris sur notre (sur-)vie quotidienne, notre - proche futur, et ceux de nos enfants. 

Sources et convergences inaccessibles au touriste pressé abandonnant le choix de son itinéraire au tracé de l'autoroute ! 

Car si ce guide-annuaire a une petite histoire, celle de l'Éducation Nouvelle est déjà longue et mériterait qu'on s'y intéresse activement et lucidement, en prenant le temps du recul, tout autant qu'à d'autres grandes questions trop souvent négligées ou traitées de façon frivole, dans la précipitation ou la confusion. 

Et pour les mêmes raisons : 
Comme la démocratie, l'éducation («nouvelle», «alternative» ...) ne va pas de soi, ne s'improvise pas, n'est jamais acquise pour toujours, et ne peut survivre qu'en se développant constam­ment, en faisant l'effort permanent de susciter, encourager, permettre la plus grande participation active enrichie par la réflexion du plus grand nombre, c'est-à-dire aussi dans le respect des individus, et de leurs différences. 

Comme la démocratie, elle s'annihile, se suicide, en se laissant accaparer par des professionnels et des privilégiés. En se laissant travestir par des mystificateurs, ou réduire à des simulacres, elle laisse le champ libre aux nouveaux barbares et leurs entreprises franchouillardes et multinationales de décervelage et d'asservissement, pour une « mise aux normes » uniforme du super-marché planétaire. 

Toutes les écoles de ce guide-annuaire sont-elles des "alternatives éducatives" ? 

... Et tous les parents lecteurs de ce guide-annuaire recherchent-ils, vraiment, des «alternatives éducatives»
Pas sûr, répondront les premières à la deuxième question, et les seconds à la première. 
Car s'il arrive que les unes n'aient en guise de projet qu'une offre mal définie ou assez restreinte, il n'est pas rare que les autres n'aient qu'une demande de dépannage urgent entre deux zappings.

Pour ne pas en rester au stade du marché - de l'offre et de la demande de services - il n'existe qu'un point de rencontre possible : le projet, vivant, enrichi, vécu par des partenaires actifs, parents, enseignants, enfants et adolescents. Lui seul peut permettre de quitter le terrain stérile de la consommation pour se placer sur celui, fertile, de la création. 
Éducation comme démocratie ne sont pas des produits finis à consommer. On ne les trouve pas, non plus, à l'état naturel. Toutes deux sont affaire de culture, de liberté, de choix, de création. 

Faut-il encore aujourd'hui des «écoles» ? 
Différentes ? En quoi ? Pourquoi?  Vers quoi ? Jusqu'où ? Pour qui ? Comment ?  A quel prix ?
Autant de questions qu'il serait malhonnête et très imprudent de vouloir toujours esquiver. Se les poser est une première prise de conscience. Et le premier pas pour sortir enfin la question scolaire du marécage des faux consensus et des fausses querelles. 
 

LE PROJET EN QUESTION

Le premier questionnaire du guide-annuaire, issu de la Rencontre de ces écoles en mars 1982, était plutôt sommaire : une sorte de fiche signalétique ne comportant qu'une question sur l'appartenance à une fédération ou mouvement pédagogique, et une autre sur les « buts poursuivis ». Les réponses étaient souvent aussi brèves et vagues que les questions, ou bien, profitant de l'absence de balises, devenaient parfois hermétiques: les mal-entendus viennent presque toujours de mal-dits ou de non-dits pour cause de questions non ou mal posées. Parfois aussi esquivées ... 

Année après année, le questionnaire est devenu plus étoffé. Nous avons interrogé les lecteurs, utilisateurs ou pas de ces écoles «différentes», sur leurs préoccupations, leurs recherches, leurs exigences, en matière d'école, mais aussi d'éducation. 
Le dépouillement de ces réponses, prolongé et enrichi par de nombreuses conversations, et des témoignages aussi bien d'anciens que de parents, enseignants ou travailleurs sociaux, nous ont conforté dans le sens d'une plus grande exigence à l'égard de ces écoles, en les invitant à parler, davantage et mieux, de leur projet ­  et de leurs pratiques - pédagogiques. Et en leur proposant pour cela une nouvelle palette de questions, ajustables à volonté sous l'angle de leur choix, et pouvant permettre de faire apparaître plus clairement le partage, la nature, l'étendue et les limites, des responsabilités, purement «scolaires», ou plus globalement «éducatives».
De leur enthousiasme - ou de leur réticence - à y répondre, et du contenu de leurs réponses pourrait dépendre dorénavant la «sélection» dans ce guide-annuaire : s'il s'avère évidemment que cet éventail de questions est bien le reflet, la traduction de celles que se posent les parents en quête d'autres écoles. Et si suffisamment d'entre eux veulent bien faire l'effort d'y réfléchir, et de nous, et de leur, faire clairement savoir s'ils confirment, font leur et co-signent ce questionnaire. 

Qui pourra certainement encore être enrichi et amélioré. Avec une bonne dose de poudre magique (le «Parent-Plus»), les projets deviendront tellement plus nets et transparents qu'on ne pourra plus s'en passer. 
Même en échange de deux projets flous-opaques ! 

Projet éducatif qui ne peut pas, la situation étant ce qu'elle est, faire totalement l'impasse sur des références à un projet de société; qui ne se réduit pas forcément - soyons un peu sérieux, ou moins frileux - à une obédience aveugle, proclamée ou camouflée, envers une centrale politique ou syndicale, ni à un fanatisme idéologique. Pas plus qu'à une soumission à des oukases économiques. Mais dont le rôle est de fournir, non seulement le minimum de «garde-fous», mais le maximum de repères stables quant aux objectifs communs et aux moyens d'y parvenir. 

Aucune éducation nouvelle ne peut être produite ex nihilo par une société sclérosée. Et vice-versa : une école figée dans ses habitudes, enfermée dans sa tour d'ivoire-sanctuaire, ne peut pas prétendre préparer sérieusement les enfants d'aujourd'hui à contribuer «demain» à l'évolution de la société vers plus ... d'«humanitude». 
Et même si l'on s'en tient à des considérations plus égoïstes à l'égard de ces - ou de « ses » - enfants, ne s'agit-il pas désormais de se soucier non seulement de leurs capacités à «avoir un bon métier plus tard», mais de leur aptitude - aussi, ou d'abord ? - au «Bien-Etre» ? C'est-à-dire à savoir qui ils sont, apprendre à mieux se connaître, s'estimer, à se savoir capables de continuer à apprendre, à s'adapter (en l'améliorant) à une société où la passivité, le mépris, de soi comme des autres seraient de plus en plus dangereux pour tous .. 
«Bien-Etre» qui n'est pas toujours synonyme de «Avoir-Plus», si l'on en juge par le nombre croissant d'enfants, d'adolescents, et d'adultes, frappés - diplômés ou pas - non seulement par le chômage, mais aussi - chômeurs ou pas - par les maladies psycho-somatiques, les dépressions, et les très diverses et nombreuses conduites suicidaires. 

Tandis que les technologies (dont certaines concurrencent déjà l'institution scolaire) progressent dans tous les domaines à une vitesse rapide et exponentielle, c'est bien d'une stagnation, voire d'une régression, dont il faut parler à propos de notre vie sociale, de nos références morales ou éthiques, au niveau hexagonal aussi bien que mondial.

C'est-à-dire d'une sorte d'inaptitude au «bien-être» - comme au «bien-faire», tant au niveau individuel, face à soi-même, qu'au niveau local ou national - disons social - face aux «autres», dont chacun est un individu, et même depuis deux bons siècles un citoyen. Depuis cette invention récente dans la relativement longue histoire de l'être humain, pour pallier à la très «naturelle» loi du plus fort ou de la jungle : le contrat social.

Appelé aussi la «Constitution» lorsqu'il s'agit des lois fondamentales régissant les institutions dont s'est doté un pays, ce nécessaire contrat est encore à l'état d'ébauche dans sa dimension planétaire, mais est devenu tout aussi urgent, peut-être même vital, depuis que l'on connaît chaque jour un peu mieux «l'histoire» de la Vie, qu'il s'agisse de celle de ce que nous appelons l'Univers, de notre unique et petit vaisseau spatial, ou de chacun d'entre nous. Et depuis que grâce, ou à cause de, ces nouvelles technologies, médias et multi­nationales s'affairent sans frontières à niveler les cultures.

Et l'école devrait être un «sanctuaire» ? Une cloche stérilisée, aseptisée, où l'on n'apprendrait qu'à lire-écrire-compter, avec comme unique option (au choix, pas les deux !) : les activités d'éveil pour l'épanouissement OU la préparation intensive de diplômes pour la réussite avec compte à rebours enclenché dès le jardin d'enfants ? En croyant les enfants ou adolescents «à l'abri», préservés des pollutions extérieures? 

Jusqu'au jour de leur sortie dans le monde, un peu avant leur «majorité» pour les uns, plus ou moins longtemps après pour les moins «défavorisés»? 
Avec petits ou grands diplômes, permis de conduire et carte d'électeur en prime? 
Sans mode d'emploi ? 
Sans cette ossature, non mesurable quantitativement, mais indispensable armature pour la pleine réalisation d'un Etre Humain: une Education globale, et l'appétit préservé, et l'expérience acquise dès le plus jeune âge, pour l'enrichir sans cesse? 

Si l'École veut échapper à la concurrence sauvage des nouveaux médias, à la désaffection ou à l'implosion, si elle veut justifier son coût, l'espace et le temps qu'elle occupe encore, elle doit dire plus clairement ce qu'elle offre. 
À des enfants, adolescents, adultes, qui doivent pouvoir formuler plus précisément quelle est leur demande. 

Non pas dans un rapport de consommation passive ou vindicative, mais dans celui, revivifiant, de l'élaboration commune et active d'un réel projet éducatif/pédagogique, nécessairement complémentaire et cohérent - pour enrayer l'accroissement des inégalités et du mépris, le pourrissement ou l'explosion - avec un sérieux projet de société. 

Étonnez vos ami-e-s : mieux que tupperware, herbalife, new-age, war-game ou Internet ...
Invitez-les à une soirée-projet ! 



RAPPEL DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS

DES ÉCOLES DIFFÉRENTES :
POURQUOI ? POUR QUI ?
MODE D’EMPLOI

À n'évoquer l'idée d'écoles "différentes" qu'à propos d'échec ou de difficultés scolaires, et ne les présenter, les réclamer ou les tolérer que sous la forme d'un remède nécessaire, et réservé, aux seuls enfants ou adolescents souffrant d'inadaptation passagère ou chronique, et donc tout-à-fait inutile, voire nocif, pour les autres puisqu'on ne soigne pas les "bien-portants",

à ne signaler leur existence qu'à l'occasion de dysfonctionnements du système, et ne les présenter que sous la forme de méthodes plus rapides et efficaces, permettant de rejoindre le peloton des gagneurs et d'aller plus haut et plus vite dans la course aux performances,

...  on ne rend en fait service ni aux un-e-s ni aux autres :
- ni aux écoles "traditionnelles", publiques ou privées, qui ont déjà et auront de plus en plus de mal à supporter le cahier des charges non écrit dont on les charge,
- ni aux écoles "différentes", si on se résigne - ou si on s'affaire - à ce que les unes restent ou deviennent des réserves pédagogiques pour privilégiés, et d'autres des ghettos thérapeutiques pour inadaptés, toutes perdant de ce fait leur véritable raison d'être.
- ni à l'immense majorité des enfants et adolescents, qui bon gré mal gré, parviennent à supporter l'école telle qu'elle est, et en sortent à terme ou avant, volontairement ou pas, sans la formation (qui ne se mesure pas qu'en diplômes), sans l'éducation permettant de faire face aux difficultés, responsabilités et défis présents et à venir.
- ni "aux autres", qu'ils soient précoces ou en retard, trop lents ou trop rapides, ou qu'ils aient l'esprit accaparé par d'autres problèmes à régler.

 Parce que, faute d'information et surtout de réflexion préalables, on met toujours beaucoup trop de temps à s'apercevoir de l'inadéquation, de l'"inadaptation"(de l'enfant ou de l'école ?),
à l'admettre,
à se renseigner,
à apprendre qu'il existe d'"autres" écoles,
à en trouver une qui convienne, dispose de places suffisantes,
et n'ait pas trop de mal à maintenir son projet,
prise au piège de la "demande",
... faute aussi, parfois, d'une "offre" suffisamment claire.

Il est donc nécessaire de poser la question :
Pourquoi des écoles différentes ?

 En examinant les deux versants de cette interrogation :

- "pourquoi ?", qui amène la réponse "parce que" (les causes, les raisons historiques), et qui fait donc appel à la mémoire individuelle et collective.

- "pour quoi ?", qui conduit à répondre en termes de projet (les buts, les choix, pour aujourd'hui et demain),
et qui fait donc appel à la volonté (personnelle, et collective, aussi).

 Ce n'est qu'en prenant le temps d'examiner sérieusement les deux facettes de ce "pourquoi ?" que chacun-e pourra commencer à entrevoir plus clairement le"comment ?" :
quelle pédagogie ? avec quels moyens ?

 Et que deviendra évidente la réponse à la question "pour qui ? " :
Pour tous.
 

UNE MÉMOIRE.
ET UN PROJET :
POUR CHOISIR.

 Pour comprendre les difficultés qu'éprouve un enfant ou un-e adolescent-e à s'adapter au système traditionnel d'enseignement (et réciproquement), en refusant les pseudo-explications relevant de la magie primitive ou de la mystification moderne, comme l'hérédité, la fatalité ou "la crise", n'est-il pas nécessaire, au préalable et en permanence :

- de faire appel à la mémoire ?
      c'est-à-dire de ne jamais oublier, ou redécouvrir, ce qu'est un-e enfant ou adolescent-e, psychologiquement, physiquement, affectivement, intellectuellement, et spirituellement : un jeune être humain dans toute son unité et son unicité. Par ses propres souvenirs, l'observation et le dialogue, mais aussi grâce aux travaux de tous ceux qui ont contribué à mieux connaître et comprendre cette phase de notre vie : philosophes, psychologues, psychiatres, psychanalystes, psycho-pédagogues, médecins, pédiatres, éducateurs. De Rousseau à Dolto, en passant par Piaget, et tous les fondateurs et praticiens des grands courants pédagogiques émancipateurs.

- d'élaborer un projet ?
     c'est-à-dire de prendre le temps, et la liberté, de réfléchir sereinement sur la condition, le statut qu'on souhaite offrir à cet enfant dès son plus jeune âge. Et les éléments à réunir pour qu'il devienne lui-même progressivement apte à déterminer ses propres choix et responsabilités, en étant co-auteur de son éducation, pour devenir pleinement acteur de sa vie d'adulte libre, et membre actif d'une communauté humaine.

 Puis d'examiner alors,
à la lumière de ce qu'on sait de la nature et des besoins d'un enfant,
et de ce qu'on souhaite pour son présent et son avenir :

 - la nature et la qualité du service proposé par l'Institution (publique, confessionnelle ou commerciale), son coût réel, direct et indirect, à court et à long terme;

et, au-delà des apparences et des objectifs déclarés :
 - les objectifs réels présidant à son existence, au vu de son histoire, ses commanditaires, son organigramme, ses méthodes, et de ses "résultats" qualitatifs autant que quantitatifs, à long autant qu'à court terme.

 En fin de compte et tous comptes faits, y a-t-il compatibilité entre les véritables objectifs - et les résultats - de l'Institution proposant ce "service", et vos choix personnels ?

 Si oui, il est probable que ce guide vous sera d'un piètre secours pour "gérer vos contradictions".

 Si non, c'est-à-dire si vous n'acceptez pas ou plus le décalage flagrant et permanent, affiché ou camouflé, usant et coûteux, entre votre conception de l'éducation, votre expérience, vos intuitions, vos convictions, vos choix, c'est-à-dire votre propre "Projet", et les finalités, méthodes et résultats de beaucoup d'établissements "traditionnels" (publics, confessionnels ou commerciaux), vous trouverez sans doute ici de quoi :

- contribuer à transformer l'école de votre quartier, en collaboration avec parents, enseignants et enfants,
- choisir parmi les écoles "différentes" celle compatible avec vos choix,
- créer une école alternative,
- ou vous en passer : en inventant une alternative à l'école !

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTESalternatives éducatives : des écoles, collèges & lycées différents

| LE GUIDE-ANNUAIRE | Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |