alternatives éducatives : des écoles différentes
| Présentation | SOMMAIRE |

I Une école différente ? Pour une société différente ? Qui n'en veut ?! I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop |
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Appel pour des éts innovants et coopératifs | une école différente pour TOUS |
I Obligation scolaire et liberté I | Une école différente ? Pour une société différente ? Qui n'en veut ?! I

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable, l'état des toilettes, le créationnisme...
 
 

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école
proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

école autrement, école alternative, école différente, collège lycée innovant, expérimental ...
2018 ?              2118 ?
Une autre école est-elle possible ?
Pour, dans, une autre société ?
... on peut tout de même très légitimement se demander si le ministre est bien vraiment toujours - et sera encore - celui de l'éducation, et ... «nationale» ?
Ou celui des multinationales ?
Et de quel type d'«éducation», d'«école», celles-ci ont-elles besoin: Pour quel type de «société» ?

«Possible» ?!      On peut aussi faire pire : c’est en cours.

Mais un jour, le paysage sera redessiné, le puzzle sera terminé et tout le monde n'y aura vu que du feu.
Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 
 
 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires 
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville 
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 
 

Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» 
par Jules Chancel

Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 

Face à face, l'enfant et l'adulte 

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants ! (Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? Non, une reproduction du système scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs (Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique ! 
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ? (Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère)



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...

  En dix ans, le nombre d’enseignants en Angleterre a augmenté de 10% tandis que celui des assistants (non qualifiés, et 3 fois moins payés) a triplé .

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde : FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.  «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.



AMERICAN WAY OF LIFE...

   "Je t'aime, Alex" : 4 mois de redressement.

Lourde peine pour une écolière amoureuse.
Une jeune fille de 12 ans ayant écrit «Je t’aime Alex» sur les murs d’une école, a été envoyée pour 4 mois dans un établissement "accueillant" des élèves "en difficulté". Parmi de nombreuses autres jolies colonies de vacances du même type : Tranquillity bay". gérée par la WWASP (patronnée par le professeur Skinner, le père de la psychologie comportementaliste).

Pour 3000 dollars par mois, il promet de transformer ces récalcitrants en citoyens dociles et travailleurs.



Les écoles publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
LES CHÈQUES "ÉDUCATION" : L'ÉCHEC.
Depuis une bonne vingtaine d'années, ici aussi, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du système scolaire...
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait "pas du tout amélioré le système public".
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools, Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee, première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme "chèque éducation".



«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70, une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

Des écoles différentes
Des collèges et des lycées différents ?
Oui, mais ... pas trop !
Statiques universitaires-fonctionnaires ou camelots très agités ont en commun, depuis deux bonnes décennies radoteuses sur l’échec scolaire, l’art et la pratique du piratage et de son exploitation en produits dérivés et contre-faits.
NON, les écoles différentes ne sont pas les écoles parallèles (à quoi ?), souvent mortes-nées, dont tout le monde parle depuis 30 ans sans jamais (vouloir) savoir de quoi il s’agit/s’agissait : alternativement synonymes de "dernière chance", de "pas mal, ... pourles autres", le terme étant souvent affublé de "post-soixanthuitardes" par tous ceux parvenus, et  qui en sont revenus sans y être jamais allés; précédé de «ça marginalise un peu, quelque part, au niveau de la socialisation, quand même, non ?» ou suivi de «qu’est-ce que ça serait bien si qu'on en ferait une».

« Main basse sur l'école publique »
L'Éducation Nationale est accusée de « fabriquer des crétins » et d'entretenir le « chaos pédagogique », l'insécurité et le chômage. Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi dévoilent la signification de ces mesures : des associations de libéraux et de catholiques conservateurs proches du Front national et de l'Opus Dei sont à l'origine de ces propositions.
Au nom de la liberté de choix, on prépare une privatisation de l'Éducation.

Archives (1978)

Faire bouger Goliath 
Henri Dougier

 
Quand on parle de l'école aujourd'hui, on ne trouve pas de mots assez durs pour stigmatiser ses faiblesses, ses carences. Chacun a son histoire, ses anecdotes, plus péjoratives les unes que les autres, qui ne fleurent guère la nostalgie ... On est loin de Pagnol ou de Gaston Bonheur! L'instit passionné, l'apprentissage de la vie, l'initiation, la rencontre privilégiée de l'adulte ... tout cela paraît bien mythique. 
Et pourtant on a beau rechigner, on les envoie à l'école nos enfants, comme tout le monde! Avec devoirs du soir, notes sans notes, les « colles », la fête annuelle et de rares contacts avec les enseignants. Et, bien sûr, la même absence de « ferveur » et d'enthousiasme chez les enfants ... Bref, le schéma habituel. Pas de déviations, ou si peu. 
Comment attaquer un tel bastion, quand on voit ceux-là même qui en sont les victimes le défendre ou du moins ne pas oser le remettre en cause? Comment dégonfler un tel mythe, quand on sait à quelle profondeur il imprègne nos comportements et notre modèle de relations sociales? 
Dénoncer les carences ou l'inutilité de l'école, cela a été fait maintes et maintes fois et les pamphlets visiblement ne servent à rien. Alors que faire, passer à l'acte, mais qui va oser faire bouger Goliath? 

Quelques individus isolés, quelques insoumis aux méthodes contestables ont osé et bravent depuis quelques années une forêt d'interdits. C'est à eux que ce « dossier » est consacré, à leurs expériences sur le terrain. 
Ils ne sont pas nombreux, une douzaine de lieux éparpillés en France, regroupant environ 200 enfants ... un vrai grain de sable! Mais la survie de leurs expériences, la franchise de leurs témoignages, l'analyse fouillée de leurs finalités, de leurs obstacles, de leurs échecs soulèvent toutes les questions importantes. Toutes celles que parents, enseignants et élèves devraient se poser, devraient discuter. 

Qu'on n'attende pas ici un regard complaisant et complice sur des marginalités délicieusement excitantes, parce que lointaines et exotiques ... la critique, l'autocritique sont permanentes et le « dossier », bâti par des enquêteurs certes partisans et militants, Catherine Baker et Jules Chancel, est soumis à un feu roulant de questions, de remises en cause venant d'observateurs parfois impitoyables: Fernand Oury, Fernand Deligny, Etienne Verne, Louis Legrand ..., entre autres, apportent au débat le poids de leurs propres tentatives. 
On souhaiterait que ce document sur les alternatives à l'école, les « lieux de vie » parents-enfants - où interviennent pour la première fois tous les protagonistes - provoque ici et là une mise en question des choses acquises. 

Faire bouger Goliath, c'est la clé de tout changement social en France, personne n'en doute. Et c'est au niveau des parents que ça se joue. Pas vraiment ailleurs. C'est aux parents de faire la vérité sur leurs propres expériences, de ne pas totalement déléguer à d'autres une quinzaine d'années de vie de leurs enfants et d'eux-mêmes. Quinze ans! 



Ces pratiques alternatives : un modèle? 
Des lieux « pour enfants » où s'inventent d'autres rapports
C. Baker
Journaliste, mère d'une petite fille de 9 ans, enfant déscolarisé. 
J. Chancel 
Enseignant à Dauphine, père d'une fille, Judith, enfant déscolarisé. 
 
Les choses ne sont pas claires. « Ecole parallèle », c'est une notion assez rèpandue; cela dit quelque chose. La grande presse en parle à l'occasion, et le ton général des articles laisse accroire qu'il s'agit d'une sorte de nouvelle institution bien installée dans le folklore des déviances permises. Communauté, auto-stop, sexualité guillerette et école paralléle, tout ça marche ensemble. C'est presque un créneau publicitaire: ce sont « ces clients-là », hirsutes et fleuris, qu'acceptent, débonnaires, de servir et d'illustrer dans leurs pubs, les compagnies pétrolières et les grandes banques nationalisées. 
Pourtant, à y regarder de plus près, on peut constater très vite deux choses: on ne sait pas très bien ce que signifie l'expression « école paralléle » et en France tout au moins, le phénomène est tout à fait minoritaire. Il y a, à cet égard, une distorsion remarquable entre la rumeur et le fait réel. 
Alors, pourquoi ce dossier? On peut répondre d'abord en citant cet aphorisme soixante-huitard: « Le qualitatif est notre force de frappe ». Le phénomène est intéressant pour ce qu'il est autant que pour ce qu'il représente. Une critique vécue du système officiel d'éducation, des pratiques sociales suffisamment radicales valent la peine d'être étudiées, d'être connues, même si elles restent pour le moment très isolées.
D'autre part, on observe, ces derniers temps, une recrudescence de projets qui se font, se défont, se rêvent et se recommencent. Tous les jours, dans les petites annonces de Libération, on peut lire des appels de parents, d'adolescents, pour que se constituent, en Provence, en Alsace, à Paris, des écoles parallèles, des collectifs d'enfants et d'adultes, des lieux diffèrents de la norme officielle. En Angleterre, en Allemagne, en Italie, depuis longtemps déjà, des écoles parallèles se sont créées, des pratiques critiques ont contré l'enseignement existant, des livres ont été publiés. 
En France, le système scolaire est à ce point pesant, et en même temps accepté, que, jusqu'à ces dernières années, une véritable alternative à l'école n'a pu prendre de l'ampleur. Peut-on alors en conclure qu'aujourd'hui enfin un mouvement de l'école en tant qu'école commencerait à se manifester dans ce pays? Ce serait bien rapide. Mais tout ce qu'on peut dire, c'est que, dans un certain milieu, orienté généralement à gauche de la gauche, on se pose des questions. On peut dire aussi qu'un certain nombre d'enfants, d'adolescents, nés un peu avant ou après 68, savent que désormais leur refus de l'école n'est plus une révolte impossible et que ce rejet fondamental peut se justifier, être entendu, être vécu. 

La légion des sceptiques 
/.../
On a parlé aussi d'ambition. De Rastignac des maternelles. 
En fait, c'est une volonté politique qui s'exprime là. Animer pour soi, pour ses enfants, une école parallèle, un collectif de vie, c'est une démarche politique: un lieu, des rapports dans ce lieu; un endroit, une pratique; un autre rapport à l'enfant, un autre rapport à la parentalité, mais aussi l'affirmation de cette pratique par rapport à la pratique dominante, gigantesque, du système de l'Education nationale. 
Il convient de mettre tout de suite le doigt sur un point essentiel. Mettre son enfant dans une école parallèle, c'est un choix important, qui signifie, qu'on le veuille ou non, une prise de position politique. Non seulement on rejette pour son enfant la répression et la hiérarchie du système officiel, mais on refuse aussi la spécialisation, la séparation qui marque le fonctionnement de toutes les institutions. Bref, on est intégré, vaille que vaille, à une pratique anti-institutionnelle. Et c'est bien là qu'on voit qu'il ne s'agit pas seulement de pédagogie nouvelle ou d'éducation permissive. 
L'école parallèle ne représente pas uniquement une bouffée de liberté pour les gosses. C'est aussi une pratique délibérée de rupture avec l'idéologie dominante. En d'autres termes, une critique de l'éducation ne se justifie pas seulement par des éléments « négatifs» (contre l'école, contre la discipline), mais aussi par des choix positifs (une pratique de rupture, un objectif politique). 
 

Définitions délicates 
On peut essayer dès maintenant de présenter ce qu'on pourrait appeler pompeusement des lieux différents pour enfants : école de pointe, école nouvelle, école parallèle, collectifs d'enfants et d'adultes . 
 Les écoles de pointe, ce sont bien sûr les établissements scolaires de l'Education nationale où sont favorisées des pratiques pédagogiques, voire (mais les limites ne sont pas extensibles) des rapports nouveaux au sein même du fonctionnement institutionnel. Parmi les plus connues, il y a l'école de la rue Vitruve à Paris (20°), l'école Decroly à Saint-Mandé, l'école des Buttes à la Villeneuve de Grenoble ... 
Sans mettre en cause la qualité des efforts consentis dans l'un et l'autre cas, écoles de pointe et parallèles s'adressent mutuellement des critiques fondamentales. Du côté parallèle, on dira: « Oui, c'est sûr, dans ces écoles de pointe, ils sont pleins de bonne volonté, certainement pas répressifs, ils ont des moyens, mais c'est l'institution, et dans l'institution on ne peut pas remettre en cause ces données de base que sont la spécialisation des rôles, le pouvoir de l'Etat, la séparation entre pratique et vécu » ... 
Les critiques venant du côté des écoles de pointe à l'encontre des parallèles se font, elles, sur un registre social: « Vous, les écoles parallèles, vous ne recrutez que dans un milieu bien favorisé, au moins d'un point de vue culturel. Votre expérience s'appauvrit de ce fait. Sur le plan pédagogique, vous manquez d'imagination, parce que vous n'avez pas à en avoir. De toute façon, vos gosses, en dignes enfants d'intellectuels, sauront, comme papa, comme maman, manier les phrases et les concepts ». On reprendra ces arguments plus loin . 

 Les écoles nouvelles sont des écoles privées, reconnues par l'Etat. Elles sont prises en charge par des spécialistes (instituteurs, professeurs et directeur). Ces écoles sont nouvelles dans la mesure où elles tentent une pédagogie non-directive et impliquent la participation des parents. Cette non-directivité est évidemment relative, que ce soit au niveau de l'autonomie des groupes d'enfants et des enseignements; relative aussi, la plus ou moins réelle participation des parents. 
Certaines de ces « écoles nouvelles » revendiquent le droit de s'inscrire en contrepoint de l'école traditionnelle et d'être reconnues comme parallèles. Les plus sourcilleux parmi les tenants de l'école parallèle n'acceptent guère de leur accorder le « prestigieux label » ... ou les estiment trop directives, trop structurées, trop onéreuses (600 F/mois et par enfant) pour cela. Pourtant, toutes les écoles nouvelles ne présentent pas toutes ces « tares » à la fois et, sur un mode mineur, elles contribuent aussi à ébranler l'édifice oppressant du système de l'éducation traditionnelle et française. 
On en arrive - et le cercle se restreint - au noyau dur, au noyau pur de l'éducation critique: école parallèle et collectif d'enfants et d'adultes . 

 La définition de l'école parallèle est difficile à formuler dans la mesure où les deux termes «école» et « parallèle » sont eux-mêmes critiqués. S'agit-il, dans ces « lieux pour enfants », d'école? Certains disent oui, d'autres non. En réalité, de part et d'autre, un jeu de mots. Ce n'est pas une école, mais « à la place de l'école ». Dans l'idée de parallèle, il y avait l'idée de deux lignes qui ne se rencontreraient pas. On parlait aussi de réseaux parallèles de distribution, de presse parallèle, etc. « Parallèle », « marginal » se confondent souvent. Le contenu sous-jacent aux deux mots réside dans la contestation politique de l'idéologie qui nous domine: c'est la contre-culture. L'ennuyeux, c'est que « parallèle » signifie aussi « qui va dans la même direction ». 
On les a appelés aussi « écoles sauvages », comme les plantes, mais aussi comme les animaux non domestiques; liberté, mais aussi défenses, toutes griffes dehors. C'était mieux, mais l'inconvénient, cependant, c'est que les mots s'usent. On discourt, on discourt, on analyse, on analyse et ne restent plus rien des qualificatifs, puis des noms. Demeurent les verbes, les actes. Tout se complique encore du fait que, si des écoles nouvelles se font appeler parallèles, des écoles «parallèles» refusent catégoriquement ce terme qui les marginalise. 
Nous avons choisi ici, humblement, d'appeler « les écoles parallèles » des « lieux pour enfants ». Il existe d'autres initiatives, telle celle d'Evolène (*), qui pourraient revendiquer la même appellation; nous précisons donc qu'il s'agit des lieux « à la place » de l'école, qui fonctionnent, au minimum, en son temps dit « scolaire », c'est-à-dire à peu près de 8 h à 18 h, du lundi au samedi, de septembre à juin. Ces lieux pour enfants sont aussi, la plupart du temps, des lieux pour adultes, parents ou non. Mais ils ont en commun de n'exister qu'à cause des enfants, afin de créer de nouveaux rapports entre les adultes et eux. 
Enfin, quand nous disons « lieu », nous n'entendons pas « endroit », mais espace qui peut être multiple. Beaucoup de ce qu'on appelait « écoles parallèles » fonctionnent, du moins idéalement, en relation avec des « réseaux » dispersés un peu partout dans la vie. Des « sympathisants » de ces lieux reçoivent des enfants, leur transmettent un certain savoir. Il y a aussi des lieux qui flottent sur la Méditerranée et des projets de mise en relation avec les routiers. 

 (*) "Enfants Libres D'Evolène" (Catherine Albouy, Hélène Cantin, Henri Claustre, Guy Coquet).
Editions Rougemont, Lausanne, 1974
La tendresse aussi 
Petit à petit l'utopie de « Encore heureux qu'on va vers l'été » se faufile dans la réalité: il existe des lieux pour enfants et des réseaux de « complices », fermiers, chauffeurs P.L., marins, professeurs, etc. Et si la règle du masculin l'emporte au niveau de la grammaire, c'est provisoire; au niveau de la vie, il est notable que se sont les femmes qui se battent le plus aujourd'hui contre l'école. 
Il s'agit dans ces lieux de sortir le plus possible de la logique scolaire, c'est-à-dire non pas seulement de la discipline, de la compétition et de l'effort pénible érigé en norme du travail, mais de la séparation entre l'école et la vie. L'anti-autoritarisme y est la moindre des choses. Nul n'a le droit d'imposer son pouvoir, et l'anti-autoritarisme ne signifiant certes pas « laisser faire », ce n'est pas l'un des moindres sujets de lutte avec les enfants. Encore faut-il croire que ce combat n'est pas sans issue; encore faut-il avoir confiance en nos désirs. 
On propose donc aux enfants un lieu où ils pourront s'exprimer et en même temps comprendre que le processus dans lequel ils sont ainsi intégrés est un processus critique. On s'efforce, à partir de là, de mettre sur pied un fonctionnement collectif, où toutes les personnes, adultes et enfants, sans statut figé, prennent en charge la gestion de ce lieu. Or, à ce niveau, il semble bien que ce qu'on appelait école parallèle se heurte à une contradiction indépassable. Quoiqu'on en veuille, elle reste limitée à la journée et à la « période scolaire» ; elle est limitée aussi et peut-être surtout par la famille, qui ponctue de manière privative une amorce de fonctionnement collectif. 
C'est contre cette séparation entre un lieu déterminé par le temps scolaire et le lieu de la vie que se fonde le projet collectif. Collectif d'enfants et d'adultes, cela signifie d'abord prise en charge collective des enfants (ne pas confondre avec « décharge »). Les parents de ces collectifs peuvent très bien s'occuper de tous les enfants et conserver des relations privilégiées avec les leurs; il ne s'agit pas d'une « collectivation » sans liens affectifs particuliers; la précision serait ridicule, si le mot « collectif» n'avait été terni par de froides histoires de kibboutzim, de communes chinoises, etc. 
Mais cette tendresse n'en est pas moins un essai de dépassement de la structure familiale. L'idée de rythme, de durée, de continuité, exprime assez bien cette volonté de comprendre et éventuellement de casser avec les enfants les blocages et les limites posés par la culture dans la sphère dite du quotidien. 
 

L'Etat reconnaissant. .. ou pas? 
On a vu que des « écoles parallèles » s'étaient fait reconnaître par l'Etat (Terrevigne, Le Har, par exemple) alors que d'autres, beaucoup moins nombreuses (La Barque, la Commune) y sont hostiles. La reconnaissance par l'Etat implique un contrôle de la sécurité des locaux par l'Inspection d'Académie, et du niveau scolaire des enfants à 8, 10 et 12 ans, ce dernier contrôle étant le même que celui, individuel, concernant les enfants « déscolarisés ». Elle permet à chaque enfant de pouvoir obtenir à sa sortie de l'établissement un livret scolaire. Eventuellement, l'école ainsi «reconnue» peut bénéficier de (maigres) subventions. 
Les tenants de la reconnaissance par l'Etat ont deux arguments : « ne pas se couper du peuple » et « prendre l'argent là où il est ». Ne pas se couper du peuple s'oppose ici à « se marginaliser » ; dans l'esprit de ceux qui ont choisi cette solution, le mot « déscolariser » est un mot de luxe que ne saurait assumer qu'une mince frange de la petite bourgeoisie intellectuelle. Il s'agit donc de faire admettre, avec la garantie de l'Etat, que ce lieu pour enfants est une école, une vraie. 
D'autres simplement se sont débattus avec des difficultés financières insupportables; ils espèrent par la fameuse reconnaissance de l'Etat obtenir quelques sous. Disons tout de suite que s'il n'y a pas de contrat d'association (et nous ne pouvons plus parler alors d'« école parallèle ») les subventions sont quasiment inexistantes. 
Les adversaires de la reconnaissance par l'Etat ont une position radicalement libertaire: par besoin de Papa-Etat pour exister, la contestation de l'Education nationale, c'est aussi la contestation de «l'Etat mangeur d'hommes ». Ils ne veulent pas de la garantie étatique, refusent d'être l'alibi du libéralisme. De droite ou de gauche, l'Etat, s'il n'est pas remis en question en tant que tel, est une atteinte à la liberté individuelle et collective. 
« L'école parallèle» apparaît dans cette optique comme la prise en charge collective et non statutaire des moyens qu'on se donne de s'exprimer et de se comprendre, soi et les autres, dès la plus petite enfance. Cette prise en charge de la vie quotidienne désirante est intrinsèquement une critique de la vie canalisée par l'Etat. Dans les villes, au même titre que toutes les initiatives « de quartiers» qui visent à une autonomie de type « communard » des lieux de vie, les « écoles parallèles » sont une démarche vers une communauté idéologique capable d'opposer une résistance active aux ennemis de classe, organisateurs de l'ennui. Dans les campagnes, elles sont le signe de la recherche d'un rythme naturel de chacune de nos vies; elles s'opposent à la précipitation érigée en loi de fonctionnement de notre civilisation. Des deux côtés, ces « lieux pour enfants » prouvent le Mouvement en marchant. 
 

Des collectifs de vie.  Résumons-nous: 
1) Le rejet de l'école en tant qu'école, en France, est un phénomène encore très minoritaire. 
2) Le rejet de l'école implique une démarche politique: choix anti-institutionnel, pratique sociale collective, remise en cause de la famille, du salariat. .. et du reste. 
3) Les écoles parallèles sont elles-mêmes traversées de contradictions qui tiennent aussi bien à leur recrutement social qu'à leur fonctionnement interne. 

On l'a déjà entrevu à propos de la question de la reconnaissance par l'Etat: ou bien, on refuse cette reconnaissance et l'on bute sur des questions matérielles aux conséquences discriminantes (pas de subventions, perte possible des allocations familiales ... ) ou on l'accepte, et l'on est susceptible de subir un contrôle et une logique dont les effets tendent à laminer les velléités des pratiques de rupture. Par ailleurs, le fonctionnement même de l'école parallèle qui se fonde sur une séparation entre le lieu (spécialisé) des enfants et la famille affaiblit la possibilité d'une pratique radicale. En ce sens, le fonctionnement en collectif de vie pour enfants et pour adultes va beaucoup plus loin. 
En tout état de cause, on peut reconnaître que la question d'un lieu de liberté pour les enfants est une question urgente. « Les enfants d'abord », écrit Christiane Rochefort. Elle a raison, mais il faut que le reste suive. On ne peut pas accepter que se perpétue, sans opposition radicale, un système scolaire qui accentue encore aujourd'hui son caractère oppressif et sélectionniste (réforme Haby). On ne peut accepter qu'une logique absurde continue de s'appliquer au mépris du libre épanouissement des enfants. On ne peut pas accepter qu'un inspecteur de l'Education nationale visitant une école écrive dans son rapport que la cour de récréation présente des irrégularités, puisqu'il y pousse des arbres et que les enfants peuvent en profiter pour se cacher derriére (ce délire panoptique est authentique; il figure dans un rapport concernant une école du Beaujolais - Académie de Lyon) 
On comprendra alors l'ambition de ce numéro où, non seulement on a voulu justifier une pratique, mais en montrer tous les développements possibles: aux témoignages, aux critiques on a tenu à ajouter une partie théorique (une théorie pour rire), où l'on s'efforce aussi bien de répondre aux objections et notamment aux objections « sociales » - que d'imaginer ce que pourrait être un autre rapport entre adultes et enfants. 
 

La loi ne vous interdit pas d'innover ... 

La loi du 28 mars 1882, modifiée par les lois des 11 août 1936 et 22 mai 1946, et par l'ordonnance du 6 janvier 1959, établit l'obligation scolaire pour les enfants de 6 à 16 ans. 
Mais son article 4 stipule: « L'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, âgés de 6 à 14 ans révolus (la limite d'âge est passée à 16 ans, ordonnance du 6.1.1959); elle peut être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie. »
« Au cours du semestre de l'année civile où un enfant atteint l'âge de 6 ans, les personnes responsables doivent, quinze jours au moins avant la rentrée des classes, soit le faire inscrire dans une école publique ou privée, soit déclarer au maire et à l'inspecteur d'académie qu'elles lui feront donner l'instruction dans la famille. » 
L'article 2 du décret du 18 février 1966 stipule: « [ ... ] Dans le cas où ces personnes [les parents] ont déclaré au maire et à l'inspecteur d'académie qu'elles lui feront donner l'instruction dans la famille, l'inspecteur d'académie ou son délégué accuse réception de leur déclaration. » 
L'article 9 du décret du 18 février 1966 stipule notamment: « Le versement des prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l'obligation scolaire est subordonné à la présentation soit du certificat d'inscription dans un établissement d'enseignement public ou privé, soit d'un certificat de l'inspecteur d'académie ou de son délégué attestant que l'enfant est instruit dans sa famille, soit d'un certificat médical attestant qu'il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d'enseignement en raison de son état de santé. 
L'article 16 de la loi du 28 mars 1882, modifiée par la loi du Il août 1936, précise: « Les enfants qui reçoivent l'instruction dans leur famille sont, à l'âge de 8 ans, de 10 ans et 12 ans, l'objet d'une enquête sommaire de la mairie compétente, uniquement aux fins d'établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables et s'ils leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l'inspecteur primaire. 
« Ce dernier peut demander à l'inspecteur d'académie de désigner des personnes aptes à se rendre compte de l'état physique et intellectuel de l'enfant. Ces personnes pourront l'examiner sur les notions élémentaires de lecture, d'écriture et de calcul, et proposer, le cas échéant, à l'autorité compétente les mesures qui lui paraîtraient nécessaires en présence d'illettrés. 
« Notification de cet avis sera faite aux personnes responsables, avec l'indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation, et des sanctions dont elles seraient l'objet dans le cas contraire, par application de la présente loi. »

[Il s'agit de la loi en vigueur au moment de la parution de 
"Alors on n'a pas école aujourd'hui ?".
Pour les lois actuelles : "OBLIGATION SCOLAIRE & "LIBERTÉ D'ÉDUQUER"  ]

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |