alternatives éducatives : des écoles différentes
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Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable, l'état des toilettes, le créationnisme...

QUOI DE NEUF POUR "CHANGER" L'ÉCOLE ?

Adulte à 12 ans, ado à 33
Vieillissement, recomposition des familles, allongement   des études, chômage:
le modèle traditionnel n'existe plus.
Doit-on abaisser la majorité civique à 12 ans ?
 le corps électoral, à l'image du personnel politique, tend à devenir un vieillard qui vote conservateur.
Or, pour répondre aux défis des retraites, de la violence, du redécoupage des rythmes de travail, de l'âge d'entrée et de sortie de la vie active,
il nous faudra prendre des mesures de rééqulibrage en abaissant encore l'âge du vote.

Sa Majesté des mouches ...

Pour stimuler la "construction de leur propre société" (= "Kid Nation" !) :
chaque épisode se termine par un vote interne pour la remise d'un "prix"
(une étoile en or d'une valeur de $20 000).
"There was no sex or drugs"
Ouf.
Just money...
Great, fantastic, fun !
God bless America !


L’économie de la sécurité et des situations de crise
Une économie basée sur la peur pour mieux faire passer des réformes inacceptables.
Pour des intérêts plus financiers que démocratiques.
Ce que la liste des souhaits de Gingrich nous révèle, c'est que le transfert des dettes privées dans les coffres publics n'est que la première étape du choc actuel.
La suivante sera lorsque la dette de la crise engendrée par le sauvetage deviendra une excuse
pour privatiser la sécurité sociale, abaisser les taxes professionnelles et couper les vivres aux pauvres.
Ce que Mac Cain élu ferait volontiers. Quant à Obama, il serait soumis à une telle pression par les think tanks et les medias
qu'il abandonnera ses promesses électorales pour adopter l'austérité et la stimulation du libre-marché.
L'Entreprise mondiale d'exploitation :

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral 
... et blairo-socialiste
BRITISH WAY OF LIFE

Royaume-Uni : 35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire

Un demi-million de «sans-logement» en Grande-Bretagne
A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté

Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement"

Royaume-Uni : «tolérance zéro» et conditions de détention intolérables
Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés
«Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants
est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»
Tony Blair : "tolérance zéro" face aux éléments perturbateurs dans les écoles

Royaume-Uni : Ecoles fermées aux pauvres

Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques.
Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées,
durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".
Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix.
En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens.
Pour lutter contre ces pratiques, le gouvernement s’apprête à proposer un nouveau système d’admission des élèves dans les écoles publiques.

5 September 2005

... et moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts"

Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes

Grande Bretagne : premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

Blairo-socialisme :
bilan globalement positif
Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne
est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

Royaume-Uni :Le créationnisme aux examens

Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005
pour jouir d'une vie meilleure

Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs
difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics,
en particulier les transports et le système de soins.

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.


AMERICAN WAY OF LIFE...

45 millions de personnes sans système de santé
dans le pays le plus riche du monde

Le système de santé américain est le plus onéreux parmi les pays industrialisés
et l'un des moins efficaces en terme de nombre de personnes couvertes

États-Unis : L’abstinence sexuelle renforcée
131 millions de dollars (augmentation de 30 millions) pour les programmes fédéraux vantant auprès des collégiens et lycéens américains les mérites de l’inexistence d’une vie sexuelle avant le mariage. L’évaluation nationale des bienfaits réels de ces programmes a été reportée à 2006.

Des aberrations scientifiques pour mieux prêcher la chasteté
Cette année, 40 des 50 Etats doivent faire face à diverses procédures visant à contester l'enseignement de la théorie de l'évolution dans les écoles publiques.

Quelque 6000 étudiants sont attendus sur le campus  "sans péché" (l’Ave Maria University), 
qui ne connaîtra ni préservatifs ou autre moyen de contraception, ni homosexualité, ni avortement.

Le nombre total des armes à feu en circulation aux Etats-Unis est estimé à plus de 200 millions, dont 65 millions d'armes de poing, pour une population totale de 284 millions d'habitants.
Selon des statistiques gouvernementales remontant à la fin des années 90, les armes à feu sont la cause de la mort d'un enfant ou adolescent toutes les deux heures, par crime, accident ou suicide.
En 1997, ces armes ont été responsables de la mort de 32.436 personnes,
selon ces mêmes statistiques.

La "Home School Legal Defense Association" :
Liée à l’église évangélique,
« Les croisés américains du Home Schooling »



4000 Québécois fréquentent des écoles clandestines pentecôtistes
les écoles pentecôtistes enseignent notamment le créationnisme.


FRANCE : « les plus stricts des stricts »
Présents dans huit départements (Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire, Var, Gard, Rhône, Seine-et-Marne)
La vie familiale y est très normée, dans un contexte patriarcal où le père travaille à l’extérieur, tandis que la mère prend en charge l’éducation morale des enfants.
Ils ont choisi depuis quelques années de scolariser eux-mêmes leurs enfants.
Les communautés ont récemment créé un système privé de cours par correspondance, les cours du Chêne.

 

Charles Fourier 
Vers une enfance majeure
Textes sur l'éducation réunis et présentés 
par René Schérer 
(La fabrique éditions - 2006)
 

 Sommaire 

Pré-ambule. L'échec d'une mainmise par René Schérer - 9 

1. Préliminaires sur l'éducation. 
Attraction et jouissance - 46 
Le géniteur désavoué - Les vrais éducateurs - Puissances et vertus des groupes - L'unique autorité - Récompenses entraînantes - La rébellion annonciatrice de l'ordre - Au gré des fantaisies, semailles de passions - Une journée de Zoé - Libérer l'enfant de la crainte 

II. Éducation de la basse enfance. L'industrie et le charme - 65 
Ressorts du travail attrayant - Une éducation pour tous ­ Echelle des tribus enfantines - Délivrées du pouponnage - Une vertu illusoire - Vocations industrielles, charme des ateliers ­ L'instituteur véritable - Le raffinement des sens - Pères et mères démystifïés - Aisément polyglotte - Un petit citoyen du monde - Du bon usage des passions - Un bambin émancipé, prouesses sociétaires - Occuper le corps. L'opéra - Une œuvre d'art total - Une gourmandise industrieuse - De la culture aux conserves - Une science complète: la gastrosophie - La meilleure des amorces - Cuisine, lieu d'élection - Prépondérance féminine - Le travail désiré - Le sens des nuances - De petits gardes champêtres - Gourmand, pas glouton - Un travail convenant à l'enfance - Du luxe pour tous - Le réveil d'Epiménide - Les vingt-sept soupes de Fourier - L'éloge de la variété - Contre l'éducation livresque - Plaidoyer pour un travail attayant. 

III. Education de la haute enfance.
Honneur et amitié - 155 
De la pratique à la théorie - Examen de passage - Concurrence des instincts et des sexes - Esclavage domestique des femmes ­ Qui dirige? Qui oriente? - Le vestalat, amour différé - L'enfant autonome, l'esprit de corps - Un modèle réduit d'harmonie - Permanence du charme - Retard d'initiation amoureuse - Analogies cosmiques - Passage à l'âge mûr - Du favoritisme ou contrefoyer passionnel- L'amitié collective, les petites hordes - Culture et agrément, les petites bandes - Supériorité féminines. Visions d'avenir - L'ordre des passions - Clausule. Notes du 18 juin 1921 

IV. Post-ambule. Développer les passions - 204
Buts de l'éducation naturelle ou harmonique - La grande santé - Usage civilisé de la liberté ... - Et son usage harmonien - L'engorgement des passions - Nul n'est vicieux en naissant - La société véritable - L'enfant au verger: voleur de fruit ou jardinier passionné? - Vertus de l'émulation - Incompétence des pères - Un cordonnier fils de roi - Place à l'initiative - La seule fonction paternelle - Une éducation mutuelle 

Annexe- 227 
Repères chronologiques - 230 



Utopies pour utopies, 
pourquoi ne pas choisir le plus beau des rêves? 
Charles Fourier
Théorie de l'Unité universelle, IV, 71.








Pré-ambule 
L'échec d'une mainmise 
Mainmise - par métaphore: prise de possession, domination - fin XVIII°: mainmise de l'Etat moderne sur l'individu -> assujettir (Le Robert)

Notre monde est malade de son enfance. Il en souffre, il en brûle, de ces voyous, de ces sauvages ou «sauvageons », de cette engeance qu'il a créée pourtant, et en laquelle il ne se reconnaît plus. Il les déteste et les aime à la fois. Il s'en veut de les chérir tout en les maudissant. Avant tout, il les redoute. 
L'enfant - sous ce mot étant compris le «jeune», la nouvelle génération - inquiète et fait peur. On le craint. S'il est une interrogation universelle, transgressant les frontières, explicite ou non quels que soient les peuples et les civilisations, aujourd'hui, ce n'est plus le classique «Que faire?» révolutionnaire, mais plutôt un frileux: «Qu'en faire ?», comment se comporter avec ces nouveau venus si proches et si étrangers, qui semblent se dérober à toute prise? 
Peu d'époques dans l'histoire - peut-être nulle époque - ont eu à affronter un tel problème, ou, pour parler plus justement, en sont parvenues à s'empiéger dans un tel traquenard. 
Nulle époque? Ce n'est pas tout à fait sûr. Dès la fin du XVIII° siècle, en Europe, «l'enfant» commence à devenir un thème de choix, à faire problème. C'est le moment qui succède à l'Émile de Rousseau, où la pédagogie moderne commence à prendre corps. L'éducation de l'enfant devient une des préoccupations majeures de la société civile. Une des clés de la Civilisation. 

Alors, ayant à choisir en Fourier, le contempteur de la société moderne et de ses tares, le premier dénonciateur de l'économie marchande, des «crimes du commerce» et du libéralisme, il m'a paru que ce qui lui fournit le plus de prise sur la Civilisation en lui permettant d'en finir avec elle ou, du moins, d'envisager avec espoir cette fin, était l'éducation des enfants, à l'évidence un de ses points forts. 

S'il est difficile de détacher quelque chose dans cette œuvre qui se tient toute, qui papillonne en tous sens, «l'éducation harmonienne» forme, dès le début, dès la Théorie des quatre mouvements (1) et surtout dans le Traité de l'association domestique-agricole (2), et jusqu'au Nouveau Monde industriel (3), une sorte de court traité relativement autonome. Pour ne pas faire double emploi, ces ouvrages étant actuellement disponibles dans les rééditions des Presses du réel à Dijon, j'ai été amené à choisir parmi les nombreuses esquisses datant de 1820 et de 1826, restées à l'état de manuscrits et moins connues, bien qu'ayant été publiées par La Phalange en 1852 et reprises également dans le tome X des éditions Anthropos en 1966. 

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1. (1808) Première partie, les chapitres XI et XII.

2. (1822) Livre II: «De l'éducation unitaire ou intégrale composée, publiée dans Théorie de l'unité universelle», titre adopté en 1841 par les éditeurs, reproduit aux éditions Anthropos, Paris, 1966, t. V, pp, 1-303. 

3. (1829) Anthropos, t. VI, section 1lI, pp. 166-237.
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Il n'est que de feuilleter ces pages pour se laisser prendre par leur ton, leur notation d'une observation toujours juste encore pour nous. On dit Fourier utopique (ou utopiste). Mais il faut s'entendre. Si l'on veut dire par utopique que ce qu'il propose est actuellement impossible, avec nos manières de voir, nos préjugés, nos blocages, il l'est, à coup sûr. Il prend même l'exact contre-pied de ce que nous pensons et réalisons, en matière d'école, de famille, de conceptions hiérarchiques et subordination de l'enfance. Mais si l'on juge de l'utopie en confrontant un projet aux fins à atteindre, alors c'est plutôt un système ­ le nôtre -, avec ses prétentions à conduire par les moyens qu'il emploie l'enfant à l'insertion sociale et au bonheur, qu'on peut bien plus justement qualifier d'utopique. Irréaliste, voué constamment à l'échec. Utopique, parce qu'il prend ses désirs pour des réalités, s'enferre dans la fiction sociale d'une civilisation dont tous les projets éducatifs ont successivement échoué et qui ne s'entête pas moins à accumuler les réformes. 

Oui, il peut être à bon droit qualifié d'utopique. Et c'est l'observation, la réalité le plus minutieusement, le plus spirituellement décrite que Fourier lui oppose. En utopiste, au sens de visionnaire, mais ancré dans les exigences du réel. 

Il n'est que d'ouvrir, un peu au hasard, ce recueil et l'on trouve de ces pages qu'on dirait écrites exprès à notre intention: «J'ignore quels autres buts se propose l'éducation civilisée. Je n'en ai guère lu les traités, mais à en juger par le résultat, le premier et le plus général chez les enfants civilisés, c'est qu'ils n'usent de leur liberté que pour commettre toutes sortes de dégâts, s'exciter l'un l'autre à la malice et à la malfaisance, à tel point qu'une troupe d'enfants qu'on laisserait en pleine liberté, sans crainte des châtiments, finirait par se donner le délassement de Néron, incendier une ville.» Voilà tout crûment décrites nos angoisses, habillés nos fantasmes: Fourier nous les jette à la figure, il s'en gausse. Ces jeunes vandales, ce sont bien ceux que l'on suppose hanter les cités des banlieues, brûleurs de voitures, pilleurs de magasins. Seulement, au lieu de se lamenter de façon misérabiliste, d'appeler à la répression ou de psychologiser à partir de quelque complexe œdipien, l'utopiste s'accroche aux causes réelles, à la cause première, l'inutilité de l'éducation donnée, de la scolarisation sans finalité; aux vices d'une société qui ne peut tenir (tenir en laisse) ses enfants que par la contrainte et se scandalise des effets d'une liberté qui se retourne contre elle. Et elle entasse système sur système, école sur école, contrainte après contrainte, comble les myriades de trous des «vides juridiques», dans une éperdue fuite en avant. Au bout, elle ne trouve toujours que «la horde subversive» des «enfants démuselés». 

Le premier trait de l'éducation sociétaire de Fourier est de renvoyer dos à dos le sévir de la réaction et le laisser-faire d'un laxisme que naguère - ou n'est-ce pas plutôt déjà jadis? - on imputait aux «gauchistes». Illusoire contradiction, faux dilemme. De part et d'autre, il ne s'agit pas d'un enfant doué de ses propriétés naturelles, mais d'un être déjà déformé par la société qui le produit, avec ses présupposés, ses contentions, ses divisions ou «segmentarités» comme l'ont écrit Guattari et Deleuze (1) de la façon qu'on a d'arriver au monde déjà enfant de famille, destiné à son rôle sexuel, enfermé dans le destin d'une classe et d'une profession. Déjà vicieux, plein de ressentiment, agressif. La violence vient de surcroît. Elle n'est pas de nature. 

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1. Mille plateaux, Paris, Éd. de Minuit, 1980, chap. IX.
«Micropolitique et segmentarité». p. 253.
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 Fourier ne se lasse pas de ressasser ce qui lui paraît - et nous paraîtra - une évidence. La frénésie de destruction n'est pas naturelle; elle n'est le propre d'aucun autre animal que l'homme. L'enfant ne naît pas vicieux, méchant, il le devient. Et, en ce sens, on pourrait penser, en prenant les textes ici présentés, qu'il ne fait que reprendre à son compte Diderot ou Rousseau: est-il bon, est-il méchant? «On se convaincra, dans cet abrégé d'éducation naturelle, que non seulement l'homme est né vertueux, enclin à la justice, la vérité et l'unité, mais que tous les vices sociaux qu'on lui reproche sont des impulsions de vertu, dénaturées par le régime civilisé.» 
C'est du Rousseau, certes, mais en partie seulement. Pour l'auteur de L'Origine de l'inégalité parmi les hommes, c'est l'entrée en société qui déprave. L'homme bon est un solitaire. Alors que, selon Fourier, il n'est pas question de concevoir un homme, un enfant qui ne soit pas d'emblée social. Les passions qui sont au principe de son activité sont toutes dirigées vers autrui. Il tend spontanément à former des groupes. Ce n'est qu'au sein des groupes que les passions peuvent être contrariées ou prendre leur plein essor. 
Aussi les problèmes de bonté, de méchanceté, d'accord ou d'agressivité dépendent-ils de la manière dont se forment les groupes et dont ils tendent à la répression ou à l'exaltation des passions, seuls «ressorts» du mouvement, seuls foyers attractifs. L'enfant naturellement sociable de Fourier n'est pas fait pour la solitude; pour une éducation en face à face avec un précepteur. Il n'est pas fait non plus pour le confinement dans la famille, face à face avec le père ou la mère; voire ses frères et sœurs, quelque élargi qu'en soit le groupe, quelque séduisant que soit le vocable de fraternité. Il ne couvre, cependant, qu'un champ restreint et limitatif s'il est pris à la lettre. 

Non, l'enfant n'est pas fait pour la famille, mais il n'est pas fait non plus pour n'importe quelle sorte de socialisation «étrangère », ni surtout celle, scolaire, que la Civilisation lui impose. On parle aujourd'hui de l'école comme d'une sorte de naturalité presque consubstantielle à l'enfant. «Un enfant qui ne va pas à l'école n'est pas un enfant» peut-on lire périodiquement sur les affiches de propagande pour la scolarisation des enfants des pays pauvres, et sûrement dans les meilleures intentions du monde. Enfant = écolier ou élève: la conséquence est bonne et l'équation imparable. 

Les groupes «faux» en Civilisation sont donc principalement, pour les enfants, la famille et l'école. 

La famille, comme étant le plus petit assemblage possible, limité au couple parental et ne pouvant, en raison même de la restriction de ce nombre, ouvrir assez largement l'éventail passionnel, est source d'incompatibilité d'humeurs et de caractères. Certes, pour Fourier, il ne s'agit jamais d'associer des caractères uniformes ou identiques; au contraire, la rivalité qui entretient l'émulation, la mise en action de la «cabaliste », est indispensable à l'harmonie. 

Et la quantité, le nombre, intervient id en tant qu'elle comporte seule une suffisante variété pour que soient possibles, tout à la fois, les accords et les désaccords et, entre eux, les transitions, les infinitésimales variations si indispensables à la continuité de tout mouvement. 

La Civilisation elle-même a bien compris que le milieu le plus propice au plein développement des capacités du corps et de l'âme ne pouvait être la famille restreinte, et elle a raison, en partie, lorsqu'elle lui assigne le groupe plus nombreux et plus divers de cet arrachement à la famille, de melting­pot de caractères que constitue l'école. Mais la fausseté du groupe est produite, cette fois, par l'incohérence, l'anarchie, l'indigence et la simplicité des ressorts. Des milliers de méthodes différentes en surface et revenant, au fond, toutes à la même éducation qui ne fait jouer - et encore imparfaitement - que les facultés de l'esprit. Qui condamne comme honteuses les passions, proscrit le plaisir. 

Un groupe qui, de surcroît, n'assemble les individus que pour les soumettre uniformément à l'autorité d'un maître unique, dans une relation unilatérale, verticale. Le savoir se déverse de haut en bas, il ne saurait être distribué équitablement que lorsqu'il est désiré et sollicité. 

Au fil de la lecture, on sera séduit par la finesse des observations de Fourier, par tant de judicieuses remarques concernant la manière d'attirer l'intérêt de l'enfant, de le motiver de façon que ce soit spontanément, de son propre mouvement, qu'il demande à apprendre. Ce qui a fini par faire ranger Fourier parmi les plus subtils pédagogues; ce qui a conduit maint système contemporain de pédagogie active à lui emprunter nombre de traits, concernant (j'énonce au hasard et au fil de la plume): la suprématie des travaux manuels sur les intellectuels, un enseignement non livresque; la nécessité de joindre l'affectivité à l'intelligence; la fonction primordiale de l'émulation qui ne soit pas confondue avec une concurrence hargneuse pour les premières places; le besoin, chez l'enfant, du changement perpétuel, qui demande de privilègier les courtes séances, etc. 

Pédagogue hors pair est certainement Fourier dans la théorie de son éducation. Mais n'est-il que cela? est-il même cela? 
Le penser serait, je crois un profond contresens. Et sur ses intentions, et sur leur effet. II ne s'agit pas seulement de lui emprunter des bribes de méthode, mais de comprendre le point de vue selon lequel il se place; de saisir le déplacement qu'il exige; de nous porter à ce point où nous allons pouvoir jeter un autre regard sur l'enfance et lui assigner, dans l'ensemble de la société, une autre place, de lui accorder une autre fonction. Ce déplacement est primordial; la valeur pédagogique vient de surcroît. Valeur d'un très haut prix, d'une incommensurable portée, certes; mais seulement une fois que l'on aura compris que son projet n'est rien moins que pédagogique, que ce qu'il met précisément en question, c'est la fonction et la signification des pédagogues: ceux qu'il qualifie de «pédants». 
Le rôle que, dans l'éducation, il leur assigne, est comparable à celui qu'il assigne aux pères: nul ou négatif. Ni le père, ni le pédagogue ne sont «instituteur naturel» de l'enfant. L'instituteur est le groupe, ses maîtres sont les enfants du même âge ou d'un âge un peu supérieur. L'admirable pédagogie de Fourier est hors pédagogie; c'est-à-dire hors de son champ. Hors de ce «champ pédagogique» qui, depuis la fin du XVIII° siècle, n'a fait que renforcer son emprise jusqu'à se faire passer pour naturel. Fourier commence par mettre en question sa légitimité; il le bouscule, il le détruit. Si, par pédagogie, on entend ume relation élective entre maître et élève, et, par champ pédagogique, cet espace neutre, cette distance établie entre l'un et l'autre, tout cela, chez Fourier, est inexistant. C'est par là qu'il faut commencer pour le comprendre, par là que commence la révolution toute naturelle qu'il propose. 
Cela compris, nous entrons dans la voie de la solution de nos problèmes insolubles. Pour l'enfant, il n'y a qu'un seul maître, un seul Dieu: c'est l'attraction, l'attraction par passion ou attraction passionnée. il n'y a qu'un seul ou qu'un seul type d'instituteur: ses camarades et son groupe. Ou mieux - et c'est cela qu'il faut maintenant préciser, cela qui est le spécifique de Fourier, son invention, la miraculeuse et naturelle, à la fois, solution des conflits qu'il préconise - le groupe à la place qu'il occupe dans une série. 

Série est le mot-clé: série de groupes. L'association harmonienne est un ordre sériaire. En quoi elle se distingue de la Civilisation, de ses institutions, avec chefs et petits chefs qui ne savent que régenter, contraindre et punir, surveiller, pour faire régner l'ordre. Alors que la série produit l'ordre spontanément, de son seul effet, car elle attire. Ou qu'elle ne fait appel, en tous ses points, qu'aux attractions passionnées. 

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L'enfant de Fourier, si l'on peut user de cette expression, n'est jamais ni enfant de famille ou «de parents (1)», ni «enfant d'école». 

1. Expression de Tony Duvert dans Quand mourut Jonathan.


Toute idée pédagogique se réfère à un modèle de relation sociale entre l'adulte et l'enfant. Elle construit l'éducation en se fixant à un modèle-type. Ce modèle est généralement celui d'un couple qui délimite dans le social l'adulte privilègiè avec lequel l'enfant a affaire, celui qui le définit et le contrôle, qui a regard sur lui. Les couples reconnus, normatifs, ont été successivement: celui du père-instituteur (Locke), contre quoi s'élève déjà Rousseau en lui substituant le couple enfant-percepteur. Puis vient le couple enfant-mère, qu'anticipe Jean Paul dans son Levana et qui commande, du côté affectif, tout le XIX° siècle jusqu'à nos jours, alors que, du côté normatif et éducatif, on voit apparaître le et la psychologue, le et la psychiatre, l'éducateur et l'éducatrice, finalement le juge et «la» juge, voire le policier et la policière. En même temps qu'ils délimitent l'aire de liberté et d'activité de l'enfant, son aire de jeu, ils le circonscrivent, le définissent, le nomment en tant que fils ou fille, écolier ou écolière, élève, pupille, «mino», «ado », jeune délinquant ou pré-délinquant et délinquante. J'en passe: on peut reconstituer aisément la série et ses nuances, toujours situées dans le même registre de morosité, de contrainte et de ridicule (la notion de «caractériel» par exemple), et toujours extrêmement pauvre, incolore: ce langage de la compréhension psychologique, de l'adaptation ou de la «dangerosité» sociale n'exprime que l'infranchissable barrière édifiée par la pédagogisation entre les enfants et une existence sociale active. 
    Avec Fourier, nous entrons dans l'enfance par une autre porte qui est celle de la socialisation immédiate. Ce qui s'accompagne, pour son temps, et relativement à l'engouement pédagogique naissant, d'une «dé-pédagogisation». Il n'y a plus de précepteurs, de maîtres, de pédagogues: l'enfant n'est pas placé dans une situation hiérarchique verticale d'encadrement par un ou des adultes. Il n'y a pas, sur ce plan­là du moins, de formation de couple privilégié. D'autre part, père et mère sont exclus - il est plus juste de dire déchargés, car l'attraction n'admet rien de forcé, de privatif - de la surveillance et de l'institution de l'enfance. Ils pourront s'adonner à leur passion: le «gâtement» éminemment antipédagogique. Nous donnons ici une belle page sur cette seule prérogative des pères dans l'ordre sociétaire: l'amour immodéré et sans inhibition éducatrice envers l'enfant qu'est le gâtement, essor de la passion animique mineure du paternisme ; dite mineure, comme l'amour, parce qu'en elle l'attraction vient de l'inférieur qui l'emporte sur le supérieur. 
À cette «dé-pédagogisation», à cette «dé-familiarisation» (qu'on me permette ces expressions barbares mais inévitables), qui déjà au début du XIX° siècle commencent à trancher «utopiquement» sur un mouvement historique amorcé par la Civilisation, il convient d'ajouter, relativement à notre temps, une «dé-psychologisation». Je veux dire, par cette expression tout aussi horrible mais claire, que, rétrospectivement, l'enfant de Fourier n'est pas un enfant «à problèmes», un «caractériel», à soumettre au psychologue pour le rallier, grâce à une intervention psychique, à un ordre avec lequel il est en conflit, mais qu'il est traité comme un être humain à part entière, un être dont les impulsions, les passions, les rébellions ont, au contraire, raison contre l'ordre subversif de la Civilisation. C'est elle la grande coupable; quant aux attractions, elles dictent la «voie naturelIe», «voulue par Dieu», de l'organisation sociale, de l'insertion de l'individu, non pas certes dans le groupe restreint du ménage, ni le groupe faux et artificiel de l'école, mais dans des séries attractives et passionnelles. 
Venons-y. 
 
 

Les séries, d'une façon qui est peut-être plus directe et plus immédiatement compréhensible pour nous, Fourier, dans la première édition de la Théorie des quatre mouvements, les nomme des sectes (d'où l'appellation de «sectaires»). Le mot, qui pourrait être discrédité lorsqu'on pense au fanatisme des sectes, contient toutefois une connotation très claire d'attractivité passionnée, enthousiaste, de rassemblement non forcé, et toutefois auto-discipliné, hiérarchisé, contrasté, entraîné par la seule force de l'attraction, de l'émulation mutuelle. Ces sectes, dont le modèle civilisé est donné pour les adultes par les coteries et les clubs, les enfants les produisent spontanément sous la forme de leurs bandes. Au couple intra-familial ou pédagogique, Fourier oppose la spontanéité des bandes; à l'élève, le gamin des rues. C'est là son modèle, la «naturalité» de l'enfant, la référence sociale. Aussi le problème de la «socialisation» change-t-il radicalement si, au lieu de rendre problématique la manière dont l'enfant va accepter les autres, on le prend en flagrant délit de socialisation spontanée, originaire. 
Que l'on comprenne bien: cela ne signifie pas que l'individualité de chaque enfant soit perdue dans la masse, uniformisée, mais bien au contraire qu'il n'existe pas d'enfant qui n'ait, attractivement, ce que la sociologie ultérieure appellera un socius ou, plus simplement, un groupe d'élection dans lequel il se sent libre, se sent «lui-même», propre à donner libre cours à ses penchants, à accéder, sans contrainte, à tout ce qui l'attire. 
Cette remarque doit nous assurer contre une mésinterprétation du refus par Fourier de spéculer sur l'individuation abstraite de l'Enfant (à la manière d'Emile). Une telle lecture conduirait à l'idée d'un embrigadement collectif, d'un assouplissement ou d'un rabotage de l'originalité individuelle par une discipline, par un embrigadement. 
Il est certain qu'il y a, dans les tableaux que donne Fourier dans son imagerie de l'enfance (parades, évolutions de groupes, cavalerie enfantine), quelque chose qui touche au militaire; qui évoque, en divers sens, les lycées napoléoniens, les enfants de troupe, les parades de gymnastique, les jeunesses hitlériennes, les pionniers soviétiques, les «volontaires» iraniens, etc. Cette objection doit être abordée de front, car elle est préjudicielle, Si l'on admet qu'il y a de l'embrigadement dans l'éducation harrnonienne (unitaire), alors elle devient effectivement la préfiguration de toute éducation totalitaire, et beaucoup moins utopique qu'on ne croit puisqu'on l'aura vue concrétisée en Allemagne, en Russie, en Chine, au Moyen -Orient. 
La réponse fouriérienne peut être apportée sur deux plans: d'abord la réussite historique de ces embrigadements de la jeunesse est qu'ils ont su mettre en œuvre - ce devant quoi les démocraties ont toujours hésité au nom d'un individualisme strictement juridique - le goût, chez l'enfant, de l'émulation de groupe, de l'uniforme, de la chamarrure, de la parade, etc., c'est-à-dire l'élément passionnel et esthétique. De plus, cet élément ne peut être connoté par aucune formule juridique précise: il est incommensurable tout autant avec l'idée abstraite de «personne» qu'avec celle, tout aussi abstraite, de «conscience collective». Plus que jamais peut-être nous sommes sensibles, en relisant Fourier, à travers ses textes, et en les confrontant avec notre actualité, à la fragilité de la frontière qui sépare les parades enfantines du phalanstère, leur petite cavalerie, petits fusils, petits canons, et les fusils et mitralleuses réels des enfants qui, du Nicaragua à l'Iran et au Cambodge se dévouent, tuent et meurent pour des causes incompréhensibles. L'éducation phalanstérienne ne peut, je crois, contourner l'épreuve de cette confrontation, mais elle en sort aisément victorieuse, car elle  échappe à ce piège sournois qui est, pour la Civilisation, de vouloir ignorer contre toute évidence les formes rivalisantes et héroïques de l'attraction passionnelle. (1)

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1. On pourra se référer à l'analyse que font les auteurs de Mille plateaux de la «segmentarité» - dont les régimes militaires et fascistes donnent un exemple - qui est toujours en passe de se reconstituer pour couper et détourner les «flux» libérés du désir. On n'évitera jamais cette ambiguïté de la "déterritorialisation", du désir avec ses fixations perverses qui exigent le maintien en éveil d'une constante prudence.
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Avec l'antipédagogie de Fourier, l'égoïsme, le culte du moi, la recherche obsessionnelle de l'identité, de l'identification qui sont au cœur même de cette «personne» qu'on veut implanter en tout enfant, foyer égoïste de toute éducation civilisée, se déplacent vers un autre centre, un autre foyer nommé «unitéisme». Ne disons pas que nous avons d'un côté une réalité, celle de l'identité personnelle, de l'autre une utopie, à la limite dangereuse, celle d'une subordination de l'individu au groupe, de sa fusion en lui. Car l'identité personnelle est tout aussi bien utopique, mais comme un leurre, un but jamais atteint, point de fuite inacessible qui vise à maintenir l'enfant dans un état d'immaturité permanente, celle précisément qui, pour toute l'éducation civilisée, définit la minorité relativement à la majorité
    En regard, l'insertion chez Fourier de l'individu dans le groupe et la série, loin d'avoir le sens d'une fusion, possède celui d'une exaltation de l'intensité passionnelle. Ici l'étude de l'enfance rejoint et confirme l'analyse générale des passions selon laquelle la Civilisation ne peut jamais donner que des amorces passionnelles mais sans les  conduire à un plein développement. Le mot de «socialisation», donné sans plus de précision, pourrait pourtant être trompeur: il n'y a pas un individu qui s'insère dans le groupe, il y a un groupe originaire, grâce auquel l'individu devient, découvre en lui-même la possibilité d'essor, d'accroissement de ce qui, autrement, n'aurait connu que l'essor restreint d'une passion entravée. L'organisation sérielle ou insertion de l'enfant dans l'ordre sociétaire n'est pas une diminution de forces ou d'énergie, ni une dérivation qui en changerait brutalement le cours. Non seulement l'énergie est exaltée, mais son objet est conservé. L'exemple privilégié, paradigmatique et pivotal, celui des «petites hordes» - reposant sur le goût de la cochonnerie ­ montre que c'est par le développement de ce goût même que l'enfant atteint à la plus haute exaltation de son existence à la fois individuelle et sociale; il ne se sacrifie pour aucune cause, même s'il la sert. Car cette «cause» est aussi l'objet de son plaisir. Cette paradoxale alliance de l'individu et du groupe rend inutile toute «correction» par l'adulte. Elle assure, d'ores et déjà, pour tout enfant, une pleine liberté et un statut de «majeur». 

L'important reste qu'il n'existe pour Fourier aucune minorité juridique ni sociale de l'enfance, c'est-à-dire une minorité impliquant une prise en main, une «mainmise» (mancipium) qui est au fondement même de la conception éducative civilisée. Mineur, l'enfant jouit de capacités moindres et de moindres droits. Les seuls qu'il possède dépendent de l'adulte et confortent la supériorité de celui-ci. Ils sont de protection. Dans l'Harmonie, au contraire, il n'y a pas de barrières en ce qui concerne les fondions industrielles et civiques, si ce n'est toutefois celle, naturelle, de la puberté, sur laquelle il faudra, d'ailleurs, revenir. 
Cette inexistence de minorité juridique présente deux aspects, se déroule sur deux plans, liés, mais toutefois différenciables: l'enfant n'est pas soumis pour son éducation à l'autorité de l'adulte; il ne forme pas, socialement, un groupe séparé : pas plus qu'il n'est mineur, il ne forme pas, comme parfois on l'a revendiqué pour lui, une société à part. Ce qui le reléguerait dans une sorte de réserve, alors qu'il est présent en tous les lieux de la vie sociale. Il n'est pas un mineur, bien que beaucoup de ses activités, de ses groupes, de ses instruments, soient nommés, mais par agrément, joliment, on pourrait dire décorativement, «minimes». Rien que le fait d'attribuer à l'enfant des passions lui confère une majorité refusée, ou, si l'on peut dire, le «majorise». On songe à La Bruyère: «ce sont déjà des hommes». Il n'y a nulle part, chez Fourier, à l'égard de l'enfance, de «compréhension», c'est-à-dire un apitoiement, une manière de «se pencher sur». Bien qu'il y ait des critiques fermes et sans équivoques à l'égard de l'exploitation, du travail des enfants dans les usines. Mais c'est parce que ce sont des usines et non, particulièrement, parce que ce sont des enfants. Les crimes de la Civilisation ne sont pas abordés par le biais de la pitié, mais de la contradiction et du ridicule. 
    La différence entre ce qu'on pourrait appeler l'orientation humaniste de la pédagogie qui finira par triompher en arrachant l'enfant au travail et en l'asservissant dans les écoles et ce qui, en contradiction avec toute la tendance du siècle, forme l'utopie fouriériste, consiste en un déplacement d'accent. Le travail ni la fusion dans la société adulte ne sont par eux-mêmes exploiteurs de l'enfant, mais ils ne le sont que par la méconnaissance de l'attraction. Il faut immédiatement ajouter - car cela est d'une extrême importanee pour une société qui est en train de préparer l'uniformisation de l'Enfant - la méconnaissance des attractions différentielles.
    C'est pourquoi l'éducation harmonienne accorde tant d'attention à l'observation et à l'orientation originelle des vocations et des caractères. Par quoi il faut entendre à la fois le fait de ne pas destiner un enfant, par diktat adulte, à une fonction à laquelle il répugne, mais aussi l'absence de fixation définitive de chaque enfant à une seule vocation, une seule tâche en raison de la diversité des attractions industrielles existant chez un même individu et de l'action de la passion alternante ou papillonne qui les met en œuvre. Cette possibilité de changer n'a rien à voir avec un état de chose où, sous prétexte d'«orientation» ou de préparation préliminaire à divers emplois, de «formation polyvalente», l'enfant est mis en veilleuse, en sursis d'activité productive et de vie, condition essentielle de sa minorisation. Il faut insister, de nouveau, sur l'absence d'encadrement et de subordination pédagogique qui fait que la présence constante de l'adulte surveillant n'est plus exigible après l'âge des nourrissons et des poupons, c'est-à­dire vers deux ans et demi: «On peut donc, dès l'âge de 2 ans et demi, dès que l'enfant est en état de bien marcher, l'abandonner à l'attraction» (V, 25). Et, à quatre ans, on peut affirmer, sans hésitation, car il est à même de se débrouiller par lui-même et de gagner sa vie, qu'il est incontestablement un «majeur». 
Auparavant il a eu affaire à des bonnins et des bonnines qui s'occupent de le pouponner, non par devoir, souvent rebutant, mais par attraction passionnée. L'enfant d'Harmonie n'a envers personne cette «dette infinie» que la Civilisation, par la voie de la plus récente de ses «sciences incertaines» - on aura reconnu la psychanalyse - fait peser sur ses sujets en voie de structuration. La structure est étrangère au système de Fourier qui ne connaît que le mécanisme passionnel.

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Ainsi, on peut penser le monde sociétaire comme l'utopie d'une enfance qui serait à la fois «autonome» au sens où l'on veut l'entendre aujourd'hui lorsqu'on revendique ses droits, et pleinement «enfantine», c'est-à-dire n'ayant rien perdu de son charme ni de son impertinence, de ce qui la constitue concrètement pour nous. 
Je rapprocherais volontiers une telle idée des ouvrages de Gérard Mendel sur la «décolonisation de l'enfance» et, plus encore, des analyses de Michel Foucault, lorsque, de façon exemplaire, il étudie l'installation de la société disciplinaire avec une pédagogisation de l'enfant qu'il compare lui aussi aux processus identiques de la colonisation des peuples non civilisés (1)

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1. Michel Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, cours du Collège de France 1973-74, Paris, Seuil, 2003, p.70.
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Débarrasser l'enfance de cette colonisation disciplinaire (ou discipline colonisatrice), c'est concevoir qu'elle puisse être, à la fois, ceci - avec son charme spécifique -, sans être en situation de minorité, et cela - non tributaire des adultes, de leur surveillance et de leur direction sans devenir adulte elle-même. Ce qui, sans aucun doute, nous met sur la voie de l'utopie, de sa force contestante à l'égard de toutes les propositions unilatérales, ou, autrement dit, d'une logique exclusive de l'alternative, du «ou bien, ou bien», du choix imposé. Avec l'utopie de Charles Fourier, nous maintenons tout ensemble: l'enfance dans son enfance, l'enfance dans son «égalité» avec l'adulte. Entendons bien ce mot d'égalité qui implique une reconnaissance, mais non une identité. L'enfance, pour le faire sentir par un exemple, traite à égalité avec l'adulte, pour la question de son salaire, et peut même le supplanter, lui faire des présents par magnanimité, précisément paree qu'elle est différente (V, 161). 
    Cette différence, qui suffit déjà à donner à l'enfance dans l'ensemble du monde sociétaire une place éminente - non pas une exclusion ni une retraite, mais une qualification irremplaçable - est marquée visiblement par la classification opérée par Fourier, avec les dénominations qui l'accompagnent. Opposant la richesse de ses nuances à la sèche et froide nomenclature généralement utilisée dans les collèges, il rappelle que ceux­ci ne peuvent répartir les enfants qu'en catégories nettement tranchées, hostiles les unes aux autres, sans «engrenage» ni «transitions»: les grands, les moyens, les petits. Fourier insiste sur la nécessité des passages, des transitions ainsi que sur celle d'une différenciation bien plus fine qui, en même temps qu'elle classe, contient un sens, porte sur des caractères. 
    Rien n'est plus important qu'une dénomination précise et colorée. Déjà, par les mots que Fourier réhabilite ou invente, c'est toute une enfance qui vit, une guirlande d'enfants qui se déploie, vifs, ardents, anges ou diables: lutins, chérubins, séraphins, ou diablotins, dont le nom seul suffït à exprimer le charme, en contraste avec les désagréments des civilisés - il n'hésitera pas à traiter certaine classe de poupons de «désolants», eu égard aux ennuis qu'ils procurent à leurs géniteurs ou à leur voisinage. Mais ce n'est que charme, et charme «composé», une fois délivrés des institutions qui les enferment (lycéens, gymnasiens), et surtout lorsqu'ils se trouvent répartis selon ces classifications mesurées et sérielles qui ennoblissent jusqu'aux appellations infamantes en guise de pied de nez à la Civilisation: les garnements et garnementes, sacripans et sacripanes, chenapans et chenapanes des petites hordes, en regard des chevaliers et chevalières des petites bandes et de toutes autres «citations culturelles», selon l'expression de Roland Barthes, des druides, coëres, kans, troubadours, ménestrels, etc. L'importance de cette nomenclature ne peut être sous-estimée. Si elle admet une part d'arbitraire, elle a la force d'une qualification, elle induit une vision, un tableau. 
    Le raffinement sur les noms n'est pas seulement propre à repérer le détail concret dont est faite l'utopie. Elle permet aussi, entre les enfants et les adultes, de supprimer la ligne de démarcation infranchissable, la brisure, en étalant leurs chœurs de tous âges, sur un même pied, bien qu'à diversité de fonctions et d'aspect, à égalité hiérarchisée et associée à la fois. Entre l'usage et la classification par la Civilisation, c'est-à-dire par nous, et son usage chez Fourier, il y a une différence essentielle. 
La classification peut être utilisée pour disjoindre, isoler ou opposer: c'est la nôtre, qu'il s'agisse des «vieux» et des «jeunes», ou des «4 à 6», «6 à 8», «7 à 12», «minos», «ados» ... C'est un tri, on y voit plus clair pour discipliner, on ne mélange pas. C'est ce qu'on a pu nommer une «disjonction exclusive». Mais il y en a une inclusive, celle de Fourier: un nuancement enrichissant, créant, au lieu des oppositions hostiles, les rivalités, les émulations enthousiasmantes. Et permettant d'indiquer aussi, ce qui est très important, à la place des grandes exclusions, les associations nouvelles, par rabattement ou correspondance harmonique d'une classe d'âge avec une autre. Ainsi, la série des 32 chœurs peut se replier sur elle-même et indiquer des conjonctions d'affinité à partir de son centre. 
    Les sympathies dissymétriques ou asymétriques qui correspondent à ces «équilibres harmoniques» par association des âges tranchent de la façon la plus nette avec les répartitions par classes uniformisées, symétriques, et considérées par principe par la Civilisation comme seules sympathisantes: les enfants, les «jeunes», les adultes, les vieux (le «troisième âge») : classes exclusives pour lesquelles sont inventés des lieux, des loisirs séparés. Regardons, au contraire, l'harmonisation de Fourier: les patriarches vont aux bambins, et si les formés et les athlétiques, c'est-à-dire de 24 à 37 ans par suite du retournement de la série sur elle-même, se trouvant en son centre, créent un pivot de sympathies relativement égalitaires par l'âge, symétriques, les jouvenceaux et les jouvencelles de 15 à 19 ans sympathisent plutôt avec les virils de 40 à 54, et les gymnasiens de 12 à 15, avec les mûrissants de 37 à 45. 
    Ce qui n'empêche nullement les enfants et les jeunes gens, dans leur émulation graduée, dans certaines de leurs activités et parades spécifiques, de se retrouver «entre eux» ; mais avant tout, et aux antipodes de la tendance actuelle de la Civilisation, ils sont, avec les autres, mêlés, condition indispensable de l'unité sociétaire qui se scelle constamment par son triomphe sur les antipathies. 
Une telle précision devait être donnée pour que l'on comprenne mieux comment cette enfance non surveillée, non punie, non protégée (au sens actuel du terme, celui de la «protection» sociale dont elle jouit et qui la limite et l'enferme) devient «magiquement» utile, en s'engrenant directement dans les séries qui l'accueillent. Chacune, au verger, au potager, à l'atelier, lui réserve sa place, puisque toutes les séries sont graduées, composées de «sectaires» des deux sexes et de tous âges. Ce sont travaux par divertissement, par attraction, appropriés à ses forces «en s'emparant spontanément des petites occupations qui emploient chez nous des bras de trente ans» (1, 65). L'insertion de l'enfant dans un travail qui, pour être minime, n'est pas de second ordre, suffit à démontrer et démonter la ridicule et contradictoire organisation divisée du travail. En une phrase, qu'a relevée Barthes, se concrétise cette critique de la Civilisation à partir du mésusage de son enfance : «N'est­il pas scandaleux de voir des athlètes de trente ans accroupis devant un bureau et voiturant avec des bras velus une tasse de café, comme s'il manquait de femmes et d'enfants pour vaquer aux vétilleuses fonctions des bureaux et du ménage?» 

Je n'insiste pas sur cet aspect que l'on pourrait nommer celui de l'enfant au travail ou dans la vie active. 
     C'est lui qui avait enchanté Marx et une partie du mouvement ouvrier du XIXe siècle, soucieux de ne pas isoler les enfants des usines. Il ne s'agit évidemment pas de cela chez Fourier, aux antipodes du travail contraint et répugnant. 
Mais, tout de même, pour nous qui réfléchissons aujourd'hui sur son utopie, il est impossible de négliger que la mise de l'enfant à l'école, sa pédagogisation, sa scolarisation intégrales ne furent pas toujours une évidence progressiste. Il fut un temps où Fourier pouvait faire basculer le système de l'enfance dans une direction toute différente de la nôtre. 
L'essentiel est pourtant beaucoup moins là (l'activité socialement utile de l'enfant; et non seulement hypothétiquement préparatoire) que dans le renversement de la perspective que l'intervention de l'enfant au milieu de l'activité adulte implique. Dans cette activité qui - il faut le rappeler constamment - est uniquement attractive, commandée par un unique appât, le plaisir, l'enfance introduit un nouvel élément, ou pour mieux dire un supplément attractif, industriel autant qu'affectif. C'est que la présence de l'enfance est un facteur d'émulation pour tous. S'il y a un «charme ascendant» qui guide les bambins vers les polissons un peu plus âgés qu'eux, dont ils font leurs guides et leurs dieux, il y a une hiérarchie dans l'attraction passionnée, et cette hiérarchie va, cette fois, du haut en bas. Nous n'avons qu'à ouvrir un de ces ouvrages où la même idée est constamment réaffirmée: d'abord que, les enfants étant moins imbus des préjugés de la Civilisation, c'est sur eux plus que sur les pères que se vérifiera la force de l'attraction; ensuite que la vue de l'émulation enfantine dans les séries passionnelles entraînera les adultes. Il suffit de citer une note de la Théorie des quatre mouvements qui établit le principe pour toute la théorie de Fourier sur ce point:

Le développement de l'attraction s'opère par trois puissances concurrentes, rivales et indépendantes: ce sont les enfants, les femmes, et les hommes. Je place les hommes au troisième rang, parce que l'attraction s'établit du faible au fort, c'est-à-dire que l'ordre des choses qui opérera l'attraction industrielle entraînera les enfants plus vivement que les père et mère, et les femmes plus vivement que les hommes; de sorte que ce seront, dans l'ordre combiné, les enfants qui donneront la principale impulsion au travail; et après eux ce seront les femmes qui entraîneront les hommes à l'industrie. [...] Je n'entre dans aucun détail sur des assertions si incompréhensibles; elles doivent faire pressentir que le mécanisme de l'attraction sera en tout sens l'opposé des opinions civilisées (l, 66). 


De fait, il y a là un renversement qui n'est compréhensible que du moment où l'on a substitué pleinement l'attraction à la contrainte, et si l'on considère l'émulation industrielle comme étant soutenue par l'ensemble du mouvement passionnel. L'intelligence de cette hiérarchie de l'attraction passionnée découle de celle de la mécanique passionnelle globale. C'est­à-dire que l'entraînement au travail est provoqué aussi par la mise en mouvement des autres passions - sensuelles: la vue essentiellement; affectives: l'amour, le paternisme. Tout cela prend chez Fourier le nom de «charme», qu'il faut entendre souvent au sens fort d'envoûtement, action magique, qualité charismatique. Les enfants exercent aux yeux de tous et pour tous, par leur apparition et leur activité, un charme entraînant. Ce n'est certainement pas celui du «Lorsque l'enfant paraît» de Hugo, de l'enfant familiarisé, materné. N'ironisons pas trop toutefois sur Hugo, si proche souvent d'une sensibilité que l'on pourrait appeler fouriériste. Gavroche est au centre des Misérables où il joue le rôle d'entraîneur. Et tout un chapitre des Misérables est à la gloire de l'Argot. «L'organisation des enfants doit entraîner celle des pères, écrit Fourier, [ ... ] les enfants seront donc la cheville ouvrière du canton d'épreuve» (V. 45). Comme ils peuvent être (ont pu être) dans l'histoire réelle au sommet de la barricade, à la pointe du combat et du dévouement. 
«Cheville ouvrière», l'enfant de Fourier est plus encore: il est aussi héros, exemple. Il ne suffit pas que les enfants soient intégrés parmi les adultes, il faut que, pour eux, ils soient le pivot autour duquel leur organisation gravite; que, dans l'ordre sociétaire, ils occupent une place et exercent une fonction «foyères». C'est ce que je nomme «la fonction majeure» et irremplaçable de l'enfance, bien que le mot «majeur» ne soit pas tout à fait approprié si on lui donne le sens actuel de «un majeur», comme s'il y avait une gloire pour l'enfant à devenir très vite un petit adulte (ce que Fourier, bien entendu, refuse au contraire, en préconisant le retard de puberté en Harmonie). Mais ce terme de majeur, en dehors de sa signification de fonction foyère, «pivotale», pourrait trouver une justification dans la remarque suivante: que les passions que l'enfance met enjeu et porte au plus haut point d'essor sont celles du groupe d'ambition et d'amitié, nommées «majeures», par opposition aux «mineures», d'amour et de famillisme ou paternisme. 
    La description des petites hordes et des petites bandes est la pierre de touche du principe de l'éducation par attraction passionnée. 
Pierre de touche parce que, livrés à eux-mêmes en Civilisation, les enfants s'organisent en bandes ou en hordes malfaisantes. Et qu'en ordre sociétaire, elles servent au bien commun ou deviennent parure de la collectivité. Le goût de la saleté, les «campagnes de cochonnerie» malfaisantes vont servir aux travaux collectifs les plus répugnants, les plus dangereux. Il suffit à l'attraction, pour convertir le vice en utile vertu, de spéculer sur les goûts, présents déjà dans les bandes spontanément formées, pour la bravade, la parade, le tintamarre musical, le clinquant. Petits chevaux nains, artillerie, dolmans, caracoles, acceptation et ennoblissement de l'Argot, et déjà cette enfance indomptable exerce son charme sur ses aînées, les grandes personnes. 
Ce n'est encore là, pourtant, que le «matériel» des petites hordes dont la fonction à la fois éducative et «civique» est plus essentiellement spirituelle. Elles relèvent de l'éducation de l'«âme», ce que Fourier entend comme l'exercice du «dévouement» sociétaire et de l'héroïsme. Le passage du plus immonde au plus élevé, du plus naïvement puéril au grandiose et au sublime, c'est la jonction des extrêmes. L'allusion à la coincidentia oppositorum mystique est un des traits essentiels de la théorie passionnelle de Fourier que l'on trouve aussi, il convient de le noter, dans Le Nouveau Monde amoureux. Ce dernier se développe en intrication étroite avec la théorie de l'éducation qu'il prolonge, en une «synthèse finale». Entre les deux, monde de l'enfance et monde amoureux, le corps du vestalat et celui du damoisellat assurent la transition. 
Par-delà tout égoïsme, il y a un «civisme», une «sublimité » des fonctions de l'amour, comme il y en a de celles où culmine l'éducation de l'âme. 
La sublimité de dévouement du «couple angélique», son héroïsme, sa marche vers la «sainteté» consistent dans le «service» amoureux rendu aux déshérités d'amour. D'une manière analogue, le dévouement des petites hordes transforme en sublimité la fonction et le goût de l'immonde. Leur «patriotisme», leur renoncement à la propriété individuelle, leur «charité », etc., ne procèdent pas du tout de l'éveil d'un sens moral, d'une «faculté supérieure de désirer» comme disait Kant, mais du désir lui-même. La vertu - ces «vertus colossales», ces «efforts généreux», cette «abnégation» - n'a toujours pour ressort que la saleté, l'orgueil, l'impudence, l'insubordination. Elle ne «refoule» rien en l'enfant, elle apparaît comme un surcroît, un couronnement de son déploiement sociétaire. J'emploie ce mot à dessein: elle se déploie comme se déploie la série de parade, lieu de visibilité de l'unité sociétaire, lieu d'apparition des chœurs des petites hordes en tant que «milice de Dieu». 
Un tel langage religieux n'est pas superfétatoire, car dans un monde «où la moralité n'a plus rien à faire», selon l'expression de Walter Benjamin, la religion à tout à voir. Une religion cérémonielle où la vertu est inséparable du faste. 
C'est pourquoi les petites hordes, vouées au culte de la vertu, ont pour complément les petites bandes consacrées au beau et à la parure. Autre volet d'un diptyque résumé en une de ces formules que Fourier affectionne: «Aller au beau par la route du bon - et au bon par la route du beau.» La vertu est esthétique, l'esthétique est vertueuse. Et l'enfance forme le foyer, le «conservatoire» où la phalange trouve et contemple à la fois son honneur et son charme. Les petites hordes sont conservatrices de l'Honneur social, les petites bandes du Charme social (V, 175). L'une et l'autre rendent la «Phalange enthousiaste d'elle-même, de ses propres travaux». Cet enthousiasme est l'expression même de l'âme dont l'enfance est le gardien. 
Il s'agit de l'enfance jusqu'à la puberté, jusqu'aux tribus de jouvenceaux et de jouvencelles qui se forment à quinze ans, et que Fourier fait aussi entrer dans son utopie éducative. La puberté, âge où il est loisible à l'enfant, soit d'avoir accès aux «cours d'amour», soit de prolonger dans le vestalat une virginité qui le met en continuité de transition avec l'enfance et lui attire les faveurs sentimentales de l'âge mûr. L'enthousiasme divin, commencé avec les petites hordes, «milice de Dieu», le vestalat, comme «ombre de Dieu» (expression empruntée à Philon d'Alexandrie), le prolonge. À coup sûr, c'est bien là le foyer unitaire, l'autel de la religion phalanstérienne. 

Mais comment cette religion que nous savons, par Le Nouveau Monde amoureux, devoir être celle de la volupté, se combine-t-elle avec celle issue de l'enfance, représentée comme désexualisée, asexuée? 
On aura peut-être été étonné que dans un exposé sur l'enfance, rien ne soit consacré à la sexualité. Alors que le sexe occupe, dans nos conceptions actuelles de l'éducation, une place primordiale, sous forme de mise en garde, d'«éducation sexuelle», de conseils d'abstinence, le lecteur de Fourier ne découvre rien de cela. Ce qu'il découvre, c'est, non seulement la négation de toute sexualité chez l'enfant, mais le refus de toute information sexuelle, ainsi que des précautionss réitérées, extraordinaires, outrancières, pour garder les enfants en dehors de toute approche, de toute connaissance de l'acte sexuel, tant animal qu'humain. 
Les deux étant d'ailleurs en étroite connexion. La sexualité de l'enfant est purement et simplement niée, car il ne possède que deux des quatre passions affectives: l'ambition et l'amitié; il ignore l'amour et le paternisme. Du côté sensuel, le tact, dont le «matériel» de l'amour est une partie (le «tact-rut»), est tres peu développé chez lui, relativement aux autres sens. La sexualité ne commence qu'à la puberté. 
Quant à la mise en garde contre l'information, voire le soupçon d'une connaissance d'ordre sexuel (la naissance des enfants, etc.), quant à cette injonction de devoir tout cacher aux enfants, la nécessité, l'exigence de les maintenir dans l'ignorance, énoncée à maintes reprises, elle justifie l'existence du corps du vestalat destiné à retarder l'initiation amoureuse. Elle prend dans certains textes, comme celui publié dans les «annexes» du Nouveau Monde amoureux (p. 426), d'étranges développements et justificatifs, tel ce passage sur 1'«harmonie négative» ou nécessité du mensonge: «Le but de l'harmonie n'est pas nécessairement la vérité», il faut «donner le change» à l'enfance et, de plus, cacher les copulations des chiens et des animaux de ferme. 
Ce qui, s'il se trouvait sous une autre plume, serait taxé par Fourier lui-même d'extravagance civilisée, pose évidemment un problème. 
Essayons brièvement de le débrouiller. Le refus d'informer l'enfant des choses du sexe vient évidemment de l'absence supposée de la passion d'amour. Il est pleinement dans la logique fouriérienne que toute connaissance découle de la présence et de la mise en pratique d'une passion correspondante. Ce refus d'informer, même paradoxal et d'influence négative - puisque Fourier reconnaît qu'on privera l'enfant d'un rapide moyen d'apprendre les analogies qui comportent de multiples associations érotiques. (l'hortensia - la coquette; la tubéreuse - la libertine, etc.) - un tel refus pourra se justifier par le souci de contredire une "éducation sexuelle" contemporaine ne tendant qu'à déconseiller la mise en acte de ce qu'on enseigne. Telle l'école de Basedow qu'ici Fourier, par l'outrance même de ses propos, ridiculise. Il rejette l'hypocrisie qui consiste à interdire à l'enfant ce qu'on lui fait connaître verbalement ou en image. Hypocrisie poussée encore plus loin, au jour où notre civilisation a reconnu l'existence en l'enfant d'une sexualité, mais seulement pour mieux en épier les traces, tout en condamnant son exercice.

Sur ce plan, tout au moins, Fourier, dès que va émerger avec la puberté la seule sexualité (adulte et génitale) qu'il veuille concevoir, n'hésite pas sur l'admission du jouvenceau et de la jouvencelle de quinze ans (le damoisellat) aux séances vespérales des cours d'amour interdites aux impubères, déjà couchés. 
Il est non moins certain, pourtant, que Fourier ne pouvait ignorer l'existence de manifestations plus précoces d'une sexualité dont il signale, mais pour la condamner comme un vice de Civilisation, l'existence dans les campagnes de l'époque post-napoléonienne (où, dit-il, dès l'âge de dix ans, les fillettes sont déflorées). 
Qu'il y ait également un amour adressé à l'enfance prépubère, il ne l'ignore pas non plus. Bien qu'il le rejette, très explicitement, dans ses manifestations directes, il en fait, dans son expression indirecte, comme un rouage de ralliement passionnel et d'attraction industrielle. 
Tel l'attrait qu'exerce, au sein de la série des œilletistes, sur le riche Crésus, la jeune Sélima: «Les plaisants diront que ce penchant de Crésus pour Sélima est suspect de quelque autre affinité; il n'importe si Crésus conçoit de l'amour pour elle, il ne l'en aimera que mieux sous le rapport cabalistique, à titre d'héritière de ses penchants et fantaisies industrielles» (V, 498). 
Quoi qu'il en soit, l'éloignement affirmé de l'enfance envers tout ce qui touche à la sexualité et à l'amour ne provient certainement pas de l'insertion, dans une économie purement passionnelle, d'un quelconque principe moral, hétérogène au mécanisme des passions. Il ne s'agit sans doute pas d'un respect particulier de la pudeur enfantine, d'une maxima puero reverentia, ainsi que l'indique une annotation choisie comme sous-titre par les éditeurs de la Phalange; et bien que cette formule figure dans le manuscrit de Fourier, mais en surcharge, et peut-être d'une autre main que la sienne (1). L'élision (élusion (2)?) du sexe renvoie bien plutôt à un renforcement, une exaltation d'une autre passion affective cardinale, l'amitié, particulièrement prisée par l'enfance. Fourier l'indique explicitement: le corps du vestalat, vestales et vestels, est le plus estimé des enfants, car il reste avec eux en relations amicales, alors qu'ils se jugent trahis par ceux, damoiselles et damoiseaux, qui ont choisi l'amour. L'amoureux fait bande à part: «Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût» écrira Rimbaud dans son Roman à propos de la première idylle amoureuse. Aussi, n'anons pas lire Fourier du côté de ce qu'il refuse ou dénie, mais du côté de ce qu'il accorde et magnifie. Or, avec son traité d'éducation, en pendant au temple de l'amour, il n'érige rien d'autre qu'un temple à l'amitié. Amitié subtile et secrète, passant, selon l'humeur et l'art du narrateur, par les détours du coche d'Auxerre ou des 27 sortes de soupes qui lui répugnent. Toutes choses qui, sans être liées directement à l'enfance, sont loin de lui être étrangères: elles disent le partage, avec elle, des plaisirs quotidiens de la vie.

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(1) Maxima debetur puero reverentia, sous-titre donné par les éditeurs des Manuscrits, t. II, 1852, qui reprend une surcharge se trouvant au Cahier 62, cote 9, 10 AS 8, dossier 1, aux Archives nationales.
(2) Mot de Georges Bataille.
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 Avertissement justificatif - lecture obligée 

En nous reportant aux Archives nationales, où les «archives sociétaires du fonds Fonds Fourier et Considérant» sont déposées, nous avons découvert que nombre de ces textes, qui paraissent d'un seul tenant, ont été l'objet, de la part des fourièristes du XIX° siècle, d'une sorte de "montage", joignant des passages épars, mis bout à bout, qu'ils proviennent d'un seul cahier, ou même de plusieurs. La détection de ces montages est très malaisée, eu égard à l'état des manuscrits, truffés d'ajouts et de ratures, et surtout en raison du mode de travail de Fourier lui-même qui a recopié, à maintes reprises, certains paragraphes ou certaines pages, en particulier des entrées en matière ou des tableaux, s'arrêtant en chemin, pour passer à un autre sujet. Ce sont, effectivement, des notations plus que des développements suivis. Et, relativement aux ouvrages publiés, des «chutes», ou des «rushes» comme on dirait pour un film. De là, des répétitions fréquentes sous des formes soit différentes soit identiques. 
Je renvoie sur ce point à Émile Poulat (Les Cahiers manuscrits de Fourier, Paris, Editions de Minuit, 1957) décrivant «le maquis des cahiers» et notant: «L'enchaînement interne d'un chapitre oblige parfois à un véritable rallye dont on n'est pas toujours sûr d'avoir évité les fausses pistes»; ajoutant, relativement aux publications faites au XIX° siècle: «Les annotations des éditeurs dans les marges des manuscrits ou dans les répertoires permettent de constater qu'ils n'ont pas procédé systématiquement, mais qu'ils ont extrait des cahiers sans ordre ni plan, ce qui leur paraissait avoir quelque nouveauté, omettant d'importants passages ou coupant des paragraphes, groupant des textes de provenances diverses, opérant des montages.» 
L'ensemble des textes sur l'éducation harmonienne, publiés en 1851 et 1852, dont nous donnons ici une partie, qui relève de la «méthode» justement caractérisée par Emile Poulat, n'en présente pas moins un intérêt réel, à titre d'information et d'initiation à la pensée de Fourier en ce domaine. Les redites y font figure de variations musicales sur un même thème. Les textes manuscrits concernant ce thème étant dispersés dans plusieurs cahiers, la restitution intégrale et suivie, en serait, au reste, impossible. Aussi ai-je préféré m'en tenir au travail déjà effectué, me bornant à indiquer, en note, les cahiers d'où ces textes ont été tirés, ainsi que quelques modifications ou adjonctions souhaitables. 

Comme les sous-titres n'ont pas été donnés par Fourier lui-même, mais sont l'ouvrage de ses éditeurs, je n'ai pas hésité à en proposer de nouveaux qui m'ont paru mieux accordés à une écriture contemporaine. 

Les idées directrices qui ont guidé mon choix parmi les quelque 250 pages consacrées à l'éducation (dont une dizaine dans le tome de 1851, le reste en 1852 (1)) sont au nombre de trois: 

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1. Publication des manuscrits de Charles Fourier, Paris, Librairie phalanstérienne, rue de Beaune, 2, et quai Voltaire, 25, en face du Pont Royal, 2 volumes, 1851-1852. Publication reprise sous le titre: 
Œuvres complètes de Charles Fourier, tome X, 
Manuscrits publiés par La Phalange, revue de la science sociale, 1851-1852, 
volumes A et II, Paris, éditions Anthropos, 1967.
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1. Le souci d'illustrer et de mettre en relief la critique d'une subordination ou d'une «mainmise» sur l'enfant, celle de cette condition de minorité dont il vient d'être question dans ma présentation: l'enfant selon Fourier est libre, peut se suffire à lui-même, gagner sa vie; il est, en un sens, «majeur»: sinon totalement indépendant, du moins, émancipé. Mais Fourier préconise, en même temps, tout le contraire d'une vie indépendante, ce qui signifierait solitaire. Tout, chez lui, est collectif, subordonné au bien commun.
 

2. Le seul principe d'action de l'enfant - comme de tout homme et dn toute fenme d'ailleurs - est la recherche du plaisir, l'obéissance aux attractions passionnelles; les textes qui suivent le répètent à tout propos et sous toutes les formes. 

L'unique préoccupation de l'éducation sera de faire que ces attractions s'orientent au bénéfice de la collectivité. De là le troisième point qui concerne la forme d'un ordre social propre à produire une telle conversion, un tel «miracle ». 

3. L'exposition des groupes et des séries mesurées ou ordonnées en vue de l'orientation des impulsions attractives. 

Ce n'est pas l'enfant qui est à changer, mais l'ordre social. Idée que développe, en suivant une démarche peut-être sinueuse, avec allées et venues, reprises et redites, certes, la partie centrale de ce court traité éducatif. 

Pour employer un autre langage que celui de Fourier, combien incisif et pittoresque, mais qui, pour nos exigences actuelles de "scientificité", pèche peut-être par une trop grande simplicité de ton, en n'hésitant pas à le traduire, à le rajeunir au contact de théories philosophiques contemporaines, je dirai qu'il s'agit d'opposer au "dispositif" pédagogique de la Civilisation un autre dispositif, sériel, propre à convertir, sans contrainte, l'activité enfantine vers sa propre satisfaction, accordée à celle de tous. Et cela ne se peut qu'en faisant jouer des "agencements de désir", autrement dits, "passionnels". Dispositifs, agencements, on aura reconnu ici un vocabulaire cher à Michel Foucault et à Gilles Deleuze. Ce sont, sans doute, les mots les plus appropriés à nous faire comprendre ce que Fourier vise, ainsi que la pertinence, toujours renouvelée, de son propos. Allons jusqu'à dire que "l'enfant" est ce que font de lui ces dispositifs et ses agencements. Il n'y a pas d'enfant en soi. Comme le disait Carl Spitteler (1): «Vu de l'intérieur, il n'y a pas d'enfant. "L'enfant" est une création de l'adulte.» 

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(1) Très prisé par Walter Benjamin, ce poète et romancier, auteur d'Imago, 
dont la revue psychanalytique de Freud reprit le titre, reçut 1e prix Nobel en 1919.
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Quant à 1'évocation constante des Destinées, ce recours à un Dieu invoqué comme garant de la vérité des passions, il faut y voir tout autre chose qu'un acte d'obédience à l'Église. Un argument, bien plutôt contre les institutions civilisées, celle de l'éducation religieuse en particulier, ainsi que le montre avec verve et humour un piquant souvenir d'enfance de Fourier au confessionnal (l'autre confidence personnelle, reproduite également, concerne ses goûts culinaires). 

Son Dieu est dépouillé de toute fonction de père sévère, de père fouettard. Dans un autre manuscrit, «Égarement de la raison», ce pince-sans-rire qu'est souvent l'inventeur du Nouveau Monde harmonien n'a pas hésité à écrire, à propos de «la face» de Dieu: «Dieu a donc une face, et par conséquent un derrière?» Le Dieu de Fourier est le Deus sive Natura de Spinoza, une arme contre la Civilisation autant que contre la bêtise d'un positivisme athée dont les vues limitées s'arrêtent à l'homme, alors qu'il est question partout dans l'Harmonie de l'Univers de ses créations et de ses splendeurs auxquelles il s'agit d'éveiller l'âme de l'enfant. 

Quant aux Vestales et Vestels, ces jeunes filles et jeunes gens attachés à leur virginité, certes cette institution au nom archaïsant détonne à nos yeux, dans une conception éducative qui se veut radicalement nouvelle, et relativement à notre conception moderniste d'une société permissive qui accorde le plus haut prix à l'exercice sans entrave de la pulsion sexuelle. J'y décèle, au contraire, un paradoxe qui nous met la puce à l'oreille. Qui nous tend une boussole pour une meilleure lecture d'un projet éducatif dirigé justement tout entier contre la Civilisation et ses «bévues». Ce retard de puberté et d'activité sexuelle, si apparemment contradictoire avec une certaine tendance évolutive de nos moeurs, nous apprend que la nouveauté de Fourier est beaucoup plus subtile qu'une conception simpliste du «Progrès». Il n'y a de progrès vrai que «composé». Et le vestalat qui n'admet pas tout de suite l'entrée de l'enfant dans l'âge adulte, compose avec la passion la plus forte de l'enfance: une amitié infiniment précieuse que les adultes sont trop prompts à trahir. 

La haute fonction, foyère, que Fourier lui réserve indique bien où peut se glisser le contresens. La pensée de Fourier se situe aux antipodes d'une exaltation du «sexe roi», pour employer ici l'expression si pertinente de Michel Foucault traitant de la «libération sexuelle» tant vantée dans les dernières décennies du XX° siècle. Le corps du vestalat est vraiment «ombre de Dieu», foyer et ferment d'Harmonie ou de lien social. Et il faut prendre ici Fourier très au sérieux, au pied de la lettre, lorsqu'il lui destine la fonction si délicate de favoriser la transition de l'enfance vers l'âge adulte, en maintenant et renforçant cette passion d'amitié dont l'enfance est dépositaire, que la civilisation abandonne trop hâtivement par la dissémination du corps social consécutive à l'éclosion des couples. L'éloge du Vestalat dans lequel il serait inexact de ne voir qu'une recommandation de chasteté, marque, bien plus fondamentalement, la défaite du couple, du simple «ménage» en tant que destinée sociale. Il préserve dans la société la part d'enfance impérissable, les valeurs d'amitié et de dévouement collectif, d'honneur, que la bourgeoisie, dont sont inséparables les moeurs matrimoniales avec leur «égoïsme à deux», tend à emporter dans l'abîme de l'histoire. 

On lit, dans le Manifeste communiste: «Le frémissement sacré de l'exaltation pieuse, de l'enthousiasme de la chevalerie ... elle l'a noyé dans l'eau glaciale du calcul égoïste.» Un certain Marx, celui qui stigmatise cette catastrophe entraînée par l'ascension de la société marchande, n'est pas loin. 
 
 

 Post-scriptum 
 

Il faut, enfin, tenir compte de la tendance moralisatrice des héritiers de Fourier, Clarisse Vigoureux, Just Muiron, Victor Considérant, qui se sont bien gardés en particulier de publier Le Nouveau Monde amoureux. En ce qui concerne l'enfance, cette tendance se marque moins par une expurgation des textes que par un artifice de présentation dans le choix opéré en 1851-1852. On remarquera que l'exposé du Vestalat, ou «retard d'initiation amoureuse» précède, contre toute logique, celui des «petites hordes» et «petites bandes», accentuant ainsi l'effet de désérotisation. J'ai toutefois conservé cet ordre dont la modification aurait entraîné un trop important remaniement de l'ensemble, me contentant d'en avertir le lecteur. Seulement, j'ai réinséré une page omise sur «le favoritisme» qui, sans contredire à la thèse du retard d'initiation amoureuse, introduit un ton un peu différent, une nuance indéfinissable de légèreté et d'humour. 
 
 
 
 

Nous avons jugé bon de conserver l'orthographe originale et quelques archaïsmes ou tournures propres à Fourier. Dans certains cas toutefois, pour une plus grande intelligibilité, ponctuation et orthographe ont été corrigées. 
Les sous-titres, en italiques, sont de mon invention. 
/.../


Pourquoi maintenant ?  (chap. 2)
Les enfants, qui n'ont jamais eu tant de bonheur et de pouvoir (disent les adultes), sont en réalité, maintenant, menacés.
Par-dessus les parents, dont la non-intervention est espérée, la Force Aveugle est en marche contre eux.
Car en dépit d'un traitement réducteur millénaire, 
les enfants ont toujours la rage de vivre.


Christiane ROCHEFORT : LES ENFANTS D'ABORDSommaire

7  - Avertissement

9 - Point d'information, en guise d'exposé des motifs

11 - Welcome

15 - L'Entreprise mondiale d'exploitation
La mécanique du jeu - Les parents pris au piège - Point d'ordre.

21 - Exploitation de la condition parentale
Quelques millénaires en quelques lignes - Le patriarche dépossédé - Exploitation - Triste fin du patriarche - Ambiguïté de la condition d'officier subalterne - La politique de l'éducation - Le pouvoir - Le devoir d'aimer et de rendre heureux - Divorce !

39 - Les enfants: une oppression très spécifique
Mesures - Universalité - Spécificité - Objets - Inconnus et pourtant définis, épistémologie - Non-identité - Temporaire éternel - Régime - Pas d'alternative - Bases réelles, analyse de classes - Dictionnaire du Maître, ou génie sémantique de la bourgeoisie.

59 - Pourquoi maintenant ?

71 - Les chemins de la dépendance
L'homme le plus riche du monde, qui peut être une femme et de n'importe quelle couleur - Les traumatismes de la naissance - Sur une structure mentale de dominant - Coupures - Enfants et femmes: antagonisme actuel, solidarité potentielle - Nostalgies génétiques - Le bébé, cet inconnu - Mise en dépendance - La dépendance la plus profonde au monde.

83 - Rapport de forces
Dressage des désirs - La laisse - L'inceste - L'éducation.

93 - Action psychologique, ou combat contre un adversaire ligoté
L'armée en campagne - L'arsenal des media - La période de compromis.

101 - Dépendance légale
Le statut de mineur - Non-personnes civiles - Incapacité civique - Anticonstitutionnellement vôtre - Justifications de la privation de droits - La protection est toujours un alibi - A quoi les enfants ont droit. - Attention ! réformes.

113 - Les Corps constitués
La grande expropriation - Le Corps enseignant - Expropriation de l'environnement - Expropriatiqn du corps - Expropriation de l'esprit - Eloge des coups de bol - Guerre contre le hasard - Corps orienteur ou la science domestique - Ce que le QI ne mesure pas - Valeur idéologique - Ce que le QI mesure - La culture intensive de matière grise extra - Portrait-robot de la Nouvelle Société rationnelle - Mais - Le Corps médical - Nos enfants! - Le caducée se mord la queue - L'armée psy, en expansion : Travail Famille Chimie.

141 - Dépendance économique
Dorlotage obligatoire - La reconnaissance - Points de références - Motus - Les adultes - Exploitation - Petit supplément de dépendance - Impacts et mesures.

157 - L'amour filial
L'Histoire reprend ce qui lui appartient  - L'amour filial, tel qu'il est ordonné - Tel qu'il est ordonné - Dosage - Le terrain - Tel qu'il est administré - L'amour pris dans une relation de pouvoir - Litanie pour les jours lucides - Impossibilité de l'observation ­ L'inconnaissable amour et l'inconnaissable non-amour - L'enfant lucide - L'ordre et désordre d'Œdipe - Les oppressions enchevêtrées : ­ Le plaisir - L'amour, entre parenthèses.

188 - Haldol

Christiane ROCHEFORT


Octobre 75 - Avec Christiane Rochefort, une des premières réunions de "Possible".

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES
| LE GUIDE-ANNUAIRE | Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |