alternatives éducatives : des écoles différentes
| Présentation | SOMMAIRE | Appel pour des éts innovants et coopératifs |
I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable  , l'état des toilettes, le créationnisme...
 

Les écoles publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face
en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait pas du tout amélioré le système public.
Depuis une bonne vingtaine d'années, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla consensuel et yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", du système scolaire.
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools,
Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee,
première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme chèque éducation.

«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

Des écoles différentesDes collèges et des lycées différents ?
Oui, mais ... pas trop !
Statiques universitaires-fonctionnaires ou camelots très agités ont en commun,
depuis deux bonnes décennies radoteuses sur l’échec scolaire,
l’art et la pratique du piratage et de son exploitation en produits dérivés et contre-faits.

NON, les écoles différentes ne sont pas les écoles parallèles (à quoi ?), souvent mortes-nées, dont tout le monde parle depuis 30 ans sans jamais (vouloir) savoir de quoi il s’agit/s’agissait : alternativement synonymes de "dernière chance", de "pas mal, ... pourles autres", le terme étant souvent affublé de "post-soixanthuitardes" par tous ceux parvenus, et  qui en sont revenus sans y être jamais allés; précédé de «ça marginalise un peu, quelque part, au niveau de la socialisation, quand même, non ?» ou suivi de «qu’est-ce que ça serait bien si qu'on en ferait une».
 

Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires 
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville 
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 
Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» 
Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 
par Jules Chancel
Face à face, l'enfant et l'adulte

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants !
(Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? 
Non, une reproduction du système scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs 
(Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique ! 
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ?
(Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère) 



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...
 

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde :FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.  «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.
 

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.



AMERICAN WAY OF LIFE...
Archives (1978)
Une alternative
Non, une reproduction du système scolaire 
Etienne Verne 
Charge d'enseignement à l'Institut Supérieur de Pédagogie de Paris. 
Vient de publier, en collaboration, « L'Ecole à perpétuité »  (Seuil, 1977). 
 
 
Quel est le comble d'une école parallèle? 
Réponse: Y voir débarquer un professeur pour « critiquer son métier de prof. devant un cercle de mômes» (in le texte sur La Barque). 
Et maintenant, une devinette: où a-t-on déjà vu çà ?
Réponse: (si vous donnez votre langue au chat) : dans les écoles. Bien sûr. .. 

Changements de rituel, pas de religion! 

Les écoles parallèles sont au système scolaire ce que la dînette est à la famille: une autre manière d'introduire à la célébration de la même liturgie. Il est difficile de parler des « écoles parallèles » autrement qu'en forme de jeu de société. Ce n'est pas la lecture de ce dossier qui m'aura fait changer de point de vue. Surtout si on renvoie cette lecture à la minceur de la réalité qu'elle décrit. Jeu de société industrielle, sans doute, et qui ne manque pas de signification et d'intérêt. Mais là moins qu'ailleurs l'arbre ne peut cacher la forêt. Surtout si l'arbre n'est ici qu'un rejeton, déjà étiolé et asphyxié par l'atmosphère dans laquelle il aurait voulu se développer. 
Rejeton, puisqu'il s'agit bien ici d'école, et non pas de contre-école, et encore moins de l'inverse d'une école. De cette petite aventure, c'est encore l'idéologie scolaire qui sort renforcée parce que célébrée par ceux qui ne veulent changer que le rituel, mais pas de religion. 
Propos amers, mais qui voudraient indiquer d'emblée qu'à la pêche aux innovations sociales, on ramène un peu de tout. Parfois des choses anciennes, souvent les déchets ou les rejets de notre propre société, plus rarement des choses vraiment nouvelles, ou de réelles alternatives. Dans une société entièrement scolarisée, il n'y a pas de place pour des écoles parallèles. Peut-être pour des réseaux de formation parallèles à l'école. Mais pas pour des écoles parallèles. 
Parce que la place, toute la place, est occupée par le système scolaire, et bien occupée. A la fois par le mythe de l'éducation scolaire, la seule chose que l'école ait bien réussi à inculquer à tous, et par le système scolaire. Jusqu'aux écoles parallèles qui, comme les écoles libres, doivent faire acte d'allégeance à l'Etat et à ses appareils. 
Les sociétés industrielles autant que les autres ont besoin d'assurer des rituels d'initiation. Le système scolaire a servi pendant cent ans à cette initiation et à cette légitimation. S'il a perdu, à la fin des années 60, toutes ses vertus, il n'en garde pas moins ses pouvoirs, ses effets et ses structures, ses pompes et ses œuvres. On continue à s'y faire baptiser sans nécessairement croire au salut. L'éducation scolaire est devenue une religion sociologique. Et, comme dans toutes les églises, il y a beaucoup de chapelles et de manière de célébrer le culte. Si le système scolaire a perdu son auréole, sa capacité à faire croire à ce dont il était censé être porteur: démocratie et égalité, libération et lumière, conscience et vertu, il fallait développer d'autres rituels: une société ne peut pas rester sans rituel légitime d'initiation. 
On a donc assisté à une floraison d'initiatives pédagogiques et d'innovations éducatives qui ont cherché à perpétuer et à renforcer le mythe de l'éducation, la figure qu'a prise l'éducation dans les sociétés modernes (1), tout en lui redonnant une nouvelle légitimité. Légitimité par la rationalisation pédagogique: des apprentissages standards garantis à tous grâce aux nouvelles technologies éducatives; légitimité par la rationalisation économique: une école moins coûteuse pour adapter des individus à un marché du travail préformé; légitimité par la rationalisation politique: une école pour conditionner les individus à la libération. 
Ces nouvelles rationalisations peuvent bien s'écrouler, elles n'en sont pas moins productrices d'outils. La plupart de ses politiques novatrices vont chercher à s'articuler sur le discours sur l'éducation permanente ou sur l'éducation récurrente (2), de fait sur l'extension à tous les âges de la vie du rituel scolaire. Les écoles parallèles s'inscrivent modestement dans cette recherche: « trouver des systèmes de formation », comme l'écrit ici même un de leurs protagonistes. 

Le mot dévore l'adjectif 

Les écoles parallèles n'ont été qu'une dérivation, à peine une excroissance, poignante sans doute pour les acteurs, significative bien sûr pour le plus grand nombre, un cri, mais dérisoire du point de vue des mouvements sociaux et de l'innovation sociale. Un signe beaucoup moins manifeste que le « protest song » par rapport à la chanson emballée industriellement. Au « hit parade » de l'innovation sociale, les « écoles parallèles » sont en baisse ou absentes, pour peu, en France du moins, qu'elles aient jamais été cotées. 
Considération hors de propos pour leurs promoteurs et leurs acteurs, usagers et agents, plus préoccupés, à juste titre, de « faire une expérience », de « vivre une situation nouvelle », de rompre avec l'establishment, de découvrir un « style de vie conforme à leur idéaux », de ne pas se contenter de paroles et d'analyses mais de passer à l'acte, de chercher une voie dans le micro-social ou la marginalité, ou préoccupés simplement d'innover, de changer. .. 
Mon propos n'est pas de douter de ces intentions ni de faire la fine bouche devant ces réalisations, ni même de refuser de les traverser. Mais de situer ces bulles par rapport à un phénomène plus imposant et plus écrasant: l'impossibilité à développer dans les sociétés technologiquement et politiquement totalitaires de réelles alternatives, et d'abord de décider soi-même de la manière dont on veut vivre. 
Un simple regard sur l'histoire contemporaine de la scolarisation, depuis par exemple qu'a été promulguée la loi sur l'instruction obligatoire, montrerait d'abord qu'il y a toujours eu des écoles en dehors du réseau officiel, parallèle à celui-ci. Les écoles privées d'abord. A lire les présentations faites par leurs promoteurs, à en voir quelques-unes, je peux dire qu'on trouverait davantage d'écoles parallèles dans le secteur privé qu'on en recense en dehors. Mais aussi tout un ensemble d'écoles parallèles au sens qu'on semble lui donner: qu'était le Cempuis de l'anarchiste Louis Robin? et même le Saint-Paul de-Vence de Freinet? On sait aussi qu'elles ont généralement servi la pédagogie du réseau officiel. 
Plus important. Quand il s'agit d'enfance, du statut de l'enfance, de son éducation comme on dit et au sens où on le dit, quand on s'affirme contre l'école publique, pourquoi tient-on encore à faire des écoles? C'est ici que les mots jouent les choses. A ne pas changer le mot d'école, il est à craindre que celui-ci dévore l'adjectif. L'école parallèle, c'est toujours l'école. Ce n'est pas ici jouer sur les mots. Changer, c'est aussi changer de mots, car on sait les représentations qu'ils véhiculent. 
Très simplement, l'école m'apparaît comme un lieu où il ne faut plus accepter de mener le combat s'il s'agit bien de changer le statut de l'enfance et promouvoir une société déscolarisée. Il y a plus de risques et de provocation éducative à laisser traîner sa gamine le dimanche matin au marché de l'avenue d'Italie qu'à l'envoyer pendant la semaine à l'école parallèle voisine de l'avenue de Choisy. 

Pour que s'ouvre enfin le procès public de l'école 

L'actualité électorale m'amène à une autre remarque. Depuis quelques mois, la question de l'école privée a resurgi au devant de la scène politique. Comme d'habitude. Si je fais ce rapprochement entre « école privée » et « école parallèle », ce n'est pas par désir de confusion ou volonté d'amalgame. Il ne s'agit pas de rappeler que si l'on a retenu, en France, l'expression d'école parallèle, c'est d'abord parce qu'on était bien gêné par la simple traduction de l'expression américaine « free school ». La place était sémantiquement occupée, et il fallait éviter l'assimilation. Il ne s'agit pas non plus, dans mon esprit, de refaire aux écoles parallèles la même querelle que celle qu'on entretient précieusement pour les écoles privées. Mais de faire le procès de l'école elle-même, et souhaiter que s'ouvre enfin le procès public de l'école. 
Je soupçonne précisément ces types de débat, même s'ils n'ont pas la même ampleur dans l'opinion, de servir à la même chose: empêcher que ce procès ne s'ouvre. Ils renvoient à la même déformation: l'école est une évidence qui va de soi et dont on ne discute pas. Discuter l'école, appeler à la déscolarisation de la société, c'est faire preuve d'obscurantisme; c'est aller contre les forces de progrès; c'est faire le jeu des forces conservatrices que de s'en prendre à cette conquête ouvrière, etc. Et puis, par quoi la remplaceriez-vous?
Ils sont aussi la même fonction: occulter et empêcher ce débat. La question des écoles parallèles peut être tout à fait occasionnelle, celle des écoles privées être un invariant du jeu politique, il y a toujours un oublié, et c'est l'école en tant que telle, la légitimité pédagogique, économique, sociale politique et éthique de l'outil qui assure l'éducation de tous. 
En France, quand il s'agit d'école, on en reste le plus souvent à ne discuter que des adjectifs dont on la qualifie. Le substantif en sort intact. Ainsi, on discutera des mérites respectifs de l'école publique et de l'école privée, du droit à l'existence de l'école libre et des bienfaits de l'école nouvelle, de l'école laïque et de l'école confessionnelle, des écoles parallèles et des écoles sauvages. Cet acharnement sur les adjectifs me semble une bonne illustration du fait que l'école, en tant que telle, n'est pas contestée dans notre société. Sa forme sans doute, ses structures aussi, son fonctionnement bien entendu, mais l'école comme outil d'éducation, obligé et obligatoire pour l'enfance et la jeunesse, et éventuellement tous les âges de la vie, non! 
De même que ce qui différencie l'atome de droite et l'atome de gauche, ce sont ses propriétaires (ce qui permet de sauver l'usage de la fission atomique, puisque doublement légitimé et par la droite et par la gauche, ce qui en bonne démocratie parlementaire est comptabilisé comme unanimité !), la nature même de l'école serait censée changer suivant qu'elle est celle de la droite ou celle de la gauche, ou suivant le qualificatif qu'on lui accole! Qu'est-ce qui différencie l'école de droite et l'école de gauche? Bonne question, si on ne veut pas oublier une réalité plus massive: ce qu'elles ont de commun. A lire les programmes politiques, ou à voir les réformes, des uns et des autres, il semble qu'on n'en soit pas tout à fait là. 

La querelle privé/public: ça brouille les cartes 

Les forces d'inertie de la vie politique réduisent constamment le débat à la querelle « privé-publique ». Elles continuent. Le grand avantage, c'est qu'elle a au moins pour mérite d'éviter qu'on en arrive là : à débattre de l'école elle-même, ou de suspendre l'ouverture de ce débat à la résolution du premier. On peut donc attendre. Surtout ne pas ouvrir le débat sur la légitimité de l'école, sur son monopole, pour servir à la fois les intérêts de la droite et de la gauche traditionnelle. De ce point de vue, les écoles parallèles n'ont pas brouillé les cartes. 
Je soupçonne ce débat permanent sur l'école privée et l'école publique d'être à l'origine de cet immense analphabétisme qui caractérise notre savoir sur l'école (3). Jusqu'aux analyses sociologiques les plus savantes (elles sont rappelées dans ce numéro) qui démontrent l'illégitimité économique, sociale et politique de l'école, et concluent toutes, au plan pratique, par des « toujours plus d'écoles avec davantage de moyens ». Pour faire quoi, alors? 
A s'empêtrer dans les adjectifs, on oublie, on cherche à oublier, on cache, le seul vrai débat important, celui sur l'école elle-même. Que la droite ne l'ouvre pas, c'est précisément son affaire. Mais que la gauche officielle non seulement s'y refuse, mais réentonne, à son propos, des mélopées étrangères, voilà qui étonne. A s'exciter sur les adjectifs, on évite le débat sur l'école, comme en causant de la nationalisation des entreprises on évite celui sur l'usine. A qui sert l'occultation du débat sur l'école lui-même, sinon à l'Etat et à ses servants? Les écoles parallèles elles aussi sauvent l'école, en se rangeant sous la bannière de l'idéologie scolaire dominante. 

La croissance de l'idéologie scolaire 

Les écoles parallèles, comme les écoles nouvelles, restent un avatar de scolarisation, même si elles se sont parfois servies de la notion de « déscolarisation» réduite, ce qui est une méprise, à la seule déscolarisation de la société (4). Cette démonstration a été faite pour d'autres institutions de formation dites « déscolarisées », par exemple pour la formation continue et les nouveaux systèmes multi-media. Elles seraient à faire pour les écoles parallèles. 
Pour montrer qu'elles reprennent et servent l'idéologie scolaire, on pourrait d'abord tirer argument de la lecture des critiques adressées habituellement aux écoles parallèles. Ces critiques classiques maintenant reprennent à propos des écoles parallèles, les modèles, les schémas, les arguments, les systématisations élaborés à propos du système scolaire. On a bien à faire au même objet. Critique économique, sociale, politique, les écoles parallèles n'y échappent pas, ne peuvent pas y échapper, et il serait bien difficile de développer à leur propos une critique originale. On peut alors douter de la position parallèle ou marginale qu'elles se donnent. 
Il ne faudrait pas beaucoup d'effort pour montrer, que, parallèle ou non, nouvelle ou sauvage, elles font partie du « système» d'enseignement, et renvoient au même mythe de l'éducation dispensée, acquise, accumulée et capitalisée. Elles ne sont donc pas ailleurs, mais restent englobées dans le système scolaire. 
J'observe aussi que lorsqu'on reprend ces critiques savantes, c'est pour ajouter en général que les écoles parallèles exagèrent encore les fonctions économiques, sociales et politiques des écoles officielles, qu'il s'agisse de reproduction sociale, de ségrégation, de sélection, de méritocratie, de mobilité intergénérationnelle, etc. Les écoles parallèles, plus ou moins free.frrmes, plus ou moins structurées, sont la première ébauche d'un processus de scolarisation qui les conduira à être des écoles à part entière, ou à disparaître. 
Pour leur faire beaucoup d'honneur, on pourrait avancer que les écoles parallèles sont à l'école de demain, ce que les « petites écoles» du quartier Saint-Sulpice, au XVII° siècle, ont été à l'enseignement primaire du XIX° siècle. Après tout que sont devenues la plupart des écoles nouvelles d'avant ou d'après-guerre? Ou elles ont disparu, ou elles ont rejoint le maelstrom de la scolarisation nationale, et quelques unes, celles qui ont réussi, avec le label officiel d'« établissement expérimental de plein exercice ». Il faut alors prendre une forte loupe pour distinguer, au-delà de la phraséologie et des intentions, ce qui les distingue des autres établissements. 
Critique sévère. Mais qui devrait ramener l'innovation, ou l'expérimentation, dans le domaine éducatif à sa juste mesure. Dans une société de plus en plus totalitaire, de plus en plus livrée au monopole radical des professionnels, l'innovation, l'initiative, les lieux de liberté, ne peuvent qu'être rares. D'où la tendance à prendre cette rareté pour le mouvement social. Le domaine de l'éducation est probablement le domaine le plus pauvre en réelle innovation sociale, et le plus réduit des mouvements sociaux, tout occupé qu'il est par l'idéologie éducative et le système scolaire. Celui où les innovations entreprises semblent avoir le moins d'avenir, si elles ne se conforment pas aux principales caractéristiques de l'école, tellement celle-ci est nécessaire à l'inculcation de l'idéologie industrielle. Il importe pour celle-ci que le savoir reste une marchandise stockable, accumulable et capitalisable. 
Avec les écoles parallèles, l'écart au système officiel est beaucoup trop faible pour que ce type d'innovation ne se conforme pas rapidement aux écoles officielles. Ici on a visé trop près de l'école, on a fait trop école, pour ne pas courir le risque d'être rapidement satellisé et phagocyté. 
 
 

Confusion entre école, pédagogie et apprentissage 

Encore une fois, ce jugement est sévère pour leurs promoteurs qui n'y retrouveront pas les conditions subjectives de leur initiative. Il serait injuste, si je n'ajoutais pas, pour quelques écoles parallèles, mais il faudrait ici mettre beaucoup de nuances suivant les écoles, le refus de label « national» ou « officiel ». Au moins les écoles parallèles sont là pour rappeler le caractère monstrueux, le monopole IOral de l'école officielle, l'Etat imposant ses caracréristiques à l'ensemble des réseaux scolaires, sur la formation des enfants et les jeunes. Le monopole professionnel des enseignants, le monopole institutionnel du système scolaire sur la formation initiale, n'est pas pour autant battu en brèche. Même si les enseignants se rebaptisent dans l'école en parents ou en permanents. Mais il est vrai que les écoles parallèles appellent à une dénationalisation de l'enseignement. 
Pour en venir à l'essentiel, j'ajouterai qu'on pourrait caractériser le type d'innovation visée par les écoles parallèles comme essentiellement pédagogique, même si le mot n'a pas bonne presse. Les écoles parallèles, à la suite ou avec les écoles nouvelles, mais aussi de toures les écoles expérimentales, n'apportent que des changements de nature pédagogique. Elles changent peu le programme manifeste de l'école, et elles ne changent rien à ce que Illich appelle son programme latent. Elles maintiennent la confusion entre école et pédagogie. L'école est une institution sociale. La pédagogie est une technologie. 
Plus grave, elles emretiennem la confusion entre la pédagogie scolarisée, et l'apprentissage qui est toujours le résultat d'un processus autonome. Elles continuent à faire dépendre ce processus d'un service prodigué. Pas plus que la multiplication des radios libres ne rendra un visage à des voix s'adressant à des vis-à-vis, la multiplication des écoles parallèles ne libérera la capacité autonome d'apprendre des individus. 
En limitant la critique des écoles parallèles aux conditions pédagogiques, familiales et sociales qui les caractérisent, on continue à ne critiquer de l'école que son fonctionnement et ses fonctions, et on fait croire en même remps à la nécessité de la scolarisation pour que les gens apprennent. On assure ainsi l'idée d'une école évidente, nécessaire, et inévitable. Les écoles parallèles ne sont en rien une alternative au système scolaire, un modèle alternatif, mais une reproduction du système. 

L'infantilisation de l'enfance, encore 

Je me contenterai de citer un élément de ce programme latent que les écoles parallèles perpétuent, et peut-être renforcent. Elles continuent à s'adresser et à regrouper un âge spécifique pour s'inscrire dans le mouvement d'infantilisation, de l'enfance qui caractérise les sociétés industrielles. Réservées à un âge spécifique, elles s'inscrivent dans la continuité de l'enfance comme institution, avec son statut et son absence de droit. L'enfance reste condamnée aux jeux, aux apprentissages non significatifs et sans valeur d'usage dans des lieux séparés sous l'œil ou la conduite, en tout cas l'intervention, de spécialistes, dans un mIlieu qui leur est largement hostile. 
Ces enfants seraient-ils là si on ne les y avait pas emmenés? Peut-on encore parler d'exister comme enfant, si l'enfance est d'abord dans le désir fondateur des adultes, dans les mœurs culturelles, et dans le type de ségrégation des âges qu'a instaurée la division industrielle du travail? Les enfants sont aussi enfermés dans une école parallèle que dans une école publique. Destinés à ce lieu spécialisé qui restreint leur espace et prend leur temps, il n'y ont pas plus accès aux choses, aux outils, aux espaces, à l'environnement, aux groupes humains ... que les autres. 
Les écoles parallèles continuent à s'inscrire dans le cadre d'une politique scolaire de formation. Elles vivent de l'idée d'une école réformable, et non pas de celle d'alternative. Elles ne font en rien avancer la question centrale à une société conviviale: quelles sont les possibilités qu'ont tous ceux qui sont concernés par des apprentissages de déterminer eux-mêmes ce qu'ils veulent apprendre et comment ils veulent l'apprendre. 
Ceci appelle à une autre stratégie qui ne prendrait plus l'école pour cible d'un changement de politique éducative. Pour une autre politique éducative, il vaudra mieux jouer sur les caractéristiques de l'environnement technologique, sur le niveau de la consommation d'énergie, sur la division du travail, sur le paradigme d'usine, et sur le statut et les droits de l'enfance, à commencer par le droit au travail. 


(1) Sur les contours de cette figure, cf. Illich : Une société sans école, Seuil 1971. 
(2) Cf. Dauber (H.) et Verne (E.) L'école à perpétuité. Seuil 1977. 
(3) Rien, presque rien, n'a eté fait en France pour faire une histoire de l'école autrement que sous la forme d'une histoire sainte toute ordonnée à la glorification de cett conquête. 
(4) Cf. Verne (E.) : L'école de la déscolarisation, in L'Arc, n° spécial sur Ivan Illich, 62. 

ED. 2008 DU GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
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| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |