alternatives éducatives : des écoles différentes
| Présentation | SOMMAIRE | Appel pour des éts innovants et coopératifs |
I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable  , l'état des toilettes, le créationnisme...
 

Les écoles publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

LES CHÈQUES ÉDUCATION : L'ÉCHEC.
Depuis une bonne vingtaine d'années, ici aussi, évidemment, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du système scolaire...
USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face
en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait "pas du tout amélioré le système public".
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools,
Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee,
première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme "chèque éducation".

«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

L'ÉCOLE VITRUVE, aujourd'hui
Une école où depuis 40 ans, une équipe d'enseignants s'est mobilisée
pour que des enfants ne soient pas dès l'âge de huit ans exclus de la société de demain par leur échec scolaire.
(Extrait du Guide-Annuaire "des écoles différentes")
 
 

Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 
Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» 
Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 
par Jules Chancel
Face à face, l'enfant et l'adulte 

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants !
(Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? Non, une reproduction du système scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs 
(Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique ! 
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ?
(Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère) 



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...
 

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde : FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.  «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.
 

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.



AMERICAN WAY OF LIFE...

   "Je t'aime, Alex" : 4 mois de redressement.

Lourde peine pour une écolière amoureuse.
Une jeune fille de 12 ans ayant écrit «Je t’aime Alex» sur les murs d’une école, a été envoyée pour 4 mois dans un établissement "accueillant" des élèves "en difficulté". Parmi de nombreuses autres jolies colonies de vacances du même type : Tranquillity bay". gérée par la WWASP (patronnée par le professeur Skinner, le père de la psychologie comportementaliste).

Pour 3000 dollars par mois, il promet de transformer ces récalcitrants en citoyens dociles et travailleurs.

Vitruve, 
une école perpendiculaire . 
L'équipe de la rue Vitruve 
 
Pour nous, un des mérites des écoles parallèles est d'avoir clarifié le débat stérile entre Ecole publique et écoles privées dans lequel ont été pris au piège de nombreux militants qui se sont retrouvés de farouches défenseurs d'une institution à laquelle ils ne croient plus; cette institution qui pourrit lentement mais dans laquelle la Gauche officielle rêve d'enfermer « à égalité de chances » les enfants de bourgeois et de prolos pour accéder, par-delà les différences, à la « culture », dont les enfants de travailleurs seraient privés par la pauvreté de leur milieu. 
Ecoles privées, écoles publiques, on y enseigne les mêmes valeurs, Dieu en moins, la République en plus. Mais, dans les unes et les autres, le système d'enseignement repose sur une mise à l'écart des enfants de la classe ouvrière et une conception illuministe de la connaissance où, dans le meilleur des cas, on fait croire aux gosses qu'ils inventent des solutions déjà établies à l'avance. Dans les unes comme dans les autres, on apprend qu'il y a des gens nés pour commander, d'autres pour obéir ... La sélection y prend des formes de plus en plus perverses grâce au fichage des individus depuis la crèche (et même la naissance, cf. le projet G.A.M.I.N.) et n'est justifiée que par des explications individualistes et psychologisantes. 
Dans ces conditions, choisir, en tant que parents, de sauver la peau de son gosse, cela se comprend parfaitement; le justifier politiquement par une argumentation théorique, fut-elle « pour rire », en faisant un amalgame de citations d'illustres ancêtres et expériences non pour en faire une analyse historique mais pour donner une caution « intellectuelle » à sa démarche, c'est presque une escroquerie ... 

Ces doux enfants qui font des bisoux ... 

Que se passe-t-il dans une école parallèle comme La Barque? (La seule, dans ce dossier, dont nous ayons eu lecture de l'expérience). Les enfants vivent mieux. Ils ne sont pas cassés par la machine scolaire. On ne leur impose pas des attitudes d'obéissance, de respect de la hiérarchie et l'image de l'adulte parfait au travers d'une relation avec un maître unique et intouchable. De plus, ils sont libres. Drôle de liberté que celle de l'impuissance! Quel droit leur reconnaît-on si ce n'est celui du jeu? 
L'école traditionnelle les voit incomplets, irresponsables et elle envisage toute une période de dressage dans un vase clos pour mieux les réinjecter dans la réalité sociale après avoir intériorisé la norme. A La Barque, les mômes semblent tout aussi coincés dans leur statut de mômes, seulement, on les accepte tels qu'on prétend qu'ils sont. Ces enfants, pour lesquels « le temps n'est pas le même que nous » (La Barque page 7), sont condamnés, ne vivant que dans l'oisiveté, à n'apprendre que l'oisiveté. Quel est donc cet « état différent propre à l'enfance et « cet empirisme qui est peut-être celui de l'enfance» (La Barque page 19)? Que « chaque enfant soit lui-même, ici, maintenant» (La Barque page 10), cela signifie-t-il qu'il ne sache pratiquement que jouer et apprendre pour faire plaisir aux adultes qui savent bien raconter et écouter les enfants? (La Barque page 5 : « Il y a ceux qui savent écouter les enfants et ceux qui ne savent pas ».) 

En fait, il ne semble pas qu'il y ait de grande différence entre la pédagogie active de l'Ecole heureuse (il y en a quand même quelques unes) et la non pédagogie de La Barque. Même séparation entre les activités scolaires et les autres. Le savoir, l'action, y sont complètement gratuits. On apprend à lire parce qu'on a 6 ans et qu'on en a l"âge et non parce que c'est un outil d'expression sociale. On passe le reste du temps dans des activités de loisir qui rappellent les ouvrages de dames de la fin du siècle dernier (dans les écoles on appelle ça des clubs). Ces activités sont choisies en fonction du fait qu'elles font plaisir aux adultes et par conséquent, aux enfants ... On joue, on fait, pour exprimer une créativité qui tombe du ciel, réaliser un désir individuel qu'on sollicite et accepte sans l'analyser. De la même manière, certains décideront, « en toute liberté », de passer leur bac ou pas. 
Vers 6 ans, il faut apprendre à lire. C'est bien ennuyeux la pédagogie. On se bouche le nez et les oreilles et on se débrouille pour apprendre le plus vite possible. Or le contenu du savoir est fonction du processus mis en œuvre durant l'apprentissage. Apprendre à lire pour soi, pour faire plaisir à Vanvan, Suzanne, Michèle et papa-maman (ou à la maîtresse) cela détermine une attitude passive par rapport à l'écrit. En séparant l'acquisition de la lecture et de l'écriture d'une pratique productive, on ne privilégie là qu'une façon d'apprendre. En refusant de poser le problème du pourquoi et du comment on apprend, on n'évacue pas un simple problème de pédagogues, de spécialistes. On évacue le débat sur la connaissance et sur la culture! 
Est-ce bien sérieux d'écrire « leur savoir ne sera pas le nôtre » et de ne leur proposer qu'une sympathie pour Cicéron, les histoires de Jules, le tissage, l'apprentissage du massage, l'initiation au yoga ... Toutes les activités qui font les délices des classes moyennes et supérieures, à la « page ». 

De ce qui précède, il ressort qu'au-delà de la volonté individuelle de préserver leurs gosses il ne nous semble pas qu'il y ait dans la pratique éducative des adultes de La Barque une réelle ligne de rupture avec la conception éducative dominante. Vraiment, ils sont gentils ces enfants qui apprennent pour ne pas vous contrarier. Ils tiennent chaud, ils font des bisoux, ils sont si jolis quand ils jouent. (On a beau se défendre d'être mièvres ... ) Dehors, il y a le monde qu'on ne regarde que pour être heureux d'y avoir échappé, les voisins avec lesquels on aurait pu avoir des contacts si on avait été moins timides, les homosexuels, les lycéens, les vieux qui viendraient si on se remuait un peu. 
On se tient chaud et si, de temps en temps, on va à l'extérieur c'est pour consommer leurs créations culturelles, voir qu'il y a des gens gentils qui comprennent les enfants et d'autres qui ne les aiment pas. Puis, on rentre vite en se disant qu'on est mieux chez soi. On rentre pour « retrouver ces petits enfants qui nous enchantent sans perdre de vue ces adultes qui nous glacent ». 

L'histoire du vol 

Mais ces petits enfants qui vous enchantent peuvent parfois être aussi salauds que des adultes parce qu'ils sont tout autant impliqués dans le jeu social et ses contradictions. Ainsi, il n'y a pas de «cire vierge de l'enfant ». L'enfant ne se socialise pas. Il est un être social. Il ne se contente pas de reproduire le modèle social. Leurs désirs sont liés à leurs intérêts et ils ne sont en dehors d'aucune réalité individuelle ou collective. 
Leur manière d'être, leurs habitudes sont marquées par le groupe social auquel ils appartiennent. Les rapports de force des différents groupes sociaux ne sont pas une donnée seconde de la vie des enfants. Les idéologies et les pratiques qui les fondent déterminent la complexité des rapports de force entre les différents groupes qui se confrontent. L'école traditionnelle les gomment derrière la discipline et une bonne entente qui n'éclatent que dans la cour de récréation. Une pratique non directive permet l'extériorisation des conflits mais non leur analyse par les enfants. 
Ainsi ne pas faire un drame de l'histoire du vol de la caisse des goûters semble juste par rapport à la manière dont cela serait dramatisé dans une école traditionnelle répressive, jugé sévèrement comme un délit; ou dans une école « moderne » où il serait étudié comme une maladie ou l'expression d'un quelconque problème psychologique. A Vitruve, c'est au travers de discussions et d'expériences d'organisation de vie collectives que les enfants apprennent à se situer politiquement. 
Quand, en C.P., Mourad a fauché le goûter de Manuela qui n'osait poser son problème devant le groupe, ce sont les enfants eux-mêmes qui ont convoqué une réunion du groupe d'enfants et des deux instits pour examiner la situation. Cette réunion n'a pris ni la forme d'un tribunal, ni celle d'un jugement moral mais on a cherché ensemble des solutions concernant l'argent de poche et les goûters. 
Nous avons abordé le terrorisme que certains garçons exerçaient sur les filles, le statut de l'enfant émigré dans l'école; Mourad, tout à fait à l'aise, Manuela, exclue dû groupe. On a vu que la violence pouvait être négative ou positive suivant les situations. L'enfant d'O.S. et l'enfant d'intellectuel ont deux pratiques tout à fait différentes de la violence dont ils tirent des analyses opposées. 

Que signifie « Nous avons eu peur de la violence de certains mais nous avons toujours eu l'humilité de savoir que tout cela n'est qu'apparence. En soi, cela ne signifie rien » ? Y aurait-il une violence « en soi» ? En soi, la violence de Fabrice qui coupe la parole aux autres à tout bout de champ, ce qui 3pour résultat de faire dire aux autres au bout de quelques mois «Pourquoi veux-tu qu'on réfléchisse puisque Fabrice pense pour nous? ... «En soi », le racket que Jean exerce sur les gosses de l'école ?... « En soi », l'intimidation que Mourad fait peser sur Manuela, ce qui fait dire à cette dernière qu'elle lui a donné son goûter? .. «En soi », l'attitude de Caroline qui ne veut pas s'asseoir à côté de Zoran ? ... 

Les règles de conduite 

Ce qui nous semble important c'est que l'enfant se trouve dans des situations où la violence ne soit ni évacuée ni canalisée. Pour nous, le rôle de l'adulte est de faire éclater les contradictions et de permettre au groupe de les dépasser en faisant apparaître le problème des statuts sociaux liés aux origines de classe car les types de relations qui s'établissent avec les enfants sont fonction de ces statuts. Si la personnalité de chaque instit diffère, nous avons un mode d'intervention cohérent, élaboré en équipe au travers de la confrontation des pratiques. 

Pour nous l'absence de règle de conduite (« nous n'avons pas de règle de conduite et un tel interviendra dans une dispute parce qu'il ne supporte pas la violence ». La Barque page 18), ne permet que la pérennisation du statut des enfants. Il ne s'agit pas, pour nous, d'intervenir parce qu'on ne « supporte pas la violence» ou parce que la tension nous est insupportable» ni pour rétablir l'Ordre mais de jouer, de manière délibérée, comme un révélateur pour faire apparaître les bases sociales des antagonismes. Ce type d'intervention de l'adulte ne signifie pas que nous agissions comme des personnalités neutres et extérieures au groupe ou de façon manipulatoire, en étant conscients de ce que nous représentons comme pouvoir institutionnel. Mais de cela aussi on discute avec les gosses. 
Ainsi, dans le cadre de l'élaboration des règles de vie, certaines sont Imposées par les adultes et nous ne donnons pas l'illusion aux mômes qu'elles émanent d'eux, tandis que d'autres évoluent au cours des années et des projets. Les enfants vivent donc des rapports sociaux dont on ne filtre pas les antagonismes. C'est à travers des réalités intérieures et extérieures à l'école qu'ils apprennent, qu'ils agissent, qu'ils vivent. En effet, pourquoi leur retarder le moment d'agir pour de vrai. Mais « l'enfant producteur» (cf. l'article d'Evelyne Le Garrec dans le numéro d'Autrement sur l'enfant et la ville) n'est ni un objet de pub, ni un Stakhanov en herbe. 

Il ne s'agit ni de préparer les gosses à être les producteurs qu'ils seront plus tard, ni de leur donner une conception du monde du travail, du type: « travail = malédiction », mais de leur permettre de se situer entre eux et par rapport aux adultes au travers d'une réalisation collective. Ils ne sont plus dans la position de recevoir un enseignement dont ils ne comprennent pas la nécessité mais de faire appel à des connaissances pour résoudre les problèmes rencontrés au cours de la réalisation de leurs projets. Leur statut se trouve ainsi bouleversé ou du moins ébranlé. En devenant producteurs d'objets et de services utiles à eux-mêmes, à la collectivité école, aux gens du quartier, aux habitants des régions où nous allons en classe verte ... leur égalité vis-à-vis de l'adulte n'est plus alors concédée mais conquise. 
Enseignants dans une école communale de quartier où le pourcentage d'échecs scolaires était relativement élevé, c'est le brassage social qui nous a conduits à faire au fil des années une critique radicale des méthodes et des techniques de la pédagogie « moderne » que nous avons expérimentée nous-mêmes et à travailler progressivement sur des projets sociaux dont les limites nous apparaissent clairement. A Vitruve, tout apprentissage sous forme de leçons traditionnelles a été supprimé. Chaque projet donne source à des tâches multiples pour lesquelles il faut divers instruments. Mais les trésors d'imagination dépensés ne visent pas à combler la distance entre les enfants dits doués et ceux que l'Ecole considère comme des handicapés. 

Notre but n'est pas de donner aux enfants de travailleurs la Culture que peuvent avoir les enfants qui réussissent à l'école. Il s'agit d'affirmer le droit de chacun à la différence et non pas de traduire ces différences en termes d'inégalité ou de handicap (différence dans les formes d'expression, de démarche ... ) C'est par le biais d'une confrontation interculturelle qu'à Vitruve les enfants apprennent ensemble, en vivant la réalisation de projets où la démarche de chacun est reconnue. 
Deux enfants de C.P., dans le cadre de la fabrication de jouets en bois pour la ludothèque d'un comité d'entreprise, ont décidé de construire une locomotive. L'un fit un croquis très détaillé mentionnant toutes les pièces et les outils nécessaires. Il fabriqua sa machine avec beaucoup de difficulté. L'autre commença par la construction. Interrogé par ses camarades, il utilisa la forme de la bande dessinée pour raconter le processus de construction. Deux enfants, deux méthodes, deux locomotives: il est immédiatement possible de distinguer l'enfant qui se serait trouvé privilégié dans le système traditionnel, celui qui aurait eu le plus de chance de réussite scolaire. En effet, ce qui est encore à la rigueur admis en C.P. ne l'est déjà plus en C.E.! Les deux enfants se seraient trouvé « à égalité devant le même problème mais cette fois avec les outils d'une même méthode, celle du premier. 

Le choix volontaire du système scolaire, en imposant une méthode définit le chemin que devra prendre la « performance scolaire ». Ce faisant, il évacue et dévalorise une démarche intellectuelle marquée par la vie et par l'origine sociale de l'enfant. L'Ecole, coupée du milieu social, prétend éduquer les enfants en imposant des normes et des structures qui le plus souvent sont la négation du savoir acquis dans leur milieu. A Vitruve, la démarche de Yann et de Stanislas sont également reconnues. Il n'y a pas de rupture entre les activités dites scolaires et le travail manuel de production. On apprend à lire, à écrire, à scier, à clouer, à compter parce qu'on en a besoin pour faire. Tout de suite. Pas pour plus tard. 

Favoriser la critique 

Ne nous leurrons pas. Nous ne cherchons ni à définir l'école de demain, ni à ébaucher une contre-culture. Notre démarche consiste à favoriser la discussion d'un nouveau projet éducatif avec les groupes sociaux utilisateurs de l'Ecole. Cette confrontation se situe avec les enfants et les adultes à partir d'un échange qui peut prendre comme base une intervention ponctuelle ou continue dans les projets de l'école (Caca Pétard le journal, le studio radio, la braderie ... ) ou des différents groupes d'enfants. 

Les parents des classes moyennes sont ceux qui hésitent le moins à entrer dans les écoles. Ce n'est pas un hasard s'ils s'y sentent à l'aise. En ce qui nous concerne nous ne sommes plus dupes, après l'avoir pratiqué de nombreuses années et démystifié de la soi-disant ouverture de l'école aux parents qui, dans la stratégie ministérielle, ne vise qu'au renforcement du projet éducatif en place. Toutes les critiques qu'ils apportent en général ne concernent qu'une humanisation des rapports à l'intérieur de l'institution scolaire. Il faut avant tout que l'Ecole continue à permettre la promotion sociale de leurs enfants. A Vitruve, certains parents ont utilisé l'ouverture de l'école pour veiller à ce que la reconnaissance des différences interculturelles ne fasse pas « baisser le niveau » et ne défavorise pas leurs gosses! 
Favoriser la critique ... Les intellectuels de gauche sont-ils bien les seuls à pouvoir questionner le « service national d'éducation ». Cela signifierait que seule la petite bourgeoisie intellectuelle serait porteuse d'un potentiel idéologique de changement de société. Ne renforce-t-on pas le système en place en se réjouissant des miettes de privilège dont on jouit. 
« Seule pour le moment, la petite bourgeoisie dispose des moyens (langage, media, accès à ce qu'on appelle « la culture ») de critiquer l'Education nationale. Les organisations populaires, quand bien même elles le voudraient, ne peuvent contrecarrer l'idéologie du pouvoir en matière scolaire ... » (La Barque page 30) : prétendre cela c'est reforcer l'idée qu'il y a une culture unique. C'est faire de l'intellectuel, quelqu'un qui possède le savoir et non quelqu'un qui réfléchit et analyse, la réalité. C'est nier la valeur de la formation intellectuelle que les militants ouvriers acquièrent à travers le combat pour leurs conditions de travail et de vie, la pratique de l'action collective, l'expérience des luttes et la réflexion théorique à travers l'histoire de la classe ouvrière. 

Tout le long de la mise en place de l'école obligatoire, les ouvriers ont revendiqué « le droit à l'instruction et l'égalité de tous devant le savoir ». L'une des revendications concernait le fait que l'Etat devait prendre en charge l'aspect matériel de l'éducation et non son contenu. La Gauche officielle actuelle s'est tellement identifiée à l'école laïque qu'elle en a perdu tout esprit critique vis-à-vis d'elle au point d'en faire l'école du peuple. Cependant, des positions contradictoires ont toujours cohabité au sein du mouvement ouvrier: la revendication d'instruction avec le refus de la scolarisation, l'éloge de l'école laïque avec une critique virulente de Jules Ferry et de l'emprise de la bourgeoisie sur le savoir. 
Cela a même abouti à l'idée d'une école syndicale: «Si nous voulons une transformation sociale telle qu'après elle la société puisse fonctionner normalement... il faut pour cela des hommes d'action qui aient aussi une mentalité d'hommes libres. Quelle éducation la leur donnera. Cela doit être l'œuvre du syndicalisme. Outre sa mission d'organisation, il y a celle d'éducation des travailleurs. Le syndicalisme n'a pas de plus sérieuse et de plus pressante besogne que celle d'arracher à l'empoisonnement de l'Etat bourgeois le cerveau des prolétaires... Cette tâche rude et belle est possible dans un immeuble indépendant, avec des éducateurs absolument libres, absolument des nôtres. «(Extrait du rapport au Congrès C. G. T. 1908 « syndicalisme révolutionnaire » cité par G. Vidalenc « l'Education ouvrière » pp. 311-312). 

Poser ensemble le problème de la famille, de l'école, de la production 
De plus en plus, les exclus de l'école ont une position de refus par rapport à l'institution. Il y a une recrudescence de la déscolarisation chez les préadolescents. De nombreux parents opposent un refus ou une attitude d'indifférence aux diverses sollicitations des instits, directeurs, assistances sociales, et psychologues, qui leur expliquent avec bonne conscience que leurs familles sont malades, que leurs enfants ne sont pas doués mais qu'on va les aider. Au-delà de ces positions instinctives, il y a des militants ouvriers qui, faisant le lien entre l'exploitation qu'ils subissent quotidiennement et les conditions de scolarisation de leurs gosses, font une remise en cause de l'institution en tant que travailleurs. 
En particulier, il y a tout le travail fait par les militants du syndicalisme familial (la Confédération syndicale des Familles) qui seraient mieux placés que nous pour répondre à l'affirmation de la soi-disant incapacité qu'aurait la classe ouvrière de faire une critique idéologique de l'école. Depuis 1962, ils ont entrepris de façon collective un travail de réflexion qui a abouti à la constitution en 1965 de la Fédération Ecole et Familles au sein de laquelle ils mènent un combat contre les illusions de l'école publique: discussion dans les immeubles s'appuyant sur des montages diapo, dossier annuel sur le coût de la rentrée, actions contre le dossier scolaire Haby. 
Il ressort du rapport de leurs journées nationales d'études des 29 et 30 janvier 1977, intitulé « Les malmenés de l'école et de la société capitalistes », une critique radicale de l'institution et de l'aggravation de ce qu'ils appellent l'orientation-sélection qui transparaît derrière le masque souriant de la dernière réforme. « Je dois dire que pour notre organisation, qui est une expression du monde du travail sur ce problème - qui n'est pas la vie de la production mais qui est la vie des familles -, nous avons fait le tour de la question en réunissant des milliers et des milliers de familles dans des réunions de quartier et on pourrait dire maintenant que les écailles sont tombées de nos yeux et que nous voyons le problème d'une toute autre façon. Il nous semble que l'école est à mettre en cause, l'institution scolaire telle qu'elle fonctio'hne. (Interview de Françoise Villiers, responsable Ecole et Familles, pour le film « Alertez les bébés! » de Jean-Michel Carré, production « Les films du grain de sable ».) 

L'important est de bien voir qu'il est complètement différent de poser le problème en terme individuel en tant que parents et en terme collectif en tant que travailleurs. C'est cette prise en charge collective qui a permis à certains travailleurs de dépasser leur culpabilisation devant l'échec scolaire de leur môme de comprendre que c'est toute une classe sociale, la leur, qui échoue massivement à l'école. Voyant leurs enfants vivre et penser, ils en sont venus à la remise en cause de la notion de handicap socio-culturel dans laquelle on veut les enfermer et ils s'opposent violemment au statut d'assisté que les nouveaux clercs de la classe ouvrière veulent leur attribuer: « On peut déjà se poser la question,. comment ces enfants qui ont de l'initiative, inventent des jeux, assument des responsabilités, s'organisent entre eux, peuvent-ils être des handicapés socioculturels? » (rapport des journées d'étude des 29 et 30 janvier 1977 page 7.) 
Des enseignants refusent de rester dans l'impasse des revendications corporatistes et catégorielles et, conscients du rôle de sélection qu'on leur fait assumer et de l'incapacité du milieu enseignant à remettre en cause seul, les principes de l'école, essaient d'ouvrir le débat avec les non-enseignants. Que ce soit les militants d'Ecole et Société qui essaient de définir une stratégie déscolarisée de luttes sur l'école ou encore des militants de S.G.E.N.-C.F.D.T. qui vont poser les problèmes de l'école dans les structures inter-professionnelles. 

Notre choix en tant qu'équipe est, dans la période actuelle, de rester dans l'institution parce que c'est là qu'il y a le plus de possibilités, de confrontation sociale. Cela ne signifie ni que nous fassions un fétichisme de l'institution, ni surtout que nous prétendions résoudre les problèmes des gens à leur place. Dans le système scolaire français, là où il y a juxtaposition, ce sont les gosses des milieux dit favorisés qui réussissent au détriment des autres. Dans la plupart des Écoles parallèles, ces « autres » ne sont pas représentés et leur absence ne peut être résolue par une simple invitation. D'ailleurs, peut-on vraiment dire des enfants de ces écoles qu'ils sont des privilégiés ... Une des revendications d'Ecole et Familles concerne la demande d'un contenu d'un enseignement qui n'exclue pas le vécu de leurs enfants. C'est ce que nous essayons de faire. 

Le problème qui se pose est donc de savoir comment associer à une remise en cause de l'école tous les parents, y compris ceux qui en sont habituellement exclus, afin de connaître leurs demandes éducatives et poser conjointement le problème de la famille et de la production. Ce n'est pas du ressort des seuls usagers de l'école: ce qui se joue dans l'institution c'est la reproduction sociale et la transmission d'un certain nombre de valeurs. Ces problèmes doivent être posés par l'ensemble du corps social et non exclusivement par les parents et les enseignants . 

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |