alternatives éducatives : des écoles différentes
| Présentation | SOMMAIRE | Appel pour des éts innovants et coopératifs |
I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I
 

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable  , l'état des toilettes, le créationnisme...

Les école publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

Depuis une bonne vingtaine d'années, ici aussi, évidemment, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du système scolaire.
USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face
en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait pas du tout amélioré le système public.
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools,
Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee,
première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme chèque éducation.

«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

Des écoles différentes ? Des collèges et des lycées différents ?
Oui, mais ... pas trop !
Statiques universitaires-fonctionnaires ou camelots très agités ont en commun,
depuis deux bonnes décennies radoteuses sur l’échec scolaire,
l’art et la pratique du piratage et de son exploitation en produits dérivés et contre-faits.

NON, les écoles différentes ne sont pas les écoles parallèles (à quoi ?), souvent mortes-nées, dont tout le monde parle depuis 30 ans sans jamais (vouloir) savoir de quoi il s’agit/s’agissait : alternativement synonymes de "dernière chance", de "pas mal, ... pourles autres", le terme étant souvent affublé de "post-soixanthuitardes" par tous ceux parvenus, et  qui en sont revenus sans y être jamais allés; précédé de «ça marginalise un peu, quelque part, au niveau de la socialisation, quand même, non ?» ou suivi de «qu’est-ce que ça serait bien si qu'on en ferait une».
 

Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires 
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville 
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 
Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 

Face à face, l'enfant et l'adulte 

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants !
(Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? Non, une reproduction du système scolaire scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs
(Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique !
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ?
(Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère) 



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...

En dix ans, le nombre d’enseignants en Angleterre a augmenté de 10% tandis que celui des assistants (non qualifiés, et 3 fois moins payés) a triplé .

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde : FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés. «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.
 

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.



AMERICAN WAY OF LIFE...
Archives (1978)
Mais qui, diable, va dans ces « écoles » et pourquoi? 
Catherine Baker 
 
 

Qui met ses enfants dans une « école parallèle » ? 
Des gens de la petite bourgeoisie intellectuelle, en général d'autant moins riches qu'ils contestent le monde de la productivité où ils devraient être engagés. Beaucoup travaillent à mi-temps et font fi de leurs diplômes, acceptant n'importe quel travail, pourvu qu'il leur donne un maximum de temps libre. Emplois instables, chômage, paniques souvent sont une toile de fond constante de ces endroits de contre-culture. 
Ces « insoumis » ne se considèrent cependant pas comme marginaux. Ils vivent de peu, n'ont pas toujours la télé et se contentent quand ils ont une voiture, d'une 2 CV. Leur loyer, souvent dans de vieux logements, tourne à Paris autour de 700 F. A La Barque, il y a beaucoup de femmes seules, célibataires ou divorcées qui partagent la condition féminine commune : très peu d'argent, difficultés pour trouver un emploi, isolement. 
Rares sont les familles avec deux enfants. Pourtant presque toutes les femmes auraient souhaité ne pas avoir un enfant unique. Le renoncement au second est très souvent lié à des questions pécuniaires (avoir des enfants est actuellement un luxe) ou à un sentiment d'insécurité (notamment chez les femmes seules). 
Il y a relativement peu de membres des communautés, mais en ce qui concerne La Barque, les « couples traditionnels » sont rares. Sans parler vraiment de communauté, il y a cependant des tentatives, parfois éphémères, de cohabitation à trois, à quatre. Au sein d'une même famille ou d'une même communauté, des enfants peuvent aller à La Barque et d'autres fréquenter des écoles comme La Source ou Vitruve

Les motivations pour mettre ou ne pas mettre l'enfant dans un « lieu pour enfants » hors école sont diverses. Elles sont souvent liées à un souvenir d'«éducastration». Bien des parents y mettent les enfants, pour qu'il y soient «plus heureux  que dans l'école. Cette notion de bonheur est infiniment floue. Elle est induite dans un projet contestataire global de la société, mais ne se définit pas forcément par rapport à une stratégie politique. Il y a des «militants» d'extrême-gauche dans ces endroits, mais très peu : la plupart sont des  inorganisés» sceptiques, qui ont préféré l'action aux pétitions. 

A vrai dire, les « écoles parallèles » souffrent de ne pas mener la réflexion politique jusqu'au bout. Tout risque de désaccord est soigneusement pesé avant d'être pris. C'est que la survie est terriblement difficile et demande une détermination solide. Toutes les failles sont dangereuses. Néanmoins, qu'ils le veuillent ou non, les participants se trouvent confrontés à des situations qui réclament une réponse politique claire. C'est alors l'éclatement ou une cohésion plus profonde. Quand les deux coexistent, on assiste à l'élaboration d'un nouveau projet. 
J'aimerais ici apporter mon témoignage personnel, celui d'un « parent » qui souhaite dépasser un certain militantisme « terroriste » et ne pas jouer avec la liberté de son gosse. 

Je voulais un enfant libre 

J'étais enceinte, je vivais seule. Je rêvais d'un monde libre et ma grossesse continuait Mai 68. Je sentais mon ventre rond comme résolument politique. 
A l'époque je pensais « enfant » et. non pas « enfance ». Je le voyais comme futur adulte et il s'agissait pour moi de créer autour de lui l'environnement le plus apte à promouvoir en lui les possibilités d'agir en être libre. Je voulais un enfant libre, pour qu'en devenant un adulte libre, il nous transforme et transforme le monde. 
J'avais évidemment lu les critiques à la mode contre l'école. 
Mais je crois que je n'avais pas besoin de ça pour savoir que les gosses rêvent toujours aux prochaines vacances. Les enfants n'aiment pas aller à l'école. Ceux qui disent l'aimer (j'en étais, étant petite) vivent souvent dans un système de séduction dont ils ont plus de mal à se débarrasser que ceux dont on a brisé la révolte par la répression. J'« aimais », l'école, parce que cela faisait plaisir à ma mère et que les maîtresses, puis les professeurs, m'aimaient bien à cause de ça. 
Etre aimée des institutrices et des professeurs, c'était surtout échapper à la terreur ambiante, aux cris, voire aux claques, aux humiliations (les mains sur la tête, les tours de cour, le coin, la convocation des parents). A l'école, les enfants ont peur. On leur apprend qu'ils sont les inférieurs; d'un supérieur tout-puissant. Et cela pour moi a duré longtemps. Je me souviendrai toujours que j'ai voulu me suicider pour de vrai, quand j'ai appris que moi, la bonne élève, je devrais passer l'oral de rattrapage pour mon bac. De 6 à 16 ans, on a le temps de rendre les enfants fous. 

Et avant ... De la maternelle ne me restent pas beaucoup de souvenirs. Ou plutôt mes souvenirs sont tels que je préfère croire que j'ai rêvé et fait des cauchemars. 
A vant toutes choses, la maternelle, c'est l'angoisse. Maman, maman, maman, ce soir n'existe pas, ce soir, demain, hier, jamais, c'est pareil, absence maintenant. 
Une grande salle immense avec une maîtresse aux cheveux frisés blonds. Ai-je rêvé? Cette histoire de colle au derrière, c'est quoi ? Longtemps je me suis souvenue de la scène : la petite fille hurlant en position d'être fessée, sur les genoux de la maîtresse, qui lui mettait de la colle blanche au trou du cul. J'ai rêvé, forcément j'ai rêvé. Maintenant que je suis une grande personne, je me souviens que nous aimions cette odeur de colle blanche, beaucoup d'entre nous en mangeaient. La maîtresse avait dû nous dire pour nous « impressionner» que ça nous collerait le derrière. D'où le cauchemar. Ou bien, après tout, le pis est possible. Peut-être avait-elle vraiment voulu nous faire peur et mimer la menace. 

Changer l'école de l'intérieur? Ah bon! 

Qu'importe pour moi ce souvenir-cauchemar est tellement signifiant, dans sa claire symbolique du corps jouissif, bouché de force. « Collé. » 
La maternelle, c'est aussi une chanson que je n'ai pu rechanter que vingt ans après. Je me rappelais trop ce jour où la maîtresse m'avait forcée à chanter « Colchiques dans les prés ». Je ne pouvais pas. J'avais la gorge douloureusement - très douleureusement - serrée. Comme une crampe. La contraction perpétuelle, le chagrin des jeudis et des dimanches soirs. 
J'étais enceinte et j'y pensais. J'étais d'autant plus seule que les free.frrmations sur les crèches et les écoles parallèles ne circulaient pas (sacré Libé, tu n'existais pas encore !). J'allais à des réunions du M.L.F. C'était dur : la grossesse était mal portée : c'était l'époque où les femmes cherchant à détruire les prisons séculaires, s'attaquaient sauvagement à la maternité. La soirée aux Beaux-Arts finie, je rentrais tristement seule chez moi. 
Pas de mec. Ma solitude de mère célibataire. Des amis militants qui me parlaient de « changer l'école de l'intérieur ». Je ne trouvais même pas les mots pour discuter : qui, à l'intérieur? Nous? Nos mômes? Qu'est-ce que ça voulait dire? Je les voyais bien disant aux prisonniers de Poulo-Condor, dans leur cage à tigre: « Changez donc votre cage de l'intérieur ». 
Le temps passait, je savais simplement que mon enfant n'irait pas dans une école « traditionnelle ». Je me disais que j'avais trois ans pour y penser. 

L'urgence, c'était la crèche. J'en ai visité quelques-unes. Ah non ! Les tringles, sur lesquelles étaient posés les biberons qui nourrissaient « la rangée », surveillées par une ou deux puéricultrices, auraient seules suffi à me décider. Nulle part, je n'ai trouvé la moindre chaleur. La douceur était dosée comme un narcotique. Les «crèches sauvages » dont j'entendais parler étaient réservées, pensais-je, aux étudiantes. 
J'ai accouché d'une enfant que j'ai appelée Marie. Je l'ai fait garder pendant mes heures de travail, par une vieille grand­mère qui habitait dans la même cour que moi.
J'ai tout de suite commencé à chercher une école. Se renseigner, c'était déjà une opération d'envergure. Je me suis aperçue que les militants n'avaient finalement pas le temps de faire ce genre d'enquête. Leurs enfants allaient à l'école du coin. L'école, comme chacun sait, est une grande conquête du peuple, et c'est faire honneur à la classe ouvrière que d'envoyer son môme à la communale! 
Comme j'étais « d'extrême-gauche », je placardais des affiches pour réclamer des crèches et des écoles dans le 13e, un peu amère quand même. Je n'avais pas - et n'ai pas - le langage qui m'aurait permis de braver mes copains militants et théoriciens. L'école en Chine ne me faisait pas jouir, mais l'argument massue de mes petits camarades, c'était : «Avoue que c'est quand même mieux qu'en France! » J'avouais. 
N'empêche que ma fille grandissait ... J'ai commencé à faire le tour des Freinet, Montessori, Decroly et autres. Finalement, j'avais beau me faire la morale (dans le genre très classique: « Les copains ont plus réfléchi sur l'école que toi, ils ont une pratique militante cohérente. Comment oses-tu ne pas leur faire confiance, puisque, en gros, tu es d'accord avec eux? ») ; je ne pouvais pas m'empêcher de regarder mon enfant sans me dire : 
« Qu'elle soit heureuse, maintenant, ici, tout de suite, qu'elle vive tout son plaisir d'enfance sans barrière.» J'étais prête à payer le prix, n'importe quel prix. Des idées commençaient à circuler. Summerhill avait titillé bien des gens. Les maos faisaient d'émouvantes et audacieuses autocritiques sur leur vie militante. C'était la douloureuse remise en question des années 72-73, une espèce de 68 en profondeur. Quelques-uns s'y sont noyés. En tout cas, on a tous bu la tasse. 

Je lisais Libé 

Et c'est vers cette époque-là que j'ai appris à dire « JE ». 
En 1974 j'ai commencé à vivre en communauté. J'imaginais de nouveaux rapports possibles entre parents et enfants. En attendant mieux, j'avais inscrit Marie à Decroly, simplement parce que de toutes les écoles libérales que j'avais visitées, c'était celle qui m'avait semblé la plus rieuse. En plus, c'était gratuit : coup de chance pour mes options politiques ... 
Je lisais Libé. De loin en loin, on voyait que des gens songeaient à retirer leurs enfants du circuit obligatoire formation-production. Il me semblait pourtant que ce n'était possible qu'à la campagne, et trop de choses me retenaient dans cette ville. Parfois, j'entendais parler de lieux d'enfants à Paris. Leur existence était précaire et tous les projets se cassaient la gueule. Je pensais comme beaucoup de gens que je connais : « Prendre des risques pour moi, d'accord, mais pour mon gosse, non. » J'estimais avoir limité les dégâts possibles en la confiant à Decroly. 
Cette peur du risque se rattachait aussi à une expérience que je vivais quasi quotidiennement depuis deux ans. Ayant travaillé à Politique Hebdo, l'A.P.L. et Libération, vivant en communauté, je m'apercevais que dans un projet idéologique qui se voulait global, le danger d'un totalitarisme était réel. Quand on tient à quelque chose d'essentiel - à plus forte raison quand il s'agit de la vie de ses enfants - on se bat avec passion. Je n'avais pas été des moins fanatiques dans les luttes intestines que j'avais connues. A Decroly, mon enfant était à l'abri de ces orages destructeurs. 
Marie est donc allée à Decroly pendant six mois, de la rentrée de janvier 75 à la fin de l'année scolaire. Pendant ce temps, je n'avais pu ignorer la mise en place de deux écoles parallèles à Paris (Billancourt et l'A.R.C., qui devait devenir La Barque). Politiquement, leur existence était un défi unique à l'Education Nationale. Je ne pouvais pas ne pas aller les voir. 
Je m'attendais à trouver des lieux fous, carrefours de luttes passionnelles contre l'école. Or, ce qui m'a tout de suite frappée, c'est que les parents qui s'étaient lancés dans une telle aventure avaient un point commun : une estime profonde pour les enfants. Ma crainte d'un lieu « terroriste » de combats idéologiques a fondu tout de suite face à cette certitude que ces gens-là ne joueraient jamais avec la liberté des gosses. 
Politiquement, nous n'avions pas tous exactement les mêmes idées, mais nous désirions tous laisser vivre à nos enfants leur totale enfance. Et c'est avec une humilité, inconnue dans les milieux militants que j'avais fréquentés jusqu'alors, que la plupart des parents reconnaissaient avoir mis leur enfant là, simplement parce qu'ils n'avaient pas supporté la discipline des écoles traditionnelles ou « libérales ». 
Marie est arrivée à La Barque en septembre 76. Le minimum commun étant acquis (le goût de l'enfance), j'y ai vécu bien des émerveillements et bien des effrois. Notre combat politique n'est pas un a priori, il n'est que la conséquence logique, irréfutable, de notre plaisir de vivre avec des enfants.» 

Autrement 13/78 

ED. 2008 DU GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |