alternatives éducatives : des écoles différentes
| Présentation | SOMMAIRE |
| Une école différente ? Pour une société différente ? Qui n'en veut ?! I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop |
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Appel pour des éts innovants et coopératifs |
 

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable, l'état des toilettes, le créationnisme...

QUOI DE NEUF POUR "CHANGER" L'ÉCOLE ?

Adulte à 12 ans, ado à 33
Vieillissement, recomposition des familles, allongement   des études, chômage:
le modèle traditionnel n'existe plus.
Doit-on abaisser la majorité civique à 12 ans ?
 le corps électoral, à l'image du personnel politique, tend à devenir un vieillard qui vote conservateur.
Or, pour répondre aux défis des retraites, de la violence, du redécoupage des rythmes de travail, de l'âge d'entrée et de sortie de la vie active,
il nous faudra prendre des mesures de rééqulibrage en abaissant encore l'âge du vote.

Sa Majesté des mouches ...

Pour stimuler la "construction de leur propre société" (= "Kid Nation" !) :
chaque épisode se termine par un vote interne pour la remise d'un "prix"
(une étoile en or d'une valeur de $20 000).
"There was no sex or drugs"
Ouf.
Just money...
Great, fantastic, fun !
God bless America !


L’économie de la sécurité et des situations de crise
Une économie basée sur la peur pour mieux faire passer des réformes inacceptables.
Pour des intérêts plus financiers que démocratiques.
Ce que la liste des souhaits de Gingrich nous révèle, c'est que le transfert des dettes privées dans les coffres publics n'est que la première étape du choc actuel.
La suivante sera lorsque la dette de la crise engendrée par le sauvetage deviendra une excuse
pour privatiser la sécurité sociale, abaisser les taxes professionnelles et couper les vivres aux pauvres.
Ce que Mac Cain élu ferait volontiers. Quant à Obama, il serait soumis à une telle pression par les think tanks et les medias
qu'il abandonnera ses promesses électorales pour adopter l'austérité et la stimulation du libre-marché.
 
OUI, MAIS ...

Vincent AMBITE (CES de Cassis, ci-contre) était ceinture noire de judo, et tout le monde ne peut pas être communiste, surtout en 2009 !

En 2000, Marie Danièle Pierrelée, qui n'était ni ceinture noire, ni même communiste, publiait un 
Manifeste pour une école créatrice d'humanité appelant à la "création ou la transformation rapide d'un nombre significatif d'établissements publics ordinaires de taille modeste en établissements pionniers".
Outre, celui qu'elle ouvrait dès septembre 2001 dans la Sarthe, le collège de Saint-Martin Valmeroux réouvrait ses portes sous la forme d'un petit collège-internat ...



L'Entreprise mondiale d'exploitation :

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral 
... et blairo-socialiste
BRITISH WAY OF LIFE

Royaume-Uni : 35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire

Un demi-million de «sans-logement» en Grande-Bretagne
A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté

Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement"

Royaume-Uni : «tolérance zéro» et conditions de détention intolérables
Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés
«Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants
est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»
Tony Blair : "tolérance zéro" face aux éléments perturbateurs dans les écoles

Royaume-Uni : Ecoles fermées aux pauvres

Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques.
Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées,
durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".
Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix.
En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens.
Pour lutter contre ces pratiques, le gouvernement s’apprête à proposer un nouveau système d’admission des élèves dans les écoles publiques.

5 September 2005

... et moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts"

Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes

Grande Bretagne : premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

Blairo-socialisme :
bilan globalement positif
Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne
est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

Royaume-Uni :Le créationnisme aux examens

Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005
pour jouir d'une vie meilleure

Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs
difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics,
en particulier les transports et le système de soins.

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.


AMERICAN WAY OF LIFE...

45 millions de personnes sans système de santé
dans le pays le plus riche du monde

Le système de santé américain est le plus onéreux parmi les pays industrialisés
et l'un des moins efficaces en terme de nombre de personnes couvertes

États-Unis : L’abstinence sexuelle renforcée
131 millions de dollars (augmentation de 30 millions) pour les programmes fédéraux vantant auprès des collégiens et lycéens américains les mérites de l’inexistence d’une vie sexuelle avant le mariage. L’évaluation nationale des bienfaits réels de ces programmes a été reportée à 2006.

Des aberrations scientifiques pour mieux prêcher la chasteté
Cette année, 40 des 50 Etats doivent faire face à diverses procédures visant à contester l'enseignement de la théorie de l'évolution dans les écoles publiques.

Quelque 6000 étudiants sont attendus sur le campus  "sans péché" (l’Ave Maria University), 
qui ne connaîtra ni préservatifs ou autre moyen de contraception, ni homosexualité, ni avortement.

Le nombre total des armes à feu en circulation aux Etats-Unis est estimé à plus de 200 millions, dont 65 millions d'armes de poing, pour une population totale de 284 millions d'habitants.
Selon des statistiques gouvernementales remontant à la fin des années 90, les armes à feu sont la cause de la mort d'un enfant ou adolescent toutes les deux heures, par crime, accident ou suicide.
En 1997, ces armes ont été responsables de la mort de 32.436 personnes,
selon ces mêmes statistiques.

La "Home School Legal Defense Association" :
Liée à l’église évangélique,
« Les croisés américains du Home Schooling »



4000 Québécois fréquentent des écoles clandestines pentecôtistes
les écoles pentecôtistes enseignent notamment le créationnisme.


FRANCE : « les plus stricts des stricts »
Présents dans huit départements (Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire, Var, Gard, Rhône, Seine-et-Marne)
La vie familiale y est très normée, dans un contexte patriarcal où le père travaille à l’extérieur, tandis que la mère prend en charge l’éducation morale des enfants.
Ils ont choisi depuis quelques années de scolariser eux-mêmes leurs enfants.
Les communautés ont récemment créé un système privé de cours par correspondance, les cours du Chêne.

 

Tant Oslo que les Gorguettes, démontrent que, si on joue franc-jeu avec les adolescents, 
le résultat dépasse les espérances.
Le C.E.S. n'a pas explosé dans une fuite en avant 
de revendications impossibles à satisfaire de la part des élèves:
le sentiment de leurs responsabilités a été permanent. 
C'est que, aussi, ils aimaient leur établissement, qui était devenu pour eux un lieu de vie.
Et non le lieu de mort, ce parking déshumanisé et déshumanisant, 
qu'il tend toujours plus à devenir aujourd'hui dans notre pays,
contre le vœu profond de la plupart de ceux qui y travaillent.


LYCÉE D'OSLO OU SUMMERHILL FRANÇAIS : 
LE C.E.S. DE CASSIS AVEC VINCENT AMBITE
Par Gérard Mendel.

Extrait de :
Nous introduisons, ici, le terme de «Mouvements dans les Institutions» pour une tendance nouvelle apparue depuis trois à quatre ans sur les lieux de travail dans les établissements, les organisations - en particulier dans les professions du travail social (éducateurs, assistantes sociales), dans l'enseignement, dans le médical et le para-médical, et également parmi les jeunes militants des Partis et Syndicats de gauche.

Ses deux caractéristiques: elle concerne avant tout la génération des 25-35 ans - la génération «d'après 68». Et elle est marquée par un désir très fort de travailler différemment. D'une manière moins hiérarchique, moins délégative, moins individualiste. Un temps trop long se passe sur le lieu de travail pour renoncer à tout plaisir durant huit heures par jour. Donc, ou bien une manière «autre» de travailler, moins parcellaire et répétitive, ou bien le refus du travail sous les différentes formes qu'on lui connaît.
Après une approche de ces aspirations, plusieurs réalisations sont successivement étudiées ici, dont celle du C.E.S. des Gorguettes, à Cassis. Puis, après l'examen détaillé des obstacles rencontrés, nous décrivons nos divers modes de collaboration avec les groupes demandeurs, lorsqu'il est fait appel à nous. Enfin, nous montrons comment interviennent l'idéologie ambiante et les forces politiques dans les phénomènes de pouvoir collectif et d'Autorité au niveau institutionnel.
Ce volume souhaiterait également marquer la place et le rôle particulier de ces «Mouvements dans les Institutions» aussi bien par rapport aux «Mouvements sociaux» que par rapport à l'activité des Partis et Syndicats de gauche. Une meilleure communication entre ces trois courants largement différents mais dont le rôle est complémentaire, nous apparaît en effet nécessaire. Nous essayons de jeter ici une première passerelle.

petite bibliothèque payot - avril 1980
ISBN 2-228-33750-1

Extrait (2° partie)

DES ASPIRATIONS AUX REALISATIONS

Implicites ou explicites, les aspirations à vivre autrement sur son lieu de travail ou de formation tracent donc des courants nouveaux dans les mentalités et les besoins actuels.
Les contextes institutionnels et sociaux où elles se manifestent sont inégalement favorables à leurs réalisations. Ces dernières sont davantage le fait de petits groupes que d'individus isolés - encore que ceux-ci comme nous le montrons, peuvent jouer un rôle déclenchant - davantage de praticiens du terrain que des philosophes critiques, de pionniers du futur que de nostalgiques du passé.
Nous présentons ici trois cas de réalisations telles que nous les avons rencontrées entre 1976 et 1979 avant que nous n'entreprenions avec elles un travail commun (1), telles qu'elles étaient  mises en place par les intéressés eux-mêmes et telles que nous les avons perçues et comprises à travares notre mode d'approche spécifique.

(1) Rapporté au chap. 4

Chap. 2 (extrait)

/.../ Cette évocation, nécessairement incomplète, donne la mesure, à travers les difficultés rencontrées, du chemin parcouru par ces éducateurs.
Certes, la nécessité «objective» des changements existait bien. Néanmoins, le passage d'un mode de fonctionnement extrêmement structuré à un autre type de vie institutionnelle a été aussi une mise en œuvre d'aspirations collectives.
Ces tentatives fréquentes menées dans l'espoir de travailler différemment et accéder à des plaisirs nouveaux requièrent toujours énergie et ténacité. D'autant que ceux qui les mènent ignorent le plus souvent la nature des obstacles parfois nombreux qui se dresseront entre leur désir et sa réalisation.

Troisième cas :

UN LYCÉE D'OSLO OU UN SUMMERHILL FRANÇAIS : 
LE C.E.S. DE CASSIS AVEC VINCENT AMBITE 

Par Gérard Mendel.

On se souvient que, autour du mois de mai 1978, un événement défraya la chronique et fit des pages entières dans les grands journaux. Le principal du C.E.S. des Gorguettes, Vincent Ambite, avait été suspendu de ses fonctions par un arrêté du ministre de l'éducation.

On s'aperçut alors que quelque chose en France avait bougé, quatre années durant, de 1974 à 1978, dans le monde figé de l'Education Nationale.
Quelque chose qui remettait fondamentalement en question, dans la pratique, aussi bien la pédagogie que les rapports à l'intérieur de l'école sous leur forme traditionnelle.
Quelque chose conçu et né dans l'enseignement public et, donc, avec vocation de s'étendre à tout ce secteur. Les Gorguettes à Cassis, c'est un établissement comme tous les autres, menant de l'entrée en 6e à la fin de la 3e, sans statut particulier et avec l'ordinaire des enseignants et des élèves.
Quelque chose d'aussi important, bien que très différent - et nous essaierons de préciser quelles sont ces différences - de l'expérience du lycée d'Oslo. Et, donc, qui a frayé un chemin pour l'avenir, bouleversé les habitudes et les idées reçues, accumulé une masse de matériaux d'observation.
Et quelque chose que, comme pour Freinet dans les années 20, on essaya en haut lieu d'étouffer, à la faveur de l'échec électoral de la gauche en mars 78. Deuxième tour des législatives: 19 mars; mesure de suspension: 29 avril.

Nous avons eu le privilège de travailler avec Vincent Ambite. Ce court texte ne prétend aucunement rendre compte de cette expérience unique que fut les Gorguettes entre 1974 et 1978. Mais, pour le domaine de réflexion qui est le nôtre, il essaie de proposer une première interprétation de certains phénomènes (3).

(3) Nous nous appuierons plus particulièrement sur des éléments du matériel enregistré au cours d'une journée d'étude du Groupe Desgenettes avec Vincent Ambite en juin 1978. Et sur les trois textes publiés par ce dernier.
QUELQUES DATES

Tout d'abord, quelques dates:

Septembre 1974: Vincent Ambite est nommé principal des Gorguettes.

Année scolaire 74-75 : mise en place du projet, à savoir suppression des classes ségrégatives. 95 % des élèves doivent arriver en fin de 3e sans redoublement et en classe normale. Participation des enseignants dans un climat psychologique chaleureux.
Année scolaire 75-76 : à partir du 1 er trimestre, un Parlement des élèves réunit chaque trimestre, et pendant 3 heures, les 54 délégués élus des 700 élèves de l'établissement avec l'équipe de direction, l'agent-chef, le représentant des cuisiniers, un représentant élu des enseignants. Cette réunion est animée par le principal jusqu'en 1977, puis par les élèves eux­mêmes, à partir de 1977 : deux «Parlements autogérés des élèves» en décembre 77 et en mars 78.

Année scolaire 76-77 : les classes de transition, ségrégatives, deviennent massivement des classes normales. - Année que V.A caractérise également comme étant celle de l' «affaire Patrick» ; un garçon très violent dont le maintien au CE.S. met en émoi l'établissement.
Aggravation des processus conflictuels :

Février 1977: un stage auquel participent 15 enseignants du CE.S., dirigé par des animateurs extérieurs (ROEVEN), et auquel V.A s'abstient de participer afin de faciliter les échanges, se déroule dans un climat très affectif, d'hostilité au principal, sous le thème des «promesses non tenues».

1 er avril: pétition de la majorité des enseignants auprès du recteur afin de protester contre l'appréciation défavorable portée par le principal sur une enseignante des Gorguettes qui se présentait au C.AP.E.S.

25 avril 77 : l'Assemblée Générale des enseignants vote, sur un ensemble de questions posées par V.A et à propos de ce que ce dernier nomme les «lois fondamentales de l'établissement».

Que sont ces «lois»?
Chaque trimestre, le professeur principal discute avec sa classe de tout ce qui concerne le fonctionnement (vie quotidienne, mais aussi la pédagogie). 35 votants: les enseignants ratifient cette réunion à l'unanimité, moins deux abstentions.
Quant au Parlement autogéré des élus: 16 le trouvent utile, 13 l'estiment inutile, et 5 s'abstiennent.
D'autres « lois» encore établissent les modalités de fonctionnement de chaque «catégorie» du C.E.S. dans ses rapports avec les autres catégories.

Année 77-78 : les conflits débordent le cadre de l'établissement:

Sept. 77: visite d'inspection par un inspecteur général de l'instruction publique. Rapport d'inspection sommant le principal de ne plus se comporter en «théoricien pur d'éducation». V.A. alerte les syndicats d'enseignants et plusieurs mouvements pédagogiques.

Nov. 77 : 2e visite d'inspection.

Janvier 78: convocation de V.A. au ministère. 29 avril 78 : suspension.

13 juin 78: grève des cours de 24 heures au C.E.S. pour obtenir la levée de la mesure de suspension. Grève soutenue par les parents d'élèves de la Fédération Cornec, et les syndicats d'enseignants S.N.I., S.N.E.S., S.N.E.P. 75% d'absents parmi les élèves. 19 professeurs sur 36 soutiennent la grève.

Juin 78: pétition nationale de soutien à V.A. signée, en particulier par 12000 enseignants.

26 juillet: mutation d'office de V.A. comme principal d'un C.E.S. près de Vichy.

QUEL BILAN GLOBAL?

Le projet pédagogique initial de V.A. - 95%, des élèves en fin de 3e dans des conditions correctes - était de faire entrer dans les faits les intentions officielles : à savoir donner une égalité des chances aux élèves par la disparition des classes ségrégatives (C.P.N. et C.P.A.) à horaires aménagés.
Ce projet a totalement réussi. Sur les élèves parvenus au début de 3e - qui étaient entrés au C.E.S. en même temps que V.A., en septembre 74 - deux seulement, dans les prévisions, auraient été justiciables d'une 3e C.P.A. C'est-à­dire extinction quasiment totale des classes ségrégatives. Mais, dès que V.A. est suspendu, l'élan retombe, le dynamisme se casse, et les prévisions font alors état d'une hypothèse de 25 élèves en 3e C.P.A. Malgré la demande de V.A., aucune évaluation officielle ne sera faite du résultat de ce presque 4 années de travail. En somme, devant ce bilan, ainsi que dira l'un des membres du G.D., c'est la Légion d'Honneur à titre civil qu'était en droit d'attendre le principal des Gorguettes ...
Par ailleurs, V.A. est constamment resté dans le cadre juridique strict qui réglemente le fonctionnement de tout C.E.S. Ses innovations respectent à la lettre les dispositions ministérielles. Ceci afin de montrer aux enseignants que l'on peut dès maintenant commencer à faire bouger l'école publique.
Il a bénéficié de l'appui des élèves, des parents, et d'environ une moitié des enseignants. L'opposition est venue des autres enseignants et surtout de l'équipe de direction(4). Mais jamais les conflits n'ont entravé à aucun moment le fonctionnement de l'établissement.

(4) Sous-directeur, conseillers d'éducation.
Mais tout ceci, que nous venons de rapporter, concerne ce qu'a pu voir un regard extérieur au C.E.S. Pénétrons dans l'école et faisons l'effort de la regarder de l'intérieur. Tout en prenant bien garde d'écouter à la fois avec le cœur et l'esprit une expérience qui, pour son auteur, eut, et de manière étroitement intriquée, ce double engagement.
 
 
 

L'HOMME

Tout d'abord, Vincent Ambite. Il est âgé de 39 ans lorsqu'il passe pour la première fois la porte du C.E.S. tout nouveau - moins d'un an d'âge - construit en pleine garrigue à plusieurs kilomètres du centre ville de Cassis, pour 700 élèves. Il écrira lui-même dans un de ses textes (5) :

(5) Le C.E.S., collectivité du secteur scolaire (in Réussir à l'Ecole).
« Dans l'action didactique et éducative, la portée de la biographie intériorisée est déterminante. Tout auteur devrait mettre en tête de sa production les éléments qu'il juge caractéristiques de sa biographie et de sa position sociale. C'est ce que nous ferons ici .»

Origine espagnole. Un an après sa naissance, la guerre civile. «Nous sommes vaincus. Toute ma famille est en prison, mes quatre ans ne me condamnent qu'à l'abandon. ( ... ) Cinq condamnés à mort - deux sont fusillés».  De 8 à 11 ans, il participe en Espagne avec sa mère et sa tante, militantes communistes, à une action clandestine antifranquiste. A 11 ans, entrée clandestine en France. Ses instituteurs successifs le poussent. Etudes (école normale d'instituteurs, I.P.E.S., C.A.P.E.S., professeur d'espagnol).

Il se décrit comme un élève «insupportable», «en révolte constante contre tout et abondanunent puni de quelque côté que je me tourne ». Cela jusqu'à l'âge de 20 ans où, par son adhésion aux Jeunesses communistes, «débute l'organisation collective de ma révolte».

Enfin, il crée : cercle de jeunesses communistes, défense contre la répression dans la caserne, stage des C.E.M.E.A. 

Tous les handicaps socio-culturels qu'il a accumulés sur sa personne, il les aura tournés en leur contraire: celui qui ne parlait pas le français à 11 ans devient professeur de langue en France, la solitude de l'immigré s'est changée en la solidarité du militant, du « multi» militant (communiste; praticien des méthodes actives de groupe des C.E.M.E.A; secrétaire général du G.F.E.N., mouvement pédagogique influent et de pointe), l'opposant aux formes d' « imbécillité institutionnelle» dirige des institutions ...

Rien n'est perdu à l'avance. 95 % des élèves peuvent, et doivent donc, réussir à l'école publique. Telle sera sa philosophie pédagogique.

Donc, successivement quatre ans professeur d'espagnol (et, sur son temps libre, instructeur permanent des C.E.M.E.A.), puis trois ans principal de C.E.S. à Château-Chinon. - Puis, Cassis.
 
 

«ENTRÉE DU MONSTRE DANS UN ÉTABLISSEMENT ORDINAIRE»

Tel il se décrit, ou plutôt tel il pense qu'il sera progressivement perçu dans ce C.E.S. Un «monstre»?

En effet, il lui paraît qu'il cumule des particularités dont l'addition en fait un personnage peu ordinaire:

- un principal de C.E.S., c'est-à-dire le dépositaire de l'Autorité dans l'établissement, qui annonce d'entrée de jeu qu'il veut radicalement transformer le fonctionnement institutionnel,

- qui est à la fois un militant communiste, connu comme participant actif de la section de Cassis,

- qui est à la fois un « spécialiste» des techniques actives de groupe (instructeur national des C.E.M.E.A.),

- qui est à la fois un «spécialiste» de la pédagogie nouvelle (secrétaire général du G.F.E.N.),

- un organisateur de camps de vacances pour adolescents.
Et qui se présente lui-même comme un adulte inachevé en recherche d'identité.

Il y a également :

- sa présentation d'homme méditerranéen et sa prestance physique de sportif parmi des enseignants dont la majorité sont des femmes, sa douceur de manières qui habille une volonté sans failles, un sens intransigeant de la justice et une détermination jusqu'auboutiste,
- le candidat aux élections municipales en juin 77 contre le maire en exercice de Cassis (majorité gouvernementale), qu'il ne craint pas, ce qui ne s'était jamais fait encore, d'affronter dans un grand meeting public sur le port,
- la ceinture noire de judo qu'il reçoit, en juin 77 également, et dont la presse locale ne manque pas de parler,
- et enfin le héros, devenu personnalité nationale, dont le nom apparaît dans tous les grands journaux et dont l'action divise l'opinion. Comme on dit, les projecteurs de l'actualité vont être braqués sur le petit C.E.S. un peu perdu là-bas dans sa garrigue.
Et il est bien certain, en effet, qu'avec tous les fantasmes que chacun de ces éléments pris à part est susceptible de faire lever - un «Père rouge», un «spécialiste de la manipulation», un «super-enseignant», «l'orateur politique des nuits électorales de Cassis», «la ceinture noire qui accède aux mystères du Zen», le «héros national frappé par l'injustice» - le mistral, un grand mistral, peut se mettre à souffler sur les crânes ...
 

LES CONFLIT : DES « PROMESSES NON TENUES»
OU BIEN DE L'AMOUR DECU ? ...

Mais aussi, chaque élément de cette figure peu ordinaire peut apparaître, pour peu qu'on l'isole des autres, comme une facette avec laquelle chacun des enseignants peut se sentir en sympathie: il en est, parmi les maîtres, de politiquement à gauche, d'autres qui sont sportifs fervents, certains qui voudraient que la pédagogie change ou que, enfin, on travaille en équipe pour échapper à la solitude du «chacun dans son coin». D'autres motivations, encore, parmi lesquelles: se sentir participer à une grande ouverture, l'admiration envers l'homme à qui, jusqu'en juin 77, tout paraît réussir ...
Et il existe une certaine manière de se comporter du principal qui facilite ces identifications parcellaires, cette façon de ne voir qu'une seule de ces si nombreuses facettes. C'est le fait d'être toujours disponible pour des entretiens particuliers, de multiplier les contacts personnels où se communique librement son propre enthousiasme, de partager préoccupations et satisfactions de chacun, de sans doute difficilement tenir une «distance» psychologique. Comportement qui, dira-t-il lui-même, peut donner à chacun l'impression, l'illusion, qu'il est un interlocuteur privilégié alors qu'il ne l'est ni plus ni moins que les autres. Ce qui, à la longue, quand les yeux se dessillent, ne peut aboutir qu'à des blessures affectives dont la rançon sera une agressivité dirigée contre lui.
Blessures «affectives», venons-nous d'écrire. Et affectif est bien le mot clef qui permet, semble-t-il, de comprendre ce qui va se passer dans le C.E.S. durant ces quatre années.
Tout d'abord, les enseignants seront emportés par affectivité envers V.A. dans le grand mouvement de rénovation institutionnelle qui est son objectif à lui. Mais pas leur objectif à eux, car d'objectif propre ils n'en ont pas, tout au moins au début (6). Sinon, dans ce climat d'élan, d'euphorie, d'enthousiasme même, de la première année, le souci de faire plaisir à ce principal chaleureux, à la passion communicative, toujours disponible, oblatif et généreux, et qui donne lui­même l'exemple en étant sur la brèche 24 heures sur 24.

(6) II apparaît équitable de dire que nous possédons une free.frrmation incomplète à propos des enseignants. Et que, en particulier, nous connaissons insuffisamment le travail accompli par eux dans les ateliers qui s'étaient créés.
Les maîtres des classes ségrégatives de transition ou à horaire aménagé sont les premiers partants pour cet objectif de se transformer en quelques années en maîtres de classes normales.
Résumons: un malentendu originel, chaque enseignant croyant être l'interlocuteur affectif et intellectuel privilégié, malentendu qui, une fois entendu, pèsera lourd. Mais autre chose, aussi, va intervenir qui est que l'objectif va progressivement se doubler d'un projet: celui d'associer les élèves au fonctionnement de l'établissement.

UN OBJECTIF PÉDAGOGIQUE,
MAIS AUSSI UN PROJET INSTITUTIONNEL

L'objectif de départ, rappelons-le, était que 95 %, des élèves parviennent en fin de troisième sans redoublement et sans aiguillage aucun vers les voies de garage préparées par les classes ségrégatives.

Le projet d'associer au fonctionnement du C.E.S. et à la réussite de l'objectif non seulement les enseignants, avec par exemple leurs Assemblées Générales trimestrielles, mais également les élèves, ce projet existait-il dès le début chez Vincent Ambite? Très certainement, puisque la première Assemblée de délégués d'élèves se déroula en décembre 74.

Mais ce projet allait progressivement s'étoffer. Les élèves, progressivement, allaient oser libérer leur parole au cours de ces Assemblées, se montrer plus actifs et aigus dans les conseils de classe ou les réunions mixtes dans le bureau du principal, critiquer explicitement, et arguments à l'appui, tel surveillant ou tel professeur ...

Et, toujours plus nettement, allait apparaître à la faveur de cas particuliers - Taieb, le fils d'immigré algérien, au cours de la deuxième année; Patrick le violent, au cours de la troisième année - que le cœur du principal penchait pour les élèves, et pour les plus défavorisés d'entre ces derniers. De plus, le fait qu'il animait, jusqu'en 77, le Parlement des 54 délégués d'élèves - face à un seul élu des enseignants ­ne pouvait manquer que «Il est contre nous», chaque fois qu'un conflit surviendrait à propos d'un élève.

La goutte d'eau en trop - d'où la pétition au recteur - fut le soutien actif du principal à Patrick et, sensiblement dans le même temps, l'appréciation négative notée sur le dossier d'une enseignante du C.E.S., aspirante au C.A.P.E.S.
L'amour déçu, on le sait bien, se change vite en hostilité.
Et il est assez remarquable que durant la troisième année, alors que, apparemment, les rapports personnels entre V.A. et les enseignants ne marquaient rien de bien particulier, au contraire dès que les professeurs se réunissaient en dehors de sa présence - en stage, dans la salle des professeurs, en conseil de discipline - «cela bouillonnait d'accusations contre lui».

Le vote des «lois fondamentales» le 2 juin 1977, à l'issue de cette troisième année, par les enseignants quasi-unanimes - sauf quant à l'utilité du Parlement des élèves - paraît aujourd'hui encore à V.A. comme le tournant décisif qui, si la haute Administration n'était pas intervenue, aurait enfin permis au C.E.S. de prendre son rythme de croisière.

Pourquoi cette croyance?

Parce que V.A., avec une intuition exceptionnelle du fait institutionnel, avait senti que la clef d'un fonctionnement «normal», c'était des rapports entre ce qu'il nomme les «catégories» de travailleurs à l'intérieur du C.E.S. : élèves, enseignants, groupe de direction, agents de service.

Catégories qui recoupent étroitement ce que nous-même nommons, depuis 1971, «classes institutionnelles» ou «groupes homogènes».
Les bases apparaissent dès lors posées de jure pour un fonctionnement collectif: équipe direction - élus enseignants au Conseil d'Administration; équipe de direction - avec tous les enseignants (Assemblée Générale trimestrielle); avec les surveillants; avec les délégués des élèves (parlement trimestriel, réunions par niveau de classes); avec des classes entières, si besoin; avec les agents de service, avec les parents d'élève.
Pour notre part, nous sommes beaucoup moins assurés que, les problèmes fussent-ils restés cantonnés à l'intérieur du C.E.S., l'évolution de la quatrième année n'eût pas été sensiblement la même. Car ce vote du 2 juin nous paraît plus «formel» que «réel». Nous allons y revenir dans le détail. Disons dès maintenant que si les maîtres pouvaient, à la limite, faire leur l'objectif du principal (les 95 %), il ne semble pas - d'après le vote lui-même, pour le Parlement des élèves - qu'en tant que «catégorie institutionnelle», ils aient été prêts, dans leur majorité, à dépasser le traditionnel rapport entretenu avec les élèves. Mais surtout, peut-être l'expérience était-elle déjà trop fortement hypothéquée par tout ce qui avait été vécu au plan affectif.
Il n'en est pas moins exact que, à partir du tout début de la quatrième année (19 septembre 77), avec la visite d'inspection, circonstantiellement l'essentiel se déplace dans le rapport avec le dehors de l'établissement. Et se situe au niveau de la politique.
Car nous ne doutons guère qu'un processus (7) ait été, entamé dès après les Municipales de juin 77, processus marqué par la connivence entre la haute administration de l'E.N. et un élu local de la majorité (8), et qui trouve son aboutissant un mois exactement après le second tour des Législatives par une mesure ministérielle: la suspension.

(7) C'est là une opinion qui n'engage que nous, et en faveur de laquelle paraît témoigner la chronologie.
(8) Le maire de Cassis, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, suppléant du député de la majorité Comiti, représentait plus qu'une puissance locale


LA RÉGRESSION DU POLITIQUE AU PSYCHOFAMILIAL

Les interprétations que nous avons pu offrir jusqu'à présent mettent l'accent, ici, sur l'importance de l'élément affectif, qui donne l'élan initial, puis qui, progressivement, contribue, de manière essentielle, à faire trébucher l'expérience.
Mais, ce faisant, ne sommes-nous pas en contradiction avec nous-même? Puisque nous ne cessons pas de répéter que l'explication par la seule psychologie n'est pas valable, n'est pas valide en ce qui concerne les phénomènes dans une Institution. Voici donc, avec le C.E.S. des Gorguettes, un cas bien précis et exemplairement illustratif.
En effet, lorsque les phénomènes intra-institutionnels ne sont pas saisis par les protagonistes, et traités à leur niveau pertinent, alors, en effet, ils se dégradent en phénomènes mdividuels, ressortant de la psychologie.
Quel est donc le niveau qui serait pertinent?
C'est le niveau des rapports de fonctionnement entre les «catégories» institutionnelles, quel que soit le nom qu'on leur donne «classes institutionnelles» ou groupes homogènes, pour nous). Niveau qui est celui de la réalité actuelle pour chaque «catégorie» : ses intérêts propres; ses objectifs particuliers; ses problèmes; sa façon de voir à elle, née de sa pratique, de son expérience, de sa position dans l'institution avec l'angle de vue qu'elle induit (9).

(9) Et à ceux qui pourraient penser que chaque catégorie - «classe institutionnelle» - en se réunissant seule et à part pour élaborer ses positions casserait l'unité d'un établissement, V.A. répond par avance - mieux encore que nous saurions le faire - en écrivant: «Chacun en parlant au nom de sa catégorie aide au développement collectif », in Ecole: pouvoirs et démocratie, p. 9.
Bien entendu, un fonctionnement en termes de rapports de pouvoir entre les «catégories» d'un établissement ou d'une organisation - selon ce que nous nommons: le politique institutionnel - pour l'essentiel n'existe pas encore. Mais faute d'un tel fonctionnement, qui serait celui du social actuel, c'est bien en effet la personnalité individuelle infantile qui s'exprime en priorité au détriment d'une personnalité sociale adulte. A savoir, ici, pour les enseignants, des rapports du type parent-enfants avec leurs élèves, et, avec le principal, du type enfant avec un parent idéalisé (un Père idéal? une Mère toute bonne?) et vis-à-vis duquel la demande d'amour ne rencontrant pas de limites, et recevant une réponse également sans limite, se fait toujours plus exigeante, et jalouse et possessive.
Car qu'en est-il, au-delà des individus, de «catégories», même après le vote des «lois fondamentales»?
Tout d'abord, ces «catégories» se réunissent rarement seules. Jamais, en tout cas, pour les élèves.
C'est pourtant pour les élèves que l'élaboration de positions collectives et institutionnelles paraît s'être faite le mieux. De multiples prises en compte de la réalité sont intervenues. Qu'il s'agisse du problème du ramassage «scolaire», des transports collectifs, de la nourriture, des rapports avec les surveillants ou le corps enseignant, du contenu pédagogique, etc.
Les enseignants, eux, ne nous paraissent pas constituer ici à proprement parler une catégorie, un groupe institutionnel. Le projet pédagogique qui restreint leur pouvoir sur les élèves, qui leur enlève donc quelque chose, n'est pas leur fait: ils s'y opposent, même, dans la mesure où ce projet, les mettant dans des rapports d'égalité avec les élèves, les exposant à la critique, leur apparaît comme une menace (majorité d'opposants et d'abstentions quant au Parlement des élèves). En tant qu'individus, ils ont d'abord suivi, par amour, le principal et son désir de changement à lui, mais qui n'est pas le leur.

Lorsqu'ils se réunissent au cours de la troisième année, c'est pour additionner non leurs points de vue institutionnels et les construire collectivement (intérêts, perspectives, buts, problèmes ... ), mais leurs frustrations affectives individuelles (10).

(10) Le fait que le principal apparaisse toujours, au long de ces quatre ans, comme un individu et non comme membre d'une classe institutionnelle - nous allons revenir sur ce point - gêne, comme l'expérience d'autres institutions nous l'a montré, la constitution d'un véritable collectif d'enseignants.
L'équipe de direction, elle, constitue l'élément le plus hostile à l'expérience en cours. D'aucune manière elle ne peut constituer une «catégorie» de référence pour V.A.

Imaginons-la, au contraire, soudée, homogène, favorable au projet. Représenterait-elle, alors, la catégorie - la «classe institutionnelle» - ouverte au principal?

La chose demanderait à être discutée dans le détail. Bien entendu, une équipe de direction qui reprendrait à son compte le projet du principal serait un atout majeur. Mais, à l'heure actuelle, la place d'un principal - compte tenu de son statut si particulier, voulu si personnel et individuel par les règlements, caractère encore renforcé ces dernières années - ne se situe-t-elle pas en dehors des catégories internes à l'établissement ?

Nous pensons pour notre part - et V.A. en arrive, pour sa part, aux mêmes conclusions - que la classe institutionnelle d'un principal, actuellement, est dans un collectif de principaux engagés dans des expériences non pas forcément similaires en tous points, mais ayant en commun une volonté de changement.

Or, V.A. n'a pu, malgré qu'il en ait eu constamment le désir, s'appuyer sur aucun collectif de référence. Le G.F.E.N. a soutenu son impulsion, mais n'a pas pu ouvrir à une analyse de l'expérience en cours. Une réflexion « en retour» lui a cnstamment manqué.
Dès lors, il demeurait un individu. Avec sa psychologiepropre. Marquée par son passé propre. Etant bien entendu, également, que, ici comme pour toutes les grandes tentatives, à quelque domaine qu'elles appartiennent, c'est ce passé qui en est la source vive, la cause première. 
 

Dès lors, les tensions institutionnelles, faute de pouvoir être comprises et traitées par lui à un niveau institutionnel, venaient surinvestir, suralimenter, sa psychologie individuelle. Accroissant son identification aux victimes, aux défavorisés, aux enfants: à Patrick, par exemple. Etant, lui, le «donneur» en permanence, il fallait bien aussi qu'il «reçoive » dans ce rapport aux enfants de l'établissement, dont il nous dira qu'il fut sa «gratification permanente ».
A l'inverse, imaginons ce qui aurait pu être s'il avait existé un tel groupe de principaux de C.E.S. en recherche pédagogique.
Ce qu'ils auraient eu en commun aurait été non pas le même passé d'enfance, mais une certaine congruence, une certaine rencontre dans leur réflexion collective des problèmes actuels qu'ils affrontent chacun de leur côté. Dès lors, on peut penser - et nous le pensons - que cette sorte de «régression», inéluctable autrement, vers une psychologie particulière aurait pu être évitée. Les problèmes institutionnels, collectifs et catégoriels se seraient trouvés investis en permanence. V.A. aurait pu, ainsi, mieux garder sa distance affectivement : ni très proche, ni trop lointaine.
Les tensions institutionnelles actuelles pouvaient soit, si vécues par un individu seul, court-circuiter passé et présent et faire vivre inconsciemment le présent et ses difficultés comme une répétition pure et simple du passé inactuel. Soit, si traitées par un collectif traversant une expérience commune, alimenter en commun la recherche de solutions adéquates. Qui ne comprendrait facilement quelle aide - psychologique et opératoire - on peut gagner à partager une expérience avec des personnes qui, elles-mêmes, la vivent, et à additionner les points de vue partiels, à véritablement élaborer collectivement (11). 

(11) « Je n'avais pas trouvé dans l'établissement d'interlocuteur assez fort
pour me montrer les limites à ne pas dépasser », dira par exemple V.A.
Et, aussi, à surmonter l'inévitable culpabilité qui naît de la transgression des schémas de fonctionnement traditionnels.
 

UN BILAN ?
A notre sens, l'expérience des Gorguettes durant presque quatre années, est peut-être (12), pour la pédagogie en France, l'avancée la plus impressionnante et la plus complète depuis la dernière guerre. Elle paraît se placer à égalité d'importance avec celle du lycée d'Oslo (13).

(12) Nous écrivons «peut-être» car certaines expériences restent très probablement ignorées, 
encore à l'heure actuelle.
(13) Si différente par ailleurs: un volontarisme venu du bas (lycée d'Oslo créé par des élèves), 
A.G. et non Parlement. Mais toutes deux au sein de l'école publique.

 

Pourquoi?
Tout d'abord, ça a existé. Donc, c'était possible. Donc, sans attendre le Grand Soir, on peut faire bouger ce qui semblait une montagne: l'Education Nationale en France, si tragiquement en retard par rapport à la plupart des pays industrialisés.
Ensuite, des procédures de négociation originales (A.G. des enseignants, Parlement autogéré des élèves) ont été mises en place, ont fonctionné. Il s'agit là d'un processus délégatif, mais très ouvert (54 délégués pour 700 élèves). - Or, si, par exemple, nous connaissons bien, pour notre part, à quel point la réflexion collective au sein de sa «catégorie» institutionnelle permet une bonne compréhension de l'actuel, le problème des rapports entre «catégories» est beaucoup moins exploré, faute d'expérience en ce domaine. Viendra le jour où des procédures de fonctionnement différentes entre catégories, ici et là, permettront de mieux saisir les avantages et les désavantages de chacune.

Enfin, tant Oslo que les Gorguettes, démontrent que, si on joue franc-jeu avec les adolescents, le résultat dépasse les espérances. Le C.E.S. n'a pas explosé dans une fuite en avant de revendications impossibles à satisfaire de la part des élèves: le sentiment de leurs responsabilités a été permanent. C'est que, aussi, ils aimaient leur établissement, qui était devenu pour eux un lieu de vie (14). 

(14) cf in L'établissement scolaire, unité éducative, pp. 188-189, les textes d'élèves.
Et non le lieu de mort, ce parking déshumanisé et déshumanisant, qu'il tend toujours plus à devenir aujourd'hui dans notre pays, contre le vœu profond de la plupart de ceux qui y travaillent.
 
 
 

TROISIÈME PARTIE
LES OBSTACLES 
Par le groupe Desgenettes.

- I.'insuffisance de réflexion théorique: à propos d'un stage  de formation syndicale 
- Les obstacles qui tiennent à l'organisation institutionnelle  elle-même: obstacles intra-institutionnels 
 - Les obstacles d'ordre psychologiques 
- Les obstacles qui viennent de la société globale: obstacles extra-institutionnels 
 
 


Pourquoi maintenant ?  (chap. 2)
Les enfants, qui n'ont jamais eu tant de bonheur et de pouvoir (disent les adultes), sont en réalité, maintenant, menacés.
Par-dessus les parents, dont la non-intervention est espérée, la Force Aveugle est en marche contre eux.
Car en dépit d'un traitement réducteur millénaire, 
les enfants ont toujours la rage de vivre.


Christiane ROCHEFORT : LES ENFANTS D'ABORDSommaire

7  - Avertissement

9 - Point d'free.frrmation, en guise d'exposé des motifs

11 - Welcome

15 - L'Entreprise mondiale d'exploitation
La mécanique du jeu - Les parents pris au piège - Point d'ordre.

21 - Exploitation de la condition parentale
Quelques millénaires en quelques lignes - Le patriarche dépossédé - Exploitation - Triste fin du patriarche - Ambiguïté de la condition d'officier subalterne - La politique de l'éducation - Le pouvoir - Le devoir d'aimer et de rendre heureux - Divorce !

39 - Les enfants: une oppression très spécifique
Mesures - Universalité - Spécificité - Objets - Inconnus et pourtant définis, épistémologie - Non-identité - Temporaire éternel - Régime - Pas d'alternative - Bases réelles, analyse de classes - Dictionnaire du Maître, ou génie sémantique de la bourgeoisie.

59 - Pourquoi maintenant ?

71 - Les chemins de la dépendance
L'homme le plus riche du monde, qui peut être une femme et de n'importe quelle couleur - Les traumatismes de la naissance - Sur une structure mentale de dominant - Coupures - Enfants et femmes: antagonisme actuel, solidarité potentielle - Nostalgies génétiques - Le bébé, cet inconnu - Mise en dépendance - La dépendance la plus profonde au monde.

83 - Rapport de forces
Dressage des désirs - La laisse - L'inceste - L'éducation.

93 - Action psychologique, ou combat contre un adversaire ligoté
L'armée en campagne - L'arsenal des media - La période de compromis.

101 - Dépendance légale
Le statut de mineur - Non-personnes civiles - Incapacité civique - Anticonstitutionnellement vôtre - Justifications de la privation de droits - La protection est toujours un alibi - A quoi les enfants ont droit. - Attention ! réformes.

113 - Les Corps constitués
La grande expropriation - Le Corps enseignant - Expropriation de l'environnement - Expropriatiqn du corps - Expropriation de l'esprit - Eloge des coups de bol - Guerre contre le hasard - Corps orienteur ou la science domestique - Ce que le QI ne mesure pas - Valeur idéologique - Ce que le QI mesure - La culture intensive de matière grise extra - Portrait-robot de la Nouvelle Société rationnelle - Mais - Le Corps médical - Nos enfants! - Le caducée se mord la queue - L'armée psy, en expansion : Travail Famille Chimie.

141 - Dépendance économique
Dorlotage obligatoire - La reconnaissance - Points de références - Motus - Les adultes - Exploitation - Petit supplément de dépendance - Impacts et mesures.

157 - L'amour filial
L'Histoire reprend ce qui lui appartient  - L'amour filial, tel qu'il est ordonné - Tel qu'il est ordonné - Dosage - Le terrain - Tel qu'il est administré - L'amour pris dans une relation de pouvoir - Litanie pour les jours lucides - Impossibilité de l'observation ­ L'inconnaissable amour et l'inconnaissable non-amour - L'enfant lucide - L'ordre et désordre d'Œdipe - Les oppressions enchevêtrées : ­ Le plaisir - L'amour, entre parenthèses.

188 - Haldol

Christiane ROCHEFORT


Octobre 75 - Avec Christiane Rochefort, une des premières réunions de "Possible".

LE GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |