alternatives éducatives : des écoles différentes
| Présentation | SOMMAIRE | Appel pour des éts innovants et coopératifs |
I Obligation scolaire et liberté I Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop ! I Des collèges et des lycées différents I

Quelques autres "rubriques", parmi beaucoup d'autres, toujours d'actualité :
les rapports parents-profs, la maternelle à 2 ans, l'ennui à l'école les punitions collectives,  le téléphone portable  , l'état des toilettes, le créationnisme...

Depuis une bonne vingtaine d'années, ici aussi, évidemment, le "chèque éducation" (ou "bon scolaire") - en anglais "voucher" -
fait partie d'un blabla yakaiste au sujet des indispensables réformes, "simples, urgentes et radicales", disent-ils, du système scolaire.
USA 2008 :"dans le Milwaukee, il n'y a pas eu de miracle" (Sol Stern).
L'un des plus fervents promoteurs du chèque-éducation aux USA, Sol Stern, vient de faire brusquement volte-face
en affirmant, constats à l'appui, que le voucher n’avait pas du tout amélioré le système public.
Après avoir depuis longtemps réclamé, soutenu et contribué au développement des vouchers et des charter schools,
Sol Stern pointe les défauts et les insuffisances du voucher. Il cite, entre autres, l’expérimentation de Milwaukee,
première ville aux États-Unis à adopter, en 1990, un programme chèque éducation.

Les écoles publiques en Californie :
"Sodome et Gomorrhe" !

«Tout le monde est pour la mixité sociale. Mais pour les autres.»

Le droit d'apprendre
Ivan Illich dans Une société sans école proposait, dès les années 70,
une réflexion radicale sur l'échec de l'enseignement à l'école.
Cette dernière, outil d'un Etat,
peut-elle être pensée aujourd'hui autrement
comme il le suggérait il y a trente ans ?

"Quand on traite d'école parallèle, on adopte le plus souvent un style euphorique, des phrases courtes, événementielles, beaucoup de prénoms, des cheveux blonds, des sourires panoramiques ..." (1978)

[Quand on traite d'Instruction En Famille, en 2008, on adopte le même style...]
Brûle-t-on déjà ce qu'on veut, laborieusement, dans ces pages, défendre et illustrer? .. Assurément pas.
On tient trop à l'existence d'un lieu de liberté relative pour quelques enfants.
On tient trop aussi à l'existence d'une pratique minimale, à condition de déterminer le seuil à partir duquel le minimum devient franchement nul.
On indique seulement qu'il existe un certain nombre de problèmes, de contradictions, dont il faut tenir compte, sauf à faire de la pédagogie de luxe, c'est-à-dire quelque chose d'inintéressant, aussi bien pour le luxe que pour la pédagogie.
 
Archives (1978)
n° 13 - avril 1978 - 49 fr

 

Alors, on n'a pas école aujourd'hui? 
 

Faire bouger Goliath,
par Henry Dougier 

Ces pratiques alternatives: un modèle? 
Des « lieux pour enfants » où s'inventent d'autres rapports,
par Catherine Baker, Jules Chancel 
 
 

Cinq expériences, 
cinq itinéraires 
- La Barque, comme le nom l'indique
- Le Toboggan, avant la chute ... ailleurs 
- Le Moulin des souvenirs 
- L'Ecole en Bateau à contre-courants 
- Le projet Jonas, 
Jonas-en-Corrèze : un réseau 
 

D'autres lieux 
 Mais qui, diable, va dans ces «écoles» et pourquoi ?
par Catherine Baker 

- La Roulotte 
- L'Ecole et la Ville 
- Le groupe de Houilles-Argenteuil 
- Terrevigne en Beaujolais 
- Belbezet 
- Le Har 
- La Commune
- L'A.C.C.E.N. 

Critiques et réponses 
Attaques ... et hésitations ... 
Parades ... et auto-critiques 

Deux bilans : 
« Attention Ecole », 73-74 
« La Mosaïque », 75-76 
 

Une « théorie» 
par Jules Chancel
Où il n'est plus question de cheveux blonds ni de sourires panoramiques ... mais de politique! 

Face à face, l'enfant et l'adulte

Confrontations 
Plusieurs silences bien gênants ! (Guy Avanzini)

Je demande toujours : quoi de neuf ? (Fernand Oury) 

Prendre la tangente
(Fernand Deligny) 

Une alternative? Non, une reproduction du système scolaire (Etienne Verne) 

La longue marche des innovateurs (Louis Legrand) 

Vitruve, une école perpendiculaire ... (L'équipe de la rue Vitruve) 

Le lieu central de lutte, c'est l'école publique ! 
(Jacques Guyard) 

Comment enclencher sur le milieu populaire ? (Bernard Defrance, Louis Caul-Futy) 

« L'initiation » plutôt que la pédagogie  (René Schérer) 

Ecoles parallèles ... Lieux de vie ... Réseaux   (Liane Mazère) 



BRITISH WAY OF LIFE

Le "modèle" anglo-saxon,  libéral  ... et blairo-socialiste...
 

  ÉCOLES ANGLAISES :
Discipline, rigueur et esprit compétitif sont les maîtres mots de la mutation mise en œuvre par le gouvernement travailliste..

   Royaume-Uni : L’uniforme discriminatoire
En imposant un fournisseur unique pour l’achat de l’uniforme, les écoles pratiquent une discrimination à l’encontre des élèves pauvres. 

  Directeur d'école en Grande Bretagne :
« Le métier a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on est beaucoup plus responsable,
on a plus de pression, on nous demande plus de résultats. »

  Deux fois plus d’enseignants sont partis en retraite anticipée au cours des sept dernières années. 

  35% des élèves de 11 ans ne savent pas lire.

  Un ado sur cinq ne peut situer son pays sur une carte.

  Ecoles publiques fermées aux pauvres.  Un rapport émis par ConfEd, (une association qui représente les dirigeants du secteur de l’éducation locale) dénonce le manque d’intégrité des processus d’admission dans certaines écoles publiques. Des réunions de "sélection" d’élèves sont organisées, durant lesquelles ne sont admis que les enfants "gentils, brillants et riches".  Ainsi, 70 000 parents n’ont pas pu inscrire cette année leurs enfants dans l’école de leur choix. En écartant les élèves issus de milieux pauvres, ces établissements "hors la loi" espèrent rehausser leur taux de réussite aux examens. 

   Selon l'OCDE, les écoles privées britanniques ont les meilleurs résultats au monde : FAUX !

  ... & Moins de pauvres dans les écoles primaires catholiques.

  Les écoles anglaises pourront être gérées par des "trusts".

  L’école britannique livrée au patronat.  En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne avait fixé comme principal objectif à la politique de l’Union en matière d’éducation de produire un capital humain rentable au service de la compétitivité économique. 

  Le créationnisme aux examens.

   "BAGUE DE VIRGINITE" : Une adolescente anglaise, fille d'un pasteur évangélique, perd son procès en Haute Cour.

  Grande-Bretagne : l'athéisme (bientôt ?) au programme scolaire

  Grande-Bretagne :Les sponsors au secours de l'école

  Empreintes digitales pour les enfants d'une école de Londres. Le Royaume-Uni réfléchit à la mise en place d’une loi pour la création d’un fichier national des enfants de moins de douze ans.

Naître et grandir pauvre en Grande-Bretagne  est encore plus pénalisant que dans d’autres pays développés.

  Un demi-million de «sans-logement». A Londres, un enfant sur deux sous le seuil de pauvreté.

  Un demi-million d'enfants britanniques travaillent "illégalement".

«tolérance zéro» et conditions de détention intolérables. Plus de dix milles jeunes délinquants britanniques sont emprisonnés.  «Le bilan du Royaume-Uni en terme d'emprisonnement des enfants est l'un des pires qui se puisse trouver en Europe.»

  Les frais très élevés d’inscription universitaire dissuadent les étudiants issus de familles modestes de s’inscrire en fac.

  De plus en plus d’étudiantes se prostituent ou travaillent dans l’industrie du sexe pour payer les frais d’inscription de leur université.

  Plus de 350 000 Britanniques ont quitté leur île en 2005 pour jouir d'une vie meilleure
Les jeunes Britanniques se voient vivre ailleurs.  Difficulté d' acquérir un logement, hausse de la fiscalité et indigence des services publics, en particulier les transports et le système de soins.

M. Ernest-Antoine Sellière, alors président du patronat français :« Je suis un socialiste britannique »

  Londres, paradis des milliardaires.

  Selon des rapports de l’ONU et de la Banque mondiale :  « Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l’on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie .»

  Grande Bretagne :  premier pays où chaque déplacement de véhicule sera enregistré.

  Les Britanniques inventent l'ultrason antijeunes.

   De plus en plus de mineurs hospitalisés pour des problèmes d'alcool. Le nombre de mineurs hospitalisés en Angleterre pour avoir trop bu a augmenté de 20% en un an.
 

Beuark.
Ségolène Royal rend hommage à la politique de Tony Blair.



AMERICAN WAY OF LIFE...
Archives (1978)
Où il n'est plus question de cheveux blonds 
ni de sourires panoramiques ... 
mais de politique.

Jules Chancel 
 
 

On propose de passer maintenant à une forme de théorisation. Bigre! Il va s'agir en fait, non pas de donner une définition nouvelle de l'enfance ou de l'éducation, mais plutôt de témoigner d'une problématique. Montrer quels peuvent être les thèmes qui sous-tendent un essai de pratique-critique de l'éducation dominante. 
On va peut-être donner l'impression de disserter tous azimuts, de mêler des notions par trop disparates, politiques, pédagogiques, analytiques, sociales. En fait, on essaiera crânement de reprendre tous les niveaux de critique, pour, en quelque sorte, occuper le terrain. 
Parler d'abord de la gauche «officielle» (P.c., intellectuels reconnus etc.) et revoir son analyse de l'école. Comprendre comment cette analyse parle d'autre chose que de l'enfant, et exclut, de ce fait, tout projet qui se fonderait sur d'autres concepts que ceux d'une logique globale, adulte. Comprendre comment une critique de type pédagogique et de classe établit à la fois des constats sélection, reproduction), qu'on ne nie certes pas, et des stratégies que, par contre, on ne peut pas intégrer, parce qu'elles ne représentent en fin de compte que des changements à l'intérieur d'un système (l'école), et non une rupture radicale avec celui-ci. 
Poser ensuite comme politique une pratique sociale, même très minoritaire, qui se déroule sur ce qu'il est convenu d'appeler la «sphère du quotidien». Suggérer de ne pas jeter «aux poubelles de l'histoire» des tentatives de rupture avec l'institution. 
Reprendre aussi cette question très controversée de la base sociale des écoles parallèles: petite bourgeoisie intellectuelle, et coupable, face à l'immense majorité de la population ouvrière. Répondre à cela en plusieurs moments. Ne pas se laisser sombrer dans une culpabilisation ouvriériste, dont bien d'autres déjà ont été victimes. Voir ce qu'on entend par petite bourgeoisie intellectuelle, montrer que seule une pratique suffisamment radicale peut regrouper des personnes issues de milieux différents et occupant des statuts (intellectuels, notamment) non homogènes. Reconnaître qu'en France, et en ce qui concerne les écoles parallèles, on n'en est pas encore là. Raison de plus pour s'y mettre, petits bourgeois ou pas. 
A cet endroit de notre réflexion, on en arrivera à l'essentiel, à ce qu'on pense des rapports qui lient l'adulte et l'enfant. 
Il ne s'agit pas seulement de rapports statutaires (prof-élève) plus ou moins permissifs, mais bien de la mise en présence de deux êtres identiques et différents. Confrontation, fusion. «Homme libre, toujours tu chériras ... l'enfant». Comme dans le poème, il y a aussi bien, là-dedans, de l'amour, que de la lutte et de l'angoisse. 
Parler à la fois d'une situation existentielle, chargée de tant d'affects, et d'un fonctionnement collectif, par lequel on espère, naïf, transformer les structures fondamentales. Relier un niveau intime profondément subjectif et une pratique qui se voudrait exemplaire. 
Les thèmes principaux seront de deux ordres: projet politique et projet d'éducation-critique; rapport entre l'enfant et l'adulte. 
On distinguera alors plusieurs étapes dans notre docte pro­pos: 
- situer le mouvement de l'éducation-critique dans la criti­que contemporaine de l'école; 
- définir ce qu'il peut y avoir de politique dans un projet d'éducation-critique; 
- décrire, en termes sociaux, ce que sont les personnes susceptibles de participer à de telles tentatives; 
- disserter autour du thème de la famille; 
Ces développements pourront apparaître comme des digressions inutiles, un exercice de style gauchisant, du pisse-copie à la mode. Il est sûr qu'une tentative de ce genre n'est pas aisée et que, pour le moins, elle tranche avec la production habituelle en la matière. Quand on traite d'école parallèle, on adopte le plus souvent un style euphorique, des phrases courtes, événementielles, beaucoup de prénoms, des cheveux blonds, des sourires panoramiques ...On préférera ici la forme un peu pesante de l'exercice théorique, et l'on ne parviendra sans doute pas à se dégager des lourdeurs universitaires. Allez! un peu de fraîcheur et disons-le tout net: si je est un autre, ici, dans ces pages arides, on, c'est moi, paré du charme aigrelet de la chaire et de la cérébralité. 

On balisera tout de même notre cheminement de quatre parcours: 
1 - Critique de récole de classe et critique de l'école en soi 
2 - Politique et écoles parallèles 
3 - Ecole parallèles et classes sociales 
4 - L'enfant et l'adulte

1 • Critique de l'école de classe et critique de l'école en soi.
Où il ne s'agit pas seulement de rejeter l'école de la bourgeoisie, mais de refuser toute bureaucratisation de l'enfance 
L'école, la bonne vieille taule à Jules Ferry, ne fait plus guère illusion à gauche. On la critique, on la fustige, on y voit la réalité de la sélection sociale. On y voit beaucoup de choses bien critiquables, en effet. Mais peut-être pas l'essentiel, c'est-à-dire LE FAIT MÊME D'ÊTRE UNE ÉCOLE, un endroit spécialisé, concentrationnaire, obligatoire, un endroit qui part d'une idée, celle de former les enfants à devenir ce qu'il est prévu qu'ils soient, des citoyens adultes. 
La critique marxiste récente reconnaît et fonde en théorie la primauté, idéologique, de l'appareil scolaire, comme instrument privilégié de reproduction des rapports sociaux de production. Louis Althusser, dans un article bien connu (1), montre comment l'Etat moderne ne fonctionne pas seulement «à la répression», mais largement aussi «à l'idéologie». Depuis la Révolution française, l'Eglise a été en quelque sorte détrônée comme «appareil idéologique d'Etat dominant». L'école, couplée avec la famille, oriente désormais, de façon déterminante, les futurs citoyens. 
A remarquer tout de suite que cette analyse qui critique l'école capitaliste, et seulement eUe, utilise des notions résolument extérieures à L'ÉCOLE, QUI APPARAÎT ALORS, EN EFFET, COMME UN APPAREIL ET NON PAS COMME UNE INSTITUTION. On veut dire par là que la littérature militante présente avant tout l'école comme le lieu de reproduction de la division de la société en classes. Ce qu'on ne conteste pas. Mais elle se refuse à l'envisager comme un lieu d'oppression spécifique de l'enfance, en tant qu'enfance. 
Pour le P. C., les choses sont nettes (2) : la crise de l'école doit être rattachée à la crise générale du capitalisme monopolis­te d'Etat (C.M.E.). Il ne saurait être question de fonder une analyse sur autre chose que la base «objective» des contradictions du C.M.E. Même si le système actuel est «subjectivement» ressenti comme un réseau d'institutions pesantes et oppressives, les critiques qui visent «les machines et les appareils» ne sont que des moyens de cacher «la réalité profonde du processus d'exploitation». L'école demeure une institution utile, utile en soi, utile dans un processus d'unification politique des différentes «couches» sociales contre le système dominant. En conséquence, même si l'on critique un appareil pesant et sélectionniste, il faut défendre l'école et lutter pour sa démocratisation. 

Du côté des Maos 

Du côté de l'extrême-gauche, l'accent est mis sur la reproduction de la division de la société en classes (reproduction des rapports sociaux de production). Il ne peut pas y avoir de lutte pour l'amélioration de l'école, mais une critique radicale de sa fonction idéologique. 
Baudelot et Establet (3), par exemple, veulent montrer que l'école en France est caractérisée par l'existence de deux réseaux distincts et ségrégatifs: le réseau PP - primaire/professionnel et le réseau S.S. - secondaire/supérieur. Ils estiment que leur ouvrage n'est qu'une introduction, qu'il faudra compléter, afin de comprendre tous les effets d'une telle organisation ségrégative. Il s'agit pour eux de fournir une arme, aussi précise que possible, pour le combat politique. Or, ce combat, c'est la lutte des classes, c'est-à-dire, pour Baudelot et Establet, auteurs et militants, la lutte contre le dictature bourgeoise et pour la dictature du prolétariat (4). 
Tout ce qu'on peut dire ici, c'est que ce combat, dont l'école n'est qu'un élément, est formulé selon une logique dont les deux faces sont dans le même registre: global, adulte, à l'exclusion de ce qui pourrait être autre chose, une analyse décentrée, contradictoire (Qu'est-ce que l'enfant? Qu'est-ce que l'adulte? Qu'est-ce qu'un statut ?). 
Même s'ils n'entendent pas se limiter à la description des «inégalités» devant l'école, pour mieux analyser les contradictions dans l'école, Baudelot et Establet ne s'intéressent pas à ceux qui sont dans l'école, (enfants, enseignants) ni, a fortiori, à ceux qui ne peuvent pas y être (parents, adultes sans statut reconnu). L'objet de leur recherche, c'est l'école en tant qu'instrument de pouvoir, c'est l'école conçue par ceux qui n'y sont pas, et non l'école vécue par ceux qui y sont. 
Cette position de recherche est cohérente avec l'engagement des auteurs. Ce sont des léninistes. Ils raisonnent donc en des termes propres, qui ne sont pas les termes de l'enfance. Baudelot et Establet se défendent de définir a priori ce que doit être l'école révolutionnaire, ce que doit être le rapport des masses à 
l'Etat/parti. Mais en attendant, les «seules questions à poser» (à l'exclusion de toute autre, donc!) concernent l'hégémonie dans l'appareil scolaire de l'idéologie bourgeoise. C'est bien clair, là aussi: ce qu'il importe de dénoncer dans l'école, ce n'est pas l'école, institution d'oppression de l'enfance, mais l'école, instrument de domination de la bourgeoisie (5). 
D'une façon significative, les passages du livre directement relatifs à l'enfant, au non-adulte, sont rares et brefs. Et encore ces quelques pages font-elles tout de suite référence à autre chose qu'à l'enfant; ainsi, par exemple, lorsqu'est évoqué, en un court paragraphe, le mythe de l'enfant à l'école (non productif, a-politique, a-sexué, ir-responsable), l'analyse raccroche tout de suite cette infantilisation à la question de la production. Les auteurs s'attachent alors à demander que le travail scolaire soit considéré comme une activité productive. Ils déplorent, non pas les conditions de ce travail scolaire, imposé, répétitif, ennuyeux, mais que «l'école n'entretienne pas de lien organique avec la production ». 
S'il est intéressant de poser la possibilité d'une production reconnue, éventuellement rémunérée, de l'enfant, il ne semble pas que toute la question de l'enfance puisse se résumer à une insertion directe de celle-ci dans le marché (il y aurait beaucoup à dire sur ce mythe, ce «miroir» de la production, considérée dans ce cas comme une promotion pour l'enfance). A droite, le gosse publicitaire est élevé consommateur de base; à gauche, producteur précoce, Stakhanov en herbe. 
Là encore, on voit bien comment une position idéologique escamote, par ses présupposés productivistes et ouvriéristes, un questionnement sur le noyau central, en l'occurence, sur la définition de l'enfance, et sur l'oppression spécifique exercée sur elle par une institution qui la pose, comme ce qu'elle n'est pas. 
S'il n'est pas question de contester Baudelot et Establet, quand ils décrivent le fonctionnement de l'appareil scolaire comme appareil de sélection, on ne peut que vouloir aller plus loin, pour définir et vivre, sans attendre indéfiniment une Révolution à venir, un autre rapport à l'enfant et à son propre statut d'éducateur, de parent, d'adulte. 

Du côté des Trotskystes 

EN MATIÈRE D'ÉDUCATION, LA POSITION MILITANTE L'EST DOUBLEMENT. Militante d'abord, parce que l'appareil d'Etat n'est pas remis en cause en tant qu'appareil d'Etat, mais seulement en tant qu'appareil d'Etat bourgeois. Militante ensuite, parce qu'il s'agit de plaquer des valeurs qui ne sont pas celles de l'enfance - même si elles la traversent effectivement. Il y a bien une enfance ouvrière et une enfance bourgeoise, une école de la rue et une école privée. 
Mais, il y a aussi un statut (capitaliste) de l'enfance, considéré comme un tout et une institutionnalisation capitaliste des rapports sociaux, et notamment des rapports avec l'enfance. A cet égard, la position des trotskystes de la L.C.R. est éclairante (6). Ils critiquent certains développements de Baudelot et Establet, notamment ceux qui ont trait au primat de la lutte idéologique dans l'appareil scolaire (contradiction entre idéologies prolétarienne et bourgeoise). Ils leur reprochent de privilégier une position de classe - dogmatique - par rapport à toute espèce de processus d'acquisition de connaissances. Ils estiment que ce raisonnement en «images d'Epinal» est non seulement irréaliste, mais qu'aussi, il ne permet pas de fonder une stratégie politique en matière d'éducation. 
Pour leur part, les gens de la C.L.R. proposent, à l'intérieur même de l'appareil, une scolarisation différente. Cette scolarisation différente n'est pas définie ni théorisée, sinon comme une «recomposition» de l'enseignement, qui varie selon les disciplines enseignées. A plus long terme (quel terme ?), ils évoquent une école «fondamentale et unique», qui sera celle des «producteurs» (gérée par les comités de quartier et les comités d'entreprise avec «participation» (sic) du personnel et, last but nos least, des élèves). 

Ce qu'on retient de cette description, très sommaire, c'est que de toute façon, l'école sera obligatoire pour tous jusqu'à 18 ans. Même si les uns reprochent aux autres leur ouvriérisme mou, ou leur entrisme trotskyste, on observera leur accord fondamental sur le principe d'une école, instrument privilégié de la formation politique et technique des enfants. Pour les uns comme pour les autres, la lutte ne vise pas le principe de l'école, mais la forme de celle-ci. Les auteurs de la L.C.R. indiquent d'ailleurs très clairement que l'objectif ne peut pas être une illusoire déscolarisation, mais dans l'immédiat - (toujours cette périodisation par calendes ... grecques) - une scolarisation «différente» ... 
La question qu'on peut alors se poser est de savoir si la volonté d'une éducation différente de l'éducation scolaire est une volonté politique, et dans l'affirmative, on doit se deman­der sur quelles bases théoriques et pratiques se fonde une telle affirmation . 
 

2 • Politique et écoles parallèles. Si le vécu est politique, l'enfance en est le noyau dur. 

Les non-militants, on le sait, n'ont pas de la politique une idée sérieuse. Potentiellement, ils ont toutes les vertus, mais à condition de ne pas se mêler d'avoir des opinions sur ce que peut être la politique. Ils révéleront leur essence profonde à l'occasion de ce moment idéal qu'est «la lutte» - cette parenthèse dans la débilité habituelle. Au moment de la lutte, dont par avance on spécule l'héritage (la tradition de luttes ... ), les non-militants offriront aux militants, pour qu'ils la façonnent, la matière pure et première de leur spontanéité. 
Outre ce fait que les non-militants n'ont pas le discours qui convient, ils omettent ainsi, quand ils se mêlent de politique, de poser la question du pouvoir. 
Sans entrer, bien sûr, dans le débat sur l'aspect­nécessairement «de masse» - de l'action politique, on peut rappeler qu'il y a de la politique plusieurs définitions. Il y a celle qui lie politique et pouvoir; il y a celle aussi qui associe politique et vécu. C'est la tarte à la crème, le gadget soixante­huitard. Militantisme ranci ou spontanéisme exubérant ... bof ! ... le vécu est politique! Le quotidien est à reconstruire ! Oui, oui, oui! on n'ose plus, déjà, réfléchir sur ces choses-là, tant elles sont galvaudées, homogénéisées par un système qui affadit tout ce qu'if touche. Mitterrand, Marchais et même Krivine posent la question du pouvoir. Chirac est là pour dire que ce n'est pas bien. Les marginaux et les anars de tout poil se réclament encore d'un vécu qu'ils posent comme politique. 
La grande presse, Antenne 2, E 1 sont d'accord, et traitent, longuement, de ces expériences - communautaires - qui fleurent si bon l'écologie et la vie en Lévis. Par exemple, La Barque, petit groupe d'une vingtaine d'enfants, a déjà fait l'ob­jet d'une dizaine d'articles, du chapitre d'un livre, d'une bonne trentaine de mémoires d'étudiants, d'un courrier innombrable et la télé avait envisagé d'y consacrer une émission. Quelle distorsion entre la rumeur et le fait réel! C'est de la récupération, bien entendu, mais qu'est-ce que cela veut dire? 
Les écoles parallèles ne constituent pas objectivement, en France, un danger quelconque pour le pouvoir. Ce n'est pas l'existence de quelques dizaines d'enfants «déscolarisés» qui, tendanciellement, vont remettre en cause le système de l'Education nationale. Et pourtant, quel battage! Les écoles parallèles et, plus largement, l'enfance, constituent un thème qui, non seulement, émerge, mais qui est suceptible de fournir la matière d'un événement spectaculaire, c'est-à-dire un faux événement qui a pour objet de déconnecter le vécu du réel (« La Charte des enfants») d'E 1 est très certainement un de ces événements spectaculaires, et l'on sait le succès et les commentaires qu'a rencontrés et suscités cette émission et le livre qui en est sorti (7). 
Tout se passe, sans doute, au niveau idéologique. Il y a une lutte qui n'en est pas vraiment une à propos de faits qui ne sont pas complètement vrais. Si, en substance, le spectacle est un rapport social, médiatisé par des images (cf. Guy Debord), on peut penser que les notions de récupération et de spectacle sont très proches. La grande presse récupère, par nature. Plus elle ouvre ses colonnes, plus la vie s'en va. Comme l'oiseau de Minerve, la presse ne constate pas seulement ce qui n'est plus, elle anémie ce qui est. La question qui se pose, en l'occurrence, est de savoir pourquoi le lierre spectaculaire s'accroche désormais sur l'enfance et les expériences parallèles. 
 

La société du spectacle 

Pourquoi parle-t-on aujourd'hui, et d'abondance, de ces questions - compte tenu que les faits réels sont minces - ? La réponse gauchiste militante consiste à dire qu'il vaut mieux parler de ce qui n'est pas dangereux que de relater ce qui l'est (à savoir, les défunts mouvements lycéens, les profs constestataires ... et les campings annuels de l'Ecole Emancipée (8). Inutile d'insister là-dessus, passons à autre chose. 
Plus intéressant, sans doute, est de s'interroger encore sur la notion de politique, puisqu'il s'agit justement, pour les media, de la débusquer et de la nier partout où elle pourrait être. 
L'idée centrale est que dans les sociétés néo-capitalistes, le tissu social est tellement complexe qu'il est de plus en plus difficile d'énoncer un projet subversif. Les compromis historiques et successifs des diverses tendances du mouvement ouvrier, comme les immenses facultés d'adaptation du système, rendent souvent dérisoires, par avance, toutes les velléités de critiques et toutes les utopies. Les notions mêmes d'opposition extra­parlementaire ou de gauchisme ne font plus frisonner grand monde, et l'on se prend à regretter parfois le règne panoraïaque du ministre Marcellin. 

Sur la touche de l'Histoire? 

Pourtant, on ne peut pas se satisfaire d'être historiquement sur la touche, d'être politiquement désabusé et démobilisé. Il y a encore de la vie - et c'est justement là-dessus qu'on va investir. Puisque la politique est partout, il va s'agir de la trouver là où elle est - et aussi dans ce qui n'est pas un champ spécifique (monde du travail; lieux gouvernementaux, appareils syndicaux, institutions etc.) - c'est-à-dire dans la vie quotidienne. 
Mais, quand on a dit cela, on n'a pas tout dit. L'important n'est pas uniquement de comprendre le mécanisme de l'aliénation moderne, c'est aussi d'en vivre une possibilité d'action, d'action sociale, même si le «Social» qu'on envisage est numériquement et qualitativement restreint. Que cherche-t-on alors, quand on veut donner une dimension politique à la vie «immédiate» ? On bute de nouveau sur le problème d'une définition du politique. 
Si l'on met en parallèle pouvoir et vécu, en quoi le vécu est-il politique? Le grand truc, c'est de faire référence à l'idéologique. Tout est idéologique, puisque le politique est partout, et, précisément, par le biais d'un système immatériel et universel de valeurs imposées. Soit; mais comment cela fonctionne-t­il? Le conditionnement est-il si généralisé qu'il implique pour seule critique une attitude contemplative? Il faut faire un choix - un choix intellectuel d'abord - mais qui peut ne pas être sans conséquence. 

Est politique ce qui ...

Sautons le pas et fendons-nous d'une définition: est politique ce qui découle de la division de la Société en classes. Bigre! Ce n'est pas là le nec plus ultra de l'avant-garde ... Cela fleure la pousssière délicate des classiques du marxisme aux Editions sociales. Qu'importe, on peut continuer sur ces bases en béton. La division en classes implique une institutionnalisation des rapports sociaux, en fonction des schémas du Capital: séparation, hiérarchie, autorité (directe ou diffuse). Pour parler moderne, on est encore dans la béance des portes ouvertes. Une dernière précision toutefois: qu'est-ce que la séparation? C'est déjà plus actuel - on plisse les yeux aux couleurs chatoyantes des Editions Champs libres. 
La séparation exprime d'abord (Marx) l'éloignement entre le producteur salarié et son produit. Elle exprime aussi, et par voie de conséquence (?), le fait pour une personne d'être dépossédée de son existence. Le travailleur ne sait plus «ce qu'il fabrique» ; le consommateur ne sait plus pourquoi il s'échine à acheter, et pourquoi, ce faisant, il est seul. La séparation, en somme c'est une axiologie de la misère (morale), une dépossession généralisée du sens. Une activité séparée peut se comprendre comme une activité dont le sens ne lui vient pas de son créateur, mais d'ailleurs, d'une norme, le capital, qui impose à tout et à tous une signification sociale/marchande à l'opposé d'une signification existentielle. 

Le micro-politique, au quotidien 

Ouf! Reprenons à l'envers: pour être chouette, politique, et tout, il faudrait d'abord refuser la division de la société en classes (pas d'objection !), la refuser dans sa vie, en rejetant de celle-ci tous les blocages et toutes les fixations institutionnels. Alors, pour continuer le mode d'emploi, il faudrait prendre sa vie quotidienne pour ce qu'elle est - non pas un misérable petit tas de secrets (de polichinelle) -, mais la rencontre entre une solitude et une socialisation accrues. Poser comme politique sa propre vie consiste, dans ces conditions, à agir sur tous les aspects de cette vie, dont on a compris qu'ils sont socialisés, d'une façon directe ou insidieuse, par un système qui n'est pas seulement idéologique - abstrait - mais lieu présent et concret. 
On pense à la description théorique d'Althusser (9) à pro­pos des appareils idéologiques d'Etat - et notamment sur la primauté du «couple idéologique» Ecole/Famille. Mais on en tire des conséquences différentes, et qui ne sont pas celles de Baudelot et Establet, par exemple. 
Au contraire, on va en quelque sorte spécifier (pour mieux en reconnaître le caractère irréductible et relatif tout à la fois; voir plus loin) la notion d'enfance, et en même temps on va globaliser la notion de vie quotidienne. C'est-à-dire qu'on va leur attribuer un statut délibérément politique. Politique, d'abord, en tant qu'espace/temps privilégié du néo-capitalisme, politique, ensuite, comme terrain d'action pour ce qui n'est pas encore une stratégie révolutionnaire. La pratique des adultes ­ et notamment des parents - à l'égard d'une éducation critique des enfants s'inscrit dans un cadre, celui de la vie quotidienne, qu'on pourrait appeler aussi, «le micro-politique ». 
Mais alors, rien de nouveau sous le soleil? Micro­politique, est-ce là rien d'autre qu'un habillage terminologique au goût du jour pour les vieilles traditions doctrinaires utopistes, que l'on retrouve, pour partie, dans l'anarcho-syndicalisme. Ne serait-ce que le rejet de l'action politique de type parlementaire ou de parti? Marx disait de ces traditions qu'elles étaient un mouvement auquel le prolétariat se laisse aller, quand «il renonce à transformer le vieux monde à l'aide des grands moyens qui lui sont propres, mais cherche tout au contraire à réa­liser son affranchisssement, pour ainsi dire, derrière le dos de la société, de façon privée, dans les limites restreintes de ses conditions d'existence et, par conséquent, échoue nécessairement (10)» . 
C'est bien dit - et sans appel. Pourtant, depuis longtemps on essaie de concilier les grands mots d'ordre «changer la vie» et «transformer le vieux monde ». Tous sont d'accord pour agir tous azimuts - mais les divergences se manifestent, bien sûr, à propos des moyens. On peut observer que la discussion sur les moyens (les grands et les petits - réforme ou révolution) demeure codée par le discours traditionnel et ne tient pas compte des données nouvelles. De quoi s'agit-il ? 

Changer la vie, selon Marx 

On remarque d'abord que, quand Marx écrit les lignes pré­citées, il fait allusion aux «banques d'échange et associations ouvrières», c'est-à-dire à des expériences alternatives se situant dans le monde du travail, dans la production. Pour Marx, en ce qui concerne le prolétariat industriel tout au moins, il n'y a pas de différencë entre la sphère de la production et celle de la consommation - entre les conditions juridiquement socialisées du travail et les conditions juridiquement privatisées de l'existence quotidienne. 
Marx écrit à l'époque de la phase décisive de l'accumulation du capital en Europe occidentale. L'objectif principal - pour l'obtention du profit - est de rechercher les reproductions des moyens de production. La technique, les conditions sociales générales ne permettent pas encore une reproduction illimitée de l'énergie et des biens produits. La politique est à la fois lutte et répression: lutte des classes, bien sûr. Et c'est alors la répression féroce qui s'exerce contre le prolétariat industriel, mais aussi, et c'est le niveau du pouvoir, lutte entre fractions de la classe dominante. 
Il n'est pas question pour le prolétariat de penser à autre chose qu'à l'élimination de la dictature bourgeoise et, pour ce qui est du «vécu», à la lutte sur le lieu de travail, étant don­né que le travail épuise réellement toute l'existence. La consommation n'est alors pas autre chose que la simple survie ou, plus exactement, la stricte reproduction de la force de travail. 
Les coopératives ouvrières dont parle Marx se situent forcément sur le terrain de la production, dont les termes sont tout entiers sous le contrôle du capital. Ces coopératives sont en effet condamnées à «échouer nécessairement», dans la mesure où elles ont une finalité contradictoire - à la fois, vivre et survivre: vivre. des rapports différents, non hiérarchiques, égalitaires dans le travail; et survivre, en tant qu'entreprise sur un marché dont on est bien obligé d'accepter la loi. 
La coopérative, isolée, ne peut pas être un instrument de lutte, puisqu'elle accepte par avance une logique dont elle voudrait se débarrasser à l'intérieur d'elle-même (11). Pourtant les coopératives du XIXe ont eu leur grandeur - que Marx lui­même salue - et que l'on peut trouver dans ce fait qu'elles posaient des questions extérieures à leur objet, la sphère de la production (12). Ces questions, bien sûr, avaient trait aux rapports humains qui peuvent se nouer dans un espace de liberté relative. On ne peut pas ramener ces rapports aux seules traditions de la solidarité des travailleurs. Ou, plus exactement, cette solidarité, quand elle était pratiquée systématiquement, constituait le référent de la théorie utopiste. 
L'utopie n'est-elle pas aussi le débordement sur l'ensemble de la vie quotidienne d'un fonctionnement coopératif, circonscrit d'abord à la sphère du travail et de la production? On a dit - et ils l'ont dit eux-mêmes - que Marx et Engels avaient donné aux théories utopistes une base scientifique, c'est-à-dire qu'ils avaient relié les intuitions pré-capitalistes de Fourier et d'Owen aux réalités industrielles. 
Tout ce qu'on peut dire ici, c'est que Marx a ramené les intuitions utopistes dans une logique de la production et dans une logique globale. Il a actualisé, de son point de vue, les raisonnements des utopistes, contemporains d'une économie encore largement agraire et pré-capitaliste. Il a également «globalisé» les descriptions des utopistes en démontrant la nécessité, pour parvenir à la Société communiste (utopiste) de passer par des moments politiques généraux, et notamment par la dictature du prolétariat. Bref, pour Marx, les idées utopistes sont intéressantes, mais seulement en tant qu'idées, que seule une révolution sociale pourra concrétiser; en tant qu'expériences concrètes, elles sont vouées à «l'échec nécessaire». 
Il y a pourtant un autre mode de réactualisation des idées utopistes, et qui consiste à partir des fondements mêmes de la société actuelle. L'objet principal du capital n'est plus la seule reproduction des moyens de production; accumulation technique et organisation sont toujours là, mais l'objet principal du capital, est aussi, la reproduction des rapports sociaux de production, en d'autres termes, la perpétuation d'une société de classes, d'une société d'abondance relative, qui impose à la majorité un surtravail, pour que continue à se dégager un profit capitaliste. 
Le maintien d'un profit capitaliste suppose non plus seule­ment l'exploitation des travailleurs, mais une organisation minutieuse de l'existence de ceux-ci, en tant que consommateurs. Les conditions du capitalisme moderne impliquent une pratique et une théorie fondées non pas uniquement sur le PROCÉS de production, mais aussi sur celui de la consommation. Il s'est passé, en quelque sorte, une autonomisation croissante de la sphère de la consommation, étant bien entendu que la consommation est un processus complexe qui ne saurait se limiter à une pure description économique. Il faut y intégrer les dimensions sociale, politique et idéologique: c'est ce qu'on appelle la reproduction des rapports sociaux de production, ou bien aussi la vie quotidienne, privée ou non: enfance, logement, sexualité, famille, loisirs, culture etc. 
Louis Althusser, pour sa part, estime que cette reproduc­tion est assurée largement par des appareils qui fonctionnent «à l'idéologie», qui inculquent, d'une façon permanente et quotidienne, les valeurs et les normes du système dominant, ce sont les appareils idéologiques d'Etat (Eglise, Ecole, famille, Droit, Media, Culture, Sport etc.) (13). 

Critique de la vie quotidienne = critique de l'éducation

Quand Marx fait allusion aux «conditions restreintes», peut-être décrit-il une période qui ne correspond plus à l'époque actuelle. Ce sont sur ces conditions restreintes que convergent désormais, non plus seulement une vaste stratégie idéologique mais, plus concrètement, des politiques grandioses d'aménagement de l'espace et du temps. Tout cela contribue à insérer la vie de chacun dans un maillage de plus en plus étroit. Le quotidien, la vie quotidienne sont devenus le point crucial pour la perpétuation du système capitaliste. Il en découle qu'un projet politique doit intégrer cette dimension nouvelle qui est la reproduction des rapports sociaux de production - processus qui, lui-même, a pour pièce maîtresse, pour rouage essentiel, l'appareil scolaire. 
De cela, il ressort également une première «certitude» : la critique de l'éducation est une critique politique. La question qui demeure alors est de savoir quelle pratique découle de cette critique. Pour simplifier, on peut dire que deux options - absolument différentes - sont possibles: ou bien, une action à l'intérieur de l'institution scolaire - et qui tendrait à sa destruction et à sa reconstruction - l'école du Peuple, l'école de la Révolution, bref, l'école toujours; ou bien une action à l'ex­térieur de l'institution, en refus même de la forme institution­nelle (école parallèle), et qui, éventuellement aurait pour sujet de lier ce refus de l'école à une pratique plus large sur le quotidien (collectif de vie). 
On voit bien là que la notion d'école parallèle - qui est une notion générique, populaire - ne fait référence qu'à un moment provisoire de la critique de l'appareil scolaire; c'est une notion partielle. L'école parallèle, en tant que telle, doit être dépassée, sauf à devenir ce qui la menace au fond: n'être qu'une école privée. 
On touche là à ce que beaucoup considèrent comme la contradiction principale et indépassable de l'école parallèle: n'être réservée qu'à une élite, qu'à un petit nombre. Il est important de répondre à cette objection, non pas pour justifier un mouvement effectivement complètement minoritaire, mais pour la raccrocher à une analyse de la société actuelle et à la structure de classe qui en procède. 
 

3 • Ecoles parallèles et classes sociales. 
Le rôle des petits bourgeois parallèles.

C'est un fait - en France tout au moins - que la plupart des rares écoles parallèles existantes ne recrutent que dans ce qu'on peut appeler la petite bourgeoisie intellectuelle : enseignants, animateurs «psy» et «parapsy», littérateurs, etc. 
Petite bourgeoisie intellectuelle: ce n'est pas très précis. 
Qui sont les petits bourgeois d'aujourd'hui? La majorité de la population? Qu'y a-t-il de commun entre un épicier et un psycho-sociologue? La proximité du statut social compte peut­être moins que le statut intellectuel, attribué au second seulement. Si, en dehors d'une impression immédiate, on ne peut donner une définition rigoureuse de la petite bourgeoisie contemporaine, il faut insister sur la notion d'intellectuel. 
Les intellectuels, les travailleurs intellectuels, seraient-ils seulement ceux dont la capacité technique réside dans le cerveau et non plus dans les mains (14)? C'est une définition qui fait plaisir à tout le monde. Elle rapproche ces catégories du statut mythique de l'ouvrier, du travail noble, et tangible (de même que les écrivains aiment souvent se comparer à des artisans: leur bureau est comme un établi, travailleurs indépendants, poujadistes pensants, ils présentent toutes les garanties de popularité). 
Le parti communiste semble favorable à une telle définition du travailleur intellectuel, mais il fait rentrer beaucoup de monde dans ces catégories : aussi bien les techniciens et cadres moyens, que les profs animateurs et littérateurs en tous genres. Cela n'est pas très homogène: aussi bien quant aux conditions matérielles du travail (horaires, rémunération, socialisation ...) qu'en ce qui concerne l'appréciation subjective de l'activité (matière ou social - technique ou relationnel). 
Pour schématiser, on peut dire - on peut redire - qu'il y a les travailleurs intellectuels de la production (techniciens, employés qualifiés, cadres moyens à 40 heures par semaine) et les travailleurs intellectuels de l'idéologie (les «sous-contrat» 
de la culture). Les séparations - matérielles et subjectives ­ ne sont pas absolues, mais elles existent et sous-tendent bon nombre de comportements sociaux et de positions politiques. 
Travailleurs intellectuels de la production et de l'idéologie ont ceci de commun que la possession d'un savoir ne leur permet pas d'accéder à un véritable pouvoir. C'est un fait fonda­mental. Mais le premier groupe reste à tous égards lié à la sphère de la production, ce qui peut impliquer un engagement politique spécifique (à gauche: engagement syndical revendicatit), tandis que le second groupe est dégagé, constitutivement, de ce support matériel. 

Le règne des «frustrés» 

Le travailleur de l'idéologie est en plein dans le processus social du néo-capitalisme - l'organisation, la manipulation systématique - dont il subit lui-même les effets. Il est donc davantage susceptible d'être disponible pour une remise en cause du système, non plus seulement sous son aspect matériel, mais aussi sous ses aspects idéologiques et culturels. Il faut bien remarquer que ces travailleurs de l'idéologie ne sont pas ceux que Gramsci appelle les «intellectuels organiques», c'est-à-dire les intellectuels qui sont chargés par leur classe de lui définir «son homogénéité et la conscience de sa propre fonction». Nos travailleurs dé l'idéologie ne sont que des salariés, des spécialistes de l'intellect qui travaillent à la perpétuation d'une idéologie qui n'est pas la leur - mais celle de la classe dominante. 
On l'a compris - ce sont des travailleurs intellectuels ­ spécialement ceux «de l'idéologie», qui seront le plus susceptibles de s'intéresser à une critique de l'éducation (15). Disposant de facultés d'analyse et, souvent, de temps libre, ils sont disponibles pour une action politique quelconque (le truc idéologique consistera alors justement à coder complètement ce langage de l'analyse et de la contestation. Les dessinateurs Lauzier et Brétécher comprennent et racontent, chaque semaine, avec bonheur ce phénomène. Pitoyable distorsion entre un discours gauchiste et désabusé, et un vécu anxieux et égoïste). 
On pense - on l'a dit plus haut - qu'il y a de la politique plusieurs définitions. Le mouvement pour une critique de l'éducation procède de la politique. La boucle est bouclée : le capital se maintient par une division de la société en classes. L'organisation idéologique de la société suppose l'existence d'une catégorie assez nombreuse de travailleurs intellectuels spécifiques. Ces derniers sont en position de comprendre ce que peut signifier réellement la reproduction des rapports sociaux de production. Ils vont alors investir sur leur vie quotidienne, et commencer par ce qui en constitue le fondement humain: les enfants. 
S'il n'y a pas d'enfants d'ouvriers dans les quelques écoles parallèles existantes, ce n'est pas par hasard ou par ségrégation (on serait tellement heureux d'y être plus «social»!). C'est bien parce que seuls, ou presque, les travailleurs idéologiques sont en position matérielle et subjective de se poser la question et d'avoir la pratique d'une «alternative» à ce qu'on pourrait appeler la vie quotidienne d'Etat, puisqu'elle est organisée par les appareils idéologiques d'Etat. 

... et des privilégiés 

Par là, on voit encore les limites de ce qu'est une école parallèle, qui se satisfait de la prise en charge des enfants pen­dant la période «normale» de l'activité scolaire (la journée, la semaine, en dehors des vacances). L'école parallèle est rendue possible par le statut des parents. Elle en procède doublement: socialement, car elle est une école de petits bourgeois; dans son fonctionnement, car l'école a pour limite l'existence des familles. Ah! ce n'est pas bien drôle ... L'école parallèle est, en tendance, asymptotique de l'école ordinaire. Et pourtant, cela existe, cela en vaut la peine, autant pour ce qui y est que pour ce qui n'y est pas. 
On ne peut pas nier (encore que beaucoup le fassent) que les enfants des écoles parallèles jouissent d'un espace de liberté qu'ils ne trouveraient pas ailleurs. Ce sont des privilégiés ­ certainement - et ils le sont d'autant plus qu'ils payent cette parenthèse de liberté par le doute, voire l'angoisse, qui sourd parfois chez leurs parents et dans leur tête d'enfants «pas comme les autres». L'école parallèle existe aussi par ce qui n'y est pas - ou seulement partiellement ou d'une façon contestée: un fonctionnement véritablement collectif, qui déborderait le cadre scolaire ou anti-scolaire, pour prendre réellement en compte la critique de la famille, du couple, du salariat. 
L'école parallèle n'est qu'une potentialité, limitée dans son fonctionnement par son recrutement social. Seul un collectif portant sur l'ensemble de la vie quotidienne peut constituer, sinon un projet, du moins une démarche politique cohérente, dans laquelle pourraient s'intégrer des personnes provenant d'autres classes que de la petite bourgeoisie intellectuelle, même si celle-ci doit rester - et sans doute pour une longue période - dominante dans de telles pratiques (16). 
On ne prétend certainement pas - comment le pourrait­on ? - épuiser là l'interrogation. Qu'est-ce qui est politique? Où est la politique? A l'usine, à la maison, au Parlement, dans les appareils, dans les Institutions? on a beaucoup insisté sur le balancement usine/maison. On a beaucoup idéalisé la notion de quotidien. On a nettement privilégié la notion d'éducation-critique. 
Dans ces conditions, toute la réflexion semble se dérouler dans un espace donné - l'espace du quotidien - et pour une classe donnée - les intellos (petits profs, marginaux, mais pas «lumpen», etc.). On a bien conscience des limites d'une telle analyse. L'espace/temps dont il est question ici, c'est finalement celui des privilégiés de la culture, et l'on ne peut, à ce niveau, parler d'une conquête politique du temps libre, d'un «droit à la paresse». Cette relative disponibilité des intellectuels (au sens large), c'est un fait acquis, un semi-privilège de classe, rien de plus (ce n'est pas «mal», mais ce n'est pas d'emblée «politique»). 
 

Questions aussi à la famille, au travail 

Une tentative de prise en charge collective du quotidien, en dehors de l'institution, en dehors du cadre étatique, a certainement une signification politique. Mais, au fond, ce n'est pas «en soi» qu'une telle démarche critique est politique. Elle ne l'est que si elle n'esquive pas tous les problèmes qui se posent concrètement. Si l'on prend l'exemple de ce qu'il est convenu d'appeler une école parallèle, on s'aperçoit qu'il ne se pose pas seulement la question d'une éducation plus libre des enfants, mais qu'au contraire, toute une remise en cause de la famille, du travail, du statut de classe est, pour le moins, sous-jacente. Cela ne veut pas dire que tout sera résolu, dans un sens politi­que, mais les conditions mêmes d'une approche critique sont réunies. 
On l'a vu et répété, les lieux différents pour enfants (écoles parallèles, collectifs, écoles nouvelles etc.) ont le plus souvent un recrutement social bien déterminé. Cela entraîne-t-il des conséquences? Certainement, et qui vaut dans le sens d'une limitation du projet. 
On a déjà parlé de la séparation entre l'école et la famille. 
Il y a aussi la séparation entre le projet collectif «spécialisé» en l'occurrence, un projet de lieu pour enfants - et l'expérience sociale globale des adultes qui y participent (travail, pratique politique, syndicale etc.). Une séparation de ce type ne peut qu'œuvrer dans le sens d'un appauvrissement des buts initiaux, quels qu'ils soient. 
Brûle-t-on déjà ce qu'on veut, laborieusement, dans ces pages, défendre et illustrer? .. Assurément pas. On tient trop à l'existence d'un lieu de liberté relative pour quelques enfants. On tient trop aussi à l'existence d'une pratique minimale, à condition de déterminer le seuil à partir duquel le minimum devient franchement nul. On indique seulement qu'il existe un certain nombre de problèmes, de contradictions, dont il faut tenir compte, sauf à faire de la pédagogie de luxe, c'est-à-dire quelque chose d'inintéressant, aussi bien pour le luxe que pour la pédagogie. 

Quelques pratiques «exemplaires» 

Il n'existe pas de recette, pas de solution, mais on peut penser à quelques pratiques «exemplaires», à quelques groupes qui, deci, de-là, s'accrochent à la réalité et y impriment leur marque. On parlera plus loin des Berlinois dans la Kommune 2 ; on parlera aussi, plus près dans l'espace et le temps, des gens, des femmes d'Aix. 
Aix-en-Provence? Oui, dans la banlieue d'Aix, dans une belle maison isolée, il se passe des choses singulières : une communauté, une école, et bien d'autres choses encore. Ce qui frappe, justement, dans l'expérience de ce groupe communautaire, c'est la globalité de sa pratique. Ces filles (il y a aussi des garçons, mais les filles, majoritaires, donnent le la, ne serait-ce que parce que le groupe milite aussi autour du mouvement des femmes, pour l'avortement, la contraception et le reste), ces filles parviennent à tenir le rythme épuisant de journées, de semaines, où sont associés un travail ouvrier (30 à 40 heures) une pratique syndicale active (déléguées du personnel et déléguées syndicales, une pratique militante de femmes (avortements, accouchements etc.), l'animation de groupes d'enfants (garderie du mercredi, plus une école pour une vingtaine d'enfants de 0 à 16 ans), la vie du groupe communautaire proprement dit et, peut-être aussi ... des vies personnelles, intenses et secrètes. 
Il y a, à Aix, un souci permanent de relier la pratique du groupe communautaire à une réalité plus vaste, au monde du travail, à la lutte des classes. Il n'y aurait plus, par conséquent, cette coupure dont parle Marx entre «les limites restreintes de l'existence personnelle» et la société dans son ensemble; au contraire, l'existence personnelle serait la condition même d'une pratique globale. 
C'est un fait que l'école parallèle d'Aix procède directement de l'engagement militant des filles et des garçons du groupe (plusieurs des membres du groupe ont un «passé politique» marqué, aussi bien au P.S.U. que dans des organisations «marxistes-léninistes»). Elle s'est créée à partir d'une garderie du mercredi née à l'initiative de la communauté, subventionnée par le Comité d'entreprise de la boîte où sont employées plusieurs des femmes du groupe. Plus tard, il fut décidé (1976) d'aller plus loin, et l'école, c'est-à-dire un lieu permanent, fut ouverte, également dans la maison du groupe, pour une vingtaine d'enfants de 0 à 16 ans. (il n'y a pas de locaux ni d'âge séparés - puisque l'école doit prolonger le reste de la vie). 
 

A Aix, en dehors de la marge ... 

A cette école vont donc les enfants du groupe communautaire et - c'est-à-dire les 2/3 de «l'effectif» - les enfants des ouvrières qui travaillent avec les filles du groupe. Ces dernières se sont aperçues, en discutant avec leurs collègues, leurs camarades ouvrières, que pour celles-ci, l'école représentait, le souci dominant - non pas, bien sûr, en tant que lieu d'oppression (critique intellectuelle) - mais en tant que lieu de sélection dont étaient éliminés, à terme, leurs enfants (17). 
Le recrutement est très largement ouvrier. C'est un fait assez rare pour qu'on puisse le noter. On l'a vu, les écoles parallèles se développent d'ordinaire dans des milieux plus favorisés. Il n'en est pas ainsi à Aix, parce que la pratique «pédagogique» du groupe est reliée à d'autres pratiques: vie communautaire, militantisme, travail en usine. Il est sûr, à cet égard, que seul un contact direct entre les ouvrières «d'origine» et les ouvrières «intellectuelles» a pu pousser celles-là à mettre leurs enfants dans l'école créée par celles-ci. L'existence officielle de la garderie a servi en quelque so'rte de caution à l'existence marginale de l'école. Celle-ci est prise en charge par un permanent (du groupe communautaire), plusieurs intervenants «extérieurs», bénévoles, dont pas exemple, pour l'enseignement de la langue étrangère, une ouvrière portugaise, et un instituteur payé par la communauté. 
Cette «école» d'Aix doit faire face à des contradictions. 
Mais on voulait ici donner un exemple, illustration d'une pratique «parallèle», qui peut se dérouler sur une autre scène qu'au théâtre un peu étroit de ce qu'il est convenu d'appeler la contre-culture, la marginalité. 
Il s'agit maintenant de retrouver plus directement ces enfants qui nous enchantent - sans perdre de vue pour autant, ces adultes qui nous glacent
 


(1) La pensée, juin 1970. 

(2) C. Vasquez : «L'école et le P. C.», Mémoire de Droit, Paris l, 1972; La nouvelle-critique n° 49 et n° 53, janvier et mai 1972. 

(3) L'école capitaliste en France, Maspero. 

(4) Il s'agit en fait de stratégie politique: l'école est un lieu d'alliance entre bourgeoisie et petite bourgeoisie, contre le prolétariat. C'est à l'école que la petite bourgeoisie institue dès l'origine sa «différence», d'où la nécessité de faire éclater la contradiction et de montrer par là la prolétarisation de fait de cette petite bourgeoisie irrécupérable, pour la Révolution, en tant que telle. 

(5) La différence d'analyse sur l'école entre le P.c. et des auteurs comme Baudelot et Establet procède d'une analyse différente sur les alliances de classes. Pour le P.c., l'alliance entre petite bourgeoisie et prolétariat est possible et nécessaire (front anti-monopoliste). Pour les maos, c'est exclu, et il faut, au contraire, tout axer sur la prolétarisation de la petite bourgeoisie. Pour le P.c., défendre l'école et sa démocratisation, c'est réaliser l'alliance nécessaire; pour les maos, au contraire, rejeter l'école (capitaliste) s'impose pour détruire l'obstacle idéologique à la prise de conscience par la petite bourgeoisie de sa prolétarisation. 

(6) L'école de Jules Ferry est morte, Poche rouge, Maspero - L.C.R. 

(7) Dans cette charte, il va s'agir, non pas d'une analyse politique de l'école et de la famille, mais d'un catalogue de revendications, légitimes, mais sans lien, sans cohérence. En fait, il y a bien une cohérence: c'est une «Socialisation» toujours plus poussée du citoyen-enfant. «Désormais les enfants fugueurs n'auront plus affaire ni à la police; ni à la justice. Ils auront affaire à des «commissions d'arbitrage mixte», c'est-à-dire à des psychiatres .... Sous surveillance psychiatrique, avec le droit de vote à 12 ans (encore mieux que Giscard), l'enfant n'est plus seulement un consommateur à part entière, c'est un citoyen. Quelle promotion! Et Europe N°1 peut se payer le luxe d'être «de gauche» en la matière, puisque certains députés (R.I.), particulièrement conservateurs, ont protesté contre cette émission, qui remettait en cause les grandes valeurs de l'autorité et de la famil­le. Mais la structure familiale, l'Œdipe normalisateur, n'est plus seulement à la maison. Œdipe s'est maintenu, en se socialisant dans les institutions, qui, elles, socialisent l'enfant dès son plus jeune âge: crèches, maternelles, colonies de vacances, télé, etc. 

(8) L'école émancipée est une des tendances - d'extrême gauche - de la F.E.N., la Fédération de l'Education nationale. 

(9) L. Althusser: «La pensée», op. cit. 

(10) Le 18 Brumaire, de L. N. Bonaparte, Editions sociales, 1969, p. 24. 

(11) D'ailleurs, il faut bien remarquer que les travailleurs susceptibles de participer à ces coopératives étaient le plus souvent des ouvriers de «métier», des artisans, par opposition au prolétariat non qualifié de la grande industrie. 

(12) Même si Proud'hon, par exemple, l'un des théoriciens de la eoopération, rejette farouchement l'idée d'un épanouissement de l'homme en dehors du travail. 

(13) L. Althusser, op. cit. A remarquer que, lorsqu'Althusser parle d'idéologie, il évoque aussi bien des idées que des pratiques concrètes: «Nous parlons d'actes insérés dans des pratiques ... nous dirons donc, à ne considérer qu'un sujet (tel individu), que l'existence des idées de sa croyance est matérielle, en ce sens que ses idées sont ses actes matériels insérés dans des pratiques matérielles, réglées par des rituels matériels, eux-mêmes définis par l'appareil idéologique dont relèvent les idées de ce sujet.» 

(14) Statistique LN.S.E.E. 1974. Tableau par catégorie d'emplois sur la population active dans le secreur privé. 
D'une façon très approximative, on peut regrouper, à l'exclusion des cadres supérieurs, sous le vocable travailleurs intellectuels (c'est-à-dire disposant d'un certain savoir et n'assurant pas un travail directement manuel), les techniciens, les cadres, les personnels des services ayant une qualification, soit 33,1 % du total de la population active privée. 
On ne veut pas dire que plus du tiers de la population active a un statut intellectuel au sens restreint. On veut seulement indiquer par là que ce que nous appelons la petite bourgeoisie intellectuelle se fonde sur cette base de masse. 
Par ailleurs, les chiffres précités sont amplifiés par les statistiques de la Fonction publique (11 % de la population active - soit environ 2 350 000 personnes), qui emploie largement un personnel de classe moyenne intellectualisée. Par exemple, le ministère de l'Education nationale regroupait en 1974, 880 000 fonctionnaires, dont 500 000 enseignants. 

(15) Ne serait-ce que parce que c'est justement à l'école que la petite bourgeoisie - dans son ensemble - préserve, dès l'origine, sa spécificité au moins idéologique, par rapport au prolétariat. 

(16) A noter, enfin, que la tendance générale au raccourcissement du temps de travail (projet de plus en plus précis de la semaine de 35 heures), consécutive aussi bien à la crise qu'au progrès technique, doit permettre, à terme, à davantage de travailleurs de s'intéresser, par exemple, à une critique de l'éducation de leurs enfants. 

(17) La question qu'on peut se poser à propos de ces ouvrières sous-payées, souvent seules avec leurs enfants, c'est de savoir si elles sont représentatives de l'ensemble du monde ouvrier français ou de sa marge - de sa marge «inférieure» - immigrés, jeunes, femmes, doublement exploitée. L'opinion que se fait l'ouvrier français, «intégré», de l'école est peut-être différente ...

ED. 2008 DU GUIDE ANNUAIRE DES ECOLES DIFFERENTES

| Présentation | SOMMAIRE |
| Le nouveau sirop-typhon : déplacements de populations ? chèque-éducation ? ou non-scolarisation ? |
| Pluralisme scolaire et "éducation alternative" | Jaune devant, marron derrière : du PQ pour le Q.I. |
| Le lycée "expérimental" de Saint-Nazaire | Le collège-lycée "expérimental" de Caen-Hérouville|
| L'heure de la... It's time for ... Re-creation | Freinet dans (?) le système "éducatif" (?) |
| Changer l'école | Des écoles différentes ? Oui, mais ... pas trop !| L'école Vitruve |
| Colloque Freinet à ... Londres | Des écoles publiques "expérimentales" |
| 68 - 98 : les 30 P-l-eureuses | Et l'horreur éducative ? |